Bienvenue à la ferme du Loriot. Perdue au milieu du Cantal, cette propriété de huit hectares, toute en collines ne ressemble en rien aux autres porcheries. On y trouve la maison de Nicolas et de sa femme, Véronique, une grange pour ranger le tracteur, et une annexe pour les outils. Et puis des champs, à perte de vue. Pas de grands bâtiments avec des sols en caillebotis, comme dans 96 % des élevages français.
L'histoire de Pif et le Choix d'un Élevage Alternatif
Le verrat de la ferme du Loriot a de la chance. Son éleveur n’a jamais pu castrer le jeune cochon, car un de ses testicules était resté coincé dans son abdomen. Ni l’envoyer à l’abattoir avec ses frères et sœurs puisque, avec la puberté, sa viande a perdu en qualité. Ensuite, alors qu’il risquait toujours d’être transformé en brochettes pour la consommation personnelle de son propriétaire, un jeune fermier l’a racheté : il cherchait un mâle reproducteur pour sa porcherie. Cette histoire, Nicolas Fresneau, le sauveur en question, nous la raconte en couvant du regard son petit protégé. Au pied de la colline, Pif avale tranquillement son déjeuner, entouré de cinq femelles. Il y avait une chance sur un million qu’il connaisse un tel destin. La plupart des producteurs de porcs n’auraient pas su quoi faire de lui, puisqu’ils recourent aux inséminations artificielles.
Au départ, le couple achète seulement 5 truies, alors que les naisseurs-engraisseurs, ces éleveurs qui s’occupent des porcelets de la naissance à l’abattage, en possèdent en moyenne 215. Un pari risqué, car, il y a encore six ans, les Fresneau ne connaissent rien à l’agriculture. Nicolas travaillait auparavant dans l’horlogerie suisse, Véronique, dans l’humanitaire. Ils ont juste suivi une formation de responsable d’exploitation agricole de neuf mois.
« Même si on n’avait pas d’expérience, on n’avait pas envie de prendre exemple sur les autres éleveurs, ni d’écouter les conseils des techniciens de la chambre d’agriculture, qui nous encourageaient à prendre plus de bêtes », raconte Nicolas. Bilan, cinq ans après l’installation : des revenus modestes mais suffisants, des horaires décents, et un travail qui leur plaît. Alors que beaucoup d’éleveurs porcins suent à grosses gouttes pour joindre les deux bouts. Par quel miracle ? Il suffit de regarder travailler les jeunes éleveurs pour le comprendre.
Les Pratiques d'Élevage à la Ferme du Loriot
À l’heure du petit déjeuner, comme dans tous les élevages de cochons du monde, les couinements des bêtes s’entendent à plusieurs kilomètres à la ronde. Tandis que, ailleurs, les producteurs n’ont qu’à appuyer sur un bouton pour distribuer la nourriture, Nicolas et Véronique remplissent les mangeoires une par une, à la main. Puis l’ex-horloger descend une côte d’une centaine de mètres pour libérer le groupe des « expats », âgés de dix mois, puis celui des « chanchos » (c’est ainsi qu’on appelle un cochon au Mexique), qui ont sept mois. Quand Nicolas ouvre une barrière, le sol se met à trembler. Têtes levées et oreilles plaquées sur le crâne, les animaux grimpent la côte au galop. Ce rituel matinal dure une bonne heure.
« C’est du temps bien employé, pendant lequel on a un vrai contact avec nos animaux, analyse Véronique. C’est nécessaire quand on veut faire de la viande de qualité. La qualité ne se paie pas forcément beaucoup plus cher. Véronique et Nicolas cultivent 2,5 hectares d’un mélange céréalier à la ferme, le complètent avec d’autres céréales, achetées chez un agriculteur bio du coin, un cocktail d’huile de poisson, de magnésium et d’ortie, et préparent le tout dans un grand moulin à farine qu’ils ont installé dans l’annexe. Par conséquent, ils déboursent seulement trois cents euros pour une tonne de cette nourriture bio de très bonne qualité. À peine 25 % de plus que pour un aliment industriel conventionnel. Ils ont aussi choisi d’élever leurs bêtes pendant onze ou douze mois, alors que la plupart des autres éleveurs s’en séparent aux alentours de six mois.
« Regardez la propriété. Nous avons fait un minimum de travaux, explique Nicolas. Nous avons juste surélevé le toit de la grange. Sinon, c’est moi qui a tout bricolé à la main. » La ferme est un patchwork de grands enclos délimités par des barrières en bois. Au milieu de certaines parcelles, des cabanes basses mais assez grandes pour qu’une quinzaine de cochons puissent s’y serrer en cas de grand froid. Les éleveurs n’ont pas non plus acheté la machinerie que l’on trouve dans les autres fermes : pas de système de distribution des aliments ni d’échographe. Les gros producteurs vérifient systématiquement que les inséminations artificielles ont bien fonctionné. S’ils ne le font pas, l’organisation de l’exploitation s’en trouve bouleversée.
À la ferme du Loriot, la reproduction est organisée en deux groupes de deux ou trois truies. Tous les six mois, chaque groupe produit une portée de porcelets. Une nouvelle génération de cochons voit donc le jour chaque trimestre. La prochaine va d’ailleurs bientôt arriver. Pif, le mâle difforme, regarde s’éloigner sans broncher les femelles dont les ventres rebondis frôlent le sol. Direction le bâtiment de la maternité. Sur la quarantaine de petits qui vont naître, les Fresneau vont en garder une quinzaine pour les élever, et vendre les autres dès leur sevrage. Mais, si tout est calculé, les éleveurs peuvent se permettre de petits écarts. « Une fois, Pif n’a pas fait son travail correctement. Une des truies a été fécondée avec trois semaines de retard, raconte Nicolas.
Si Véronique et Nicolas peuvent se permettre de laisser les bêtes se reproduire naturellement, de les nourrir à la main, ou de ne pas avoir d’employé à rémunérer, c’est qu’ils ont peu d’animaux. Entre les reproducteurs et les « charcutiers », ils s’occupent de 70 bêtes. Dix fois moins que dans un élevage moyen local, vingt fois moins qu’un élevage breton, qui en compte 1 400 ! Et plus de 300 fois moins que dans le projet de porcherie industrielle très contesté de Poiroux, en Vendée.
« Nous travaillons 36 heures par semaine, réparties sur sept jours, détaille Véronique. Il faut dire que certaines besognes particulièrement pénibles leur sont épargnées. Comme ce qu’on appelle dans le milieu les « soins aux porcelets », qui consistent, au moment du sevrage, à sectionner la queue de l’animal. Ou le rognage des dents des nouveaux-nés, qui évite que les porcelets ne mordent leur mère quand ils tètent. Ces pratiques sont répandues dans les élevages conventionnels en bâtiments. Les animaux, entassés, dont beaucoup de besoins ne sont pas satisfaits, développent des comportements anormaux et s’en prennent parfois à leurs compagnons de cellule. Rien de tout ça à la ferme du Loriot. « Nous n’en avons pas besoin, explique Véronique.
Valorisation et Vente Directe : Un Modèle Économique Durable
Les éleveurs tirent tous leurs revenus des deux ou trois porcs envoyés à l’abattoir toutes les deux semaines (60 à 80 par an). Alors, pour que cela leur rapporte assez, ils ont fait le choix de s’occuper eux-mêmes de la transformation. Pour deux animaux, cela représente deux jours de travail et la location d’un laboratoire situé à 40 kilomètres. Soit un tiers des frais de la ferme. Mais cela en vaut la peine. À la sortie de l’abattoir, les transformateurs de viande rachèteraient aux éleveurs leur porc bio à 3,50 euros le kilo. Une fois transformé, le couple le vend, toutes pièces de viande confondues, 7,30 euros le kilo, soit plus du double.
« C’est sur cette dernière étape que se fait la plus-value, analyse Véronique. On a appris aux agriculteurs à externaliser la plupart de leurs tâches. La transformation, la vente et, dans certaines fermes, la reproduction ou l’engraissement. Alors que les éleveurs en conventionnel sont obligés de céder leur production au prix de référence national, qui oscille entre 1,30 et 1,40 euros le kilo, Véronique et Nicolas, qui vendent directement leurs produits dans un circuit court entre producteurs et consommateurs - type Amap (association pour le maintien d’une agriculture paysanne) - ou au marché d’Aurillac, fixent eux-mêmes leurs tarifs. « Nous avons choisi ce prix parce qu’il n’est pas trop élevé pour le consommateur, et qu’il nous permet de vivre, explique Nicolas. Les clients semblent ravis du rapport qualité-prix. Travers, saucissons et côtes-échines de la ferme du Loriot ne demeurent pas longtemps sur les étals, malgré leurs prix plus élevés.
Leurs côtes de porc bio demeurent cependant deux fois et demie plus cher que les côtes de porc conventionnel vendues en grande et moyenne surface. Le prix à payer pour la qualité, une pollution limitée et pour permettre aux éleveurs de vivre de leur métier. « Ce n’est pas plus cher que du porc vendu à la boucherie, qui n’est ni bio ni élevé en plein air, et qui est moins bon, assure Anne, une adhérente de l’Amap qu’approvisionnent Nicolas et Véronique.
Les Étapes de l'Élevage Porcin
La conduite d'un élevage se compose de trois périodes principales : le naissage, le post-sevrage et l’engraissement. A chaque stade de développement des animaux correspond un espace adapté à leurs besoins spécifiques. La truie est fécondée par insémination artificielle ou saillie. On appelle verraterie la salle où est réalisée la fécondation. La gestation de la truie dure 3 mois, 3 semaines et 3 jours. Au terme de la gestation, la truie met bas une portée moyenne d’une douzaine de porcelets. Pendant 1 mois, elle reste avec ses porcelets et les allaite. Le porcelet va passer d’une alimentation lactée (lait maternel) à une alimentation solide. Il quitte la maternité pour continuer à grandir dans une autre salle chauffée, avec des porcelets du même âge. A l’issue du post-sevrage, le porc est élevé pendant 3 à 4 mois en vue de fournir de la viande.
Diversité des Systèmes d'Élevage en France
Il existe en France 3 systèmes d’élevage pour les porcs : en bâtiment sur caillebotis, en bâtiment sur paille, en plein air. En fonction de ses aspirations et des caractéristiques de son exploitation (ancienneté, surface, nombre de personnes, climat…), l’éleveur fait le choix de l’un ou l’autre mode d’élevage.
- Élevage sur caillebotis : Les animaux vivent dans des bâtiments dont le sol est ajouré. Appelé caillebotis, ce sol permet l’évacuation rapide des déjections animales et de l’eau de lavage du sol dans des fosses situées dans la partie basse des bâtiments. Le porc est un animal qui aime la propreté : l’élevage sur caillebotis répond à ce besoin en permettant de garder un espace de vie propre pour les animaux. Le mélange de déjections et d’eau s’écoule ensuite vers des cuves de stockage : les fosses à lisier. Le lisier est stocké en attendant le moment propice à la fertilisation des cultures. En France, l’immense majorité des porcs sont élevés en bâtiment sur caillebotis.
- Élevage sur paille : Comme pour l’élevage sur caillebotis, les porcs sont élevés dans des bâtiments à une différence près : le sol n’est pas ajouré mais bétonné et recouvert d’une litière. Cette litière, faite la plupart du temps de paille, peut également être constituée de sciure ou de copeaux de bois. Ce type d’élevage nécessite d’avoir suffisamment de paille disponible et demande davantage de main d’œuvre car la litière doit être changée régulièrement pour conserver un espace suffisamment propre aux animaux.
- Élevage en plein air : Dans ces élevages, les animaux sont élevés à l’extérieur. Le porc étant un animal sensible aux variations de température, il doit être protégé du froid et de la chaleur. L’éleveur dispose alors des abris paillés à l’intérieur et surmontés d’une toiture en tôle. Il met également en place des clôtures de protection contre la faune sauvage. Ce système d’élevage nécessite de disposer de surface de terres suffisantes pour assurer une rotation des parcelles.
L'Élevage de Porc en France : Tradition et Modernité
La France reste un des rares pays où les élevages de Porc sont encore indépendants et se transmet de génération en génération pour perpétuer la tradition familiale. Les tailles des fermes varient suivant les régions mais elles sont les plus faibles d'Europe (environ 150 à 200 truies).
Tableau Comparatif des Systèmes d'Élevage Porcin en France
Système d'Élevage | Environnement | Avantages | Inconvénients |
---|---|---|---|
Sur Caillebotis | Bâtiment avec sol ajouré | Évacuation rapide des déjections, propreté | Peut être moins confortable pour les animaux |
Sur Paille | Bâtiment avec litière | Confortable pour les animaux | Demande plus de main d'œuvre pour le nettoyage |
En Plein Air | Extérieur avec abris | Bien-être animal, qualité de la viande | Nécessite de grandes surfaces et protection contre les intempéries |
Les Obligations Légales
L’article D212-34 du Code rural précise les obligations légales à suivre, différentes selon le nombre de cochons. Il s’agit entre autres d’une déclaration d’exploitation et de site d’élevage, de bouclage des animaux et de tests de prophylaxie (dépistage de maladies telles que la maladie d’Aujeszky et le syndrome dysgénésique et respiratoire du porc, SDRP, selon les départements).
L’alimentation est à volonté ! Le cochon est omnivore et mange plus en groupe que seul. L’orge sera la base de son alimentation à condition d’être aplatie.
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