Le diabète gestationnel, ou diabète de grossesse, est un trouble de la tolérance au sucre qui se manifeste par une augmentation du taux de sucre dans le sang. Hélène Louvet et Atefeh Nikpeyma, diététiciennes à l’hôpital Lariboisière à Paris, nous éclairent sur cette condition qui touchait 11 % des femmes enceintes en 2016, contre 7 % en 2010.
Qu'est-ce que le Diabète Gestationnel ?
Le diabète gestationnel apparaît pendant la grossesse et disparaît généralement après l'accouchement. Il est important de le distinguer des autres formes de diabète, comme le diabète de type 1 ou de type 2, qui peuvent préexister à la grossesse. Il est également possible qu’un diabète de type 2 soit diagnostiqué pendant la grossesse et persiste après l’accouchement.
Dépistage du Diabète Gestationnel
Le dépistage du diabète gestationnel est pratiqué chez les femmes enceintes présentant des facteurs de risques tels que :
- Un âge égal ou supérieur à 35 ans
- Un Indice de Masse Corporelle (IMC) égal ou supérieur à 25 kg/m²
- Des antécédents familiaux de diabète au 1er degré
- Des antécédents personnels de diabète gestationnel ou de macrosomie (bébé d’au moins 4 kg)
Le dépistage s’effectue entre 24 et 28 semaines d’aménorrhée et consiste à passer le test HGPO (Hyperglycémie provoquée par voie orale). « La femme enceinte boit 75 g de glucose. On mesure son taux de glycémie en réalisant une prise de sang avant qu’elle n’ingère cette solution, puis une autre 1 heure après et une dernière prise de sang 2 heures après.
Si le diabète apparaît au début de la grossesse, il s’agit le plus souvent d’un diabète de type 2 qui était méconnu jusque-là. L’hémoglobine glyquée, c’est-à-dire la moyenne des glycémies sur les trois derniers mois, est alors également plus élevée. Cela signifie que les glycémies étaient hautes avant la grossesse et que le diabète n’est pas lié à celle-ci.
Par ailleurs, il est à noter que les femmes qui font du diabète gestationnel présentent plus de risque de développer un diabète de type 2 plus tard.
Pourquoi le Diabète Apparaît-il Pendant la Grossesse ?
« Le diabète gestationnel est un déséquilibre glycémique lié à la grossesse et à ses hormones. Pendant cette période, la sensibilité à l’insuline change et entraîne une dérégulation des glycémies qui ont tendance à s’élever », déclare Atefeh Nikpeyma. Pendant la deuxième partie de la grossesse, le placenta produit davantage d’hormones qui vont diminuer la sensibilité à l’insuline. À cela s’ajoute un défaut de sécrétion d’insuline par le pancréas, entraînant une élévation des glycémies et un diabète gestationnel. Cet excès de glucose dans le sang accroît la prise de poids du fœtus.
Que Manger Avant le Test du Diabète de Grossesse ?
Le test de glycémie s’effectue à jeun. Il est donc nécessaire de ne pas avoir mangé depuis la veille au soir.
Recommandations Alimentaires en Cas de Diabète Gestationnel
Malgré le fait de développer un diabète gestationnel, il est important de toujours couvrir les besoins en glucides de la future maman et du foetus. Les recommandations sont d’au minimum 200 g de glucides par jour. Mais d’autres facteurs vont influencer ce chiffre. Cela dépend, par exemple, de l’âge de la femme enceinte, de son activité, de son poids, de sa taille…La seule manière de faire naturellement baisser la glycémie (en dehors de l’insuline) est l’activité physique.
Il est recommandé de marcher au moins une demi-heure par jour, mais on peut également s’adonner à la natation, à la danse… Les muscles vont alors consommer du sucre pour fonctionner et participer à réguler la glycémie sanguine. Si aucun aliment ne fait diminuer la glycémie, certains la font plus ou moins monter.
En cas de diabète gestationnel, il est important de veiller à ne pas prendre trop de poids pendant sa grossesse et donc à surveiller ses apports en lipides. Toutefois, il ne s’agit pas d’entamer un régime pour perdre du poids pendant la grossesse ! Avoir du diabète gestationnel ne revient pas non plus à éviter de consommer des glucides.
« Les glucides sont l’énergie, le carburant de l’organisme. L’idée c’est d’avoir suffisamment de glucides pour couvrir les besoins liés à la grossesse. Le challenge, ça va être de couvrir ces besoins en les répartissant correctement sur la journée. C’est pour cela que l’on conseille de faire trois repas par jour », précise Hélène Louvet.
Principes de Base du Régime Alimentaire
- Les besoins nutritionnels d’une femme enceinte restent identiques, qu’elle ait du diabète gestationnel ou pas.
- Ce n’est pas parce que les glycémies ont tendance à monter que l’on va réduire les apports en glucides.
- Des aliments à faible index glycémique aideront à ne pas faire trop monter la glycémie, même s’ils ne la feront pas baisser.
L’index glycémique est un critère de classement des glucides. Cet indice est spécifique à chaque aliment et renseigne sur sa capacité à élever le taux de sucre dans le sang.Pour certaines femmes ayant de bonnes bases alimentaires, il n’y aura pas de gros rééquilibrage alimentaire à effectuer.
Conseils pour le Petit-Déjeuner
Le petit-déjeuner continental est généralement riche en sucres ou glucides. Les diététiciennes recommandent d’opter pour des céréales au blé complet, du pain noir, de l’avoine ou du muesli. On peut également manger un fruit avec un laitage. « Ce qui compte c’est de prendre un petit-déjeuner pour couper le jeûne de la nuit.
Rester plus de 10 ou 12 h sans manger et sans apporter de glucides à son corps, est fortement déconseillé en raison du risque d’acétone », précise Atefeh Nikpeyma.
Fruits et Glycémie
Aucun fruit, ni aliment d’une manière générale, ne fait baisser le taux de sucre et la glycémie. Par ailleurs, la glycémie ne dépend pas que de l’aliment consommé, mais aussi de la composition du repas et de l’organisme de chacun. « Une personne peut manger une pomme et avoir une certaine glycémie. Si une autre personne mange exactement la même pomme, elle n’aura pas forcément la même glycémie », explique Hélène Louvet.
Les diététiciennes suggèrent avant tout de manger des fruits qui font envie, mais en quantité contrôlée, car ils sont tous bénéfiques en raison de leur teneur en fibres et en vitamines. Si le choix du fruit est libre, en revanche, il est préférable de manger le fruit entier, plutôt qu’en jus ou en compote. « Avec un fruit entier, on a toutes les fibres, et donc un index glycémique plutôt bas. Avec une compote, on a déjà écrasé un peu les fibres. Et avec un jus, on a vraiment un fort index glycémique », soulignent-elles.
Consommation de Gras et Produits Laitiers
En cas de diabète gestationnel, la femme enceinte est également invitée à faire attention à sa consommation de gras, afin de ne pas prendre trop de poids. Dans les yaourts, il est donc recommandé de veiller à la quantité de matière grasse qu’ils contiennent. « En général, les yaourts ne sont pas très gras, excepté ceux type « Perle de lait » et « Fjord », qui ne sont d’ailleurs pas considérés comme des yaourts mais plutôt comme des spécialités laitières. C’est plus gras, par exemple, qu’une portion de fromage », reconnaît Atefeh Nikpeyma. Mieux vaut donc éviter les laitages au lait entier, avec de la crème, et privilégier ceux demi-écrémés.
Desserts et Alternatives
En fin de repas, en guise de dessert, les nutritionnistes suggèrent de manger un fruit. Elles donnent également des équivalences pour que les femmes enceintes puissent de temps en temps remplacer ce fruit par un dessert sucré plus savoureux : un entremets, un yaourt aux fruits, une petite pâtisserie, deux boules de glace… L’idée est d’avoir toujours la même quantité de glucides à chaque repas, grâce à ces équivalences.
Attention toutefois à ne pas consommer ces aliments à chaque repas, mais les limiter à deux fois par semaine en moyenne. Bien sûr ces équivalences ne vont pas apporter les vitamines et les fibres des fruits, mais elles permettent de conserver une notion de plaisir et de tenir sur la durée.
Objectifs de Glycémie
« En dehors d’une grossesse, 2 heures après les repas, on tolère pour les patients diabétiques jusqu’à 1,6 ou 1,8 g de glycémie. Pour le diabète gestationnel, 2 heures après le repas, on vise 1,2 g de glycémie, c’est donc beaucoup plus strict », prévient Hélène Louvet. Le régime alimentaire doit permettre de couvrir les besoins nutritionnels en évitant les pics de glycémie.
Composition des Repas
Pour y parvenir, à chaque repas, déjeuner comme dîner, le régime en cas de diabète gestationnel doit contenir :
- Des légumes crus ou cuits (pas en purée ou en jus)
- Une portion de viande ou de poisson ou des œufs
- Une part de féculent et/ou de pain
- Un laitage
- Un fruit
Les légumes, comme les céréales complètes ou les légumineuses, apportent des glucides mais également beaucoup de fibres qui évitent de faire flamber le taux de glycémie dans le sang. Idéalement, la part de légumes devrait représenter la moitié de l’assiette. Un quart est occupé par les protéines et l’autre quart par les féculents ou par un morceau de pain. « Les légumes peuvent être crus, surgelés, en conserve… Il n’y a pas lieu de culpabiliser si on n’a pas le temps de bien les cuisiner, ça peut être du rapide », assure Atefeh Nikpeyma.
Aliments à Index Glycémique Élevé
Les aliments ayant un index glycémique élevé sont à limiter, notamment lorsqu’ils sont mangés de manière isolée. Mieux vaut les associer à un aliment riche en fibres pour réduire l’impact sur la glycémie. Par exemple : du pain blanc avec des crudités, du riz blanc avec de la ratatouille…
Consommation de Lipides
Le diabète gestationnel concerne le taux de sucre dans le sang, mais l’attention doit aussi être portée sur la consommation des lipides. On contrôle leur apport pour ne pas dépasser les besoins. « Ce sont des nutriments qui sont très caloriques et font prendre du poids. C’est important d’y veiller pour prévenir le diabète. Et puis, consommer trop de lipides peut entraîner de l’insulino-résistance et faire monter la glycémie », ajoute Hélène Louvet. On privilégie donc les lipides de bonne qualité : amandes, noix, pistaches, huile d’olive, de colza, de lin, les olives, l’avocat, les poissons gras…
Exemple de Menus Quotidiens
Voici un exemple de menus quotidiens pour une femme atteinte de diabète gestationnel :
- Petit-déjeuner
- Un thé sans sucre ou un café
- Un laitage demi-écrémé sans sucre
- Du pain aux céréales
- De la margarine ou 10 g de beurre ou une portion de fromage
- Déjeuner
- Des carottes râpées avec une cuillère à soupe de vinaigrette
- Une escalope de dinde (100 à 120 g) + des haricots verts (à volonté)
- 100 g de riz + 60 g de pain
- 1 portion de fromage (30 g, une fois par jour)
- Une pêche
- Dîner
- Un potage
- Du cabillaud (100 à 120 g) + des petits pois (à volonté)
- Des pommes de terre vapeur (200 g)
- Un yaourt nature
- 3 ou 4 abricots
Adaptation des Prises Alimentaires
Si on n’arrive pas à atteindre les glycémies requises en trois repas, on peut être amené à fractionner les prises alimentaires. Cela permet parfois d’obtenir les bonnes glycémies. Ce fractionnement consiste, par exemple, à manger son fruit 2 heures après le repas, plutôt qu’au dessert.
Traitement par Insuline
Malgré toutes ces recommandations alimentaires et ces repas fractionnés, si l’infirmière constate qu’à deux ou trois reprises après le déjeuner, la glycémie est au-delà des objectifs, un traitement par insuline sera mis en place. Il s’agit d’injections sous-cutanées d’insuline réalisées souvent dans le ventre, comme lors d’un diabète classique. Quotidiennement, la patiente surveille son taux de glycémie à l’aide d’un lecteur de glycémie, avec des contrôles capillaires au bout du doigt avant chaque repas et 2 heures après, soit six fois par jour.
Prévention du Diabète de Type 2
Une femme qui développe un diabète gestationnel court 50 % de risques supplémentaires d’avoir un diabète de type 2 dans les dix ans qui suivent. Plusieurs consignes peuvent aider à prévenir cette pathologie : contrôler ses apports caloriques pour maîtriser son poids, consommer suffisamment de fibres, faire de l’activité physique, et allaiter si possible. « Les études démontrent que l’allaitement diminue le risque ultérieur de diabète de type 2. Cette diminution est proportionnelle à la durée de l’allaitement, allant de -25 % (< 6 mois), jusqu’à -47 % (> 6 mois) au-delà », révèlent Hélène Louvet et Atefeh Nikpeyma.
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