Les connaisseurs la nomment le « caviar de Bar ». Du caviar, elle en a les grains et la rareté. Cette confiture est une friandise rare. Fabriquée à Bar-Le-Duc depuis 1344, elle est également appelée le caviar français.
Une histoire séculaire
Cette confiture-là a aussi une histoire qui remonte au XIVe siècle. On raconte que Robert Ier, duc de la ville, ne supportait pas les pépins du fruit qui se logeaient dans ses cavités dentaires. On ne sait pas qui eut l’idée d’épépiner les grains un par un pour satisfaire à ses exigences. Mais la confiture - à ne pas confondre avec la gelée commune - était née.
La Gardienne de la Tradition : Anne Dutriez
Aujourd’hui, et depuis l’an 2000, Anne Dutriez et sa soeur sont les seules détentrices de la recette secrète. Anne achète environ 400 kg de groseilles à partir du mois de juin, au moment de la récolte chez les particuliers de la Meuse qui lui vendent les fruits cueillis à exacte maturité le matin même. Elle confie ensuite ces grains à ses « épépineuses ».
L'Art de l'Épépinage à la Plume d'Oie
Elles sont cinq au total à se transmettre ce savoir-faire de mères en filles contre 400 au début du siècle. La plupart du temps, elles rapportent les groseilles chez elles dans leur panier en osier et procèdent à l’épépinage patiemment. Car de la patience, il en faut. De bons yeux, de la méthode et des doigts agiles sont aussi nécessaires. Et, ustensile indispensable, une plume d’oie comme six siècles auparavant. Fabrication: l'épépinage à la plume d'oie préserve l'intégrité de la baie et la qualité de la confiture.
Chaque épépineuse commence par détacher les fruits de leur tige, puis se saisit d’une groseille entre ses doigts. Elle se munit alors de sa plume d’oie, dont la tige a été recoupée en biseau, et l’introduit dans chaque boule, avec grande précision. Elle en extrait les sept pépins contenus en moyenne dans chaque groseille avec la tige creuse de sa plume. Le geste ne dure pas plus que quelques secondes. Il faudra quand même pas moins de une heure et demie à chaque ouvrière pour traiter un kilogramme de fruits. Une épépineuse travaille de 2kg de fruits par jour.
La Touche Finale d'Anne Dutriez
C’est ensuite à Anne d’intervenir. Elle inspecte à nouveau chaque fruit afin de s’assurer que quelques pépins n’auraient pas été oubliés, puis elle les jette dans un sirop de sucre brûlant dans de vieilles bassines de plus de 100 ans. Elle verse la confiture dans de petits pots qui mettent en valeur les grains que la cuisson n’a pas abîmés. Au total c’est près de 5 000 pots par an qui seront préparés avec 2/3 de groseilles rouges et 1/3 de jaunes.
Un Délice Incomparable
Une confiture rare et délicate : les groseilles sont épépinées à la plume d'oie. Nullement changé depuis 1344, son mode de fabrication est un véritable jeu de patience pour celles que le terme local désigne sous le nom d'épépineuses. Le résultat est éblouissant, les parfums de groseille bien mûre explosent en bouche et donnent l'impression que les fruits viennent d'être cueillis. Il est vrai qu'un simple regard sur ce "Joyau enchâssé dans un écrin de verre" suffit pour mettre l'eau à la bouche des plus méfiants.
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