L'alimentation du Broutard en Élevage Fermier : Stratégies et Optimisation

L'alimentation des veaux jusqu'au sevrage est un des leviers possibles pour atteindre les objectifs de production des différentes catégories animales, en fonction de leur destination, du contexte économique et du marché.

Le Rôle Essentiel du Pâturage et du Lait Maternel

Pour les veaux, les sources principales d'alimentation demeurent le lait des mères et l'herbe pâturée ! N'oublions pas que le terme "broutard" provient du fait que le veau qui tète sa mère et qui l'accompagne en prairie, "broute" également de l'herbe. Dès lors, une fois les animaux dehors, le pâturage reste la source première des apports.

La mise à l'herbe n'a pas encore commencé chez certains éleveurs qui attendent une meilleure portance des sols. En élevage allaitant, l'heure est également à la réflexion chez certain sur la manière d'alloter le troupeau. Néanmoins, à l'échelle du système d'exploitation, la stratégie retenue doit aboutir à une conduite cohérente des différents lots d'animaux au sein du troupeau.

En tant que naisseur-engraisseur de Charolais, François Léon est en admiration devant la robe blanche de ses animaux au milieu des pâtures bien vertes. François mise sur de la performance « raisonnée » : du poids vif, certes, mais pas à n’importe quel prix.

Pourquoi Complémenter les Veaux ?

La complémentation des veaux ne doit pas être un palliatif à une déficience chronique du système fourrager.

Le but de la complémentation est de couvrir les besoins constants du couple mère/veau autour de 12 UFL/jour, pour :

  • permettre la production laitière ;
  • couvrir la remise en état de la vache ;
  • faciliter la croissance du veau avec un GMQ entre 1 000 et 1 200 g/j.

Dès lors, la complémentation se justifie quand les diminutions combinées de la quantité de lait maternel et d'herbe ne couvrent plus les besoins du veau.

C'est pourquoi, sauf en cas de chargement élevé, de sécheresse prononcée ou pour les stratégies de vêlages à 2 ans, elle ne se justifie pas pour les génisses car une bonne gestion de l'herbe permet de maintenir un gain moyen quotidien (GMQ) de 900 à 1 000 g/j et d'atteindre l'objectif de 40 % du poids adulte au sevrage.

Dès lors, il convient souvent d'alloter au pâturage en séparant veaux mâles et veaux femelles.

Pour les mâles, la complémentation se raisonnera en fonction :

  • du climat et notamment en cas de sécheresse ;
  • du chargement ;
  • des objectifs de commercialisation (poids et dates de vente) ou du type d'animaux produits (broutards, taurillons ou bœufs) ;
  • de la date de vêlage : pas/peu de complémentation pour des vêlages de fin d'été, une complémentation l'été suivant la date de sevrage prévue pour les vêlages d'hiver et pour les vêlages de fin d'hiver/début de printemps, la complémentation sera réalisée en automne pour éviter que les veaux ne soient pas trop légers au sevrage.

Quantités et Types de Concentrés

D'après différents essais menés en stations expérimentales, quelles que soient les situations, un apport de concentrés augmente la croissance des veaux et leur poids au sevrage. Il faut donc trouver le compromis entre valorisation par l'animal et intérêt économique.

L'efficacité optimale se situe entre 5 et 10 kg de concentrés par kg de gain supplémentaire, ce qui correspond à un apport total de 150 à 225 kg/animal.

Par conséquent les "doses homéopathiques" ne sont pas utiles et les "consommations de luxe" ne présentent pas d'intérêt économique tout en accroissant les risques de problèmes sanitaires (entérotoxémie et météorisation notamment).

Les apports doivent être progressifs : de 1 kg/j au démarrage à 3-3,5 kg/j avant sevrage. En pratique, la consommation d'aliments concentrés par les veaux est d'environ 1 kg/100 kg de poids vif au nourrisseur, et de 0,5 kg/100 kg de PV (poids vif) en cas de distribution rationnée.

La composition du concentré à distribuer doit normalement tenir compte de la disponibilité et de la qualité du fourrage qu'il reçoit par ailleurs. Elle devrait donc se raisonner selon la qualité de l'herbe (abondante et feuillue, sèche et fibreuse...). Mais souvent pour des raisons de simplification du travail, le même aliment est distribué sur toute la campagne de pâturage.

Dès lors, pour satisfaire la plupart des situations, il conviendra d'employer un aliment équilibré en énergie et protéines autour de 16 % MAT, entre 0,9 et 1 UF/kg pour un rapport UF/PDI entre 100 et 110 g.

Les teneurs en amidon et en cellulose sont quant à elles à raisonner en fonction du mode de distribution. Les aliments riches en amidon et pauvre en cellulose doivent être rationnés pour éviter les risques sanitaires et notamment d'acidose.

Pour des distributions à volonté, surtout en cas de fortes consommations, la digestion sera sécurisée par des teneurs en cellulose au minimum de 11 à 12 %.

Les aliments composés du commerce sont généralement sécurisés en cellulose mais leur valeur est alors souvent plus faible, autour de 0,80 UFV/Kg, soit une valeur proche de l'herbe pâturée, limitant alors l'intérêt de les utiliser.

Il convient donc de vérifier avant achat la composition des mélanges (aliments composés ou mash) pour savoir s'ils répondent aux valeurs moyennes préconisées.

Il est également possible de réaliser un concentré dit fermier en mélangeant 2 à 3 matières premières différentes.

Cet aliment sera généralement composé d'une céréale aplatie (ou d'un coproduit issu de céréale type corn gluten) pour l'apport d'énergie, d'un complémentaire protéique (tourteau ou protéagineux aplati ou broyé) et éventuellement d'un aliment cellulosique type pulpe sèche ou luzerne déshydratée pour sécuriser le mélange.

Ne pas oublier l'incorporation de minéraux à ce type de mélange.

La composition du concentré sera raisonnée en fonction du mode de distribution (rationné ou à volonté). Quels que soient les composants, le mélange devra être le plus homogène possible. Pratiquement, l'utilisation d'une bétonnière peut être une solution intéressante.

Exemple d'Alimentation chez François Léon

Au démarrage, les veaux reçoivent un aliment 1er âge spécifique, le Croustivo HP et, à partir de 3 mois, de l’ensilage d’herbe (pour ceux qui sont nés à l’automne), un correcteur énergétique (l’Adéliblé) et du correcteur azoté.

À 4 mois 1/2, l’éleveur incorpore du maïs dans la ration, mais à petites doses et progressivement.

« Tout l’hiver, ils auront ingéré un enrubannage de qualité faute de pouvoir aller dans les pâtures ».

Les taurillons, pendant la phase d’engraissement, reçoivent du maïs rationné, un correcteur azoté dégradable adapté à la qualité du maïs et le correcteur énergétique (amidon protégé + 90 % de blé).

Les quantités distribuées démarrent en douceur et elles sont calculées selon leur poids et âge pour atteindre le maximum d’1,6 kg pour le correcteur azoté et 2,5 kg pour le correcteur énergétique.

Développement harmonieux : des aplombs solides et des animaux bien charpentés.

  • Bufflo Broutard : sécurité, croissance (levures Bufflo) et conformation (graines de lin extrudées). Très appétent. 0,8 kg à 1,2 kg / 100 kg de poids vif.
  • Bufflo Star MH : présentation mash. Sélection de matières premières favorables à la croissance des animaux. Peut être utilisé en phase de finition (1,5 kg à 1,7 kg / 100 kg de poids vif).

Méthodes de Complémentation au Pâturage

Il existe deux méthodes de distribution au pâturage : rationnée ou à volonté en libre-service (nourrisseur).

Le rationnement journalier :

  • risque de surconsommation ;
  • perte possible ;
  • pas de contrôle de la consommation.

Le libre-service - nourrisseur :

  • nécessité d'une place par veau ;
  • un parc à veaux spécifique dans la pâture ;
  • distribution journalière ;
  • permet de moduler la quantité selon la pousse de l'herbe.

Quelques rappels pour une bonne utilisation du nourrisseur :

Il faut veiller à la bonne stabilité de l'appareil (contact avec les vaches) et à ce que le nourrisseur soit réellement sélectif avec une trémie étanche avec une grande capacité de stockage.

Il doit être bien orienté (par rapport aux vents de pluie) afin d'éviter le gaspillage à l'auge.

De même, il doit être placé au cœur de la zone de rumination des vaches (souvent non loin des zones ombragées ou sèches) pour augmenter le temps de présence des broutards autour de l'appareil.

L'accès du nourrisseur doit être facile d'accès pour les broutards leur permettant un dégagement rapide mais aussi pour l'éleveur pour faciliter le chargement.

Enfin, il ne faut pas d'appareil vide et donc veiller à un approvisionnement régulier.

Les Clés de la Réussite d'une Bonne Complémentation

La complémentation des veaux ne reste qu'un appoint à apporter lorsque la production laitière des mères diminue et que la pousse de l'herbe ralentit.

«Nous avons des cultures, alors autant fabriquer notre aliment ! », lance Karine Millet. Cette éleveuse, installée à Crézancy-en-Sancerre (Cher), dispose de 100 ha de céréales, 55 ha de prairies et 4 ha de vigne.

Avec un pied dans le vin et un dans la viande, elle élève 45 mères charolaises. Deux ans après son installation, elle analyse le système d’exploitation pour diminuer les charges.

Elle dispose de cultures (blé, orge, colza, triticale), et décide de se lancer dans la fabrication d’un aliment « maison », sans irrigation, ni équipement pour le broyage.

Le conseiller de la chambre d’agriculture du Cher, Yvan Lagrost, l’appuie pour le rationnement, d’abord pour les vaches et les génisses.

Elle sème 7,5 ha de luzerne et 4 ha de pois protéagineux qui conviennent aux sols argilo-calcaires. Les céréales sont réceptionnées sur une plateforme, sous un bâtiment, séparées par des ballots de paille.

Karine emprunte le bol mélangeur d’un voisin et stocke son mélange dans une seule cellule. Au printemps, elle fait appel à la Cuma pour écraser les graines avec un aplatisseur mobile.

« Il faut bien une demi-journée pour tout aplatir et les mettre en big-bag. L’organisation progresse avec les années », ajoute-t-elle. Les big-bag sont apportés au champ, dans les nourrisseurs, en fonction des besoins.

Lors de la mise à l’herbe, l’exploitante commence à complémenter les mâles avec un mélange : 39 % d’épeautre, 10 % d’avoine, 10 % de triticale, 20 % de pois, 20 % de correcteur azoté à 40 % de matière azotée totale (MAT) et 1 % de minéraux.

« La première année, j’ai suivi des recommandations des fermes expérimentales.

L’éleveuse est satisfaite de son mélange. « Je n’ai pas eu de problème sur mes veaux lors du passage à l’aliment fermier.

Leurs croissances se sont maintenues aux alentours de 1 450 g/j à l’âge de huit mois lors de la pesée de fin août, avec des pics jusqu’à 1 600 g/j lors de la période estivale. » En outre, elle estime à environ 20 € l’économie par rapport à un aliment acheté (250 €/t), avec la prise en compte de la main-d’œuvre pour les céréales.

Cela donne à l’agricultrice de la flexibilité pour la commercialisation de ses bovins. « Mes achats se limitent à 3 t de complément azoté par an et à un peu de minéral.

Comme j’ai du stock, je peux attendre que les prix du marché soient corrects pour vendre mes bêtes. Je connais la qualité de mon aliment et je peux le tracer très facilement.

Pâturage Tournant : Économie de Concentrés

En bâtiment, les veaux consomment en moyenne 225 kg de mash soit 1,84 kg de mash et 0,5 kg de foin consommé/veau/jour.

Sur la période de pâturage, le lot de veaux complémentés consomme 100 kg de mash au nourrisseur soit une quantité journalière de 1,45 kg de concentré/tête/jour.

La conduite en pâturage tournant permet donc d’économiser 30 % de concentrés par veau produit.

Adapter l'alimentation en cas de conditions difficiles

Lorsque les conditions de pâturage sont dégradées, les deux objectifs prioritaires sont :

  • Maintenir les vaches suitées et les génisses dans un état corporel qui n’altère pas leurs capacités de production actuelles et futures ;
  • Assurer un niveau de croissance minimum des veaux.

Dans ces situations, les vaches allaitantes peuvent supporter une restriction alimentaire temporaire (durant 1 à 2 mois) dont l’importance dépend de leur stade de production et de leur état corporel.

On visera à ne pas descendre en dessous d’une note de 2 (sur une échelle de 0 à 5) avant la reproduction, puis en dessous de 1,5 une fois la période de reproduction terminée.

Pour les vêlages précoces d’automne, le sevrage des veaux a déjà été réalisé mais pour les vêlages de début d’hiver, il faut sevrer les veaux le plus rapidement possible pour décharger les prairies, impactées par la sécheresse.

Une vache non suitée a des besoins moindres et est plus facile à maintenir en état.

L’objectif est d’éviter un amaigrissement en fin de gestation. Un apport de 70 % des besoins peut convenir (équivalent à 6 kg de foin par vache et par jour).

Concernant les primipares, il s’agit de limiter les restrictions au maximum afin d’éviter leur amaigrissement surtout dans les trois derniers mois de gestation.

Chez les génisses d’élevage de 18 à 24 mois conduites en vue d’un vêlage à 3 ans, une restriction alimentaire modérée de l’ordre d’1UFL par jour (réduction de croissance de l’ordre de 300 g/j), sur des périodes n’excédant pas 2 à 3 mois, est sans conséquence sur les performances futures et la carrière de l’animal.

Exemples de Mélanges Fermiers

Deux exemples de mélanges fermiers pour broutard pour 100 kg d’aliment :

  • 16 kg de tourteau de soja, 82 kg de blé et 2 kg de CMV
  • 25 kg de tourteau de colza, 73 kg de blé et 2 kg de CMV

Valorisation du Blé dans l'Alimentation des Jeunes Bovins

Ajouter du blé dans la ration d'engraissement des jeunes bovins permet de bénéficier d'un mélange à haute valeur énergétique pour réduire la durée d'engraissement tout en valorisant les productions de l'exploitation.

Engraisser ses jeunes bovins avec du blé peut être une manière de simplifier le travail au poste engraissement.

Ration Blé - Maïs Ensilage

Associer du blé et maïs ensilage est une manière de compenser de mauvaises valeurs énergétiques en maïs du fait de la sécheresse.

Avec ce type de ration, « la vitesse de croissance augmente de 50 à 55 g par jour et par kilo de blé supplémentaire » alors que la consommation de maïs ensilage décroît de l’ordre de 0,75 à 0,80 kg de MS par jour par kg de blé consommé.

Introduire du blé dans la ration permet également d'économiser sur les apports en tourteau, avec une diminution de 50 à 60 g par jours et par kg de blé ingéré.

Si les gains de productivité peuvent être alléchants, la principale limite à l’introduction du blé dans la ration reste la teneur en amidon du mélange, qui ne doit pas dépasser les 38 %.

L’introduction du blé doit se faire progressivement, à raison de 500 g par 500 g durant la première semaine d’engraissement, jusqu'à atteindre les 4 kg par jour à durant la quatrième semaine d’engraissement.

L’apport de maïs ensilage se fait également progressivement, introduit en deuxième semaine à raison de 2 kg de MS par jour, puis à volonté.

Utilisation du Blé Seul

Il est également possible d'utiliser le blé aplati sans l'associer à de l'ensilage de maïs.

Il est cependant nécessaire de complémenter la céréale avec un aliment assurant un apport d’azote, de minéraux et vitamines ainsi que de cellulose facilement digestible pour éviter l’acidose.

Pour ce faire, des CAMV cellulosiques ont été utilisés, mais l'utilisation de tourteau et coproduits est également envisageable.

Pour ce type de régime, la phase de transition alimentaire est essentielle.

Pour des broutards de 300 à 350 kg, il est conseillé de commencer avec un apport en céréales compris entre 0 et 500 g durant la première semaine d’engraissement, puis d’augmenter progressivement la quantité de blé apportée de l’ordre de 1 kg par semaine, (divisés en deux fois 500 g jusqu’à l’apparition de refus à l’auge).

À partir de la cinquième semaine d’engraissement, les animaux peuvent bénéficier de céréales à volonté.

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