Dans un contexte de changements globaux, notamment climatiques, environnementaux et démographiques, les modalités des transitions écologiques et alimentaires font l’objet de nombreux débats. La demande mondiale en produits animaux s’accroît très rapidement dans plusieurs régions du monde dont la consommation en produits animaux est inférieure à celle des pays occidentaux, notamment en Chine.
Connaissez-vous le plaidoyer Meatless monday lancé en 2003 aux États-Unis ? En association avec l’École de santé publique de l’université Johns Hopkins, il a été relayé dans une quarantaine de pays. Il s'agit d'une campagne de sensibilisation pour remplacer la viande et le poisson par des produits végétaux, une fois par semaine (« lundi vert »), afin de mettre en place de nouvelles habitudes alimentaires. L’avis scientifique d'INRAE sur les bénéfices et les limites de la diminution de la consommation de viande est présenté ci-dessous.
Consommation de viande : un aperçu global
En 2017, la consommation mondiale de viande était estimée à 322 millions de tonnes, avec une répartition très inégale entre les grandes régions du monde : près de 47 % consommés en Asie (dont 27 % en Chine pour seulement 2 % en Inde), 19 % en Europe (UE et Russie), 13 % en Amérique du Nord et 15 % en Amérique du Sud, pour moins de 6 % en Afrique (OCDE-FAO, 2017).
En France, la consommation moyenne de produits carnés (viandes de boucherie, volailles, charcuteries, plats préparés...) est estimée à environ 820 g (dont 330 g de viandes de boucherie) par semaine et par habitant et celle des produits halieutiques (poissons et produits dérivés) à 250 g. La consommation d’œufs est estimée à 12 g/j par habitant et celle de produits laitiers à 200 g/j par habitant, incluant 150 g de lait et yaourts nature (Anses, Inca3, 2014-2015). Évidemment, cette moyenne est une donnée statistique qui ne traduit pas la grande disparité de consommation entre les non-consommateurs (régime végétalien) et les gros consommateurs.
Le Credoc (2013) rapporte que 37 % des Français consomment moins de 245 g de viandes de boucherie par semaine alors que 28 % d’entre eux en mangent plus de 500 g/semaine. La consommation de viande bovine et ovine diminue de façon constante en France et en Europe depuis les années 1980 ; en revanche, celle des produits halieutiques a augmenté. La consommation de produits animaux est profondément ancrée dans le patrimoine culturel et gastronomique des Français et de nombreuses populations dans le monde. En Europe, les produits de l’élevage disposent du plus grand nombre de signes distinctifs de qualité.
La viande : une source de protéines de haute qualité
Les produits animaux (viandes, produits carnés transformés, poissons et produits halieutiques, produits laitiers, œufs) sont sources de protéines de très haute qualité, facilement assimilables et fournissant tous les acides aminés indispensables à toutes les catégories de populations, sans limitation. En France, les produits animaux fournissent près des 2/3 de la consommation individuelle de protéines des Français ; celle-ci est en moyenne à 90 g/j, soit 60 g/j de protéines animales.
L’Organisation mondiale de la santé a établi en 2011 les apports nutritionnels conseillés en protéines à 50 à 70 g/j pour une population d’adultes en bonne santé. Il est cependant à noter que plusieurs catégories de populations ont des besoins nutritionnels spécifiques. C’est le cas, par exemple, des personnes âgées qui ont des besoins en protéines rapidement assimilables plus élevés pour limiter la fonte musculaire et maintenir leur capital osseux. Par ailleurs, les personnes âgées, les enfants, les femmes en âge de procréer...
Les risques d'une consommation excessive ou insuffisante
L’excès de consommation de produits animaux entraîne un déséquilibre nutritionnel du régime alimentaire qui, s’il est chronique, peut contribuer à favoriser la survenue de surpoids et de maladies telles qu’hypertension, maladies cardiovasculaires, diabète de type 2... À l’opposé, l’insuffisance de consommation de produits animaux peut également présenter des risques pour la santé si les apports nutritionnels en acides aminés et en micronutriments (notamment fer, zinc, calcium, vitamines A, D et B12) ne sont pas compensés.
Impacts environnementaux de l'élevage
L’élevage produit des gaz à effet de serre (GES, notamment CH4, N2O et CO2) qui contribuent au changement climatique. Au niveau mondial, les émissions directes de GES provenant de l’élevage ont été estimées à 7 % des émissions totales liées aux activités humaines, ce qui représente environ la moitié de la part due au secteur du transport, qui est égale à 14% (GIEC 2017). En comptabilisant plus complètement l’ensemble des émissions directes et indirectes des GES sur l’ensemble du système d’élevage (aliments, engrais, transport, énergie...), la part de l’élevage est estimée à 16 % en France (le même calcul appliqué au système de transport aboutit à 27 %).
Il est donc nécessaire de réduire les émissions de GES provenant de l’élevage, ce qui est possible en améliorant l’alimentation des animaux, en diminuant les engrais azotés par l’accroissement de la culture (locale) des légumineuses et en utilisant les effluents comme fertilisants. Également, la méthanisation permet de réduire significativement les émissions d’une exploitation, elle nécessite toutefois des investissements financiers importants. Il a été estimé que 15 000 L d’eau étaient nécessaires pour produire 1 kg de viande. Néanmoins, l’élevage utilise de l’eau douce pour abreuver les animaux, pour nettoyer les bâtiments et selon les zones géographiques pour l’irrigation des cultures destinées à les nourrir. La consommation de cette eau, dite « bleue », varie fortement selon les types d’élevage. La mauvaise gestion des effluents d’élevage contribue à la pollution des eaux et des sols, notamment par les nitrates mais également par des pathogènes et des résidus médicamenteux.
Au niveau mondial, les terres agricoles représentent 38 % des surfaces émergées non gelées. Ces terres agricoles sont utilisées à 50 % pour l’alimentation du bétail, dont la plus grande partie (80 %) n'est pas cultivée (prairies, montagnes, steppes, savanes par exemple). Ces grands territoires présentent de nombreux avantages environnementaux : ce sont des réservoirs de biodiversité, ils protègent les sols de l’érosion, filtrent l’eau et stockent du carbone. L’élevage utilise aussi un tiers des surfaces cultivées pour la production d’aliments pour les animaux et cette proportion pourrait s’accroître avec le développement de l’élevage dans plusieurs régions du monde pour faire face à l’augmentation de la demande. L’élevage a également un rôle social et économique dans les territoires.
Dans l’Union européenne, les productions animales contribuent pour environ 45 % à la production agricole finale en valeur. En matière d’emploi, on estime à 4 millions les actifs travaillant dans les élevages européens. En France, on dénombre environ 880 000 personnes ayant un emploi dépendant de l’élevage (soit 3,2 % de la population active). L’élevage joue également un rôle culturel et patrimonial important, en Europe du Sud notamment. Ce patrimoine tient aux pratiques pastorales, aux savoir-faire et paysages culturels qui y sont liés. Il est aussi reconnu à travers de nombreux signes officiels de qualité. Enfin, il peut être le support d’activités de loisirs, de tourisme et d’animations.
Bien-être animal et systèmes d'élevage
L’amélioration du bien-être animal est un enjeu majeur qui doit être au cœur de la conception des systèmes d’élevage du XXIe siècle. Le bien-être animal est défini comme « l’état mental et physique positif lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux ainsi que de ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal.
Depuis les années 1970, le développement de la demande sociétale pour le respect des animaux tant en élevage que lors de leurs transports et de leur mise à mort, l’accroissement de la connaissance scientifique sur la sensibilité des animaux et l’élaboration d’une réglementation européenne en matière de bien-être animal ont conduit à réduire les contraintes exercées sur les animaux. Le bien-être animal est l’affaire des éleveurs, qui bénéficient directement d’une relation satisfaisante avec les animaux, et des professionnels de la transformation. Elle l’est aussi des consommateurs qui peuvent influencer les conditions d’élevage par leur consentement à payer un peu plus cher les produits animaux qui demandent aux éleveurs de nouveaux investissements.
Recommandations et alternatives
Aujourd'hui, la consommation moyenne de viande tourne autour des 85 kg par an en France. Avec la crise de la vache folle puis les études scientifiques pré-citées, les Français ont commencé à prendre conscience d'un certain danger à trop manger de viande. Et surtout de la viande importée dans des conditions souvent douteuses. A cela s'est ajoutée les arguments pro-environnentaux arguant que l'élevage contribue à hauteur de 16% aux émissions de gaz à effet de serre.
« La consommation de la viande en France reste encore trop élevée » observe Perrine Nadaud, adjointe au chef de l’unité d’évaluation des risques liés à la nutrition à l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail), « la recommandation est de ne pas dépasser un volume de 500 grammes de viande hors volaille, c'est à dire de viande rouge, par semaine. Pour la viande transformée, on peut parler de risque si on en consomme au-delà de 150 g par semaine » estime la nutritionniste avant d'ajouter : « Il convient aussi de limiter la consommation de viande cuite à haute température comme le barbecue ou la friture et de retirer le gras de la viande avant ce type de cuisson ».
Il est donc urgent de renverser ce rapport, c’est-à-dire d’opter pour une alimentation essentiellement végétale. En résumé, il s’agit simplement de manger moins et mieux ! Cette mesure est également celle portée par plus de 15 000 scientifiques qui ont lancé un appel pour la planète en Novembre 2017, plaidant pour « une réorientation du régime alimentaire vers une nourriture d’origine essentiellement végétale ».
En fonction de son état de santé, de ses facteurs de risque, de son environnement familial, amical ou professionnel sans oublier ses goûts et ses envies, on décidera de la place de la viande dans notre alimentation. En s'inspirant, si besoin, du « régime de santé planétaire », concocté en 2019 par la revue médicale The Lancet avec Foundation EAT : diviser par deux la consommation mondiale de viande rouge et de sucre et de doubler celle des fruits, des légumes et des noix. Soit pour chaque individu, 300 g de légumes, par jour mais seulement 14 g de viande rouge.
Il faut varier les sources de protéines et ne pas donner trop d’importance aux protéines animales et notamment à la viande. Or aujourd’hui, les Français en consomment encore trop. Il convient donc de baisser cette consommation en mangeant davantage d’œufs, de poissons et de protéines végétales comme les légumineuses accompagnées de céréales. Les recommandations médicales préconisent un ou deux apports de de protéines animales par jour. En quantité, il est recommandé de ne pas dépasser 500 grammes de viande rouge par semaine.
Compte tenu de la place de la viande dans la culture de l’alimentation française, que conseillez vous pour pouvoir respecter vos recommandations ? Il convient de ne pas tomber dans l’excès ! Par exemple, être végétalien, c’est-à-dire exclure la consommation de tous produits d'origine animale, est risqué car sans aucune protéine animale, il y a un déséquilibre alimentaire qui peut s’avérer dangereux. Je crois qu’il faut privilégier la qualité à la quantité. On a de la chance de vivre dans un pays qui compte de nombreuses possibilités de circuits-courts par exemple. Ce système permet de bien connaître l’origine de sa viande à un moindre coût. On peut aussi savoir comment l’animal a été élevé et même abattu. Il y a encore un gros travail à effectuer afin que le consommateur soit mieux informé sur la qualité de la viande. Et parmi les critères à retenir, il y a tout l’environnement de l’élevage et la préservation de la nature.
La viande est un aliment sain, à condition de la consommer avec modération et de la bien cuire.
Consommation de viande par type en France (2021)
Type de Viande | Consommation (millions de tonnes équivalent carcasse) | Part de la consommation totale |
---|---|---|
Porc | 2,144 | 31,5 kg par habitant |
Boeuf | - | 26% |
Volaille (toutes espèces) | - | 28,6 kg par habitant |
Poulet | 1,48 | 21,8 kg par habitant |
TAG: #Viand