Dans une petite rue du centre ville de Marseille, entre les étals des primeurs qui débordent de coriandre et de menthe, les tomates entassées en pyramide précaire, et les gousses d’ail fraîches, quelques boucheries climatisées proposent bœuf, agneau, volaille, mais pas de porc. Ici, comme dans tous les établissements cashers ou halahs, vendre cette viande reviendrait à transgresser un interdit plurimillénaire, explicitement mentionné dans le Lévitique, l’un des livres de la Torah, et dans le Coran.
Ces textes restent pourtant assez silencieux quant aux raisons du tabou. « Vous ne mangerez pas le porc, qui a la corne fendue et le pied fourchu, mais qui ne rumine pas: vous le regarderez comme impur » somme le Lévitique. « Il vous interdit la chair d'une bête morte, le sang, la viande de porc et ce sur quoi on a invoqué un autre qu'Allah » souligne la sourate Al-Baqara.
Cela fait donc des siècles que les humains se penchent sur la question, et que les théories se multiplient. La plus populaire ? Manger du porc comporte des risques pour la santé - vous l’avez sans doute entendue au détour d’une conversation.
Raisons sanitaires et hygiéniques
Avec le climat chaud et sec du Proche-Orient, la viande de porc est, à l’époque des textes religieux, particulièrement difficile à conserver. En plus, le cochon adore se vautrer dans les immondices, et les humains l’ont remarqué depuis longtemps. Qui donc oserait manger du porc dans ces conditions ?
Dès le début du 2e millénaire avant notre ère, des textes associent les cochons aux égouts. Plus tard, au 12e siècle de notre ère (bien après la rédaction des textes religieux donc), Moïse Maïmonide, l’un des plus grands philosophes juifs du Moyen Âge, affirme que l’interdit religieux est fondé justement sur la saleté du porc.
« Au 19e siècle, cette théorie connaît un regain de popularité avec la découverte des microbes » observe Max Price, archéologue à l’université de Durham et auteur d’un livre sur le sujet. Aujourd’hui encore, tout le monde sait qu’il faut se méfier du porc mal cuit, sous peine de tomber plus ou moins gravement malade.
Facteurs économiques
Alors, est-ce une banale histoire d’argent qui aurait pu mettre le cochon au ban ? À l’époque des textes religieux, le porc était sans doute un piètre investissement économique. Il ne produit ni laine, ni cuir, au contraire du bœuf ou du mouton. L’animal aurait donc, selon certains chercheurs, été abandonné par les plus aisés, et finalement frappé d’une interdiction religieuse.
Ressemblance avec l'humain
Ou bien est-ce parce qu’il nous ressemble trop ? « Tout semble montrer que le cochon est, avec les grands singes, l’un des plus proches cousins de l’Homme » affirme Michel Pastoureau. « Déjà, dès l’Antiquité, les médecins avaient remarqué la parenté entre les humains et les cochons. Au Moyen Âge, dans les écoles de médecine, l’apprentissage de l’anatomie humaine passait par la dissection du porc, l’Eglise interdisant cette pratique sur les cadavres humains. Les scientifiques de l’époque avaient remarqué les grandes similitudes entre les organes des Hommes et des porcs. Aujourd’hui, on utilise les organes des cochons pour les greffes » poursuit le spécialiste. « Manger du porc reviendrait, d’une certaine manière, à être un peu anthropophage. Voilà qui pourrait expliquer le tabou ».
Volonté de se différencier
Direction le Proche-Orient, vers 1200 avant J.-C, pour le comprendre. À cette époque, les Israélites, ancêtres du peuple juif, commencent à bouder le porc. Les archéologues retrouvent en effet, dans les lieux où ils sont installés, de moins en moins d’os de cochons, jusqu’à ne plus en voir du tout. Au contraire, à quelques kilomètres de là, d’autres villages, peuplés par les Philistins, continuent d’en manger.
Or, les Israélites, on ne sait pas trop pour quelle raison, détestaient les Philistins. Ils les méprisaient : on le constate dans les écrits qui nous sont parvenus. « Ils rabaissaient leurs choix de vie, déplorant par exemple le fait que leurs fils ne soient pas circoncis » illustre ainsi Max Price. L’archéologue pense donc que le tabou autour du porc s’est en partie construit autour de cette volonté de se différencier des voisins honnis. « C’est ce qui aurait pu donner au tabou relatif au porc sa puissance particulière, et expliquer pourquoi cette interdiction est si différente des autres lois alimentaires dans le Lévitique » poursuit-il.
Instrumentalisation du tabou
Quoi qu’il en soit, on ne sait toujours pas avec certitude pourquoi les livres religieux posent cet interdit. Ce qui est certain, néanmoins, c’est que le tabou a depuis été instrumentalisé pour stigmatiser les communautés juives puis musulmanes. Pourtant, chaque culture a ses interdits, plus ou moins conscients, et plus ou moins expliqués. « En Europe par exemple, personne ne mange de chien depuis des siècles, alors que cela se fait encore ailleurs » souligne Michel Pastoureau.
Dans la Torah et dans le Coran, écrit des siècles plus tard, le porc est banni des assiettes. « Dieu vous a seulement interdit la bête morte, le sang, la viande de porc », peut-on lire dans le Coran (sourate 2, verset 173). Mais pourquoi le rejet de cet animal rose ? Bien malin celui qui pourra vous livrer une explication définitive. Car les historiens sont partagés.
On est rapidement surpris par la quantité d'hypothèses qui circulent dans la littérature scientifique ou sur les blogs. La plus populaire veut que cette interdiction soit uniquement imputée à des motivations sanitaires. « En fait, on ne sait pas pourquoi les livres religieux posent cet interdit. Et on ne le saura probablement jamais », tranche d'emblée Youri Volokhine, maître d'enseignement et de recherche, unité d'histoire et d'anthropologie des religions de l'université de Genève.
Le cochon, tabou durant l'Égypte ancienne ?
Aucune explication n'est à trouver dans les textes religieux sacrés. Chez les juifs, comme chez les musulmans, le cochon ne doit pas être mangé et… c'est tout. Aucune explication n'est vraiment donnée dans le Coran ou la Torah. Ce qui complique la tâche des historiens qui se sont penchés sur la question.
« La plupart des hypothèses […] sont basées sur les discours formulés a posteriori, dans les années et les siècles qui ont suivi », explique Youri Volokhine. Fin de la discussion ? Non, car moult hypothèses ont été avancées, certaines particulièrement intéressantes.
Dès l'Égypte ancienne - donc bien avant l'apparition des trois grands monothéismes -, le cochon aurait eu une mauvaise image. Dans les Textes des sarcophages du Moyen Empire, le cochon est accusé d'un « crime cosmique » : il a blessé l'œil du dieu Horus, dieu de la Lune. Ses phases d'obscurcissement sont alors interprétées comme des blessures infligées par ses ennemis. Or, le porc est justement l'un des avatars de Seth, dieu du chaos et du désordre. Résultat ? L'animal aurait été jugé impur et banni des temples et des rituels.
Beaucoup soutiennent que c'est ici que l'interdiction du porc chez les juifs trouve sa source. « Mais à partir de cet épisode, on a bâti une aversion de toute l'Égypte antique pour cet animal. En réalité, il n'y avait pas d'interdiction de consommation. On peut dire que c'est un animal qui n'est pas valorisé et très rarement donné en offrande. Mais il était tout de même consommé », nuance Youri Volokhine, auteur de l'ouvrage Le Porc en Égypte ancienne. Mythes et histoire à l'origine des interdits alimentaires (Presses universitaires de Liège, 2020).
La domestication du porc
Mais alors pourquoi, à deux reprises dans la Torah, dans le Lévitique, ces pauvres cochons sont-ils vus d'un mauvais œil ? « Parmi les ruminants et parmi les animaux ayant des sabots, vous ne pourrez pas manger ceux-ci : […] le porc car, bien qu'ayant le sabot fourchu, fendu en deux ongles, il ne rumine pas, il est impur pour vous », est-il écrit.
L'hypothèse la plus répandue sur Internet - et que vous a sûrement déjà raconté votre oncle historien du dimanche - veut que cette interdiction soit liée à des préoccupations sanitaires. Dans son Guide des égarés, Moïse Maïmonide, l'un des plus grands philosophes juifs du Moyen Âge, explique qu'au XIIe siècle - bien après l'écriture de la Torah donc -, l'interdit juif se fonde sur le fait que la chair du porc serait mauvaise, corruptible, indigeste, car issue d'un animal sale et déplaisant.
Le porc mal cuit serait trop dangereux. Il s'agirait d'un conseil de bienveillance de Dieu lui-même. « En effet, les cochons, déjà dans le monde antique, sont des éboueurs : ils mangent tout et n'importe quoi, même des déjections. La domestication implique normalement de contrôler l'alimentation de l'animal, au risque d'être contaminé. Sauf qu'à cette époque, la connaissance en médecine ne permettait pas de savoir que cela est dangereux pour la santé. Encore une fois, ce sont des explications livrées après coup et qui ne peuvent pas suffire à expliquer ces inscriptions dans les textes sacrés. »
Une revendication identitaire
Pour beaucoup d'historiens ayant travaillé sur la question, le refus de consommer du porc est une façon, pour les juifs d'abord et les musulmans ensuite, de se distinguer des autres. Une sorte de revendication identitaire, même si le mot est anachronique. Le cochon serait un moyen de se distinguer, également pour les chrétiens.
« La judaïté est pour les chrétiens la figure nécessaire de l'origine, pensable à l'échelle historique et collective (tant il est vrai que le Christ fut d'abord un juif et que le Nouveau Testament sort de l'Ancien Testament), comme à l'échelle individuelle : c'est à une sorte de judaïsme de nature que le baptême arrache les petits des chrétiens. Puisque les juifs refusent de manger du cochon, il faut donc que les chrétiens en mangent, manière de dire haut et fort (trop fort parfois) ce qu'ils sont et d'où ils viennent », écrit Jean-Claude Schmitt, historien français.
Une autre piste de recherche est souvent citée : la consommation du porc est évitée car ce sont des animaux trop difficiles à élever. Ces petits êtres aux courtes pattes ne sont pas adaptés aux conditions rudes du désert du Moyen-Orient.
Là encore, Youri Volokhine est sceptique : « Si ce ne sont pas des animaux du désert, comment expliquer que, dans l'Égypte antique, on en consommait ? Beaucoup d'historiens américains sont attachés à cette explication fonctionnaliste », explique le chercheur, avant d'ajouter : « Moi, de mon côté, je pense au contraire que la culture nous montre que, parfois, les êtres humains font des choses parfaitement absurdes.
L’interdiction de manger du porc est l’une des traditions les plus fortes de la religion islamique. Pour comprendre pourquoi les musulmans ne mangent pas de porc, il faut remonter dans l’Histoire et commencer par analyser pourquoi les juifs ne mangent pas de porc.
Les juifs ne mangent pas de porc parce que le Lévitique l’a interdit après qu’une série de changements sociaux et environnementaux ont rendu l’élevage et la consommation de porcs non rentables.
Pourquoi le Coran interdit-il aux musulmans de manger du porc ?
Alors que le christianisme l’avait levé, l’islam a rétabli le tabou alimentaire qui interdisait aux juifs de manger du porc. Il semble que le Coran comporte peu d’interdictions alimentaires. Mais, parmi les plus sévères, figure l’interdiction de manger de la viande de porc et de chameau.
De plus, s’ils ne peuvent pas manger de porc, il est aussi interdit aux musulmans de les approcher. Seul le fait de les toucher est motif d'impureté. Le texte sacré islamique dit : "Dieu vous a seulement interdit la bête morte, le sang, la viande de porc."
Pour le matérialisme historique, l’interdit religieux islamique se fonde sur la même réalité que dans le cas des juifs : il n’était tout simplement pas rentable d’élever ces animaux.
Quel verset du coran interdit le porc ?
L'interdiction de la consommation de porc est mentionnée dans plusieurs versets du Coran. L'un des versets principaux à ce sujet est le suivant :
"Vous sont interdits la bête trouvée morte, le sang, la chair de porc, ce sur quoi on a invoqué un autre nom que celui d'Allah, la bête étouffée, la bête assommée ou morte d'une chute ou morte d'un coup de corne, et celle qu'une bête féroce a dévorée - sauf celle que vous égorgez avant qu'elle ne soit morte - et celle qu'on a immolée sur les autels, et qu'il vous est aussi interdit de chercher à deviner par l'astrologie le sort des coupelles (destinées au partage des viandes) : voilà une iniquité. Aujourd'hui, ceux qui désespèrent de la religion se désespèrent de vous en avoir dégoûtés.
Ce verset, ainsi que d'autres dans le Coran, souligne l'interdiction de la consommation de porc pour les musulmans.
La justification de cette interdiction est principalement basée sur les principes de pureté rituelle et de respect envers les commandements divins.
Quelles viandes les musulmans peuvent-ils manger ?
Les musulmans mangent de la viande de chèvre, de bœuf et de poulet parce que ce sont des produits halal. Ce terme signifie "autorisé", son opposition est la nourriture haram. Tout ce qui est "haram" est interdit et nuisible.
La nourriture halal se distingue par l’absence de la moindre présence de viande ou de graisse de porc et d’alcool. De plus, pour qu’un aliment soit halal, la traçabilité doit également être garantie tout au long du processus. La formation du personnel et le choix des matières premières sont également des facteurs à prendre en compte.
Ceux qui développent des produits halal affirment qu'il s'agit d'une offre saine, même pour les non-musulmans. Un autre pilier de l'alimentation musulmane est le jeûne pendant le mois sacré du Ramadan.
Quelles viandes sont interdites en Islam ?
En Islam, la consommation de certaines viandes est interdite. Les principes qui déterminent les viandes autorisées (halal) et interdites (haram) sont basés sur les enseignements du Coran et de la Sunna (tradition prophétique). Voici quelques catégories de viandes interdites en Islam :
- Porc (chair de porc): Comme mentionné précédemment, la consommation de porc est strictement interdite en Islam. Cela est énoncé à plusieurs reprises dans le Coran.
- Viande d'animaux égorgés au nom d'un autre qu'Allah: Les animaux destinés à la consommation doivent être égorgés en mentionnant le nom d'Allah au moment de l'abattage. La viande d'un animal égorgé au nom d'une autre divinité ou sans mention d'aucun nom est interdite.
- Bête morte (Maitah): La consommation d'une bête trouvée morte sans avoir été correctement abattue est interdite.
- Sang: La consommation de sang est également interdite en Islam.
- Animaux morts par des causes naturelles: La viande d'un animal mort de causes naturelles (sans être correctement abattu) est considérée comme impure et donc interdite.
- Animaux étranglés, assommés ou morts d'une chute: Les animaux qui meurent d'une manière autre que l'abattage rituel (égorgement) sont également interdits.
Il est important de noter que la manière dont les animaux sont abattus pour la consommation doit être conforme aux principes de l'abattage rituel islamique, connu sous le nom de "dhabiha" ou "zabihah".
Pourquoi le porc n'est pas halal ?
La consommation de porc est interdite en Islam en raison des enseignements du Coran, qui est la principale source de la loi islamique, et des enseignements de la Sunna, qui se réfère aux traditions et aux pratiques du prophète Mahomet (que la paix soit sur lui).
Plusieurs versets du Coran interdisent explicitement la consommation de porc. L'un de ces versets se trouve dans la sourate Al-Baqara (2:173) : "Il vous est seulement interdit la bête trouvée morte, le sang, la chair de porc, et ce sur quoi on a invoqué un autre nom que celui d'Allah. Mais quiconque en mange sous contrainte, sans vouloir de péché ni transgresser, alors Allah est Pardonneur et Miséricordieux."
Les raisons exactes derrière l'interdiction de la consommation de porc ne sont pas explicitement données dans le Coran, mais les érudits islamiques ont proposé plusieurs explications possibles basées sur des principes islamiques fondamentaux.
- Purification spirituelle : La consommation de porc est considérée comme impure du point de vue rituel. Éviter la consommation de porc est considéré comme une mesure de purification spirituelle pour les croyants.
- Hygiène : Les porcs sont des animaux qui ont des habitudes alimentaires variées, y compris la consommation de déchets. La viande de porc peut être plus susceptible de transmettre des maladies et des parasites, ce qui peut constituer une préoccupation pour la santé.
- Obéissance à Dieu : L'interdiction de la consommation de porc est vue comme un commandement divin dans l'Islam, et les musulmans sont censés obéir à ces commandements pour démontrer leur soumission à Allah.
Il est important de noter que l'interdiction de la consommation de porc fait partie des règles alimentaires islamiques plus larges visant à promouvoir la pureté spirituelle, la santé et l'obéissance à Dieu.
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