Les fruits et les légumes ne font pas seulement partie de notre vie quotidienne parce qu’on s’en nourrit. Ils sont également présents dans nos chansons, dans les légendes et plus particulièrement dans notre langage familier. Ce dernier fait appel à de nombreuses expressions imagées qui évoquent des légumes ou des fruits.
Expressions courantes et leurs origines
Le chou
Faut-il penser que ce pauvre chou est idiot ? Pas exactement. Cette expression, utilisée au XIXème siècle, désignait quelqu’un d’idiot mais pas comme le légume. En argot le chou qualifiait notre tête… et nos fesses. Etre bête comme chou, c’était l’être comme son arrière-train. Par extension, on l’utilise aujourd’hui pour décrire tout ce qui est d’une simplicité enfantine.
On a vu qu’au XIXème siècle, le chou désignait les fesses ainsi que la tête. Se prendre le chou signifiait littéralement se prendre la tête entre les mains lorsqu’une chose, ou une personne, nous agaçait.
Pour comprendre son origine, parlons du jeu le plus populaire au XVIème siècle : le jeu de quilles. C’était un peu notre pétanque à nous. Un joueur qui ne marquait pas de point faisait coup blanc. Alors pourquoi dit-on chou blanc ? C’est ainsi que l’on prononçait coup dans le patois berrichon.
La carotte et le pissenlit
Depuis le XVIIème siècle, la carotte est considérée comme un aliment de pauvre. Tellement peu appréciée qu’on l’associait à la mort. On disait alors de quelqu’un de mourant, qui n’avait plus d’espoir, que ses carottes étaient cuites.
Pour finir dans cette thématique, pas très joyeuse, voici une expression qui signifie être mort et enterré. Quel est le lien entre la mort et les pissenlits ? Les pissenlits poussent très bien sur les terres fraîchement retournées. Depuis le XIXème siècle, on s’imagine alors que les pissenlits pousseraient à merveille sur les tombes fraîchement creusées.
Mais voilà , enterrés dans une tombe, le seul moyen que nous aurions d’accéder au délicieux légume serait de commencer par sa racine (si nous le pouvions encore bien sûr).
Les haricots
Que viennent faire les haricots dans cette histoire ? Au siècle dernier, on distribuait souvent des haricots aux élèves dans les internats quand il n’y avait plus rien à se mettre sous la dent.
Le poireau
Avez-vous déjà vu un poireau pousser ? Il se tient droit, immobile. Un peu comme une personne qui attend longuement, immobile et les bras ballants.
Le beurre et les épinards
D’un point de vue nutritionnel, entre lipides et calories, le beurre est synonyme de richesse. Au contraire, les épinards ne sont pas très riches.
L'artichaut
Mais pourquoi le cœur d’un artichaut ? Par comparaison au nôtre. Du cœur de l’artichaut se détachent toutes ses feuilles. Une feuille pour tout le monde ou, du moins, pour beaucoup de personnes.
Le champignon
Accélérer, en voiture généralement, car cette expression trouve son origine dans le monde automobile du début du XXème siècle. Les premiers accélérateurs étaient constitués d’une tige métallique surmontée d’une demi-boulle. Vous l’imaginez bien, une structure qui avait l’air d’un champignon.
Le chou et la chèvre
Si vous mettez une chèvre face à un chou, elle voudra bien sûr le goûter. Si vous l’empêchez de goûter le chou, elle sera quelque peu énervée. Alors si l’on veut que les deux, la chèvre et le chou, sortent indemnes de cette confrontation, il faudra en prendre soin ou les ménager.
L'oignon
Oui, c’est bel et bien l’écriture exacte de l’expression pour dire « sur une seule ligne ». Alors on pourrait imaginer qu’elle vient de l’alignement des oignons dans le potager.
La pomme
Pour comprendre cette expression, il suffit d’empiler trois pommes les unes sur les autres. L’origine de cette expression n’est pas sûre et certifiée. Certains évoquent le Moyen Age, d’autres l’auteure Georges Sand. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’est pas récente. L’expression originelle serait « tomber dans les pâmes ». Pâme, se pâmer, étant un mot du langage soutenu pour dire perdre connaissance.
La poire
S’il n’est pas difficile de comprendre le lien entre le fait de couper quelque chose en deux et le fait de trouver un accord, il est plus difficile de comprendre le rôle de la poire dans cette histoire. Encore aujourd’hui, nul ne sait vraiment. Selon certains, la poire était le fruit reçu par les Rois de France à Reims lors de leur sacrement. Selon d’autres, l’expression viendrait d’une saynète datant de 1882, « La poire en deux ».
La fraise
La fraise est une des nombreuses dénominations données pour tête comme la poire, la pomme, le citron (pour rester dans les fruits). Un vocabulaire argotique qui existe depuis le XXème siècle.
La prune
Autrement dit, pour rien ! L’histoire date de l’époque des croisades, au XIIème siècle. Plus exactement, de la deuxième croisade, lorsque les croisés ont dû rentrer après un échec. Résultat : ils n’ont pu ramener de leur séjour à Damas que des pieds de pruniers dont ils avaient goûté et savouré le fruit sur place.
La pĂŞche
On trouve plusieurs origines à cette expression dont une dans le milieu sportif et une autre dans la culture chinoise. Pour la première, on dit qu’un boxeur a la pêche quand il a de la force dans les poings - appelés aussi les pêches. Pour la seconde, dans la culture chinoise, la pêche est associée à la fécondité et donc à la bonne santé.
La noix
Cette expression utilisée depuis le XIVème siècle pourrait n’être qu’une déformation de « alénois ». Alénois est une variété de cresson. Un cresson piquant, presque amer, utilisé pour relever la saveur des salades. La salade Alénois est devenue avec le temps une salade à la noix, expression pour désigner quelque chose de piquant et amer dans le sens figuré du terme.
#MangeonsLesRiches : Une expression révolutionnaire
Suite à la (semblerait-il fausse) rumeur selon laquelle « des ministres » auraient participé à de luxueux dîners clandestins dans des palais parisiens, un hashtag a circulé sur les réseaux : #MangeonsLesRiches. Une formule qui remonte en réalité à la Révolution française.
Pierre-Gaspard Chaumette, figure des sans-culottes, chef de file des « exagérés », s’inspirait alors de Rousseau pour inviter le peuple, affamé et abandonné, à « manger les riches ».
D’après L’Histoire de la Révolution française d’Adolphe Thiers, elle aurait été formulée pour la première fois par Pierre-Gaspard Chaumette, procureur de la Commune de Paris pendant la Révolution française. Après avoir harangué les foules au Palais-Royal (tiens…), il est devenu la voix des sans-culottes et l’un des chefs de file du courant dit des « exagérés » (tiens, tiens…).
La pomme de terre dans la chanson traditionnelle
Dans la chanson traditionnelle, dont le terreau est le milieu rural des provinces, au XVIIIe siècle et dans les premières décennies du XIXe siècle, le statut de la pomme de terre semble très positif.
Quelques exemples :
- Chanson des yapis (= vignerons), Bas Berry : Ah quel souper délectable ! Une bonne soupe aux pois Des pommes de terre sur la table On s’en liche les doigts.
- C’était dimanche la fête, Lorraine (traduit du patois) : Nous prenons chacun une chaise Puis au coin du feu Nous mangeons des bonnes pommes de terre Qui étaient cuites dans leur jus.
- Je suis un Français, Alsace : De l’air, de l’eau et des pommes de terre Que faut-il de plus pour être joyeux ?
La pomme de terre c’est une bonne nourriture, simple, associée à une idée d’abondance, de prospérité.
Expressions imagées autour des fruits et légumes
- Tomber dans les pommes → perdre conscience
- Se prendre une prune, se faire avoiner → prendre une amende
- Se prendre un pruneau → se faire tirer dessus
- Se refaire la cerise → se remettre financièrement ou au niveau de la santé
- Casser les noix → être pénible
- Veau élevé sous la mer → là c’est juste une faute d’orthographe
- La cerise sur le gâteau → le truc en plus, soit positif soit vraiment too much
- Faire un canard → pour les musiciens d’instruments à vent jouer une fausse note
- Ça va encore être pour ma pomme → ça tombe toujours sur moi
- Avoir trop la pêche → déborder d’énergie
- Manger des pommes → expression devenue célèbre grâce aux « Guignols de l’info » au début du siècle
- Se prendre une châtaigne → prendre un peu d’électricité
- Arrêtes de ramener ta fraise → Essaies de ne pas te mettre constamment en avant
- Mais quelle tourte ! → variante cuisinée avec des œufs
- Quelle quiche ! → Qu’il ou qu’elle est bête
- Ça vaut pas des nêfles → ça ne vaut pas le coup; par ailleurs,aparté culturel, saviez-vous que Nespouls doit son nom à ce fruit ?
- Manger les pissenlits par la racine ! → être mort et enterré !
- Se faire rouler dans la farine → se faire berner ou enrhumer, se faire avoir quoi !
- Se faire prendre pour un jambon (voir l’expression ci-dessus se faire rouler dans la farine)
- Se mettre la rate au court bouillon → s’inquiéter sévèrement
- Avoir un cœur d’artichaut → donner de l’amour à tout le monde
La "bonne bouffe" : Un plaisir partagé
Benjamin Verrechia est homme à partager festivement les plaisirs gastronomiques et j’aime sa façon de parler de la bonne bouffe, formule bien française qui mérite d’être explicitée.
Surtout que ce mot n’est pas très ancien puisque c’est seulement dans les années 1920 qu’on en atteste en argot, pour désigner la nourriture. C’est vite devenu le fait de manger ensemble, et dans les années 1960 sont arrivés les adjectifs avec une bonne bouffe, une petite bouffe, et puis une grande bouffe, formule popularisée avec le film franco-italien de Marco Ferreri en 1973 présenté à Cannes et qui a remporté le prix Fipresci.
Heureusement, cette satire de la bourgeoisie décadente, qui mange jusqu’à en mourir, n’a pas fait souche, et on n’y pense plus quand on évoque une bonne bouffe, une petite bouffe un grand plaisir partagé.
Au tout départ, il s’agit en fait de l’imitation du bruit des joues gonflées. Et à l’arrivée, nous voilà avec Benjamin Verrechia, pour un intense plaisir d’être ensemble devant des bons petits plats.
"On se fait une BB", me dit parfois un ami : dans son langage c’est une bonne bouffe. Et une BBV c’est une bonne bouffe verrechienne !
TAG: