Marge Brute et Engraissement du Porc : Défis et Perspectives

Découvrez l’observatoire économique 2022 pour les productions porcines. Les résultats des exploitations porcines s'améliorent en 2022.

Contexte Économique de l'Élevage Porcin

Les résultats des exploitations porcines se dégradent en 2021, en particulier à partir du second semestre avec l’augmentation du prix de l’aliment. Sur 2022, les éleveurs devront donc affronter la hausse très nette de leur prix de revient dans un marché du porc jusqu’ici morose. Malgré l’augmentation du prix de l’aliment tout au long de l’année, le prix de vente du porc profite d’une réduction de l’offre européenne. Il permet alors de faire face à l’augmentation des charges. Il est en hausse de plus de 8 cts en un an.

L’augmentation du prix de l’aliment consommé, débutée au second semestre 2021, se poursuit tout au long de l’année 2022. Le prix de l’aliment sur 12 mois passe de 277 € la tonne au premier trimestre à 351 € la tonne au dernier trimestre 2022 (soit + 74 € / t ou + 26 %). En 2022, la tendance sur le prix de l’aliment est guidée par la baisse de l’offre mondiale de céréales et d’oléagineux à la récolte 2021.

La réduction des cheptels en Europe entraine de moindres besoins pour l’alimentation animale. En Europe, les utilisations de céréales pour l’alimentation animale ne captent plus que 52 % des volumes utilisés sur la campagne 2022/23. Or, malgré une demande chinoise qui s’est fortement contractée en 2022 (baisse des exports européens vers cette destination de 40 %), le prix du porc en France a bénéficié de la déprise des filières nord européennes, suite à l’épisode de fièvre porcine africaine en Allemagne et la moindre croissance de la production espagnole.

Ces écarts de tendance entre les deux principaux indicateurs de conjoncture porcine peuvent mettre ponctuellement en difficulté les producteurs. L’énergie représentait en moyenne 3 % des charges d’une exploitation porcine spécialisée, soit 3 à 4 cts du kg de carcasse. L’inconnue reste l’évolution du prix de vente à court terme.

Impact sur le Prix de Revient

Pour les élevages spécialisés naisseur engraisseur, le prix de revient moyen s’établit à 1,554 € par kg de carcasse pour une date de clôture moyenne en juin 2021. L’amélioration des performances techniques (productivité des truies et indice de consommation global) est insuffisante pour compenser la hausse du prix de l’aliment (+ 23 € par tonne). Le prix de l’aliment pour l’engraissement de porcs bat le record des 300 € par tonne en moyenne mobile annuelle. L’ancien record atteint date du mois de juillet 2013.

Cette situation exceptionnelle par sa soudaineté et son ampleur (+ 20 % sur le prix de l’aliment entre juin 2021 et juin 2022) met à mal la trésorerie des éleveurs. Car dans le même temps, le cours du porc affiche une progression limitée. Les perspectives d’évolution du prix de revient du kg de carcasse, avec l’augmentation du prix de l’aliment, impliqueraient un prix de revient à 1,75 € sur 12 mois en juin 2022, pour un prix payé de 1,58 €. Soit un différentiel qui atteint alors 17 centimes du kg.

Analyse de la Marge Brute

En atelier naisseur engraisseur, la marge brute moyenne se situe à 0,455 € du kg de carcasse produit ou 1 000 € par truie présente. En atelier engraisseur, la marge brute moyenne s’élève à 19 € par porc. On constate également des écarts conséquents de marges brutes entre quart inférieur et quart supérieur. En atelier engraisseur, la marge brute moyenne 2021 s’élève alors à 27 € par porc.

On constate également des écarts conséquents de marges brutes entre les groupes extrêmes d’élevages. Si la production porcine se réduit dans notre région (de - 30 % d’exploitations entre 2011 et 2021), elle se concentre dans les élevages les plus spécialisés. Des ateliers les plus importants avec 329 truies en moyenne, contre 113 à 176 truies dans les autres systèmes associant lait de vache et/ou bovins viande.

Plus de la moitié des élevages spécialisés comptent moins de 5 ha de SAU. Pour les trois systèmes de production porcins les plus spécialisés, la rentabilité par actif familial en 2021 est donc en forte baisse.

Facteurs Influant sur la Marge Brute

  • La part de cultures en céréales et oléagineux présentes sur l’exploitation.
  • Des performances techniques différentes sur la productivité des truies et sur l’indice de consommation global.
  • Un écart de 2,2 porcs produits par truie entre les groupes extrêmes se traduit alors par 200 kg de charcutiers vendus par truie.
  • Une valorisation distincte du porc.

Stratégies pour Améliorer l'Indice de Consommation

Pour aider les éleveurs à progresser sur l’indice de consommation, le groupement Evel’up a décortiqué les pratiques de 25 exploitations situées dans le tiers supérieur, selon un tri des données de GTE de 2020 réalisé en fonction du critère IC 30-115. Il en est ressorti dix pratiques gagnantes, présentées lors d’un forum technique, appuyé par plusieurs témoignages d’éleveurs. Elles veillent à un strict respect de la conduite en bandes, et ceci dès la maternité avec un nombre de truies à la mise bas équivalent à celui de places en maternité, ni plus ni moins.

Pratiques Clés Identifiées

  1. « 80 % des éleveurs réforment les truies surnuméraires après l’échographie.
  2. Les mélanges d’animaux entre bandes et dans la bande sont limités au maximum.
  3. « 90 % d’entre eux chargent leurs salles de post-sevrage en âge unique.
  4. Concernant la gestion des bâtiments, ils sont une majorité à préchauffer en toute saison les salles de post-sevrage et d’engraissement.
  5. 90 % des éleveurs chauffent en début d’engraissement.

« Ce n’est pas aux cochons de chauffer la salle. Chaque jour de croissance compte, surtout les premiers », rappelle Hervé Pelleau, animateur technique du groupement. Sarah Heugebaert et Hervé Pelleau, du service technique d’Evel’up. « Favoriser la consommation au démarrage est essentiel pour améliorer l’IC, car tous les kilos qui ne sont pas faits au début devront l’être en fin d’engraissement.

En sortie de post-sevrage, le chargement des éleveurs enquêtés est de 84,4 kilos par mètre carré (kg/m2), soit 6 % de moins que les préconisations de 90 kg/m2. 68 % n’effectuent jamais de surcharge. Le plan d’alimentation en engraissement des élevages enquêtés est en moyenne basé sur une quantité plutôt élevée au démarrage (41 g/kg de poids vif), avec une progression quotidienne de 31 g et un plafond plus classique de 2,52 kg.

Enfin, concernant la gestion des départs, deux tiers des éleveurs réalisent trois départs par bande. L’âge au premier tri est de 155 jours. Compte tenu d’une moyenne de 0,72 m2/porc en engraissement, cela correspond à un chargement au premier tri de 142 kg/m2. Cette enquête montre aussi qu’atteindre un très bon indice 30-115 est à la portée de tout type d’élevage.

« Les exploitations ont des tailles très variées, de moins de 200 à plus de 500 truies présentes. Elles sevrent quasiment autant à 21 jours qu’à 28 jours. « J’applique une conduite sanitaire stricte, qui commence dès la maternité. Les adoptions ne sont réalisées que 24 heures après la mise bas pour assurer une bonne prise colostrale. Je m’interdis de mélanger les portées par la suite, sauf au sevrage.

Je constitue une case homogène de 22 porcelets à partir de deux portées, en retirant les petits. Puis chaque case de post-sevrage est divisée en deux cases de 11 places en engraissement. Je suis un adepte du sevrage à 28 jours car j’obtiens des porcelets lourds qui consomment bien dès l’arrivée en post-sevrage. En 2018, j’ai créé deux salles tampon de post-sevrage pour respecter les chargements et ne pas dépasser mon objectif de 320 porcelets en post-sevrage. En cas de surplus, les porcelets sont vendus en laiton. J’ai ainsi réduit les pertes en post-sevrage et maintiens un état sanitaire très correct.

Ancien multiplicateur, je continue à appliquer une biosécurité stricte (sas d’entrée, douche, changement de tenue entre blocs et de bottines quasiment à chaque salle !). « Nous appliquons un suivi rigoureux de l’alimentation en post-sevrage. Au sevrage, les mélanges sont limités au maximum. Nous constituons sept cases selon les rangs de portées et une 8e pour les petits porcelets. Les salles de post-sevrage sont alimentées par un multiphase, qui permet d’ajuster la ration en quantité et en qualité en fonction du poids de case à l’entrée en post-sevrage et de l’augmenter nourrisseur par nourrisseur.

Nous passons quotidiennement dans les salles avant les repas et modulons si besoin les quantités distribuées, jusqu’à 5 à 8 %. L’augmentation très progressive des rations grâce au multiphase évite notamment les surconsommations lors du passage au 2e âge. Pour aider les porcelets à consommer rapidement l’aliment, nous réalisons le premier jour deux distributions d’aliment dans un maxitolva dans lequel nous ajoutons de l’eau.

Nous sommes attentifs aux conditions de confort (qualité de la ventilation, préchauffage 48 heures à l’avance) pour permettre aux porcelets d’exprimer leur potentiel dans un environnement sain (préfosses lavées entre chaque bande…). Cette conduite alimentaire de précision se poursuit en engraissement par une courbe ajustée au poids réel à l’entrée et par un suivi quotidien des distributions d’aliment auge par auge.

« En 2019, j’ai investi dans un nouvel engraissement avec une alimentation en soupe pour remplacer un ancien pré-engraissement sur paille qui bridait la croissance sur certains lots. J’ai réduit le chargement de 18 à 16 porcs par case, pour atteindre 0,68 porc par m2. Cet investissement a permis une meilleure cohérence des bâtiments et d’améliorer les performances. La croissance a progressé de 50 grammes de GMQ 30-115, soit une moyenne de 900 grammes, tandis que l’indice de consommation a diminué de 0,14.

J’ai aussi construit un quai d’embarquement équipé d’auges pour nourrir les cochons. En cas de départ le week-end, cela permet de trier les cochons le vendredi lorsqu’il y a davantage de main-d’œuvre disponible. Le travail est plus facile. Même si l’enlèvement est retardé, on peut vider la salle d’engraissement pour réaliser le nettoyage et la désinfection. Lors du premier tri, 20 % des cochons sont enlevés à 160 jours. Il y a trois départs par bande, chaque salle est vidée en deux fois.

Pour un même prix d’aliment, leur coût alimentaire est réduit de 6,15 euros par porc, soit au final un écart de 150 euros de marge brute par truie et par an. « Ce n’est pas rien !, appuie Hervé Pelleau, animateur technique du groupement. Pour un élevage de 300 truies, cela représente un différentiel de 45 000 euros par an. À titre de comparaison, c’est l’équivalent de 1 000 places d’engraissement financées sur dix ans, à raison de 450 euros par place. »

L’indice de consommation en engraissement, qui détermine pour 70 % de l’indice global d’un élevage, est un énorme levier pour améliorer le coût alimentaire.

Aides et Perspectives d'Avenir

l’attribution d’aides liées au plan de sauvegarde de la production porcine. Sur cette période, les éleveurs ont vendu leurs porcs charcutiers à 1,656 € le kg de carcasse, soit 14 cts de mieux qu’un an auparavant.

Malgré une faible augmentation des annuités entre 2021 et 2022, la pression financière décroit pour laisser davantage de revenu disponible aux éleveurs. Celui-ci est principalement utilisé pour financer les stocks supplémentaires et un surcroit d’investissement dans les bâtiments. La conjoncture porcine de fin d’année 2022 et du premier semestre 2023 plutôt favorable doit permettre d’améliorer encore les fonds de roulement des exploitations, et d’envisager une modernisation des équipements.

Si les premiers signes d’une reprise estivale de la consommation européenne se manifestent, l’inflation sur les prix des pièces et de la charcuterie en magasin conditionne les volumes de vente. Les GMS pourraient alors être tentées de s’approvisionner à partir de produits importés moins chers, mettant un peu plus en difficulté les salaisonniers français. Quant à l’espoir d’une reprise des exportations européennes vers la Chine en 2023, il apparait limité. Malgré un prix de vente du porc au-dessus des deux euros le kilogramme, l’avenir de certains producteurs de porcs reste incertain.

TAG: #Porc

En savoir plus sur le sujet: