Enseignant-chercheur de formation, professeur à l’ENITIAA (Ecole Nationale des Techniques des Industries Agricoles et Alimentaires) jusqu’en 2007, Jean-Louis Lambert étudie depuis 35 ans les pratiques alimentaires et leurs évolutions.
La symbolique de la viande à travers les classes sociales
Il est incontestable que la viande a hérité d’une certaine symbolique de richesse qui perdure au niveau des classes populaires. Mais ce n’est plus un indicateur des classes aisées. Mais comme la consommation de viande a caractérisé la population aisée, elle reste symboliquement attachée à un niveau de vie, de richesse. D’autres symboles comme le saumon fumé, ou le foie gras, ont subi une forme de banalisation même si leur consommation reste dans un registre festif, au même titre que la viande.
A partir de l’intensification de l’élevage, dans les années 1950-60, et l’augmentation du niveau de vie durant les Trente Glorieuses, les classes moyennes ont pu nettement consommer plus de viande.
L'attrait persistant pour la viande
N’oublions pas un fait, la consommation de viande par rapport aux légumes apporte des molécules complexes et la digestion procure des sensations de satiété forte et longue. Pour les populations qui ne mangent pas autant qu’elles le voudraient c’est un constat de base. On a un quota génétique qui nous incite à être rassasiés sans doute lié à un conditionnement de notre code de survie.
C’est la recherche de ce qui nous apporte des protéines, des calories. Or la viande nous donne cette sensation et nous avons cet attrait quand on ressent le manque, le vide. L’idée répandue selon laquelle le poisson « ça ne tient pas au ventre » vient contrebalancer de désir de viande fortement ancré en nous.
On est attiré par la viande parce qu’elle procure des plaisirs, car les caractéristiques organoleptiques, par rapport à celles de féculents ou des autres nourritures végétales, sont appréciées par la population dans son ensemble.
Le discours nutritionniste et l'accès à la viande
Le discours nutritionniste qui pousse à rééquilibrer les produits d’origines animales par rapport à ceux d’origines végétales s’apparente à une forme de régression pour les couches populaires. C’est pourquoi les produits carnés gardent leur pouvoir et leur avantage. Et si le prix continue d’être un limitatif sur certains produits, l’accès à la viande est très large. On trouve aujourd’hui des morceaux à cuire, à griller, prêt à consommer en promotion un peu partout.
Le végétarisme : un phénomène en marge
Le végétarisme est un sujet polémique. Il y a une vague médiatique initiée par des courants écologistes et de protection animale, mais ça ne prend pas beaucoup dans la population. Le discours écologiste a un poids très relatif sur les comportements d’achat alimentaire. Quant à celui sur les droits des animaux, il faut distinguer la protection animale, réelle et justifiée, et le fait de manger de la viande. Cette différence ne fait pas de nous des végétariens d’office. C’est génétique, la consommation de viande reste un plaisir. C’est pourquoi on constate un écart entre le discours végétarien et la pratique. Qu’en est-il de la consommation privée à la maison ?
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