Le Porc Corse : Élevage et Particularités d'une Race Unique

« Tout est bon dans le cochon ». C’est sans doute là l’une des raisons qui poussent l’homme à poursuivre l’élevage porcin depuis plusieurs milliers d’années. En dehors du bon goût de sa viande, l’animal est aussi très prolifique et facile à nourrir puisqu’il est omnivore.

Le cochon corse, connu localement sous le nom de « Porcu Nustrale, » est bien plus qu’une simple race de porc. Il incarne l’essence même de la Corse, de son histoire riche à sa cuisine authentique. Dans cet article, nous plongerons profondément dans le monde fascinant du cochon corse, en explorant son origine, son élevage, sa place dans la gastronomie corse.

Origine et Histoire du Porc Corse

L’histoire du cochon corse remonte à des siècles, bien avant que l’île de Corse ne devienne une région française. Cette race de porc autochtone s’est adaptée aux conditions environnementales spécifiques de l’île, ce qui en a fait une espèce unique au monde.

Le cochon corse est issu de croisements entre les porcs autochtones et d’autres races introduites par les Phéniciens, les Grecs et les Romains. Le porc corse (u porcu corsu) est présent sur l’île depuis des millénaires, depuis qu’il aurait remplacé l’actuel sanglier corse (retourné à l’état sauvage) dans les élevages. Après avoir subi, au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, un grand nombre de croisements avec des races sélectionnées (principalement Large White puis Duroc), il a fait l’objet d’une démarche de sauvegarde qui a permis de reconstituer des effectifs en race pure.

Enraciné sur l'île depuis des siècles par un élevage traditionnel, le porc corse a été menacé par l'élevage industriel et le mélange avec d'autres cochons de race duroc, large white ou landrace. A la fin des années 90, alors qu'il ne reste plus qu'une centaine de reproducteurs identifiés, des éleveurs se mobilisent contre cette disparition programmée et commencent à répertorier leurs bêtes par généalogie en gérant les accouplements et prenant garde à la consanguinité, dans l'optique de faire reconnaître la race insulaire. Dix années plus tard au début de l'année 2006, ce travail aboutit à l'appellation porcu nustrale comme cochons de race corse.

Des actions visant à sauvegarder le porc corse ont abouti, en 2006, à la reconnaissance officielle de la race porcine corse par le Ministère de l’Agriculture. Cette race a alors pris le nom de « Nustrale » du fait d’une demande d’AOC pour les pièces salées séchées, prisuttu, coppa et lonzu, afin d’éviter les risques de confusion liés à l’homonymie.

Caractéristiques Physiques du Cochon Corse

Les cochons corses se distinguent par leur apparence distinctive. Ils ont un pelage noir, parfois moucheté de blanc, et une silhouette robuste. Leur taille moyenne en fait d’excellents explorateurs des collines et forêts corses, où ils se nourrissent d’herbes sauvages, de glands et d’autres ressources naturelles.

La race porcine corse présente un format moyen à petit : une femelle adulte pèse 140 à 180 kg et un mâle 200 à 240 kg. Doté d’une tête fine et allongée avec un groin mobile et des oreilles semi-tombantes, le porc corse peut montrer des épis sur la ligne du dos ainsi que des pendeloques (i pindini). Les patrons colorés sont multiples et basés sur les couleurs suivantes : noir, roux, gris et agouti.

Le porc corse est un peu plus petit que ses congénères du continent, sa taille est de 60 à 65 cm avec une longueur de 1,15 m et sont poids peut atteindre 160 à 200 kg pour une truie, et 220 kg pour un verrat. Il porte un manteau noir plus ou moins foncé - porcu neru - avec un pelage court et le dos arrondi, qui rappellent un peu le porc gascon. La tête est allongée jusqu'au groin, les oreilles droites à l'horizontal pouvant être pendantes sur les yeux qu'on peine à voir. La queue est de taille moyenne formant un toupet.

L'Élevage Traditionnel du Porc Corse

L’élevage du cochon corse est profondément enraciné dans la culture corse. Les éleveurs veillent à ce que les porcs soient élevés en plein air, se nourrissant de manière naturelle. Cette méthode d’élevage traditionnelle contribue à la qualité exceptionnelle de la viande. Les cochons sont élevés avec soin, garantissant ainsi une viande tendre et savoureuse.

L’élevage extensif est essentiellement basé sur la valorisation de parcours au relief accidenté et couverts de maquis. Les troupeaux évoluent à l’extérieur toute l’année à part la période mise-bas des truies qui peut se faire dans des cabanes. Le porc corse est un animal à croissance lente qui se caractérise par sa rusticité et son aptitude à la marche. Elevé en système extensif sylvo-pastoral, il valorise des parcours et les zones de châtaigneraie et de chênaie durant l’automne.

Il est capable de subir des périodes de faible disponibilité en ressources naturelles en mobilisant ses réserves corporelles avant de profiter à nouveau de ressources importantes par une croissance compensatrice (période de finition automnale).

Habitué à vivre en liberté et en groupe dans des zones boisées évitant le maquis, le porc nustrale tolère la présence humaine qui le laisse imperturbable tant qu'il n'y a pas d'interaction. Une distance de sécurité doit toujours être maintenue en l'absence de l'éleveur. Le caractère bruyant de l'animal en de nombreuses circonstances peut également surprendre, principalement lorsque les bêtes sont dans leur enclos.

Les cochons des élevages ancestraux, étaient nourris essentiellement en montagne et avec des restes. La Corse restant une région principalement rurale, les cochons profitent d'une certaine liberté et continuent de se nourrir de glands ou de châtaignes en automne, ainsi que de toutes sortes de végétaux et racines dans les pâturages aux estives. A cette alimentation naturelle peut-être ajoutée en complément par les éleveurs des céréales comme l'orge, le blé, le maïs ou l'avoine. Les enclos sont réduits à de la terre témoignant du régime omnivore des suidés, le cochon ne laissant pas la moindre pousse sans l'arracher, ce qui fait de lui la meilleure des débroussailleuses.

Le porc corse est très présent dans les périodes de la Corse rurale traditionnelle. En effet, le porc de basse-cour accompagne la vie de toutes les familles paysannes par sa capacité de récupération des déchets de la cuisine et de tous les aliments assimilables. Le mannarinu est ainsi élevé dans chaque famille pour être abattu aux alentours de Noël (traditionnellement, l’abattage commençait à la Santa Lucia, le 13 décembre) et transformé en produits de salaison qui seront consommés au cours de l’année ou même, pour le jambon sec, au cours de l’année suivante.

Cet animal est acheté par le paysan sous forme de porcelet au sevrage vers le mois de mars (u marzulinu) à un éleveur (u purcaghju) qui dispose d’un troupeau de truies menées dans la forêt (porcu di banda ou porcu di furesta). Suite à la disparition progressive des ruraux (et donc de l’usage du mannarinu), c’est cet éleveur qui a subsisté jusqu’à nos jours sous la forme d’un producteur-transformateur fermier.

Il conduit ses troupeaux (greghje ou rèfiche) sur de vastes étendues de parcours (rughjoni) grâce à l’aide de truies « meneuses » qui connaissent ces parcours et conduisent leurs congénères en assurant leur apprentissage des zones de repas, d’abreuvement et de couchage. Il réalise la finition des animaux à abattre (porchi tumbatoghji) durant l’automne dans les zones de châtaigneraie et de chênaie pour bénéficier d’aliments amylacés (châtaignes et glands) en grande quantité pâturés par les animaux eux-mêmes.

Répartition géographique

Les élevages de cochons de race porcu nustrale se retrouvent essentiellement en Corse du Sud (excepté l'extrême sud et l'est) et plus particulièrement sur la partie occidentale. En Haute-Corse, on les retrouve aussi en Castagniccia, région de châtaigneraies et de forêt dense idéale pour leur élevage.

La Délicieuse Viande de Cochon Corse

La viande de cochon corse est célèbre pour sa qualité inégalée. Elle est tendre, juteuse et possède une saveur riche et délicate. Les chefs cuisiniers corses en font un ingrédient incontournable de leur cuisine.

Suite à l’abattage des porcs, le producteur réalise la transformation des carcasses en produits traditionnels. Le jambon sec (u prisuttu), l’échine (a coppa), la longe (u lonzu), la poitrine (a panzetta) et la gorge (a bulagna) sont salés et séchés. Des produits divisés comme le saucisson (a salciccia ou u salamu), la saucisse de foie (u ficatellu), la saucisse grasse (a salcicetta) sont embossés dans divers boyaux. Des produits cuits comme les boudins (i sangui), le fromage de tête (u casgiu di porcu) ou l’estomac farci (u ventru) sont cuisinés.

La Place du Cochon Corse dans la Cuisine Corse

Le cochon corse est au cœur de nombreuses spécialités culinaires corses. Il est utilisé pour préparer une variété de plats, tels que des saucisses, des charcuteries, des ragoûts et des plats de gibier. Parmi les plats les plus célèbres, on trouve le « Cochon de lait, » rôti à la broche et servi avec des herbes aromatiques. Une des spécialités les plus appréciées est le « Figatellu, » une saucisse de foie de porc corse grillée et servie avec du pain frais.

Préservation de la Race

En raison de sa valeur culturelle et gastronomique, des efforts considérables sont déployés pour préserver la race du cochon corse. Des programmes de reproduction sélective sont en place pour maintenir la pureté de la race, tout en veillant au bien-être des porcs.

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