Lorsqu’on suit une chimiothérapie, l’alimentation joue un rôle clé pour maintenir son énergie et limiter les effets secondaires. Pourtant, certains aliments peuvent aggraver les désagréments liés au traitement ou augmenter le risque d’infection. Quels sont les aliments à éviter ? Ceux à privilégier ?
La chimiothérapie est un traitement anticancéreux utilisant des substances chimiques pour détruire les cellules cancéreuses ou inhiber leur croissance. Elle agit de manière systémique sur l'ensemble du corps, ciblant principalement les cellules à division rapide. Ce traitement peut être utilisé seul ou en combinaison avec d'autres thérapies comme la chirurgie, la radiothérapie ou l'immunothérapie.
Effets secondaires de la chimiothérapie
Les effets secondaires classiques de la chimiothérapie sont principalement liés à son action sur les cellules saines à renouvellement rapide :
- Troubles hématologiques : leucopénie (baisse des globules blancs) augmentant le risque d'infections, anémie (baisse des globules rouges) causant fatigue et faiblesse, thrombopénie (baisse des plaquettes) qui augmente le risque de saignements.
- Troubles digestifs : nausées et vomissements, perte d'appétit, perte de poids, diarrhée ou constipation.
- Atteintes cutanées et phanères : chute des cheveux et des poils, modifications de la texture ou de l'apparence de la peau.
- Fatigue intense et persistante.
- Troubles des muqueuses : plaies buccales ou nasales, irritations et ulcérations des muqueuses digestives et génitales.
- Troubles cognitifs et de la mémoire ("brouillard cérébral").
- Modifications sensorielles, comme une altération du goût et de l'odorat.
- Risques de dommages aux organes internes (cœur, poumons, foie, reins).
L'intensité et la nature de ces effets secondaires varient considérablement d'une personne à l'autre en fonction du type de chimiothérapie administrée, de la dose reçue et de la sensibilité individuelle du patient. Une prise en charge adaptée permet souvent d'atténuer ces désagréments et d'améliorer le confort du patient pendant le traitement.
Aliments à éviter pendant la chimiothérapie
Pendant une chimiothérapie, il est important d'éviter certains aliments pour prévenir les complications et atténuer les effets secondaires du traitement.
- Les aliments crus à risque microbiologique: Pendant la chimio, le système immunitaire est affaibli. Les aliments crus ou peu cuits peuvent contenir des bactéries ou parasites potentiellement dangereux.
- À éviter: Poissons crus (sushi, sashimi, tartare, carpaccio), viandes crues ou saignantes, charcuterie crue (jambon cru, saucisson, chorizo), œufs crus ou mal cuits (mayonnaise maison, mousse au chocolat), lait cru et fromages au lait cru (camembert, roquefort, brie non pasteurisé).
- Bon réflexe: consommez uniquement des aliments bien cuits et choisissez des produits pasteurisés ou stérilisés.
- Les aliments fermentés ou affinés: Les aliments fermentés peuvent contenir des micro-organismes vivants qui ne sont pas toujours bien tolérés pendant la chimio, surtout en cas de neutropénie (baisse des globules blancs).
- À éviter: Fromages à pâte persillée ou au lait cru, choucroute crue, kéfir, kombucha, tempeh non pasteurisé.
- Bon réflexe: préférez les produits pasteurisés et frais, sans moisissures ni croûtes apparentes.
- Les fruits et légumes mal lavés ou crus (en cas de neutropénie): Les fruits et légumes crus peuvent être porteurs de germes ou pesticides, surtout s’ils ne sont pas bien lavés. En cas de défenses immunitaires affaiblies, cela augmente le risque d’infections.
- À éviter (temporairement): Fruits rouges crus (framboises, fraises…), salades prêtes à l’emploi ou non lavées, herbes fraîches non désinfectées, légumes crus avec peau difficile à nettoyer.
- Bon réflexe: Bien laver, éplucher ou cuire les fruits et légumes. Utiliser une solution de lavage (vinaigre blanc dilué, bicarbonate). Privilégier les compotes, purées, soupes, légumes vapeur.
- L’alcool et les excitants: L’alcool irrite la muqueuse digestive, fatigue le foie déjà mobilisé par le traitement, et peut interagir avec certains médicaments.
- À éviter: Vin, bière, spiritueux, café fort ou en excès, boissons énergisantes, thé noir à forte dose.
- Bon réflexe: Privilégiez l’eau, les tisanes douces (camomille, verveine). Si vous tenez à une boisson chaude : café décaféiné, thé vert léger, rooibos.
- Les aliments très gras ou trop sucrés: Les traitements peuvent ralentir la digestion et provoquer nausées, diarrhées ou constipations. Une alimentation trop grasse ou sucrée aggrave ces troubles.
- À éviter: Fritures, sauces riches, plats en sauce, viennoiseries, pâtisseries industrielles, bonbons, sodas, confiseries, produits ultra-transformés.
- Bon réflexe: Optez pour des repas légers, équilibrés, riches en fibres douces et protéines faciles à digérer (œufs bien cuits, poisson, volaille, tofu).
- Les aliments riches en fibres irritantes (en cas de troubles digestifs): Certaines fibres, trop dures ou insolubles, peuvent irriter un intestin déjà fragilisé.
- À éviter si diarrhées ou ballonnements: Céréales complètes, légumineuses (lentilles, pois chiches…), fruits secs (figues, pruneaux…), choux, oignons, poireaux crus.
- Bon réflexe: Préférez les aliments doux : riz blanc, compotes, carottes cuites, banane, pomme râpée. Introduisez les fibres progressivement si votre digestion le permet.
- Les plats préparés et les additifs à surveiller: Les plats industriels contiennent souvent des additifs, conservateurs ou exhausteurs de goût qui peuvent irriter les muqueuses et être mal tolérés pendant les traitements.
- À éviter: Plats micro-ondables riches en sel, sucre, gras, soupes en sachet, snacks salés, chips, biscuits industriels.
- Bon réflexe: cuisinez maison autant que possible, avec des ingrédients simples et frais.
L’alcool est fortement déconseillé, car il peut accentuer les nausées, irriter le tube digestif, mais aussi interagir avec les médicaments de chimiothérapie. Les aliments épicés ou acides (agrumes, vinaigre, tomates) peuvent irriter les muqueuses buccales et aggraver les aphtes, un effet secondaire fréquent de la chimiothérapie.
De même, les produits laitiers crus (fromages au lait cru, yaourts non pasteurisés) et les jus de fruits non pasteurisés doivent être évités, en raison du risque de toxi-infection d'origine alimentaire. Toujours pour éviter les risques de contamination par des pathogènes, évitez de consommer des fruits et légumes non lavés, ainsi que des aliments choisis sur des buffets en libre-service.
La friture et les aliments ultra-transformés, en particulier ceux qui sont riches en graisses saturées et en acides gras trans, peuvent être inflammatoires et aggraver certains effets secondaires de la chimio, comme les nausées et la diarrhée. En cas de diarrhée, il est aussi recommandé de limiter les aliments riches en fibres comme les crudités, les céréales complètes et les légumineuses, ainsi que les aliments riches en lactose en cas d'intolérance (lait, crèmes glacées...).
Enfin, certaines chimiothérapies peuvent provoquer une sensibilité au froid ou au chaud. Il est alors préférable d'éviter les aliments aux températures extrêmes (très chauds ou très froids).
Si certains aliments sont à éviter chez tous les patients traités par chimiothérapie, "d'autres ajustements alimentaires vont dépendre du type de cancer traité et des symptômes ressentis par les patients". N'hésitez pas à en parler avec votre équipe soignante, pour obtenir des conseils personnalisés.
Idées reçues sur l'alimentation et le cancer
Beaucoup d'idées reçues circulent autour de ce que l'on peut (ou non) manger ou boire quand on a un cancer. Il est vrai que les tumeurs sont de grandes consommatrices de sucre car elles se divisent rapidement. Pour autant, aucune étude ne démontre que se priver de sucre permet de ralentir la progression de la maladie. Ce n’est pas le cas des cellules saines de notre organisme pour qui le sucre est essentiel au bon fonctionnement. Arrêter de consommer du sucre c’est donc prendre le risque d’affaiblir son corps, de perdre du poids et des muscles.
Vous pouvez manger ce que vous voulez à partir du moment où votre alimentation est variée, équilibrée et sans excès.
Aliments à privilégier pendant la chimiothérapie
Pendant une chimiothérapie, il est important de maintenir une alimentation variée et équilibrée pour soutenir le corps pendant le traitement, et de "limiter au maximum la dénutrition". Bien manger contribue à augmenter les niveaux d'énergie et le tonus musculaire, préserver la fonction immunitaire, réduire l'inflammation et gérer les effets secondaires du traitement.
Protéines
Les aliments riches en protéines sont essentiels pour maintenir la masse musculaire et soutenir le système immunitaire. Selon la Fondation québécoise contre le cancer, "les personnes traitées contre le cancer devraient consommer chaque jour de 1,2 g à 1,5 g de protéines par kilogramme de leur poids corporel".
N'hésitez pas à varier les sources de protéines :
- Viandes blanches et poissons bien cuits
- Œufs (2 œufs par portion)
- Produits laitiers (yaourts, fromages...), qui apportent aussi du calcium
- Légumineuses (pois, haricots, lentilles)
- Tofu et produits à base de soja
- Noix et graines (en petites quantités)
Fruits et légumes
La Ligue contre le cancer recommande de consommer 5 portions de 80 g de fruits et légumes par jour, pour leur apport en fibres, vitamines et minéraux. Privilégiez une grande variété de couleurs pour obtenir différents nutriments. Consommez aussi bien des crudités (bien lavées) que des légumes cuits. En cas de difficultés de déglutition, tournez-vous vers les purées de fruits et les compotes.
Féculents
À chaque repas, incluez des aliments riches en glucides complexes comme le pain, les céréales, les pâtes, le riz ou les pommes de terre. Sauf en cas de diarrhée, tournez-vous plutôt vers leur version complète, plus riche en fibres et en nutriments.
Matières grasses
Consommez des matières grasses en petites quantités, en privilégiant les huiles végétales pour leur apport en acides gras essentiels. Varier les huiles utilisées permet de diversifier les types d'acides gras. La Ligue contre le cancer suggère de limiter la consommation de corps gras d'origine animale (beurre, crème) à 1 à 2 portions par jour, et de corps gras d'origine végétale à 3 à 4 portions journalières - sachant qu'une portion équivaut à 10 grammes.
Hydratation
En parallèle, il est primordial de bien s'hydrater en buvant de l'eau, des tisanes ou des bouillons de légumes. Le thé et le café léger peuvent aussi être consommés. La recommandation est de 2 litres d'eau par jour pour les femmes, et 2,5 litres d'eau par jour pour les hommes.
Autres aliments spécifiques à mettre au menu
Certains aliments peuvent aider à gérer les effets secondaires :
- En cas de nausées: optez pour des aliments à saveur peu intense comme la volaille, les produits laitiers et certains poissons. Privilégiez les repas froids, pour éviter les odeurs. Vous pouvez aussi commencer la journée avec des aliments secs comme les biscuits sodas, les toasts ou les crackers.
- En cas de diarrhées: privilégiez les aliments faibles en fibres et le lactose, comme le riz blanc, les carottes cuites, les bananes mûres, la compote de pomme ou la gelée de coing.
- En cas de constipation: misez sur des aliments riches en fibres comme les fruits et légumes crus, les céréales complètes, les graines et les noix. Buvez au moins huit verres d'eau par jour.
- En cas de douleurs dans la bouche ou la gorge: préférez les aliments faciles à mastiquer et à avaler (soupes, purées de légumes, viande hachée, oeufs brouillés, yaourts, compotes, salades de fruits...) et préférez les repas froids.
Que faire en cas de perte d'appétit ?
En cas de perte d’appétit, la diététicienne conseille de fractionner ses repas en mangeant plusieurs petits repas dans la journée plutôt que trois gros repas. Cela permet de maintenir un apport énergétique suffisant sans se forcer à manger de grandes quantités.
Consommez des aliments faciles à avaler comme des potages, des purées, de la semoule ou des aliments mixés. "Parfois, changer la texture des aliments, comme mixer la viande, permet de les manger plus facilement". Autre astuce : enrichir certaines préparations (comme les potages et les purées) avec du lait écrémé en poudre, des œufs, du tofu soyeux ou de la poudre de protéines. Une bonne façon d'augmenter vos apports en protéines, même si vous ressentez du dégoût pour la viande. Cette dernière peut aussi être remplacée par du poisson, des laitages ou des légumineuses.
Pensez aussi à adapter vos heures de repas en fonction de vos horaires de perfusion ou de prise de médicaments. Cela peut aider à ne pas arriver au repas sans appétit.
"Quand on sent que l’alimentation devient très difficile, il ne faut pas hésiter à avoir recours à des compléments nutritionnels oraux (CNO)", ajoute Madonie Heudron. Ces derniers sont disponibles en pharmacie, sur prescription médicale.
Peut-on manger juste avant une chimiothérapie ?
Il est recommandé de manger en petites quantités avant une séance de chimiothérapie pour éviter l’inconfort digestif. L’idéal est un repas léger, composé de protéines maigres (viandes blanches, poissons) et de féculents bien cuits.
Il est conseillé d’éviter les aliments trop gras ou trop épicés qui pourraient aggraver les nausées. En outre, le petit-déjeuner est souvent le repas le mieux toléré. Si votre traitement est prévu plus tard dans la journée, essayez de prendre un petit-déjeuner plus substantiel. Cela vous aidera à maintenir votre énergie pendant la séance. Vous pouvez également apporter des collations légères pour la séance, comme des crackers (petits gâteaux secs), qui sont faciles à digérer. Une bonne façon de ne pas avoir le ventre vide pendant le traitement.
Compléments alimentaires et autres considérations
Nous vous déconseillons de prendre tous compléments alimentaires en libre accès en pharmacie (curcuma, ail, vitamines etc) pendant les traitements. Il est essentiel de demander l’avis de votre oncologue avant, et de lui informer sur tout ce que vous prenez à côté (homéopathie, huiles essentielles etc). Il faut éviter toute automédication.
La consommation de certains aliments, plantes ou compléments alimentaires peut interagir avec les traitements pour le cancer. Par exemple, il est recommandé d’éviter de consommer du thé vert la veille, le jour J et le lendemain de la chimiothérapie. En fonction de votre traitement l’oncologue pourra vous donner des indications.
Certains traitements, comme le tamoxifène ou la radiothérapie, détruisent les cellules tumorales en produisant des radicaux libres. Or, les vitamines protègent les cellules de ce “stress oxydatif” grâce à leur propriétés anti-oxydantes. Par ailleurs, si vous avez une alimentation équilibrée, vos apports en vitamines sont probablement suffisants. Pour vous en assurer, demandez à votre médecin de vous prescrire un bilan sanguin.
C’est vrai pour certains traitements, comme certaines hormonothérapies, certaines thérapies ciblées ou encore les chimiothérapies injectables à base de docétaxel. Le pamplemousse bloque en effet des enzymes du foie impliquées dans leur élimination. Prudence donc. Le mieux est de demander à votre médecin ou votre pharmacien si votre traitement est concerné par cette interaction.
Le soja (tofu, édamame, …) contient des isoflavones qui miment les œstrogènes. Sachez que, contrairement aux idées reçues, la sauce soja et les pousses de soja (qui sont en réalité des pousses d’haricots mungo) ne contiennent pas d’isoflavones, vous pouvez donc en manger sans risque. Idem pour les aliments comprenant de la lécithine de soja.
Le thé et le rooibos contiennent des tanins qui forment une barrière au niveau de l’intestin et diminuent l’absorption des traitements pris par voie orale, quels qu’ils soient. Les tisanes et infusions, elles, contiennent rarement des tanins. En revanche, elles peuvent présenter un risque si la plante à partir de laquelle elles sont faites interagit avec les traitements. C’est notamment le cas du millepertuis qui diminue leur concentration dans le sang et, de ce fait, leur efficacité. Et le café ? Il contient très peu de tanins, donc aucun problème de ce côté là.
Il n’est pas conseillé de perdre du poids pendant les traitements surtout avec un régime restrictif. La perte de poids souvent observée du fait d’une perte d’appétit, correspond bien souvent à une fonte musculaire, délétère pendant les traitements.
Actuellement aucune étude ne démontre d’intérêt à supprimer les produits laitiers lors de la survenue de cancer ou lors des traitements de celui-ci. Le lait est la principale source de calcium dans l’alimentation. Avec l’âge, les besoins sont augmentés afin de prévenir les risques de fracture et d’ostéoporose. A savoir : il se peut que vous ayez des difficultés à digérer le lait de vache en boisson. C’est lié à un déficit en une enzyme, la lactase, qui disparait progressivement avec l’âge.
Actuellement aucune étude ne démontre d’intérêt à supprimer le gluten lors de la survenue de cancer ou lors des traitements de celui-ci. Le gluten est une protéine contenue dans le blé, le seigle, l’orge et l’avoine. Elle est très utilisée en pâtisserie ou comme améliorant de texture dans les produits industriels. A savoir : Il existe une maladie auto-immune appelée « maladie cœliaque » ou « intolérance au gluten » qui nécessite un régime strict sans gluten.
Les purées de fruits à coque sont intéressantes car riches en graisses végétales, et en protéines végétales. Toutefois il n’a pas de raison de supprimer le beurre et la crème qui sont aussi de bonnes sources de graisses animales.
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