Jamais nous n’avons produit, ni consommé autant de viande. En France, même si la consommation de viande brute diminue chez les ménages, les produits carnés continuent à jouer un rôle central dans la composition des plats, notamment parce qu’ils demeurent synonymes de richesse en protéines et donc de « bonne santé ». Un Français consomme ainsi en moyenne 60 kg de viande par an. Aujourd’hui, déjà , ce sont 65 milliards d’animaux qui sont tués chaque année, soit près de 2 000 animaux… par seconde, pour finir dans nos assiettes.
Bien entendu, cette production massive n’est pas sans conséquence sur notre environnement. En France, entre 25 et 30% de notre empreinte carbone est liée à notre alimentation, avec une forte contribution du secteur de l'élevage. Gourmande en eau, la production de viande l’est aussi en terres. 33 % de la surface terrestre du monde sont consacrées à la culture ou à l’élevage (IPBES, 2019) et 80% de la déforestation est due à l'agriculture (FAO, 2015), principalement en raison du développement de la culture de soja destiné à nourrir le bétail. Selon notre Rapport Planète Vivante de 2018, 75% des espèces de plantes, amphibiens, reptiles, oiseaux et mammifères ayant disparu depuis l’an 1500 après J.-C.
Les Recommandations Nutritionnelles et Climatiques
"Jusqu'ici, les recommandations du Programme national nutrition santé (PNNS) n'avaient pas vocation à prendre en compte la santé climatique. Or, les études sur le climat préconisent de réduire la viande de 50%". C’est le dilemme que soulève Nicole Darmon, directrice de recherche en nutrition à l’INRAE (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement). "Dans cette étude, nous avons tenté de savoir si l’un pouvait cadrer avec l’autre", précise la chercheuse. En effet, Nicole Darmon explique que le rapport propose une "consommation de viande réduite de 50% tout en gardant la totalité des apports nutritionnels préconisés pour la santé".
À ce jour, le PNNS recommande une consommation hebdomadaire de 500 grammes maximum de viande rouge, et de 150 grammes maximum pour la charcuterie. Or, Nicole Darmon souligne que ces chiffres "ne prennent pas en compte la volaille ni les viandes cachées, que l’on trouve dans les plats préparés par exemple". Pour atteindre cet objectif, la scientifique suggère d’augmenter la consommation de fruits et légumes, légumineuses et fruits à coque. Nicole Darmon ajoute que "le panier moyen des recommandations de l'étude s’avère moins cher de 10% par rapport à celui du PNNS". En effet, la viande est selon elle le premier poste budgétaire dans l’alimentation, quel que soit le budget.
"La viande représente environ 10% de ce que l’on consomme, mais peut vite atteindre 50% de l’empreinte carbone de notre assiette", regrette la chercheuse. En effet, la viande représente 22% des émissions de CO2 en France, à cause notamment de l’agriculture. Greenpeace révèle en 2019 que 71% des terres agricoles européennes sont destinées à nourrir le bétail, qui finit dans nos assiettes. L'élevage est également gourmand en eau, et les animaux rejettent du méthane, un des gaz à effet de serre responsables du changement climatique.
En pleine crise agricole, conseiller de baisser la consommation de viande pourrait être considéré comme désavantageux pour les éleveurs. Pourtant, le rapport ne va pas dans ce sens. "Environ 50% des poulets et 30% de la viande bovine que nous consommons en France sont importés. En consommer moins ne se fait pas forcément au détriment des éleveurs français", précise-t-elle. Enfin, la scientifique ajoute qu’il existe trois grands leviers pour réduire l’impact carbone de l’alimentaire, à savoir "la gestion des pertes, le mode de production et le mode de consommation".
Le Flexitarisme : Une Alternative Raisonnable
Véritable mouvement porté par les défenseurs d’un mode de vie « healthy » et responsable, le flexitarisme désigne les personnes végétariennes à temps partiel qui veulent parfois se faire plaisir avec des aliments d’origine animale. Ce mode alimentaire n’est donc pas une approche rigide. Il s’agit de prendre conscience qu’on a donné trop de place à la viande et que ces excès ont des conséquences autant sur la planète que sur notre santé. Aujourd’hui, le flexitarisme apparait comme la voie médiane entre les passionnés de végétaux et les fervents amateurs de viande. Un compromis qui séduit de plus en plus, à tous les âges et dans tous les milieux, d’autant qu’il permet à tous de s’exprimer en cuisine et de faire preuve de créativité et de gourmandise.
Cette pratique alimentaire, née aux États-Unis (« Flexitarian »), désigne des individus qui mangent occasionnellement de la viande. Végétarien à 80% et omnivore le reste du temps, le flexitarisme prône la diversification alimentaire en consommant de la viande mais pas à tous les repas, ni même tous les jours. Autrement dit, c’est un refus de l’exclusif au profit de la flexibilité alimentaire, la recherche d’une façon saine de s’alimenter sans se priver et en tirant bénéfice des bienfaits de chaque catégorie d’aliments.
Le flexitarisme, ou cette volonté de consommer moins de viande, peut être une réponse adaptée aux évolutions du monde moderne et de notre alimentation. Manger d’autres sources de protéines animales (comme les œufs par exemple) et plus de protéines végétales (issues des légumineuses, des céréales, des légumes frais ou du soja) permet de faire des économies. Le flexitarisme est un mode d’alimentation qui convient à tous, permettant notamment aux plus jeunes de découvrir la diversité alimentaire et aux plus grands de redécouvrir des saveurs oubliées (lentilles corail, quinoa, millet, épeautre, kamut, sarrasin,…).
L’élevage est responsable de 18% des gaz à effet de serre, de 70% de la déforestation, et de 70% des prélèvements mondiaux en eau. S’il ne faut qu’une tonne d’eau pour faire pousser 1 kg de céréales, il en faut presque 16 tonnes pour 1 kg de bœuf ! Être flexitarien permet de choisir la viande que l’on consomme avec plus de discernement. En en mangeant moins souvent, on peut privilégier des viandes certes un peu plus chères, mais de meilleure qualité et produites par des producteurs engagés.
Aujourd’hui, le flexitarisme a le vent en poupe. En 2018, 34 % des personnes se déclaraient flexitariennes contre 25% en 2015 !
Comment Adopter le Flexitarisme ?
La viande peut être consommée occasionnellement mais en privilégiant la viande blanche et en intégrant également du poisson ou des œufs dans son alimentation pour leurs protéines de bonne qualité. Les fruits et les légumes font partie des incontournables, de préférence de saison et cultivés localement. On les prépare soi-même tout comme le reste du repas (vinaigrettes, desserts, pâtes à tarte…), le plus souvent avec des produits frais. Les céréales et les légumineuses sont à associer durant un même repas pour proposer une véritable alternative aux protéines animales afin d’équilibrer les apports en acides aminés essentiels.
Les produits de base sont non raffinés (pas de sucre blanc, pas de farines blanches, pas de pain blanc), les acides gras saturés limités (la viande rouge et le beurre notamment). Et une petite gourmandise sucrée est la bienvenue de temps en temps. Le flexitarisme est généralement pris en compte par des consommateurs avertis mais gourmands, experts en nutrition, qui achètent Bio, préfèrent les emballages recyclés et réalisent souvent un compost naturel.
Les Avantages de Réduire la Consommation de Viande
La consommation quotidienne de viande est aujourd’hui remise en question. Voire même, ne fait plus l’unanimité auprès des Français. Et pour cause, son impact écologique et les risques qu’elle fait peser sur la santé sont lourds de conséquence. De nouvelles pratiques alimentaires plus respectueuses de l’environnement se développent comme le flexitarisme ou le véganisme. Des spécialistes avancent qu’une forte diminution de la consommation de viande serait salutaire pour la planète, mais aussi pour la santé des abstinents.
- Santé: L’excès de viande est pointé du doigt dans les problèmes d’obésité, de cholestérol, de maladies cardio-vasculaires. Les végétaux regorgent de bienfaits nutritionnels : protéines, eau, minéraux, vitamines, acides gras essentiels, fibres.
- Environnement: L’élevage est responsable de 18% des gaz à effet de serre, de 70% de la déforestation, et de 70% des prélèvements mondiaux en eau.
- Économie: Manger d’autres sources de protéines animales (comme les œufs par exemple) et plus de protéines végétales (issues des légumineuses, des céréales, des légumes frais ou du soja) permet de faire des économies.
- Éthique: Être flexitarien permet de choisir la viande que l’on consomme avec plus de discernement. En en mangeant moins souvent, on peut privilégier des viandes certes un peu plus chères, mais de meilleure qualité et produites par des producteurs engagés.
Arrêter la viande nécessite une alimentation de remplacement pour maintenir son apport en protéines, en fer, en zinc et en vitamine B12. Cependant, si cesser de consommer des produits ne s’accompagne pas d’une diminution de l’apport en graisses et en sucres, supprimer la viande ne suffit pas à faire maigrir. À ce titre, les produits alimentaires préparés, végétariens ou non, sont gras et donc à limiter.
Ne vous fixez pas des objectifs trop contraignants. N’hésitez pas à consulter un médecin ou un diététicien pour discuter de votre nouvelle alimentation et vous accompagner dans ce choix. Les apports en protéines, fer et vitamines d’une personne mangeant peu ou pas de viande doivent être régulièrement vérifiés et complétés si nécessaire.
Réduire sa consommation de viande diminue les risques de maladies cardiovasculaires, de diabète, d’hypertension et de cancers. La consommation de viande avec excès participe au réchauffement climatique et à la pollution des eaux, de l’air et des sols. Chaque année 65 millions d’animaux sont abattus en élevage pour satisfaire une demande de viande mondiale croissante.
Les Recommandations et les Études Scientifiques
Du strict point de vue de votre santé, il n’est pas impossible que vous mangiez encore trop de viande. Selon les données de l’étude Inca3, un Français adulte consomme environ 530 g de bœuf et de porc par semaine, soit environ 3 steaks hachés et 1 belle côtelette. Plus grave encore : nous dévorons plus de 350 g/semaine de viande transformée et de charcuterie, quand les autorités déconseillent de dépasser les 150 g, soit 4 tranches de jambon blanc environ.
Les études épidémiologiques semblent d’ailleurs plutôt confirmer la réduction des risques de maladies cardiovasculaires ou d’obésité dans le cas d’un régime végétarien « bien conduit ». Les chercheurs conservent en revanche des interrogations sur le régime « végan », qui implique une suppression totale des produits animaux.
En matière de nutrition, la viande reste un aliment intéressant. « Si c’est une bonne source de nutriments disponibles, elle n’a rien de spécifique », nuance Nicole Darmon, directrice de recherche en nutrition à l’Inrae. L’ensemble des apports de la viande peuvent ainsi être remplacés par d’autres aliments. Si le fromage est par exemple une bonne source de protéines et de zinc, le poisson contient presque autant de vitamines B12 que la viande. En revanche, la viande apporte peu de nutriments pour lesquels la population française présente des déficits : les omégas 3 et les fibres, contenus respectivement dans les poissons et les fruits et légumes.
Parmi les pistes intéressantes pour réduire sa consommation de bœuf, de porc ou d’agneau, les experts pointent tous la volaille. Une catégorie de viande que les recommandations officielles invitent à « privilégier » par rapport aux autres espèces.
Pour évaluer les effets de notre alimentation sur l’environnement, « il s’agit de prendre en compte cinq indicateurs : les gaz à effet de serre, mais aussi la consommation en eau, les pollutions azotées, l’énergie et l’occupation des terres », énumère Michel Duru, directeur de recherche à l’Inrae. D’après les résultats, les personnes consommant 2 fois plus de viande de bœuf que la moyenne émettraient 20 % de plus de gaz à effet de serre, tout en consommant 20 % de plus de terres.
Publié en 2019, le rapport Eat-Lancet offre des pistes concrètes. En se basant sur la notion de limites planétaires, et en s’efforçant de conserver un régime équilibré du point de vue nutritionnel, cette équipe de chercheurs internationaux a fixé des repères plus ambitieux que ceux des autorités françaises, avec un plafond de viande de bœuf et de porc à 100 g/semaine. Les chercheurs recommandent par ailleurs de ne pas dépasser 200 g de volaille par semaine, soit environ 1 blanc de poulet, ainsi que 90 g d’ovoproduits, ou deux petits œufs.
Pour concilier santé et environnement dans le cas d’adultes en bonne santé, Nicolas Darmon propose un moyen mnémotechnique simple. Chaque jour, au moins un repas peut être végétarien. Pour les repas restants, les sources de protéines doivent être alternées : un jour de la viande de bœuf ou de porc, un jour de la volaille, un jour des œufs, deux jours avec du poisson (un maigre et un gras), et un dernier repas au choix.
« Il faut avant tout arrêter de construire des plats autour d’une pièce de viande, dans l’idée qu’elle serait centrale », insiste le chercheur. Pour ceux que la cuisine végétarienne ennuierait, Benjamin Allès rappelle de son côté que de nombreuses idées sont disponibles sur le site officiel de la Fabrique à menus, issu des recommandations du PNNS.
Tableau Récapitulatif des Recommandations
Consommation | Consommation réelle moyenne en France (en g/semaine) | Recommandations françaises (PNNS4) | Régime planète et santé (Lancet-EAT) |
---|---|---|---|
Viandes rouges (boeuf, porc, agneau et autres) | 530 g/semaine | 500 g/semaine max | 0 Ă 200 g/semaine max ensemble |
Charcuterie | 350 g/semaine | 150 g/semaine | |
Volailles | 210 g/semaine | À privilégier | 0 à 400 g/semaine |
Oeufs | 30 g/semaine | Pas d’indication | 90 g/semaine |
Légumineuses | 90 g/semaine | Au moins 2 fois par semaine | 500 g/semaine |
Sources : Dussiot et al., Clinial Nutrition/Eat-Lancet
Les Raisons Éthiques, Environnementales et de Santé
- Santé: Une forte consommation de viande augmente les risques de maladies cardiovasculaires, de diabète, d’obésité et même de cancer d’après l’OMS, d’autant plus quand il s’agit de viande transformée (charcuterie).
- Environnement: L’élevage intensif, qui produit en France plus de 90% de la viande vendue, engendre une importante pollution de l’air (gaz à effet de serre) et de l’eau (déjections, résidus d’antibiotiques). L’élevage demeure en outre le principal utilisateur de terres agricoles, pour la production fourragère.
- Éthique: Les animaux sont reconnus comme des « êtres sensibles » par le Code rural, or les conditions d’élevage et d’abattage associées à la production de masse des élevages industriels sont de plus en plus décriées par les associations qui n’ont de cesse d’alerter le grand public sur le mal-être animal dans ces élevages.
En France, la consommation moyenne de produits animaux par une population adulte en bonne santé est supérieure aux besoins nutritionnels. Une diminution de la consommation de produits animaux, notamment de viande rouge (bœuf, veau, mouton, agneau, porc) et de produits carnés transformés, ne présente pas de risque pour la santé. En revanche, certains groupes de populations, notamment les personnes âgées, les enfants et les femmes en âge de procréer, ont des besoins spécifiques en protéines de haute qualité nutritionnelle et en micronutriments (minéraux et vitamines), présents dans les produits animaux et facilement assimilables par l’organisme.
Toutefois, certains types d’élevage, conduits de façon agroécologique, apportent également des services environnementaux, en utilisant des surfaces en prairies impropres à la culture mais favorables à la biodiversité, au stockage du carbone, à la filtration de l’eau. Sans élevage ces surfaces disparaîtraient et les paysages se fermeraient.
La suppression de l’élevage diminuerait l’émission des gaz à effet de serre et économiserait de l’eau disponible pour d’autres besoins humains. Néanmoins, l’impact exact d’un tel scenario devrait être analysé plus finement en prenant en compte l’ensemble des services et externalités environnementales de l’élevage ainsi que les modes d’utilisation des sols ainsi libérés. En effet, l’élevage permet d’entretenir des prairies permanentes qui sont propices à la biodiversité, qui filtrent l’eau et stockent du carbone.
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