Dans un contexte de changements globaux, notamment climatiques, environnementaux et démographiques, les modalités des transitions écologiques et alimentaires font l’objet de nombreux débats.
La demande mondiale en produits animaux s’accroît très rapidement dans plusieurs régions du monde dont la consommation en produits animaux est inférieure à celle des pays occidentaux, notamment en Chine.
Faut-il réduire notre consommation de viande ? La viande : une consommation très inégale selon les régions du monde, à la source de protéines de haute qualité nutritionnelle dans le cadre d’apports nutritionnels à bien équilibrer.
L’élevage a des impacts mais rend aussi des services pour l’environnement et les territoires.
Le Plaidoyer pour une Consommation Réduite de Viande
Connaissez-vous le plaidoyer Meatless monday lancé en 2003 aux États-Unis ? En association avec l’École de santé publique de l’université Johns Hopkins, il a été relayé dans une quarantaine de pays.
Il s'agit d'une campagne de sensibilisation pour remplacer la viande et le poisson par des produits végétaux, une fois par semaine (« lundi vert »), afin de mettre en place de nouvelles habitudes alimentaires.
Consommation Actuelle et Recommandations
En France, la consommation moyenne de produits carnés (viandes de boucherie (1), volailles, charcuteries, plats préparés...) est estimée à environ 820 g (dont 330 g de viandes de boucherie) par semaine et par habitant et celle des produits halieutiques (poissons et produits dérivés) à 250 g.
La consommation d’œufs est estimée à 12 g/j par habitant et celle de produits laitiers à 200 g/j par habitant, incluant 150 g de lait et yaourts nature (Anses, Inca3, 2014-2015).
Évidemment, cette moyenne est une donnée statistique qui ne traduit pas la grande disparité de consommation entre les non-consommateurs (régime végétalien) et les gros consommateurs.
Le Credoc (2013) rapporte que 37 % des Français consomment moins de 245 g de viandes de boucherie par semaine alors que 28 % d’entre eux en mangent plus de 500 g/semaine.
La consommation de viande bovine et ovine diminue de façon constante en France et en Europe depuis les années 1980 ; en revanche, celle des produits halieutiques a augmenté.
Les résultats des modélisations alimentaires montrent que de cette façon, il est possible de réduire de 50% sa consommation de viande tout en satisfaisant nos besoins nutritionnels, sans avoir recours à des produits enrichis ou à des compléments alimentaires.
L’étude formule des propositions concrètes pour faire évoluer les recommandations alimentaires, en invitant en particulier à ne pas consommer plus de 450 g de viande par semaine (toutes catégories confondues), à intégrer les légumineuses (lentilles, pois chiches, haricots secs...) et les fruits à coque dans notre régime alimentaire quotidien.
Tableau des Apports et Recommandations Nutritionnelles
Nutriments | Apports observés chez les hommes en France | Apports observés chez les femmes en France | Recommandations |
---|---|---|---|
Protéines (g/jour) | 103 | 76 | Au moins 0,83 g/j/kg poids corporel |
Acide gras saturés (% AEJ)* | 14 | 15 | Max 12 % |
Oméga 3 (EPA-DHA, g/jour)** | 0,33 | 0,22 | Au moins 0,50 g/jour |
Fibres (g/jour) | 23 | 19 | Au moins 30 g/jour |
*AEJ : Apport énergétique journalier
** L’EPA (acide eicosapentaénoïque) et le DHA (acide docosahexaénoïque) sont 2 des 3 types d’acides gras omégas 3, ils sont principalement de source marine.
Impacts sur la Santé
En France, la consommation moyenne de produits animaux par une population adulte en bonne santé est supérieure aux besoins nutritionnels.
Une diminution de la consommation de produits animaux, notamment de viande rouge (bœuf, veau, mouton, agneau, porc) et de produits carnés transformés, ne présente pas de risque pour la santé.
Toutefois, certains groupes de populations, notamment les personnes âgées, les enfants et les femmes en âge de procréer, ont des besoins spécifiques en protéines de haute qualité nutritionnelle et en micronutriments (minéraux et vitamines), présents dans les produits animaux et facilement assimilables par l’organisme.
Les produits animaux (viandes, produits carnés transformés, poissons et produits halieutiques, produits laitiers, œufs) sont sources de protéines de très haute qualité, facilement assimilables et fournissant tous les acides aminés indispensables à toutes les catégories de populations, sans limitation.
En France, les produits animaux fournissent près des 2/3 de la consommation individuelle de protéines des Français ; celle-ci est en moyenne à 90 g/j, soit 60 g/j de protéines animales.
L’Organisation mondiale de la santé a établi en 2011 les apports nutritionnels conseillés en protéines à 50 à 70 g/j pour une population d’adultes en bonne santé.
Il est cependant à noter que plusieurs catégories de populations ont des besoins nutritionnels spécifiques.
C’est le cas, par exemple, des personnes âgées qui ont des besoins en protéines rapidement assimilables plus élevés pour limiter la fonte musculaire et maintenir leur capital osseux.
L’excès de consommation de produits animaux entraîne un déséquilibre nutritionnel du régime alimentaire qui, s’il est chronique, peut contribuer à favoriser la survenue de surpoids et de maladies telles qu’hypertension, maladies cardiovasculaires, diabète de type 2...
À l’opposé, l’insuffisance de consommation de produits animaux peut également présenter des risques pour la santé si les apports nutritionnels en acides aminés et en micronutriments (notamment fer, zinc, calcium, vitamines A, D et B12) ne sont pas compensés.
Impacts Environnementaux
L’élevage produit des gaz à effet de serre (GES, notamment CH4, N2O et CO2) qui contribuent au changement climatique.
Au niveau mondial, les émissions directes de GES provenant de l’élevage ont été estimées à 7 % des émissions totales liées aux activités humaines, ce qui représente environ la moitié de la part due au secteur du transport, qui est égale à 14% (GIEC 2017).
En comptabilisant plus complètement l’ensemble des émissions directes et indirectes des GES sur l’ensemble du système d’élevage (aliments, engrais, transport, énergie...), la part de l’élevage est estimée à 16 % en France (le même calcul appliqué au système de transport aboutit à 27 %).
Il est donc nécessaire de réduire les émissions de GES provenant de l’élevage, ce qui est possible en améliorant l’alimentation des animaux, en diminuant les engrais azotés par l’accroissement de la culture (locale) des légumineuses et en utilisant les effluents comme fertilisants.
Également, la méthanisation permet de réduire significativement les émissions d’une exploitation, elle nécessite toutefois des investissements financiers importants.
Il a été estimé que 15 000 L d’eau étaient nécessaires pour produire 1 kg de viande (2).
Ce chiffre représente à hauteur de 95 % l’eau de pluie captée par les sols et par les plantes, qui n’est pas directement utilisable pour d’autres usages.
Néanmoins, l’élevage utilise de l’eau douce pour abreuver les animaux, pour nettoyer les bâtiments et selon les zones géographiques pour l’irrigation des cultures destinées à les nourrir.
La consommation de cette eau, dite « bleue », varie fortement selon les types d’élevage.
La mauvaise gestion des effluents d’élevage contribue à la pollution des eaux et des sols, notamment par les nitrates mais également par des pathogènes et des résidus médicamenteux (par ex.
Au niveau mondial, les terres agricoles représentent 38 % des surfaces émergées non gelées (3).
Ces terres agricoles sont utilisées à 50 % pour l’alimentation du bétail, dont la plus grande partie (80 %) n'est pas cultivée (prairies, montagnes, steppes, savanes par exemple).
L’élevage utilise aussi un tiers des surfaces cultivées pour la production d’aliments pour les animaux et cette proportion pourrait s’accroître avec le développement de l’élevage dans plusieurs régions du monde pour faire face à l’augmentation de la demande.
La suppression de l’élevage diminuerait l’émission des gaz à effet de serre et économiserait de l’eau disponible pour d’autres besoins humains.
Néanmoins, l’impact exact d’un tel scenario devrait être analysé plus finement en prenant en compte l’ensemble des services et externalités environnementales de l’élevage ainsi que les modes d’utilisation des sols ainsi libérés.
En effet, l’élevage permet d’entretenir des prairies permanentes qui sont propices à la biodiversité, qui filtrent l’eau et stockent du carbone.
Toutefois, certains types d’élevage, conduits de façon agroécologique, apportent également des services environnementaux, en utilisant des surfaces en prairies impropres à la culture mais favorables à la biodiversité, au stockage du carbone, à la filtration de l’eau.
Sans élevage ces surfaces disparaîtraient et les paysages se fermeraient.
L’élevage est souvent présenté comme étant en compétition avec l’alimentation humaine.
En fait, si toutes les populations du monde adoptaient un régime végétalien, il faudrait plus de terres cultivées pour nourrir la planète.
En effet, il faudrait consommer plus de produits végétaux pour satisfaire les besoins humains en calories, en protéines et en certains micronutriments.
Les simulations du nombre d’hectares cultivés nécessaires pour nourrir une population montrent que ce nombre est minimal avec un régime alimentaire contenant entre 9 et 20 g/j de protéines d’origine animale (ce qui est également cohérent avec les apports de 25-30 g/j conseillés par l’Organisation mondiale de la santé).
Ce seuil correspond à la quantité d’animaux qui peuvent être nourris en utilisant seulement les surfaces agricoles non cultivables et les coproduits végétaux non consommables par l’Homme.
Au-dessous de ce seuil, ces ressources sont « gaspillées » et un surplus de terres cultivées est nécessaire pour fournir les produits végétaux apportant l’énergie et les nutriments nécessaires à l’être humain.
Bien-Être Animal
L’amélioration du bien-être animal est un enjeu majeur qui doit être au cœur de la conception des systèmes d’élevage du XXIe siècle.
Le bien-être animal est défini comme « l’état mental et physique positif lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux ainsi que de ses attentes.
Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal.
Depuis les années 1970, le développement de la demande sociétale pour le respect des animaux tant en élevage que lors de leurs transports et de leur mise à mort, l’accroissement de la connaissance scientifique sur la sensibilité des animaux et l’élaboration d’une réglementation européenne en matière de bien-être animal ont conduit à réduire les contraintes exercées sur les animaux.
Le bien-être animal est l’affaire des éleveurs, qui bénéficient directement d’une relation satisfaisante avec les animaux, et des professionnels de la transformation.
Elle l’est aussi des consommateurs qui peuvent influencer les conditions d’élevage par leur consentement à payer un peu plus cher les produits animaux qui demandent aux éleveurs de nouveaux investissements.
Le Flexitarisme : Une Voie Intermédiaire
Avez déjà entendu parler des flexitariens ? Non, ce ne sont pas les habitants d’une planète loufoque où l’on ne trouve pas de bovin.
Il s’agit simplement des adeptes d’un régime alimentaire qui vise à diminuer sa consommation de viande et de poisson.
Ni végétariens ni végans, ces partisans de la voie du milieu sont amateurs de bonne chair.
Véritable mouvement porté par les défenseurs d’un mode de vie « healthy » et responsable, le flexitarisme désigne les personnes végétariennes à temps partiel qui veulent parfois se faire plaisir avec des aliments d’origine animale.
Ce mode alimentaire n’est donc pas une approche rigide.
Il s’agit de prendre conscience qu’on a donné trop de place à la viande et que ces excès ont des conséquences autant sur la planète que sur notre santé.
Aujourd’hui, le flexitarisme apparait comme la voie médiane entre les passionnés de végétaux et les fervents amateurs de viande.
Un compromis qui séduit de plus en plus, à tous les âges et dans tous les milieux, d’autant qu’il permet à tous de s’exprimer en cuisine et de faire preuve de créativité et de gourmandise.
Cette pratique alimentaire, née aux États-Unis (« Flexitarian »), désigne des individus qui mangent occasionnellement de la viande.
Végétarien à 80% et omnivore le reste du temps, le flexitarisme prône la diversification alimentaire en consommant de la viande mais pas à tous les repas, ni même tous les jours.
Autrement dit, c’est un refus de l’exclusif au profit de la flexibilité alimentaire, la recherche d’une façon saine de s’alimenter sans se priver et en tirant bénéfice des bienfaits de chaque catégorie d’aliments.
Le flexitarisme, ou cette volonté de consommer moins de viande, peut être une réponse adaptée aux évolutions du monde moderne et de notre alimentation.
- c’est bon pour la santé : l’excès de viande est pointé du doigt dans les problèmes d’obésité, de cholestérol, de maladies cardio-vasculaires… A l’inverse, les végétaux regorgent de bienfaits nutritionnels : protéines, eau, minéraux, vitamines, acides gras essentiels, fibres… Consommer davantage de fruits et légumes* est entre autres préconisé par le PNNS (Programme National Nutrition Santé).
- c’est bon pour le porte-monnaie : manger d’autres sources de protéines animales (comme les œufs par exemple) et plus de protéines végétales (issues des légumineuses, des céréales, des légumes frais ou du soja) permet de faire des économies.
- c’est bon pour toute la famille : le flexitarisme est un mode d’alimentation qui convient à tous, permettant notamment aux plus jeunes de découvrir la diversité alimentaire et aux plus grands de redécouvrir des saveurs oubliées (lentilles corail, quinoa, millet, épeautre, kamut, sarrasin,…)
- C’est bon pour l’environnement : L’élevage est responsable de 18% des gaz à effet de serre, de 70% de la déforestation, et de 70% des prélèvements mondiaux en eau. S’il ne faut qu’une tonne d’eau pour faire pousser 1 kg de céréales, il en faut presque 16 tonnes pour 1 kg de bœuf !
- C’est bon pour l’éthique : être flexitarien permet de choisir la viande que l’on consomme avec plus de discernement. En en mangeant moins souvent, on peut privilégier des viandes certes un peu plus chères, mais de meilleure qualité et produites par des producteurs engagés.
* Pour votre santé, associez une alimentation variée et équilibrée, à un mode de vie sain.
Aujourd’hui, le flexitarisme a le vent en poupe. En 2018, 34 % des personnes se déclaraient flexitariennes contre 25% en 2015 !
La viande peut être consommée occasionnellement mais en privilégiant la viande blanche et en intégrant également du poisson ou des œufs dans son alimentation pour leurs protéines de bonne qualité.
Les fruits et les légumes font partie des incontournables, de préférence de saison et cultivés localement.
On les prépare soi-même tout comme le reste du repas (vinaigrettes, desserts, pâtes à tarte…), le plus souvent avec des produits frais.
Les céréales et les légumineuses sont à associer durant un même repas pour proposer une véritable alternative aux protéines animales afin d’équilibrer les apports en acides aminés essentiels.
TAG: #Viand