Les burkinabè sont friands de porc au four. Difficile, en effet, de trouver un quartier qui n’a pas son ou ses spécialistes en la matière.
Au Burkina, c’est la région du Sanguié qui détient la palme en matière de « porc au four. » Ses cuisiniers sont unanimement reconnus pour leur savoir-faire. Et chaque grande manifestation culturelle est l’occasion pour eux de donner un aperçu de leur art.
Cuit avec élégance et finesse, le « porc de Réo » témoigne de la vivacité de l’art culinaire burkinabè. Et c’est de partout que l’on vient le contempler.
Le Porc au Four : Un Métier Qui Fait Vivre
Dans les villes de Koudougou et de Réo, la transformation des produits de l’élevage est en plein essor.
Koudougou : L'ascension des sœurs Bonkoungou
Dans la ville de Koudougou, quatre sœurs, vendeuses de porc au four, font la pluie et le beau temps. Revenues de la Côte d’Ivoire et par manque de boulot, elles décident de se jeter dans cette activité, naguère réservée aux hommes. C’était en 2017. Puis, elles se sont associées à quatre pour combattre le chômage qui les menaçait.
Cinq années après, les sœurs Bonkoungou sont devenues une référence en matière de porc au four à Koudougou. Depuis ce temps, les sœurs Bonkoungou rencontrent le succès sur toute la ligne. Elles attestent qu’elles arrivent à subvenir à leurs besoins et surtout à s’occuper de leur mère.
Quotidiennement, elles parviennent à vendre trois porcs. Pour le moment, les quatre sœurs ne se sont pas donné un salaire mais chaque jour, après la vente, elles se répartissent le bénéfice engendré. Judith Bonkoungou affirme que pour le moment, c’est la formule qui leur convient. Elles se disent satisfaites, parce qu’elles arrivent à s’occuper de leurs enfants et à vivre décemment.
Pour le moment, la seule difficulté qu’elles rencontrent est le manque de porcs à certains moments de l’année.
Réo : Une Spécialité Locale
La ville de Réo, bien connue pour sa spécialité en matière de porc au four, regorge de nombreux bouchers. Fabrice Bayala est aussi un spécialiste du porc au four à Réo. Un métier qu’il exerce depuis 2015. Avant d’y être, il dit avoir tout essayé en vain. « Heureusement, mon papa était boucher et j’ai appris à ses côtés », se réjouit-il.
Aujourd’hui Fabrice Bayala est un boucher bien connu à Réo et il emploie quatre personnes dont le salaire varie entre 15 000 et 30 000 F CFA le mois. Chaque jour, il arrive à écouler la viande de cinq ou six porcs dont les clients se trouvent dans plusieurs villes du pays.
Au départ, M. Bagoro s’est lancé dedans par manque d’emploi, selon lui, alors qu’il venait de décrocher son baccalauréat. Du fait que la rentrée tardait, le jeune Bagoro ne savait que faire de son temps. Il décide alors de se lancer dans la vente du porc au four en attendant la rentrée à l’université. Ses tickets de restaurant, il les a toujours achetés grâce aux bénéfices qu’il engrangeait de son four.
Mieux, c’est le porc au four qui va l’aider à poursuivre ses cours sans grande difficulté. Un conseil qu’il a bien suivi et qui a produit des résultats probants. Avec sa licence, il est convaincu qu’il ne peut pas gagner un boulot qui va lui rapporter mieux que son four. Par jour, M. Bagoro écoule trois ou quatre porcs en moyenne, sur place à Réo. Blaise emploie cinq personnes à Réo qui sont payées à 30 000 F CFA le mois tandis que celles de Koudougou sont à 60 000 F CFA.
L’activité est prospère à tel point qu’il a des commandes chaque semaine provenant de Ouagadougou, d’autres villes du pays et même des Etats-Unis d’Amérique. Avec ses bénéfices, M. Bagoro finance des cours et achète des parcelles à Réo et à Koudougou.
Les Spécificités du Porc au Four
Dès lors, c’est l’ingéniosité du « coupeur de viande » qui fait la différence. Du coup, on assiste à une éclosion de spécialités : "porc au rabilé" (à la lévure) ou encore « au soumbala », des trouvailles qui poussent le client avide de saveur, à « prendre un morceau. »
Le rituel est toujours le même : un grand plateau contient les morceaux de viande fumante. Soigneusement mis de côtés, les abats sont également à vendre. Très rapidement, et en totalité, la viande de porc est vendue. Seuls subsisteront quelques morceaux de lard, abandonnés à regrets. La recette engrangée permettra aux différentes parties de financer la séance du lendemain.
Les Défis de la Filière Porcine
Malgré l’apparente sérénité des vendeurs de porc au four, il faut reconnaître qu’ils reviennent de loin. Car l’épisode de la fièvre porcine a été douloureusement ressenti dans le milieu. En l’espace de quelques semaines, la suspicion avait gagné la population.
D’un autre côté, les descentes fréquentes de la police municipale dans les abattoirs clandestins, ont fini par clairsemer les rangs des acheteurs. Lassés par les images fréquentes de conditions d’entretient et d’abattage des animaux, à la limite du réel, de nombreux consommateurs ont pris la clé des champs.
Ce mardi 08 novembre 2022, une équipe a constaté que la vente de la viande de porc semble être au ralenti dans tous les points de vente à Bobo-Dioulasso. La denrée se fait de plus en plus rare dans la ville de Bobo-Dioulasso, dans les boucheries et même à l’abattoir.
A l’abattoir frigorifique de Bobo-Dioulasso, les avis sont divers mais tous convergent sur un seul point, la question sécuritaire. Roland Constantin Ouédraogo, un abatteur de cochon, souligne amèrement : « Il y a l’insécurité qui est là. Et qui est malheureusement une réalité. Il y a des gens qui vont en brousse pour chercher le porc. D’autres mêmes partaient au Mali, en Côte d’ivoire. Mais aujourd’hui, pour des questions sécuritaires, ils ne peuvent pas y aller. Il y a certains mêmes qui ont été menacés. Donc, ça fait peur. Si tu pars et on te tue ou on incendie ton véhicule. Qui perd ? ».
Selon Norbert Balinedou, chef de service production à l’abattoir, par jour environ une centaine de cochons pouvaient être abattus. Mais à l’heure actuelle, il y a des jours où il n’y a aucun cochon à abattre.
D’autres raisons objectives sont également évoquées de part et d’autre. Il s’agit de la peste bovine qui aurait décimé bon nombre de porcheries, mais aussi de la période des récoltes qui préoccupent certains éleveurs. « Il y a aussi une épidémie qui couvre presque tout le pays. Et qui peut décimer des porcheries entières. Ensuite, il y a les récoltes qui préoccupent les éleveurs actuellement », fait savoir Norbert Balinedou.
Mais la raison la plus prépondérante demeure l’hydre terroriste, comme signifié plus ci-dessus.
Le Festival Porc au Four de Réo
La première édition du « Festival porc au four de Réo » s’est tenue, le samedi 1er mai 2021 à la place de la Nation de Réo, avec la participation du ministre en charge de l’agriculture, Salifou Ouédraogo. La place de la Nation de Réo a servi de cadre, le samedi 1er mai 2021, pour exposer le porc au four, une spécialité de la localité. C’était à l’occasion de la première édition du « Festival porc au four de Réo » qui a connu la participation de personnalités dont le ministre de l’Agriculture, des Aménagements hydroagricoles et de la Mécanisation, Salifou Ouédraogo et du président du Haut conseil pour la réconciliation et l’unité nationale (HCRUN), Léandre Bassolé.
« A travers ce festival, nous voulons valoriser la filière porcine et magnifier le travail des acteurs », a-t-il indiqué.
Pour le président d’honneur du festival, le président du HCRUN, le porc est intimement lié à la vie des populations du Sanguié et particulièrement celles de Réo. « Dans chaque famille, vous trouverez des porcs attachés aux arbres élevés par des femmes et cette activité, débutée depuis des lustres, se poursuit aujourd’hui », a-t-il déclaré.
« Après un séjour en Côte d’Ivoire, il a fait venir un Sénégalais pour construire le premier four à Réo en 1953 et toute la population est venue assister à la préparation du premier porc au four. C’était extraordinaire », se souvient Eugène Bamouni, instituteur à la retraite et fils de celui qui fut à l’origine du porc préparé au four. Une occasion saisie par Léandre Bassolé, fils de la localité, pour rendre hommage au défunt Bali Bamouni pour cette initiative devenue une activité qui fait vivre des milliers de personnes.
Sur l’importance du porc, M. Bassolé estime que l’élevage des porcs doit se faire dans des endroits modernes, afin de le valoriser et de lutter efficacement contre certaines maladies telles que la peste porcine.
Le ministre en charge de l’agriculture a, au nom de son collègue en charge des ressources animales, salué l’avènement du festival porc au four de Réo qui, selon lui va booster un pan de l’économie de la province. « Nous nous engageons à accompagner le festival lors des prochaines éditions et nous souhaitons qu’une exposition de porcs vivants soit organisée et les meilleurs éleveurs primés », a recommandé le ministre Ouédraogo.