Aliment pour pisciculture : Composition et alternatives durables

En alimentation animale, les aliments aquacoles occupent une place croissante, mais tributaire de la mondialisation du marché des ingrédients. Traditionnellement on les nourrit avec des granulés qui sont faits avec de la farine et de l'huile de poisson. C'était le régime ancien.

Mais du fait du plafonnement des captures, on ne peut plus faire autant de farine de poisson que ce dont on aurait besoin pour nourrir tous les poissons et donc on les nourrit de plus en plus avec des végétaux. On substitue les farines et les huiles par des farines et des huiles végétales.

La recherche s’est donc orientée vers d’autres sources protéiques, pour remplacer ces farines et huiles de poisson, en particulier par des matières premières végétales tout en cherchant à conserver les qualités nutritionnelles et organoleptiques des poissons d’aquaculture.

Sources de protéines alternatives

Une large gamme d’ingrédients végétaux est déjà prospectée pour remplacer la farine de poisson. Les aliments commerciaux actuels contiennent de 30 à 40 % de produits de source végétale.

En Europe, ce sont des oléagineux comme le colza, le tournesol et le soja ou des protéagineux tels que le pois, la féverole ou le lupin ou encore des coproduits de céréales comme le gluten. Le potentiel de fourrages déshydratés (luzerne) est aussi exploré.

En dehors du gluten, la teneur en protéines de ces végétaux, est plus faible que celle de la farine de poisson (60 à 75 %) : 60 % pour le gluten, 45% pour le soja et 26-30% pour le pois et le lupin. Les protéines végétales sont aussi un peu moins digestes et certains acides aminés essentiels sont faiblement présents (lysine, méthionine). Les végétaux sont toutefois riches en vitamines.

Pour accroître la digestibilité des farines végétales, et limiter les effets de certains constituants peu digestes ou composés réduisant la valeur alimentaire de l’ingrédient, celles-ci doivent être traitées par la chaleur à forte pression (extrusion) et/ou débarrassées de l’enveloppe des graines (dépelliculage). Ces propriétés négatives sont toutefois compensées lors d’un mélange de plusieurs ingrédients dans la formulation, adaptée selon l’espèce de poisson ciblée.

Chez les salmonidés, les meilleurs résultats de substitution de la farine de poisson, ont été obtenus avec le soja. Concernant la truite et la daurade, des progrès ont été obtenus en combinant les protéines de différentes sources végétales. Il est possible de remplacer 75% de la farine de poisson par un mélange de céréales, protéagineux et oléagineux (gluten de maïs ou de blé, pois extrudé, lupin et colza) sans altérer la croissance, le métabolisme et le système immunitaire des poissons, ni les qualités organoleptiques et nutritionnelles de leur chair.

Chez certaines espèces de poissons herbivores et omnivores, (carpe, tilapia, poisson-chat) et de crustacés (crevette du Pacifique) des sources protéiques peu conventionnelles, de faible coût de production et à proximité des sites d’élevage, ont déjà donné de bons résultats de croissance et de digestibilité : tourteaux de coton, sésame, lin, copra ou encore protéagineux comme les fèves. L'utilisation d'algues ou de bactéries comme sources de protéines est aussi explorée, mais avec peu de succès jusqu'à présent.

Les produits d’algues sont employés comme liants (alginate, carréghane, agar), appétants alimentaires, source de minéraux essentiels notamment pour la crevette, pour leur propriété potentielle immunostimulante et comme source de pigment (spiruline). Les farines d'algues et leurs extraits sont relativement nouveaux sur le marché des ingrédients alimentaires et nécessitent plus de recherche afin d'établir leur véritable potentiel.

Les co-produits issus de la fabrication de bio-éthanol sont aussi riches en protéines. En Europe, le bioéthanol est produit à partir de céréales (blé, maïs...) ou de betteraves.

Les coproduits concentrés pour obtenir des drèches, sont riches en protéines et contribuent à réduire les importations de tourteaux de soja dont les filières animales françaises sont dépendantes.

Vers d’autres sources naturelles

De nouvelles sources naturelles, marines ou terrestres, sont des ingrédients possibles de substitution de la farine de poisson dans l’alimentation des poissons et sont explorées dans les pays nordiques: le krill de l'Antarctique ( Euphausia superba) est un excellent ingrédient naturel (56 à 76% de protéines, selon qu’il est entier ou dépourvu d’exosquelette).

Son incorporation jusqu’à 30%, favorise la prise alimentaire et la croissance chez le saumon, la truite, la morue et le flétan. le krill représente un grand potentiel car la biomasse était estimée à 44 Millions de tonnes en 2003/2004 (CCAMLR 2005), et moins de 120 000 tonnes sont exploitées (Albrektsen, 2007).

Une autre source naturelle de protéines, issue de la classe des insectes, fournit une protéine de haute qualité appelée « ento-protéine » ; elle pourrait constituer un marché important pour les élevages d’appellation « bio ».

Sources d’acides gras

Outre les protéines, les poissons requièrent pour leur développement et leur croissance, des vitamines, des minéraux et des acides gras essentiels. Il s'agit d'acides gras longs polyinsaturés le plus souvent de la série n-3 dits « omega 3 », constituant des membranes cellulaires.

Or, les poissons ont de très faibles capacités à les synthétiser à partir d’autres éléments lipidiques précurseurs comme l'acide linolénique abondant dans les huiles végétales. L'aliment doit donc contenir ces acides gras essentiels, soit 1% de la ration alimentaire.

Ce besoin peut être couvert soit par l’apport d’huile de poisson en fin de cycle d’élevage, soit par la farine de poisson si celle-ci est incorporée en quantité dans le régime, auquel cas, l’huile de poisson peut-être totalement remplacée par un mélange d’huiles végétales :

Espèces d’élevage Huile de poisson témoin Taux maximal possible de substitution de l’huile de poisson Sources d’huile végétale (proportion de chaque ingrédient)
Saumon Capelan 100% Colza, ou colza-olive (50/50)
Truite Capelan 100% Mélange colza, palme, lin (55 / 30 / 15)
Poisson chat Menhaden 100% Palme
Turbot Capelan 100% Soja ou lin
Bar Anchois 60% Soja ou lin ou olive ; mélange colza, palme, lin
Daurade Anchois 60% Soja ou lin ou colza ou mélange des 3 huiles

Récemment, le remplacement total de l’huile de poisson par un mélange d’huiles végétales, élaboré de façon à obtenir une proportion d’acides gras similaire de celle de l’huile de poisson est donc possible chez certaines espèces sans modifier la croissance tout en minimisant les variations de composition en acides gras de la chair. (Une diminution du taux de cholestérol est aussi trouvée avec les régimes à base d’huiles végétales).

En outre, le maintien de la richesse en acides gras longs polyinsaturés de la série n-3 dans le muscle des poissons est important pour le consommateur humain, car ces composés lipidiques interviennent dans la prévention des risques liés aux maladies cardiovasculaires.

Formulation des aliments aquacoles

La formulation des aliments en aquaculture représente un enjeu majeur pour la rentabilité de l’élevage aquacole. Quelle que soit l’espèce considérée, la formulation d’un aliment repose toujours sur les mêmes fondamentaux : à partir des matières premières disponibles sur le marché, le nutritionniste doit trouver le mélange permettant de fabriquer un aliment à même de satisfaire les besoins nutritionnels des animaux, le tout à moindre coût.

Le premier élément à considérer est la disponibilité, le prix et la composition des matières premières disponibles sur le marché. La compilation des informations nutritionnelles rattachées à chaque matière première constitue la matrice ou table de formulation. Celle-ci est un élément essentiel qui permet de bien caractériser le profil de chaque matière première afin d’estimer au mieux ses constituants analytiques.

La seconde étape de la mise au point de la formulation est la constitution d’un cahier des charges nutritionnel. Celui-ci regroupe les niveaux requis pour une espèce à un stade de croissance précis pour atteindre les objectifs de croissance définis. Ces informations nutritionnelles s’appuient à la fois sur la bibliographie, les connaissances empiriques cumulées et les essais zootechniques.

Un cahier des charges présente les niveaux minimum et maximum de chacun des nutriments qui doivent être contenus dans un aliment. Il convient également de déterminer des niveaux minimum et maximum pour chaque matière première disponible.

En effet, au-delà de leur composition analytique, les matières premières disposent de caractéristiques qui leur permettent d’être utilisées à plus ou moins forte concentration dans les aliments pour poissons et crevettes. Elles peuvent, par exemple, avoir des conséquences sur la tenue des granulés (effet liant), sur l’appétence des aliments.

Par micronutriments, on entend surtout des vitamines et des minéraux que les matières premières n’apportent pas en quantités suffisantes pour satisfaire les besoins des animaux. Ces micronutriments doivent être fournis à des doses précises afin de s’assurer qu’il n’y ait ni carences ni intoxications.

Ils sont fournis sous la forme de pré-mélanges (ou prémix) destinés à être directement incorporés avec les matières premières lors de la fabrication de l’aliment. Les besoins en micronutriments sont propres à chaque espèce et à chaque stade de développement.

Avec la réduction de la teneur en co-produits de poissons dans les aliments, de nouveaux besoins en micronutriments apparaissent. Ainsi, la taurine et l’hydroxyproline font l’objet d’études approfondies et sont de plus en plus souvent apportés dans les aliments sous forme pures, au sein de prémélanges.

Ce n’est qu’après avoir validé ces différentes étapes que l’on peut démarrer la formulation à proprement parler. La formulation d’aliments repose de plus en plus sur des logiciels dédiés.

Ils sont donc souvent qualifiés de logiciel d’optimisation, la plupart d’entre eux s’appuyant sur le même algorithme (dit du simplex). Techna accompagne les fabricants d’aliments aquacoles dans leurs démarches de caractérisation des matières premières, de mise au point de cahier des charges et d’optimisation d’aliments.

Ses unités industrielles produisent des prémix de qualité, adaptés aux différentes espèces élevées en aquaculture dans le monde.

Vers une aquaculture durable

L’alimentation des poissons et crustacés d’aquaculture doit prendre en compte les besoins propres à chaque espèce pour obtenir un produit d’élevage sain, de bonne qualité organoleptique et nutritionnelle dans des conditions de bien-être optimal.

Les aliments aquacoles Le Gouessant sont élaborés à partir de matières premières non OGM (< 0,9%), biologiques à 50 %, avec une part réduite de farines et huiles de poissons. Ils privilégient les protéines et matières grasses d’origine végétale (blé, féverole, glutens…) Leurs recettes sont sans cesse optimisées afin de réduire les rejets azotés et phosphorés dans le milieu naturel.

Au-delà, nos chercheurs explorent l’intérêt d’ingrédients de nouvelle génération : protéines marines hydrolysées, levures, micro-algues, insectes… Ces alternatives doivent permettre de limiter les intrants non renouvelables (farines et huiles de poisson) et leurs impacts sur l’environnement.

Grâce aux travaux sur la substitution des matières premières, l’objectif de 1 kg de poisson d’élevage produit pour 1 kg de poisson sauvage consommé devrait être atteint à l’horizon 2020. Ceci représente 3 à 5 fois moins d’aliments que ce que les poissons carnassiers consomment dans leur milieu naturel.

De nombreuses pistes continuent d’être explorées par les organismes de recherche et les professionnels, conscients des enjeux et de leur responsabilité, pour garantir, demain, du poisson pour tous : l’aquaculture valorise de plus en plus les nombreux coproduits de l’industrie de la pêche, ce qui réduit encore d’autant les prélèvements sur la ressource.

Les pisciculteurs peuvent obtenir de meilleurs résultats en utilisant moins d'aliments. Le Concept de Performance de BioMar permet d'optimiser l'alimentation du poisson sans compromettre ses besoins nutritionnels ni les objectifs d'élevage. Ce n'est pas seulement bon pour les pisciculteurs et l'industrie de l'aquaculture, mais également pour l'environnement.

TAG:

En savoir plus sur le sujet: