Carence Alimentaire Végétarien : Risques et Solutions

Les dernières décennies ont été marquées par une évolution considérable des pratiques alimentaires dont certaines s'opposent au modèle conventionnel à la faveur d'un individualisme affirmé et d'une réflexion portant sur les répercussions environnementales et sur l'aspect santé de l'alimentation. Si cette pratique alimentaire ne représente encore qu'une minorité de Français, elle est en train "de monter en puissance", indique sur Europe 1 le médecin-nutritionniste Arnaud Cocaul, invité lundi de Sans rendez-vous . De plus en plus de personnes choisissent de suivre un régime végétarien pour des raisons de santé, de convictions éthiques ou écologiques. Le végétarisme a le vent en poupe. Cependant, il est important de s'assurer de ne pas souffrir de carences en suivant ce type de régime.

Qu'est-ce que le Végétarisme et le Végétalisme ?

Il est tout d’abord nécessaire de bien comprendre ce qui se cache derrière ce terme. Une personne végétarienne ne consomme pas de chair animale. Elle ne mange donc pas de viande ni de poisson, mais elle peut consommer des oeufs ou encore des produits laitiers. Il faut distinguer le végétarisme du véganisme, qui lui exclut tout produit issu des animaux : il bannit donc les oeufs, les produits laitiers (yaourts, fromage, etc.) ou encore le miel.

Le régime végan, une forme extrêmement stricte de nutrition végétarienne, consiste exclusivement en la consommation d’aliments d’origine végétale. Il rejette catégoriquement tout aliment provenant des animaux (y compris le miel dans certains cas), ainsi que les produits qui utilisent des ingrédients d’origine animale dans leur fabrication. Derrière le choix d’une alimentation végane se trouve généralement une motivation éthique forte, basée sur le principe selon lequel les humains n’ont pas le droit de tuer des animaux sans raison ou de les faire souffrir. Ainsi, le rejet strict des produits d’origine animale est le résultat de l’interaction de différentes attitudes, de facteurs favorables tels qu’un régime végétarien préalable et d’une conviction éthique fondamentale. Par ailleurs, les préoccupations liées à l’écologie et à la santé jouent également un rôle important dans les motivations des personnes qui deviennent végan.

La différence principale entre un régime végétarien et une alimentation végane réside dans les produits d’origine animale qu’ils excluent. Un régime végétarien implique l’élimination de la viande, du poisson et des fruits de mer de l’alimentation, mais permet encore la consommation de produits d’origine animale comme le lait, les œufs et le miel. En revanche, une alimentation végane va plus loin en excluant tous les produits issus des animaux, y compris les produits laitiers, les œufs, le miel et même les produits dérivés tels que le cuir, la laine et la soie. Les véganes privilégient les aliments d’origine végétale tels que les fruits, les légumes, les céréales, les légumineuses et les noix, tout en veillant à obtenir les nutriments essentiels dont ils ont besoin.

Avantages et Inconvénients des Régimes Végétariens

Les adeptes des régimes végétariens proclament avec force et conviction les bénéfices de ces modes alimentaires sur l'incidence des maladies chroniques comme le diabète ou le cancer. Il a été montré que ces régimes ont des effets cardiovasculaires et métaboliques bénéfiques. En effet, ce type d’alimentation offre des avantages considérables en termes de prévention de certaines maladies. En consommant fréquemment des fruits oléagineux riches en acides gras mono et polyinsaturés, tout en évitant les graisses animales, le système cardiovasculaire est maintenu en excellente santé. En effet, le régime végétarien exclut la consommation de poissons et de viandes, qui sont des aliments naturellement riches en acide gras saturés et en oméga-6 (en particulier les viandes rouges et transformées), que nous consommons aujourd’hui en excès par rapport à nos besoins. Par ailleurs, il a été démontré que les risques de cancer du côlon et de cancer du sein augmentent largement avec une consommation quotidienne de viande et de charcuterie.

Nombreuses sont les données observationnelles qui confirment ce point de vue dont celle, fameuse, de la cohorte des Adventistes du 7e jour caractérisée par un indice de corpulence (IMC), un taux de LDL-cholestérol et une glycémie plus favorables que dans la population générale. La diminution de près de 25 % de l'incidence et de la mortalité des cardiopathies ischémiques s'explique par la réduction des facteurs de risque d'athérosclérose. Sont également à considérer les bénéfices propres sur la santé cardiovasculaire de la consommation de fruits et légumes, de légumes secs, de noix et d'oléagineux et de la non-consommation de viande. L'effet bénéfique sur l'incidence du diabète est particulièrement remarquable puisque sa réduction atteint 40 % chez les végétariens et 60 % chez les végétaliens. L'équilibre glycémique est amélioré chez les sujets diabétiques, du fait de la réduction des apports énergétiques, de l'importance de l'apport en fibres, de la consommation d'aliments à index glycémique bas et d'un IMC plus bas que dans la population générale. Par ailleurs, ces régimes réduisent le risque des complications cardio-vasculaires en améliorant le profil lipidique, la pression artérielle, indépendamment de la perte de poids qu'ils favorisent.

Cependant il faut nuancer, les bénéfices sur la santé de ces régimes d'exclusion doivent être nuancés. Les conséquences sur la santé sont donc également diverses. Dans une cohorte autrichienne, l'alimentation végétarienne était associée à une qualité de vie moindre et à une prévalence plus élevée de maladies chroniques, d'allergies et de manifestations anxio-dépressives [8].

Risques de Carences et Solutions

En excluant une ou plusieurs catégories d’aliments, on se prive de sources souvent majeures pour l’apport de nutriments essentiels : minéraux et vitamines. De quoi peut-on manquer lorsqu'on est végétarien ? Si le régime végétarien est bien équilibré et organisé, les carences peuvent être évitées. "On peut tout à fait être végétarien sans souffrir de carences", assure ainsi Arnaud Cocaul, co-auteur de Végétarien sans carence avec Isabelle de Vaugelas. Si le régime végétarien est bien équilibré et organisé, les carences peuvent être évitées.

Aussi, les études épidémiologiques analysées par l’agence montrent que les végétariens « ont un statut nutritionnel en fer, iode, vitamines B12 et D […] moins favorables que les non végétariens ». Et les végétaliens - qui excluent tous les aliments d’origine animale - ont un statut nutritionnel « moins favorable » en vitamine B2 que les non végétariens, selon l’Anses.

Protéines

Certes, les protéines végétales ont une moins bonne valeur biologique que les protéines animales parce qu'elles ne contiennent pas la totalité des 8 acides aminés essentiels (AAE). Les acides aminés sont indispensables aux différents processus métaboliques, et sont notamment en charge du transport et du stockage des nutriments comme les lipides, les glucides, les lipides, etc. Neuf d'entre eux sont considérés comme "essentiels", et ne sont pas fabriqués par le corps, mais fournis par l'alimentation. Or, rappelle Arnaud Cocaul, dans l'alimentation carnivore, les protéines animales "ont l'avantage de présenter tout l'assortiment des acides aminés essentiels", ce qui n'est pas le cas des protéines végétales. Le déficit en AAE peut être corrigé en associant différentes sources de protéines végétales, par exemple les céréales déficitaires en lysine et les légumineuses déficitaires en méthionine. La consommation de laitages et d'œufs suffit à apporter la totalité des AAE. Il est tout à fait possible de combiner les sources de protéines végétales afin d’assurer un apport optimal en acides aminés essentiels. L'important est donc de bien varier les aliments pour pouvoir bénéficier de l'intégralité des acides aminés essentiels, et Arnaud Cocaul conseille donc de diviser son assiette en deux parties, en combinant céréales et légumineuses, avec par exemple, "moitié lentilles, moitié riz complet, ou moitié semoule, moitié pois chiches".

Les protéines végétales sont un élément important d'une alimentation saine et équilibrée. Elles peuvent être trouvées dans de nombreux aliments tels que les légumineuses, les céréales, les noix et les graines. Pour s'assurer de consommer suffisamment de protéines végétales, il est important de varier son alimentation et de consommer une combinaison de différents aliments riches en protéines végétales.

Vitamine B12

En revanche, le végétalisme est incompatible avec l'équilibre alimentaire puisqu'il est nécessairement carencé en vitamine B12. Le déficit en vitamine B12 est constant, mais asymptomatique chez les végétariens ; il peut être symptomatique et critique chez les végétaliens. La vitamine B12, elle, participe à la multiplication des cellules et au bon fonctionnement du système nerveux, et est essentielle pour "éviter les anémies macrocytaires", explique Arnaud Cocaul. En cas de manque, "on risque des anémies graves qui touchent la moelle osseuse". Cette vitamine se trouve quasi-exclusivement dans les produits d'origine animale, viandes, poissons, mais aussi oeufs et produits laitiers, ce qui fait qu'en réalité, les végétariens "n'ont pas de souci de carence en vitamine B12", à condition de "manger de façon diversifiée", selon Arnaud Cocaul. Les végétaliens, qui ne consomment pas d'aliments d'origine animale, vont en revanche, eux, "être obligatoirement carencés", ajoute-t-il. Si ces personnes développent des carences, il faut alors "une supplémentation par voie orale ou par une piqûre hebdomadaire ou mensuelle".

Une supplémentation per os est indispensable : 25 µg/jour ou 1 000 µg/semaine d'hydroxocobalamine sous forme de comprimés ou d'ampoules. Les végétariens peuvent obtenir de la vitamine B12 par les œufs, le fromage et le lait. En revanche, elle y est présente dans des proportions deux à trois fois moindres que dans la viande. Il est important pour les végétariens de suppléer la vitamine B12 en utilisant des aliments enrichis ou des compléments alimentaires. Les aliments tels que les céréales pour petit-déjeuner, les produits laitiers à base de soja, et les boissons végétales enrichies en vitamine B12 peuvent être des sources de vitamine B12 pour les végétariens. Il est aussi possible d’utiliser des compléments alimentaires spécifiques pour pallier aux carences.

Fer

Le statut en fer est habituellement correct, bien que le fer héminique ait une meilleure biodisponibilité que le fer provenant des végétaux, du fait de l'inhibition de l'absorption du fer par les phytates des végétaux, le calcium et les polyphénols du thé, du café et du cacao. Le fer transporte en effet l’oxygène dans le sang et le stocke dans les muscles. Une carence en fer peut provoquer une anémie, c'est-à-dire un taux anormalement bas d'hémoglobine dans le sang, et entraîner une importante fatigue. Or, une alimentation végétarienne est plus propice à ce type de carence que le régime carnivore car "le fer d'origine animal est mieux assimilé" que celui d'origine végétale, indique le nutritionniste. Plus précisément, l'organisme ne va assimiler le fer contenu dans les végétaux qu'à hauteur de 5% contre 25% pour le fer d'origine animale. Toutefois, précise l'invité d'Europe 1, "tout le monde ne va pas être concerné par ce manque de fer", et c'est surtout certaines catégories de personnes qui vont devoir être particulièrement vigilantes, comme les femmes et plus particulièrement celles ayant leurs règles, pendant lesquelles elles vont perdre du fer.

Pour le fer, pas de panique non plus. S'il est moins assimilé quand il provient de produits végétaux, il n'en est pas moins présent dans de nombreux aliments consommables dans le régime végétarien. On peut se tourner par exemple vers les lentilles, les graines de citrouille, les noix, les graines de tournesols ou encore les épinards, les betteraves et les avocats. Pour maximiser l'absorption de fer d'origine végétale, il est recommandé de consommer des aliments riches en vitamine C en même temps que des aliments riches en fer végétal. La vitamine C facilite l'absorption du fer. Il est aussi possible pour les personnes qui ont des besoins élevés en fer ou qui ont des carences en fer d'utiliser des compléments alimentaires en fer sous forme de gélule ou de comprimé.

Calcium

Le statut calcique des végétaliens a été exploré dans plusieurs études. Néanmoins, une étude prospective sur 5 ans a mis en évidence une diminution de la DMO et une augmentation du risque de fracture rachidienne dans ces populations [4]. Des répercussions osseuses sont probables au cours de la grossesse et de l'allaitement, mais sont peu mesurables. Une méta-analyse a montré que la DMO diminue de 4 % chez les végétariens et de 6 % chez les végétaliens [5]. Une supplémentation vitamino-calcique systématique s'impose, au moins au cours de la grossesse et peut-être même en dehors de la grossesse chez les végétariens qui excluent les laitages.

Le calcium est un minéral essentiel pour la santé des os et des dents. Les végétariens peuvent obtenir suffisamment de calcium en mangeant des aliments comme le lait et les produits laitiers, les amandes et les figues séchées.

Iode

Le risque de carence en iode et ses répercussions chez les végétariens sont moins connus. Du fait de la forte teneur des végétaux en inhibiteurs de la thyroxine peroxydase, la synthèse des hormones thyroïdiennes est moindre. La consommation de lait et de laitages pallie en partie le déficit iodé lié à la non-consommation de produits marins.

Acides Gras Oméga-3

En revanche, le statut en acides gras (AG) oméga-3 est déficitaire au prorata de l'exclusion plus ou moins complète des aliments d'origine animale et surtout des produits de la mer. Les concentrations circulantes en AG oméga-3 sont particulièrement basses chez les végétaliens et la possibilité de production d'EPA (acide eicosapentaénoïque) et de DHA (acide docosahexaénoïque), oméga-3 apportés par les poissons à partir de l'acide alpha-linolénique contenu dans certains végétaux, est insuffisante. Les acides gras oméga-3 sont des acides gras polyinsaturés qui sont considérés comme essentiels pour la santé humaine. Bien qu'ils puissent être associés aux aliments d'origine animale tels que les poissons gras, ils peuvent également être trouvés dans certains aliments végétariens. Les principales sources végétariennes d'oméga-3 comprennent les graines de lin, les graines de chia, les graines de chanvre, les noix comme les noix de cajou, les noix de macadamia et les noix de pécan.

Recommandations et Repères Alimentaires

Comment adapter son alimentation ? De manière générale, pour éviter toute carence, "le maitre-mot, c'est de diversifier", martèle Arnaud Cocaul.

L’Anses a publié le même jour une seconde expertise fixant des repères alimentaires pour les végétariens (englobant les lacto-ovovégétariens), et pour les végétaliens. L’objectif de l’agence est que les personnes suivant ces régimes puissent « mieux couvrir leurs besoins nutritionnels tout en restant proche de leurs pratiques de consommation ».

  • Manger une variété de fruits et légumes chaque jour
  • Baser les repas sur les glucides féculents et dans la mesure du possible choisir des variétés de céréales à grains entiers
  • Consommer des produits laitiers ou des alternatives laitières pour le calcium
  • Manger des haricots, des légumineuses, des œufs et d'autres sources de protéines
  • Choisir des huiles insaturées et des pâtes à tartiner saines

Au quotidien, il est conseillé de veiller à avoir un apport nutritif suffisant en :

  • Céréales complètes : elles sont riches en protéines, en glucides et en fibres. Par exemple, le blé entier, le sarrasin, l’orge complet, le quinoa, le boulgour, le millet, le riz complet, le riz sauvage, etc. sont des aliments riches en protéines. Il est recommandé de consommer 2 à 3 portions de céréales complètes par jour.
  • Légumineuses : elles sont une source de protéines végétales, de fibres et de minéraux, et sont faibles en lipides. Par exemple, les fèves, les pois chiches, les haricots rouges, les lentilles, les patates douces, etc. sont des légumineuses recommandées.
  • Fruits et légumes frais : il est préférable de privilégier les produits de saison pour qu’ils soient riches en vitamines, minéraux et fibres. Il est recommandé de consommer une portion de 30 à 60 g de noix et graines par jour (graines de chia, noix de cajou, etc.)
  • Huiles végétales : elles sont riches en acides gras et en oméga-3. Par exemple, les huiles d’olive, de lin, de chanvre, de noix, de caméline et de colza sont recommandées.

La règle la plus importante est d'inclure une grande variété de grains entiers, de légumineuses, de légumes et de fruits de saison dans les différents repas de la journée. Les noix et les graines peuvent également être incluses au quotidien, ainsi que certains super-aliments comme la spiruline, la maca (Lepidium meyenii, appelée aussi ginseng andin), le matcha (poudre de thé vert japonais), les baies de goji, l’acaï, etc.

Régimes Végétariens et Risque de Thrombose et d'Athérosclérose

Par rapport aux omnivores, les végétariens et les végétaliens présentent un profil biologique à risque de thrombose et d'athérosclérose du fait de la diminution de la concentration en acides gras poly-insaturés n-3, de l'augmentation de l'homocystéinémie et du thromboxane B2 qui favorise l'agrégation plaquettaire [7].

Tableau Récapitulatif des Nutriments Essentiels et Sources Végétales

Nutriment Sources Végétales Recommandations
Protéines Légumineuses, céréales, noix, graines Varier les sources pour un apport complet en acides aminés essentiels
Vitamine B12 Aliments enrichis, compléments alimentaires 25 µg/jour ou 1 000 µg/semaine
Fer Lentilles, épinards, graines de citrouille Consommer avec de la vitamine C pour une meilleure absorption
Calcium Lait et produits laitiers (pour les végétariens), amandes, figues séchées Privilégier les aliments enrichis en calcium
Oméga-3 Graines de lin, graines de chia, graines de chanvre, noix Intégrer régulièrement ces sources dans l'alimentation

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