La crise alimentaire issue de la contamination radioactive de mars 2011 s’inscrit dans le processus de prise en compte de la qualité sanitaire des aliments et sa perception par les consommateurs. Les crises entendues dans ce sens sont donc « des phases d’exacerbation et de médiatisation d’une situation considérée comme dangereuse, avec la mise en scène de controverses et de débats sur la nature du danger, les modalités de l’évaluation du risque et les conditions de sa gestion préventive et corrective ».
Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle: Définition
La France partage la définition de la sécurité alimentaire et nutritionnelle adoptée par le Comité de la sécurité alimentaire en septembre 2012 : La sécurité alimentaire et nutritionnelle existe lorsque les êtres humains ont, à tout moment, la possibilité physique, sociale et économique de se procurer une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins et préférences alimentaires pour mener une vie saine et active.
L’état de la faim dans le monde se dégrade depuis 2014. Selon le dernier rapport sur « L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde » (dont l’acronyme anglais est « SOFI »), publié conjointement par la FAO, le PAM, le FIDA, l’UNICEF et l’OMS, près de 690 millions de personnes souffraient de sous-alimentation chronique en 2019 (8,9 % de la population mondiale) : soit une hausse de 12 millions par rapport à 2018, et de 60 millions depuis 2014. L’Afrique est la région où la prévalence de la sous-alimentation est la plus élevée, avec 18,8 % de la population touchée en 2019, soit 239,6 millions de personnes. En 2020, les conséquences de la crise des criquets pèlerins en Afrique de l’Est et de la pandémie mondiale de Covid-19 ont encore aggravé ces chiffres. Selon les différents scénarios de croissance retenus, les effets à long terme de la crise liée à la pandémie de Covid-19 pourraient faire basculer entre 83 et 132 millions de personnes supplémentaires dans la faim.
La malnutrition est également un problème grave et persistant. Il existe 3 principales formes de malnutrition : la sous-nutrition (chronique ou aiguë), les carences en micronutriments et l’obésité. Dans le monde, la malnutrition chronique touchait 21,3 % des enfants de moins de 5 ans en 2019, soit 144 millions.
Ces dernières années, le rapport SOFI s’est penché plus spécifiquement sur les liens entre insécurité alimentaire, conflits (SOFI 2017), changement climatique (SOFI 2018) et ralentissement de la croissance (SOFI 2019) ; en 2020, le rapport se concentre sur l’analyse des « coûts cachés » des régimes alimentaires sur la santé publique et le changement climatique, qui s’élèveraient respectivement à 1 300 et 1 700 milliards de dollars par an d’ici à 2030 si le monde conservait ses modes de consommation alimentaire actuels. La situation dépeinte par le SOFI est sérieuse : l’exposition à des extrêmes climatiques plus complexes, plus fréquents et plus intenses menace d’éroder les progrès réalisés dans la lutte contre la faim et la malnutrition.
Par ailleurs, on observe un lien à double sens entre insécurité alimentaire et conflits ; d’une part, l’instabilité et les conflits créent ou aggravent l’insécurité alimentaire et, d’autre part, l’insécurité alimentaire, la hausse des prix agricoles peuvent déclencher ou aggraver des situations conflictuelles et instables. Enfin, il convient de prendre en compte l’importance du secteur agricole dans les pays du Sud : au Sahel, par exemple, 80 % de la population est rurale et le secteur fournit 66 % des emplois. Par rapport à d’autres secteurs, la croissance de l’agriculture a des effets deux à quatre fois plus efficaces sur l’augmentation du revenu des populations les plus démunies.
La France et la Sécurité Alimentaire: Stratégie et Actions
La nouvelle stratégie internationale de la France pour la sécurité alimentaire, la nutrition et l’agriculture durable pour la période 2019-2024 est le fruit d’une concertation avec les acteurs français impliqués dans cette thématique et définit le cadre de référence pour les institutions françaises de développement. La France souhaite jouer un rôle moteur pour améliorer l’efficience des instances de gouvernance dans le domaine de la sécurité alimentaire et de la nutrition, en particulier en définissant une vision claire et partagée des objectifs et des moyens d’action dans ces domaines et en favorisant une meilleure harmonisation et une meilleure coordination des instances et des bailleurs.
Face aux conséquences du changement climatique et à l’érosion de la biodiversité, un enjeu crucial sera de développer et de promouvoir la transition vers des systèmes agricoles et alimentaires durables, d’un point de vue économique, social et environnemental, répondant aux défis du changement climatique afin d’assurer la sécurité alimentaire et la nutrition des populations. L’approche promue par la France est multisectorielle, afin d’agir de manière intégrée sur les différents facteurs menant à la sous-nutrition. Elle vise un impact sur la sous-nutrition significatif et durable.
Le secteur agricole et rural représente souvent le cœur de l’activité socio-économique des pays en développement et un gisement d’emplois important qu’il convient de soutenir. La France est fortement mobilisée dans le fonctionnement du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) et soutient le secrétariat du Mouvement pour le renforcement de la nutrition (SUN). Elle travaille étroitement avec l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Fonds international de développement agricole (FIDA).
Au niveau français, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères s’appuie notamment sur un groupe de travail, le Groupe interministériel français sur la sécurité alimentaire (GISA). Celui-ci associe l’ensemble des acteurs français (ministères, Agence française de développement, institutions de recherche, organisations non gouvernementales, profession agricole et fondations).
Précarité Alimentaire en France
En France, la précarité alimentaire touche une diversité de populations. Voici les principaux groupes concernés :
- Ménages à faibles revenus: Les familles vivant sous le seuil de pauvreté sont les premières victimes. Les dépenses contraintes réduisent le budget alimentaire.
- Étudiants: Beaucoup d’étudiants, surtout ceux sans soutien familial ou avec des revenus précaires, doivent recourir à l’aide alimentaire. Les repas à 1 € des Crous et les distributions solidaires sont souvent leur seule solution.
- Travailleurs précaires: Les actifs à temps partiel subi, les intérimaires et les travailleurs pauvres sont de plus en plus concernés. Même avec un emploi, ils peinent à équilibrer leurs dépenses.
- Personnes âgées: Les retraités avec de petites pensions, notamment les femmes seules, sont vulnérables. L’isolement aggrave souvent leur situation alimentaire.
- Familles monoparentales: Ces familles, souvent dirigées par des femmes, sont particulièrement touchées. Le coût de la vie, combiné à une seule source de revenus, limite l’accès à une alimentation suffisante et saine.
- Sans-abris et personnes en grande exclusion: Les sans-domicile fixe et les personnes en situation de grande précarité dépendent fortement des associations pour se nourrir.
- Réfugiés et demandeurs d’asile: Les migrants et demandeurs d’asile, souvent en situation administrative précaire, rencontrent d’importantes difficultés pour accéder à l’alimentation.
- Enfants: Les enfants issus de ménages précaires sont particulièrement vulnérables, avec des conséquences sur leur santé et leur développement. Les cantines scolaires jouent un rôle crucial pour certains d’entre eux.
- Habitants des zones rurales et périurbaines: Ces populations souffrent parfois d’un manque d’accès à des aliments frais et abordables, aggravé par l’éloignement géographique des commerces.
- Nouveaux bénéficiaires: Avec l’inflation récente, de plus en plus de classes moyennes modestes commencent à solliciter l’aide alimentaire, un phénomène inédit.
Ces populations vivent des réalités diverses, mais toutes subissent l’impact d’un système économique et social qui limite leur accès à une alimentation équilibrée et digne. Les étudiants et les allocataires RSA en situation de monoparentalité sont parmi les plus vulnérables, souvent contraints de limiter leurs repas ou de se tourner vers des banques alimentaires.
Crise Alimentaire et Contamination: Le Cas de Fukushima
Dès l’annonce de l’accident de la centrale de Fukushima en mars 2011, il y eu une forte inquiétude quant à la contamination de l’alimentation et cette question fut paradoxalement bien plus médiatisée que les destructions matérielles et les pertes humaines du séisme et du tsunami. Après les craintes suscitées par le passage des nuages radioactifs, le rapport à la nourriture a été la seconde source de préoccupation, mettant en avant un décalage entre, d’une part, les mesures prises par les autorités japonaises et leur discours rassurant et, d’autre part, la défiance d’une partie des consommateurs.
Les craintes ont été d’autant plus fortes que l’angoisse et l’incertitude des humains face à la nourriture sont des faits anthropologiques qui s’observent, malgré les avancées de la connaissance scientifique, tout au long de l’histoire humaine. La contamination radioactive est peut-être de ce point de vue l’une des plus anxiogènes, puisqu’elle combine l’image de la puissance de destruction du nucléaire et la conscience de la longue durée d’une menace pouvant potentiellement provoquer des maladies graves et des morts atroces (leucémies, cancers). Cette menace est singulière, d’abord parce que d’origine humaine, non naturelle, mais aussi parce que rien dans l’apparence ou le goût des aliments ne permet de l’identifier. La combinaison de ces éléments donne ainsi un potentiel anxiogène très élevé, ce qui explique que les consommateurs japonais se soient montrés méfiants et que la plupart des États aient rapidement interdit l’importation de produits agricoles japonais et demandé des tests, y compris ceux pour qui ces importations étaient anecdotiques.
La réaction de peur, ou du moins de méfiance, se fonde sur l’incertitude des conclusions de la science, sur la parole pas toujours facile à comprendre des experts, mais aussi sur une vision déformée de la réalité de l’agriculture moderne. Pour simplifier, l’image qui a véhiculé la peur est que l’agriculture japonaise nourrissait toujours l’Archipel et que par causalité directe, si les sols et la mer étaient contaminés, l’ensemble de l’alimentation, issue des cultures et de la pêche, serait dangereuse pour la consommation humaine. En réalité, le taux d’autosuffisance alimentaire en calories annuelles du Japon étant inférieur à 40 %, même si une grande partie de l’agriculture japonaise avait été touchée avec des régions entières incultivables, les conséquences auraient finalement été limitées pour l’alimentation quotidienne à l’échelle du pays. Hormis le riz, au Japon, presque tout est massivement importé, y compris l’alimentation du bétail.
Le décalage entre la réalité du risque, les discours officiels et la perte de confiance des consommateurs dans la sécurité sanitaire des aliments constitue le fondement d’une crise alimentaire. Alors que les questions de sécurité alimentaire évoquaient jusque dans les années 1990 principalement les risques de famine, de sous-alimentation ou de malnutrition, le contexte des sociétés développées où les dangers ne sont plus liés au manque de nourriture mais à leur qualité sanitaire a conduit à une nouvelle acception des crises, prenant en compte la qualité sanitaire des aliments et sa perception par les consommateurs. Si, dix ans après l’accident, il semble ne pas y avoir eu de conséquences directes sur la santé des populations en lien avec leur alimentation, il y a tout de même eu, à la suite de la contaminarion radioactive, de vraies incertitudes par rapport à l’alimentation quotidienne, et ce bien au-delà des zones proches de la centrale accidentée. Des cas avérés de produits contaminés qui se sont retrouvés dans la chaine alimentaire ont aussi été rapportés, ce qui a entraîné des réactions très contrastées de la part des consommateurs. Ces différents éléments permettont, après avoir analysé l’évolution du décalage des perceptions selon le modèle de la crise alimentaire, de se poser des questions plus générales sur le rapport des Japonais à leur terre via leur agriculture et la médiation alimentaire.
L’accident de la centrale de Fukushima en mars 2011 a entraîné une contamination à des degrés variables de 10 % du territoire japonais, mais une situation bien plus grave a néanmoins été évitée, puisque 70 % à 80 % des rejets atmosphériques sont en fait retombés en mer. Les types de contaminants ont été l’iode-131 (dangereuse quelques semaines), le césium-134 (60 ans), le césium-137 (300 ans). Parmi les territoires touchés, ce sont surtout les plaines rizicoles du Kantō et d’une partie du Tōhoku ainsi que la ceinture maraîchère de Tokyo qui ont été affectées.
En adoptant ce cadre d’analyse, il apparaît que la crise avait en réalité virtuellement débuté bien avant l’accident de la centrale de Fukushima, dès la prise de conscience minoritaire de la vulnérabilité de l’agriculture face à un tel aléa. Malgré des alertes comme l’accident de Tokaimura de 1999 et celui de Kashiwazaki-Kariwa de 2007, le point important à retenir est que cette pollution n’avait pas été vraiment anticipée, ce qui a contribué à aggraver les craintes des consommateurs. Avant l’accident, lors de la phase de latence, il y avait certes des lanceurs d’alerte, comme les groupes antinucléaires. Il y avait aussi des choix concients et une demande de meilleure traçabilité des aliments exprimée par une minorité, en particulier par le réseau de l’agriculture biologique qui posait des questions plus générales, sur l’origine, les modes de production et la qualité des aliments. Cependant, il n’existait pas de réglementation sur la vente et la consommation de produits potentiellement radioactifs.
Pour les paysans et les pêcheurs, sur le moment, la situation a été très compliquée. L’ampleur de la contamination n’était pas connue. La réalité de la gravité de l’accident non plus. Dans les premiers mois, outre de formuler des demandes d’indemnisation rapide, les paysans de l’est du département de Fukushima rencontrés par Hiroko Amemiya se souciaient surtout de savoir s’il était possible de cultiver du riz, car la saison du repiquage était toute proche. Les légumes à feuilles, cultivés juste au moment de l’accident, avaient été interdits à la vente, il était prévu qu’il y aurait des compensations, mais personne n’avait encore été indemnisé fin avril. Les témoignages montrent des drames personnels qu’aucune indemnisation n’a pu racheter, mais aussi différentes attitudes et stratégies face à la catastrophe. Dans les territoires limitrophes de la zone d’interdiction de 30 km, certains sont partis, d’autres ont cessé leurs activités, d’autres enfin ont fait le choix de continuer, malgré les risques et les difficultés à vendre leur production.
Le coût des dégats pour les secteurs de l’agriculture et de la pêche a été très important. En suivant les chiffres du ministère de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche, la triple catastrophe aurait coûté 2 430 millards de yens (52 % pour le secteur de la pêche, 39 % pour celui de l’agriculture et 9 % pour le secteur des forêts).
Le moment où la crise est devenue centrale dans le débat public s’est situé entre mars et août 2011. Une de ses caractéristiques a été notamment l’arrivée des réseaux sociaux qui a court-circuité les médias traditionnels comme la presse écrite, la radio ou la télévision. Ce fut le temps des découvertes, des indignations et de la mise en lumière des insuffisances.
Comme, il n’existait pas véritablement de réglementation concernant l’interdiction à la consommation de produits contaminés (à part les recommandations faites par la Commission de sécurité nucléaire en 2002 après l’accident de Tokaimura de 1999) aucune disposition n’encadrait la distribution et la vente des produits. À la suite de l’accident, plutôt que de prôner par précaution une interdiction totale de l’agriculture d’une zone élargie, le gouvernement japonais a fait le choix risqué de limiter au minimum les zones d’interdiction et de se concentrer sur les produits avec un système de tests, ce qui signifiait fixer des niveaux maximum de contamination acceptables et s’assurer que de la nourriture trop contaminée ne se retrouve pas sur le marché.
Le 17 mars, 6 jours après le tremblement de terre, les premières mesures en rapport avec les produits de l’alimentation courante étaient ainsi annoncées, avec une modification des articles 1 et 6 de la loi sur l’hygiène alimentaire, amorçant le début de la troisième phase de la crise. La gravité de la situation empêchant de véritablement prendre le temps de discuter et d’apprécier l’efficacité des mesures, les phases de médiatisation de la crise se sont entrecoupées, obligeant les autorités à faire des ajustements fréquents. Ainsi, lors des premières interdictions de vente, l’ensemble des produits n’était pas encore couvert. Il n’y avait, par exemple, ni de règlementation, ni de mesures prévues pour la contamination des poissons et des fruits de mer.
Devant les inquiétudes de la population, l’ensemble des maxima autorisés concernant les césiums 134 et 137 a ensuite été revu à la baisse à partir d’avril 2012.
À partir de ce moment, les limites maximales autorisées par le Japon sont devenues les plus sévères au monde. Selon les produits, elles étaient inférieures de 4 à 20 fois aux normes édictées en mars 2011, largement sous les seuils admis aux États-Unis et dans l’Union européenne (par exemple pour l’eau, 10 Bq/l au Japon, 1 000 dans l’Union européenne et 1 200 aux États-Unis, voir le tableau 01). C’est toujours un élément important de la communication de crise, néanmoins il faut prendre en compte le fait que les règlements américains et européens sont prévus pour les situations d’urgence, afin de gérer des évacuations et non pour des populations qui restent sur place.
Pays/Organisation | Limite Maximale (Bq/l) |
---|---|
Japon | 10 |
Union Européenne | 1 000 |
États-Unis | 1 200 |
La mise en place des contrôles a permis de se faire une première idée de la réalité de la contamination. Le 19 mars 2011, un premier cas a ainsi été détecté dans du lait venant d’une ferme située à 30 km de la centrale accidentée. Par la suite, le 15 avril, sur une liste de 98 produits, 22 contenaient des taux de contamination supérieurs aux normes nouvellement édictées.
Une baisse progressive des cas détectés ainsi que des passages avérés dans la chaîne alimentaire est observable tout au long des dix ans qui ont suivi l’accident. Il y avait plus de 2 000 cas en 2012, puis seulement la moitié en 2013, et moins de 500 en 2016, cinq ans après l’accident. En 2020, un seul cas concernant des champignons a été détecté.
Ces chiffres officiels sont-ils réellement rassurants ? Il est impossible de savoir combien de produits sont passés (par accident, négligence ou par fraude) au travers du système de tests ni si cela a eu une conséquence sur la santé des consommateurs. Les rapports des Nations unies n’indiquent pas d’augmentation significative de maladies dues à l’alimentation. Il n’y a pas non plus de signe de contamination durable due à l’alimentation des personnes dans les zones proches d’après des mesures indépendantes, ce qui permet de penser que les mesures de restriction de commercialisation des produits dépassant les limites prévues par la règlementation ont été efficaces. Des recherches sur les animaux dans la zone interdite ont néanmoins montré des taux de contamination plus élevés.
Les décisions des autorités pour gérer la crise et ramener la situation à la normale n’ont été qu’une facette de la crise alimentaire et ce sont aussi les consommateurs qui ont influencé par leurs actions l’évolution du système alimentaire. À la suite de la catastrophe nucléaire, les Japonais se sont sentis bien évidemment de plus en plus concernés par les questions de sécurité alimentaire. L’ensemble des enquêtes réalisées lors des cinq premières années le montre. Par exemple, une enquête Nikkei de début 2012 indiquait que depuis l’accident de Fukushima, 70 % des personnes interrogées se sentaient alors « grandement concernées par la contamination alimentaire ». Cette prise de conscience était le reflet de l’inquiétude née de la contamination et du manque de confiance par rapport aux normes édictées et à la nature des contrôles. Non seulement les avis des experts étaient divergents, mais tout au début de la crise, les départements et municipalités avaient aussi alerté sur le fait qu’ils n’avaient pas suffisamment d’équipements pour effectuer les tests. L’attitude du gouvernement japonais lui-même a donné lieu à des critiques, puisqu’il a non seulement réagi avec retard, mais qu’il a aussi donné l’impression de vouloir cacher l’ampleur de la catastrophe.
Dans les premières années de la crise, la confusion née des différentes interprétations de la norme n’a pas augmenté le risque lui-même, mais plutôt sa perception. Cela a entraîné des comportements diamétralement opposés (soit dans le but d’aider les régions touchées, soit en étant extrêmement critiques et sceptiques envers les mesures officielles) de la part d’une partie, certes minoritaire, des consommateurs. Ces minoritées actives représentent des tendances ayant influé tant sur les ajustements faits par les autorités que par le secteur privé.
Une partie des consommateurs a ainsi volontairement privilégié dès le départ la consommation des produits en provenance des régions les plus touchées afin d’aider les populations et de défendre l’économie locale. Les ventes de saké du Tōhoku ont par exemple augmenté de 15 % en 2011 et beaucoup de produits emblématiques ont rapidement été en rupture de stock. Les personnes effectuant ce choix avaient des sentiments « localistes » et « loyalistes » clairement affirmés, dans le sens où leur objectif est d’aider la région touchée et le pays à se redresser. Elles n’ignoraient bien évidement pas le risque alimentaire potentiel, mais les risques sur leur propre santé leur semblaient faibles en comparaison des bénéfices qu’elles pouvaient apporter aux régions dévastées.
Alertes Alimentaires
Lorsqu’un affichage en supermarché ou une annonce à la radio demande de rapporter des produits alimentaires ou de ne pas les consommer, cela signifie qu’une alerte alimentaire a été déclarée. Mais qu’est-ce qu’une alerte alimentaire ? Comment la détecte-t-on ? Qui sont les acteurs qui interviennent dans le processus ? Pourquoi les alertes sont aussi fréquentes ? La Mission des urgences sanitaires (MUS) de la Direction générale de l’alimentation du Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire joue un rôle de chef d’orchestre : en cas d’alertes alimentaires, la MUS coordonne au niveau national les investigations et les contrôles des services du MASA, en lien étroit avec le CORRUSS.
Lorsqu’un aliment a été mis sur le marché et qu’il est constaté a posteriori qu’il présente un danger (par exemple à la suite de la réception tardive d’un résultat d’analyse, ou d’un autocontrôle effectué par un client professionnel), ce produit doit être retiré du marché. Les alertes alimentaires se renouvellent constamment. De nouvelles entreprises s’installent, de nouveaux produits et de nouveaux modes de consommation se développent, ce qui peut générer de nouveaux dangers. Les alertes sont ainsi le témoin d’un système de contrôle actif et vigilant.
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