Le Veau Orloff, un plat raffiné et savoureux, est un classique de la cuisine française avec une touche russe. Son histoire est intimement liée à deux figures marquantes du XIXe siècle : le prince Alexeï Fiodorovitch Orloff, ambassadeur de Russie en France, et le talentueux cuisinier français Urbain Dubois.
L'origine du Veau Orloff
La recette du Veau Orloff fut créée, proposée et préparée par le célèbre cuisinier Urbain Dubois. Il fut le chef pendant plus de 20 ans au service du comte Orloff, ministre du tsar Nicolas 1er, qui résidait d'ailleurs plus souvent à Paris qu'à son siège moscovite. On retrouve la trace de ses nombreux passages et de ses légendaires agapes dans les archives d'un des restaurants parisiens les plus côtés de l'époque nommé « Tortoni ».
Urbain Dubois (1818-1901) est un chef peu connu du grand public qui officia dans de grandes tables réputées avant d'entrer au service du prince Alexeï Fiodorovitch Orlov, ambassadeur de Russie en France, et de créer la recette fameuse du veau Orloff (orthographe francisée).
Certains disent que la selle de veau Orloff (ou Orlov) fut inventée par Léonor Cheval, chef du restaurant parisien Tortoni, lieu en vogue dans les années 1850 et fréquenté par le prince Orloff. L’hypothèse la plus plausible est que le célèbre cuisinier Urbain Dubois créa ce plat en l’honneur d’Alexeï Fiodorovitch Orloff, ambassadeur du tsar Nicolas 1er à Paris. Il fut son cuisinier pendant 20 ans.
Alexeï Fiodorovitch Orlov (1787-1862), comte puis élevé à la dignité de prince par le tsar en 1856, eut une brillante carrière militaire et diplomatique. Très proche du pouvoir, il fut l’un des plénipotentiaires représentant Alexandre II, chargés de conclure le traité de Paris du 30 mars 1856. Épicurien et francophile, le prince fit forte impression sur les Parisiens. Madame Baroche, mémorialiste du second Empire, le décrivit comme "superbe en dépit de ses 70 ans. (…) Il a encore assez bon air pour exciter la coquetterie des femmes".
Comme beaucoup, il est très amateur de cuisine française et s’adjoint les services d’un cuisinier de haut vol, un certain Urbain Dubois. C’est ce dernier qui invente la recette du veau Orloff, un habile mélange de veau braisé, de mornay, de soubise et de duxelle de champignons.
Il flotte toujours sur le château de Bellefontaine un parfum de Russie. A cet emplacement existe un château depuis le XVIIIe siècle. En 1834, il devient la propriété du prince de Tarente qui lui donne son allure actuelle. C'est en 1856 que le prince russe Nicolaï Troubetzkoy entre en possession de la propriété. Ce dernier y reçoit des romanciers russes comme Ivan Tourgueniev. Le prince va jouer le rôle de médiateur auprès des Prussiens qui viennent d'envahir la région. Il évitera des exécutions d'otages à Samois. Puis c'est Nikolaï Orloff, son gendre, qui viendra y habiter. Anecdote croustillante, c'est dans ce château que fut inventée la fameuse recette du veau Orloff, un mélange de rôti de veau, d'oignons, de champignons et de pommes de terre.
La recette originale du Veau Orloff
Dans sa version originale, le veau Orloff se compose d'un rôti de veau, traditionnellement dans la selle, prétranché et garni entre les tranches et sur le dessus d'une sauce Maintenon, puis il est reconstitué et glacé au four.
Rétablissons d’emblée une vérité culinaire: le veau Orloff n’est nullement un rôti où alternent les tranches de bacon et de fromage en lamelles. La véritable recette inventée par Urbain Dubois est une selle de veau braisée au vin tranchée, fourrée d’une duxelles et d’une soubise (respectivement sauces aux champignons et aux oignons) puis reconstituée et nappée de sauce Mornay (béchamel au fromage). Le plat était ensuite glacé à chaud pour le colorer.
Les éléments principaux de cette recette de veau Orloff sont la purée d'oignons dite « soubise » et les champignons de paris fondus en duxelless le tout lié avec une sauce Maintenon mais à l'époque il était de bon ton de rajouter quelques dés de langue écarlate et une belle quantité de truffes noires émincées puis on finissait avec quelques languettes de vieux parmesan.
La sauce Maintenon est une sauce Soubise (du nom du Maréchal sous Louis XV qui a donné son nom au méariage béchamel et fondue d'oignons déjà évoquée ici ou là pour la purée Soubise) à laquelle on a ajouté une duxelle de champignons.
Cette recette était l'une de celles proposées pour s'accorder aux vins de Visan lors de cette masterclass au salon Vinisud, aux côtés notamment d'un plat médiéval de Taillevent, du rouget en écaille de pomme de terre de Paul Bocuse ou encore du coulant au chocolat de Michel Bras ; elle se marie idéalement avec le Visan rouge 2010 « Notre Dame » du domaine Père Clément. La sucrosité de l'oignon, la saveur typée de la truffe ainsi que les champignons, enrobent le fruit épicé d'un vin aux tannins bien fondus.
Ingrédients pour la recette originale
- 1 rôti de veau (dans la selle idéalement)
- 3 ou 4 gros champignons de couche (environ 200 grammes)
- 10 grammes de truffe noire (entière ou brisure ou pâte de truffe)
- 1 échalote
- beurre
- sel, poivre
Pour la sauce soubise
- 2 ou 3 oignons moyens (200 grammes)
- 40 grammes de beurre
- 100 grammes de lait
- 30 grammes de farine
- 10 grammes de fécule
- muscade, sel
Préparation
- Cuire le rôti entier et laisser reposer.
- Faire revenir puis étuver les oignons dans coloration.
- Préparer la béchamel assaisonnée de muscade et salée, incorporer la fondue d'oignon.
- Tailler les champignons en duxelle, faire revenir au beurre avec l'échalote émincée finement, saler, poivrer. Ajouter à la sauce Soubise.
- Entailler le rôti (deux écoles : sur la longueur ou dans l'épaisseur, prétranché), tartiner entre les "tranches" de sauce Maintenon, ajouter des lamelles de truffe.
La recette du Veau Orloff revisitée
Aujourd'hui, on trouve chez les bouchers des rôtis de veau avec du fromage autour ou dedans, qui n'ont rien à voir avec la véritable recette du veau Orloff.
A l’origine, d’ailleurs, ce n’est pas du tout ce que l’on présente ici ou chez les bouchers, un rôti de veau Orloff. A l’origine, c’est une recette inventée par Urbain Dubois, pour le Prince Orloff, ambassadeur de Russie en France. Le rôti était braisé au vin, tranché puis fourré de sauce aux champignons et aux oignons.
Aujourd’hui, la recette traditionnelle du veau Orloff a évolué pour devenir un plat que l’on prépare avec des tranches de rôti, de poitrine fumée et de fromage, le tout gratiné au four.
Ingrédients pour 6 personnes
- 1 rôti de veau ficelé de 1,5 kg
- 500 g de champignons de Paris
- 3 échalotes
- 12 tranches de bacon
- 500 g d’emmental
- 30 g de beurre
- 4 tiges de cerfeuil
- Sel
- Poivre blanc
Pour la sauce Mornay :
- 50 g de beurre
- 50 g de farine
- 75 cl de lait
- 3 jaunes d’œufs
Préparation
- Préchauffez le four à 180 °C.
- Assaisonnez soigneusement le rôti puis saisissez-le dans une poêle avec 20 g de beurre bien chaud. Une fois qu’il est doré, placez-le dans un plat allant au four et enfournez pour 1 h.
- Préparez la sauce Mornay. Faites fondre le beurre dans une casserole, retirez du feu et ajoutez la farine d’un coup. Mélangez rapidement au fouet puis remettez sur feu très doux et laissez très légèrement colorer. Versez un peu de lait tout en fouettant pour éviter les grumeaux, puis ajoutez le reste du lait au fur et à mesure tout en continuant à fouetter.
- Retirez le pied terreux des champignons. Après les avoir lavés et séchés soigneusement, découpez-les en petits cubes. épluchez et ciselez les échalotes. Faites-les suer à la poêle avec le reste de beurre. Ajoutez les champignons. Versez 1/3 de la sauce Mornay, mélangez et retirez du feu.
- Sortez le veau du four. Placez le rôti sur une planche à découper. Entre chaque tranche, glissez du bacon et de l’emmental. Répartissez la duxelles de champignons puis le reste de la sauce Mornay sur le rôti.
Conseils et astuces
N’hésitez pas à gratiner le rôti de veau Orloff à la sauce béchamel pour plus de gourmandise, à ajouter d'avantage de tranches de lard ou à garnir votre rôti de tranches d’osseux-iraty et de sauge.
Le veau, un plat de choix
Il faut dire que le veau a longtemps été un plat de riche. Les bœufs servaient à transporter ou à cultiver la terre, les vaches étaient rares et on les appréciait plutôt pour le lait, la crème et le beurre qu’elles donnaient, plutôt que de les manger. De nos jours encore, le veau n’est pas donné.
La France est le 2e pays producteur de viande de veau, grâce à 6000 éleveurs. On entend par veau un bovin de moins de 8 mois. Sa chair est tendre, plutôt rosée.
Côté santé, le veau est source de zinc, de fer et de phosphore.
Le veau dans la culture et l'histoire
Symbole du soleil pour les hindouistes puisqu’il serait né de la vache aurore. Symbole de richesse autrefois, qu’on retrouve dans la bible avec le célèbre veau d’or, idole fabriquée pour remplacer Dieu par le peuple hébreux sorti d’Egypte, ou dans l’expression « tuer le veau gras », Le bien le plus cher pour l'enfant prodigueLe veau qu’on retrouve aussi dans la bible, et qui rappelle que le père a tué le veau gras, c’est-à-dire son bien le plus cher, pour saluer le retour du fils prodigue.
TAG: #Cuisson