Autour d’un barbecue, d’une table végétarienne, dans les médias ou en politique, le sujet de la consommation de viande rouge reste sensible. Pourtant, pour ne pas mettre notre santé en péril, elle ne devrait pas figurer plus de deux ou trois fois par semaine à nos menus. Découvrons quels effets néfastes la viande rouge peut avoir sur notre santé si elle est consommée en trop grande quantité.
Les risques pour la santé liés à la surconsommation de viande rouge
Les données scientifiques s’accumulent année après année, et leurs conclusions sont de plus en plus claires. La surconsommation de viande rouge est néfaste pour la santé et augmente les risques de développer des cancers et maladies cardiovasculaires. C’est ce que rappelle l’Organisation mondiale de la Santé, dans un nouveau rapport publié le 10 juillet. Le document, qui analyse l’ensemble des données scientifiques disponibles sur le sujet, vient confirmer et renforcer son avis sur la question, qu’elle avait déjà formulé en 2015.
L’OMS confirme ainsi qu’au-delà de 300 à 500 grammes par semaine, la consommation de viande rouge - qui englobe le bœuf, le veau, le porc, l’agneau, le mouton, le cheval et la chèvre - peut augmenter les risques de cancers colorectaux et de l’intestin, et de maladies cardiovasculaires. Les viandes transformées et ultra-transformées, comme le salami, le jambon, les nuggets, etc., se révèlent encore plus dangereuses, puisque les liens avec une augmentation du risque de cancer sont établis à partir d’une consommation supérieure à 80 g par semaine.
L’OMS classe ainsi les viandes transformées comme des agents cancérogènes de groupe 1, signifiant que les preuves établissant un lien entre leur consommation et une augmentation du risque de cancer sont solides et font consensus. Les autorités sanitaires recommandent de ne pas dépasser trois portions de viande rouge par semaine. Selon plusieurs études, la consommation de viande rouge augmenterait de 24 % le risque de cancer du côlon, et de 20 à 60 % ceux de l’œsophage, du foie, du pancréas ou du poumon.
Entre cancers et maladies cardiovasculaires, le risque global pour les grands consommateurs de viande rouge d’être victimes de l’une de ces maladies est majoré de 31 % pour les hommes et de 36 % pour les femmes. Les charcuteries sont aussi concernées : une ration quotidienne comprise entre 50 et 80 g accroît le risque de décès de 9 %, de 21 % pour une portion comprise entre 80 et 160 g.
Aujourd’hui, la majorité des scientifiques s’accorde à dire que des milliers de décès prématurés pourraient être évités si les gens mangeaient moins de viande rouge et de charcuterie.
Pourquoi la viande rouge est-elle dangereuse ?
Si la viande rouge en excès nuit au système cardiovasculaire, ce peut être dû à sa haute teneur en graisses et en cholestérol. "Ces résultats apparaissent logiques car les acides gras saturés, le fer et les nitrites, contenus dans ces viandes rouges et transformées, sont des facteurs connus de risque de cancers, notamment du côlon, et le sel des produits transformés peuvent augmenter les maladies cardiovasculaires et l’hypertension, précise Antoine Flahault, épidémiologiste, directeur de l’Institut de santé globale et professeur à la faculté de médecine de Genève.
Cela étant, il semblerait que le microbiote intestinal ait aussi sa part de responsabilité dans cette association. Dans une étude parue dans la revue Nature Microbiology le 23 décembre 2021, des chercheurs rapportent que le composé triméthylamine-N-oxyde (TMAO), produit par certaines bactéries intestinales, augmenterait le risque de problèmes cardiovasculaires (crise cardiaque, accident vasculaire cérébral…).
Produit à partir de molécules telles que la choline, la lécithine ou la carnitine, abondantes dans les produits d’origine animale, le TMAO s’est avéré être une sorte d’indicateur de risque cardiovasculaire.L’équipe de recherche a en outre découvert qu’une consommation importante de viande rouge, c’est-à-dire comme source principale de protéines durant un mois, était associée à des niveaux de TMAO deux à trois fois plus élevés que chez les personnes variant leurs sources de protéines (avec de la viande blanche ou des légumineuses, par exemple).
La bonne nouvelle, c’est que cette hausse des niveaux de TMAO produites par les bactéries intestinales serait réversible. Dans les trois à quatre semaines suivant la suppression de la viande rouge dans l’alimentation des participants, les niveaux de TMAO sont revenus à la normale, ou du moins à des taux plus “sains”.
“Nous savons que les facteurs liés au mode de vie sont essentiels à la santé cardiovasculaire, et ces résultats s'appuient sur nos recherches antérieures sur le lien entre le TMAO et les maladies cardiaques”, a commenté le Dr Stanley Hazen, auteur de l'étude et président du département de médecine cellulaire et moléculaire du Lerner Research Institute de la Cleveland Clinic (Ohio, États-Unis). “Ils fournissent des preuves supplémentaires de la façon dont les interventions diététiques peuvent être une stratégie de traitement efficace pour réduire les niveaux de TMAO et [in fine] le risque ultérieur de maladie cardiaque”, a-t-il ajouté.
Un abus de viande rouge peut être toxique pour l'organisme... mais pourrait également l'être pour la santé mentale. Une étude menée en 2016 par des chercheurs américains et australiens, et publiée par la revue British Journal of Nutrition, a établi un lien entre la consommation d’aliments pro-inflammatoires, comme la viande rouge, et les risques de dépression.
Les scientifiques ont étudié l’alimentation d’environ 6 400 femmes âgées de 52 ans en moyenne entre 2001 et 2013. Résultat : "Les aliments pro-inflammatoires causent ou aggravent un état d'inflammation dans tout le corps, y compris le cerveau", expliquent-ils. Les femmes y seraient deux fois plus sensibles que les hommes. 18% des femmes ont présenté plus de risques de souffrir d’une dépression, tandis que celles qui ont privilégié des aliments anti-inflammatoires ont diminué leur risque de 20%.
La charcuterie et les viandes rouges sont directement associés à une augmentation du risque de cancer colorectal. C'est désormais le cas, comme l'expliquent des scientifiques du Dana-Farber Cancer Institute, dont l'étude est parue en juin 2021 dans la revue Cancer Discovery. Celle-ci révèle qu'il existe des caractéristiques spécifiques des dommages causés sur l'ADN par un régime alimentaire très riche en viande rouge.
Les chercheurs ont séquencé l'ADN de 900 patients atteints d'un cancer colorectal. Les résultats ont révélé la présence d'un type de dommage de l'ADN spécifique, qui n'avait jamais été identifiée auparavant, portant le nom d'alkylation. Cette mutation était significativement associée à la consommation de viande rouge, transformée et non transformée, avant le diagnostic de cancer du patient, mais pas à la consommation de volaille, de poisson ou à d'autres facteurs liés au mode de vie.
Elle était également associée à la survie des patients : ceux dont les tumeurs cancéreuses présentaient les niveaux les plus élevés de dommages par alkylation présentaient un risque de décès lié au cancer colorectal 47% plus élevé. Quant à son origine, les chercheurs estiment qu'avec "la viande rouge, il y a des composés chimiques qui peuvent causer une alkylation". Ces composés peuvent être fabriqués à partir du fer (abondant dans la viande rouge) et des nitrates (présents dans la viande transformée).
Le danger d’une trop grande consommation de viandes rouges serait aussi lié au fait qu’elles renferment de grandes quantités de graisses saturées. En favorisant l’excès de cholestérol sanguin, les graisses saturées entraînent la formation de plaques d’athérome à l’origine d’accidents cardiovasculaires.
Deuxième facteur de risque important : les hydrocarbures aromatiques polycycliques, des substances hautement cancérogènes, générées lors d’une cuisson à haute température. La consommation régulière de plus de 150 g par jour de viandes cuites au barbecue, poêlées à feu vif, ou saisies au grill favoriserait ainsi le développement d’un cancer.
Enfin, d'autres études ont mis en cause la carnitine contenue dans la viande. Cette molécule se transforme en oxyde de triméthylamine (TMAO), un composé qui modifie le métabolisme du cholestérol et favorise le dépôt de cholestérol dans les artères, donc la constitution de plaques d'athérome.
Une étude publiée en mars 2021 dans l'American Journal of Clinical Nutrition considère la consommation quotidienne de viande transformée comme un facteur de risque non négligeable de démence, et ce indépendamment de la génétique.
Qu'est-ce que la viande transformée ?
Est considérée comme de la viande transformée la viande ayant subi un processus de salaison, maturation, fermentation, fumaison ou autres, mis en oeuvre pour rehausser sa saveur ou améliorer sa conservation. La viande hachée est considérée comme une viande transformée uniquement lorsqu'elle contient des additifs chimiques.
La consommation de viande transformée a été classée comme cancérogène pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer, mais une nouvelle étude révèle que son impact sur la santé concerne également le risque de démence.
Des scientifiques de l'Université de Leeds ont utilisé les données de 50 0000 personnes, et découvert que consommer une portion de 25g de viande transformée par jour, l'équivalent d'une tranche de bacon, est associée à un risque accru de 44% de développer la maladie. Si certaines personnes étaient trois à six fois plus susceptibles de développer une démence en raison de facteurs génétiques bien établis, les résultats suggèrent que "les risques liés à la consommation de viande transformée étaient les mêmes, qu'une personne soit prédisposée génétiquement ou ne l'était pas", notent les chercheurs.
Les alternatives à la viande rouge
Mais la viande rouge n'est pas la seule catégorie d'aliments source de protéines. Poissons et oeufs apportent des acides aminés essentiels, et d'autres aliments contiennent des protéines végétales. Il est bien sûr possible de trouver des protéines dans d’autres aliments.
- Les légumes secs ou légumineuses : associées aux céréales, les légumineuses sont une source de protéines aussi intéressante que la viande. Par exemple, une demi-tasse de haricots secs et quatre tasses de riz complet ont une teneur en protéines équivalente à… 500 g de steak !
- Les poissons : ils contiennent autant de protéines que la viande et renferment de "bonnes graisses", en particulier les oméga-3 ;
- Les œufs : remarquable source de protéines, on leur reproche leur teneur en cholestérol. Chez les personnes en bonne santé, le cholestérol alimentaire n’est que très peu corrélé au taux de cholestérol sanguin. La consommation de quelques œufs par semaine ne peut donc pas engendrer d’excès de cholestérol sanguin ;
- Les produits laitiers : le parmesan renferme 40 g de protéines pour 100 g, l’emmental 30 g/100 g.
Viande rouge et impact environnemental
L’OMS rappelle enfin que la production de viande rouge a un impact sur nos écosystèmes, d’une part parce que l’élevage en lui-même génère des gaz à effet de serre (GES) qui participent au réchauffement climatique, mais aussi parce qu’il provoque la déforestation des territoires via la création de champs où les ruminants peuvent brouter ou de champs de céréales et de soja destinés à nourrir les bêtes d’élevage intensif. Or les arbres permettent non seulement de capter du CO2 et de produire de l’oxygène, mais ils protègent également la biodiversité.
"L’élevage de bétail représente environ 80 % de l’ensemble des émissions de GES du secteur de l’agriculture, qui elle-même est à l’origine d’environ 30 % des GES dans le monde, précise Antoine Flahault. Diminuer la consommation de viande rouge en Occident permettrait à chacun de contribuer personnellement, et de façon assez substantielle, à la réduction de GES et de son empreinte environnementale".
Depuis des années, de nombreux experts estiment que la production et la consommation mondiale de viande rouge ne sont plus tenables à long terme. Et s’ils estiment que les décisions personnelles de modération ou de changement de régime ont leur importance, ils rappellent que les Etats doivent également agir, par exemple en modifiant leurs politiques qui encadrent leurs systèmes alimentaires afin de donner la priorité à la santé des personnes et à l’environnement.
Viande rouge et transformée dans le contexte de la santé et l’environnement
Au niveau sanitaire, la consommation excessive de viande rouge et/ou de viande transformée contribue à la forte prévalence des maladies non transmissibles : diabète de type II, maladies cardio-vasculaires et certains cancers. Au niveau environnemental, l’élevage de ruminants est associé à des impacts environnementaux importants.
La production de viande rouge et de lait contribue à 55 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’agriculture mondiale. 30 % de la biodiversité de la faune et de la flore ont été affectés par la déforestation liée à l’élevage. Certains systèmes de production animale peuvent avoir des effets positifs.
L’abandon des systèmes de production intensifs au profit de systèmes plus diversifiés et intégrés apparaît souhaitable. Pour les adultes, les recommandations actuelles émanant de diverses autorités sanitaires au sujet de la consommation de viande rouge se situent entre 98 g et 500 g par semaine, la fourchette basse étant la plus favorable.
Ainsi, dans les pays ayant accès à une alimentation abondante et variée, une diminution de la consommation de viande rouge et transformée est souhaitable.
La viande rouge : un aliment à consommer avec modération
Il existe donc des explications plausibles permettant de dire que la surconsommation de viande rouge peut être à l’origine de problèmes de santé, mais il ne faut pas oublier que des facteurs distincts peuvent entrer en jeu, comme le fait que les personnes qui mangent trop de viandes rouges peuvent avoir d’autres comportements néfastes pour leur santé - trop manger, boire trop d’alcool, consommer trop de sucre, fumer, etc. -, même si les études sur le sujet ajustent leurs résultats en prenant en compte ces paramètres.
L’instance internationale indique encore que la viande rouge est une importante source de fer, de vitamine B et de tous les acides aminés : des nutriments essentiels à la croissance, au développement et à la santé de l’être humain. Elle ajoute qu’ils peuvent aussi se trouver dans les haricots et les légumineuses, riches en fer et en vitamine B, même s’ils se présentent sous une forme moins facilement assimilable par notre système digestif.
D’ailleurs, l’OMS ne suggère évidemment pas aux populations souffrant de malnutrition d’éviter la consommation de la viande rouge. En revanche, les pays à fort revenus, principalement les pays occidentaux - dont la France -, qui dépassent les recommandations gagneraient à réduire leur consommation.
Idéalement, leurs habitants devraient éviter la viande transformée et favoriser la viande élevée dans de meilleures conditions, ou encore les légumes, voire la viande blanche et le poisson. "Il s’agit d’un sujet sensible et il convient d’être modéré. Il peut être bon de manger de la viande rouge, et si le risque d’augmentation de cancer lié à la surconsommation existe, ce n’est pas comparable aux risques du tabac ou de l’alcool, précise Antoine Flahault.
Le rapport a donc raison de souligner l’apport nutritionnel de la viande rouge, tout en insistant sur la nécessité de modérer sa consommation. D’autant qu’à 300 à 500 g de viande rouge par semaine, on reste encore loin de l’abstinence !".
Recommandations
La Société canadienne du cancer recommande de se limiter à 255 g de viande rouge cuite par semaine (soit trois portions de 85 g, ce qui correspond à une côtelette d’agneau). Elle recommande également d’éviter complètement la viande transformée. Pour la santé cardiaque en particulier, la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada recommande de préconiser les viandes maigres, comme le gibier, et de ne pas dépasser des portions de 110 g, soit la taille d’une paume de main.
A l’instar du Guide alimentaire canadien, elle suggère également de favoriser les aliments protéinés d’origine végétale. De nombreuses recommandations nutritionnelles dans le monde entier recommandent également de limiter la consommation de viande rouge pour des raisons environnementales.
Pour optimiser la nutrition humaine et la santé de la planète, la commission EAT-Lancet recommande de ne pas consommer plus de 98 g de viande rouge par semaine et de limiter la consommation de viande transformée.
Il est toujours possible d’apprécier la viande rouge lorsqu’elle est intégrée au sein d’un régime alimentaire sain, si elle n’est pas consommée en excès. Dans la mesure du possible, il est préférable d’opter pour des morceaux de viande non transformés ou maigres, et de limiter les grillades.
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