À peine les dernières galettes vendues, se profile le temps des chocolats de Pâques ! Le chocolat, ce produit qui fait le bonheur des gourmands, fait aussi le malheur des comptables.
Dominique Schelcher, directeur général de Système U, a dénoncé la « complexité administrative » dont souffrent les entrepreneurs français lors de son audition par la commission des Affaires économiques du Sénat. Il a illustré son propos en évoquant la taxation du chocolat. Selon lui, ce « produit de tous les jours » est au cœur d' « un véritable casse-tête » puisqu'il ne compte « pas moins de dix catégories fiscales ».
Les Taux de TVA Spécifiques au Chocolat
En ce qui concerne le chocolat, des taux de TVA spécifiques sont appliqués en fonction du poids et de leur nature. En application du 1° du A de l'article 278-0 bis du code général des impôts (CGI), les livraisons portant sur les denrées alimentaires destinées à la consommation humaine, les produits normalement destinés à être utilisés dans la préparation de ces denrées et les produits normalement utilisés pour compléter ou remplacer ces denrées, à l'exception des produits de confiserie, des chocolats et produits composés contenant du chocolat ou du cacao, des margarines et graisses végétales, du caviar et des boissons alcooliques, relèvent du taux réduit de 5,5 % de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
Le taux réduit de 5,5 % susmentionné ne s'applique pas aux produits qui ont la qualification de médicaments, lesquels suivent le régime qui leur est propre. À noter que ces produits sont soumis au taux de 10 % dès lors qu’ils sont consommés sur place dans un espace dédié (CGI, art. 279).
Chocolat Noir vs. Autres Chocolats
- Le chocolat noir est considéré comme un produit de première nécessité et est donc soumis au taux réduit de 5,5 %.
- En revanche, le chocolat blanc ou au lait est imposé à un taux normal de 20 %.
- Ce même taux normal s’applique aussi aux bouchées au chocolat autre que noir dépassant 5 cm ou 20 gr.
- « Le chocolat contient une exception dans son exception puisque le chocolat noir, soit la version "pure" du produit, est taxé à 5,5 %. » Tout comme « les bonbons de chocolat, les fèves de cacao et le beurre de cacao ».
Exceptions et Complexités
Toutefois, il existe des exceptions à cette règle générale :
- Si le chocolat noir est fourré, il est taxé à 20 % comme le chocolat au lait ou blanc.
- Si le chocolat au lait est destiné à être fondu en pâtisserie, il est taxé à 5,5 %.
- Les formats de chocolat qui ont la taille d'une bouchée (moins de 20 grammes et de 5 centimètres) ont tous le taux réduit de 5,5 %.
- Même s’ils sont blancs ou au lait.
- Vraiment tous ?
- Non, il faut que le chocolat représente au moins le quart du poids du produit.
- Dans le cas inverse, c’est reparti pour 20 %.
À noter que lorsque le chocolat est considéré comme un bonbon « taille d’une bouchée », pour être soumis au taux réduit de 5,5 %, sa dimension ne doit pas excéder 5 cm et il ne doit pas peser plus 20 grammes. Le bonbon peut être constitué soit de chocolat fourré, soit d’un seul chocolat ou d’une juxtaposition ou d’un mélange de chocolat (chocolat, chocolat au lait, chocolat de ménage au lait, chocolat blanc) et d’autres matières comestibles, à la condition que le chocolat ne représente pas moins de 25 % du poids total du produit.
En ce qui concerne le chocolat blanc, le chocolat au lait, le chocolat fourré et le chocolat à la taza, ils sont taxés au taux de 20 % s’ils ne font pas la taille d’un bonbon.
Egalement, lorsqu’un produit est mangeable en « une bouchée », il est automatiquement considéré comme à 5,5 %. D’où les calculs d’apothicaires sur la longueur en millimètre d’un carré de chocolat.
Il existe des exceptions aux exceptions. C'est le cas des orangettes par exemple. Ces friandises à l'orange confite enrobées de chocolat sont considérées comme des bonbons, donc soumises à un taux réduit de 5,5%. Mais certaines font plus de 5 centimètres de long et ont donc besoin de deux bouchées pour être avalées. Logiquement le taux normal devrait s'appliquer.
Assortiments de Chocolats et Créations de Pâques
En présence d’assortiments de chocolats, ils doivent faire l’objet d’une ventilation des taux de TVA. Quelle fiscalité appliquer dans le cas d'un assortiment de chocolats, comme on en voit souvent à Pâques ? Si certains produits sont taxés à 5,5 ou à 20%, il faut faire de la « ventilation » et appliquer un taux qui prend en compte la quantité de chaque type de chocolat.
Quand c'est impossible, « c’est le taux le plus élevé qui s’applique », explique la Confédération.
Et que dire des créations de Pâques ? Une poule en chocolat noir avec une tête en chocolat blanc et des œufs fourrés ? Le prix affiché reste identique, mais c’est le boulanger qui doit jongler avec les différents taux.
Un moulage en chocolat noir (5,5%) garni de bonbons de chocolat (5,5%) ? Le même moulage contenant des œufs à la liqueur en sucre ? Un moulage en chocolat au lait garni de bonbons de chocolat ?
Enfin, les produits de confiseries relèvent du taux normal de 20 %.
Pourquoi une Telle Complexité ?
Cette situation ubuesque résulte d’une construction historique où certains produits étaient considérés comme de luxe (taxés à 20%) et d’autres comme de première nécessité (5,5%).
« Après Le Château et Le Procès, Kafka aurait pu écrire Le Chocolat. » Au moment de critiquer le nombre de procédures et la trop grande complexité des taxes dans l’économie française, Dominique Schelcher, directeur général de Système U, a opté pour le cacao.
« On marche un peu sur la tête et on ne sait plus comment le dire : on subit », a-t-il alerté.
Plaidoyer pour une Simplification
Interrogé par 20 Minutes, Thierry Lalet, président de la Confédération des chocolatiers et confiseurs de France (CCCF), plaide pour plus de simplification. « On l’espère tous. Cette complexité est ultra-chronophage, notamment lors des contrôles par le fisc ou la répression des fraudes. Alors que parfois, ça se joue à un centimètre ou à un gramme… »
Le pire étant pour lui lorsque plusieurs catégories de TVA se mélangent, par exemple dans une poule de Pâques contenant différents chocolats. « On perd beaucoup de temps sur ces questions alors que c’est loin d’être le cœur de notre métier. »
En 2016, la problématique sur une TVA alimentaire trop complexe était pointée par un rapport parlementaire, co-écrit par Véronique Louwagie, alors député et aujourd’hui ministre déléguée chargée du Commerce. Deux cent cinq pages, dont quatre dédiés sur « les règles de TVA peu intelligibles pour les produits chocolatés ».
Les Enjeux d'une Simplification
Une éventuelle simplification, en mettant tous les chocolats au même taux, pose fatalement la question : lequel ? Selon l’étude de 2016, passer tous les chocolats à 5,5 % ferait perdre 230 millions d’euros de taxes.
Thierry Lalet l’admet, malgré son envie de simplification, la CCCF se montre assez discrète sur le sujet en ce moment car, au vu du contexte économique actuel et des récentes mesures budgétaires, « il y a un vrai risque qu’en cas de simplification, Bercy opte pour les 20 % ».
Tableau Récapitulatif des Taux de TVA sur le Chocolat
Type de Chocolat | Taux de TVA | Conditions |
---|---|---|
Chocolat Noir | 5,5% | Considéré comme produit de première nécessité |
Chocolat Noir Fourré | 20% | Comme le chocolat au lait ou blanc |
Chocolat au Lait destiné à la pâtisserie | 5,5% | |
Chocolat "Taille d'une Bouchée" (moins de 20g et 5cm) | 5,5% | Quel que soit le type (noir, lait, blanc), mais le chocolat doit représenter au moins 25% du poids total |
Confiseries avec Chocolats Différents | 20% | Sauf si ventilation des taux possible |
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