En pleine crise agricole et à l’heure d’une inflation galopante, les interrogations sur le modèle de consommation actuel se multiplient, et notamment sur la place des grandes surfaces. À l’heure où l’inflation alimentaire atteint des niveaux historiques (+20% en moyenne sur les deux dernières années), obligeant les Français à adapter leur façon de consommer, au moment où l’on s’interroge sur la manière de faire évoluer notre modèle de consommation vers davantage de durabilité, nous avons souhaité nous arrêter sur l’un des derniers endroits où se retrouvent tous les Français pour faire leurs courses : les grandes surfaces.
Si les Français s’y retrouvent pour beaucoup encore pour faire leurs courses, leur consommation n’y est pas si uniforme. Grâce à un outil de cartographie inédit, Emily Mayer, directrice des études à l’Institut Circana, évalue tant la multiplicité des comportements de consommation que leur changement, vers davantage d’individualisation, au cours des dernières années dans une note de l’Observatoire Marques, imaginaires de consommation et politique de la Fondation. Tout l’objectif de cette note est de montrer l’importance de démoyenniser la lecture nationale de la consommation alimentaire. Car l’aborder en passant par le prisme de la moyenne nationale, c’est passer à côté de la diversité des pratiques de consommation qui jalonnent notre territoire. Comme le disait fort justement Olivier Géradon de Véra, la moyenne se révèle souvent être « la forme la plus élaborée du mensonge ».
L'évolution des comportements de consommation
Tout d'abord, définissons la consommation alimentaire mondiale. La consommation alimentaire mondiale est, tout simplement, la quantité de nourriture et de calories consommées par les gens. En 2022, Circana s’était déjà prêté à l’exercice de découper la France afin de faire ressortir les particularismes régionaux. Ce découpage, passionnant par l’histoire des territoires qu’il a fait réémerger au travers de l’assiette, ne suffit cependant pas à retranscrire la consommation alimentaire des Français dans son ensemble.
C’est ainsi que Circana s’est intéressé à un nouveau découpage du territoire français sous un angle plus large, celui de l’ensemble des achats de produits de grande consommation. Ce travail a abouti à un découpage de la France en douze « parties » que nous avons appelées « conso-styles territoriaux », en référence aux travaux de Bernard Cathelat sur les « conso-styles » dans les années 1980. Ainsi, les conso-styles ne forment pas des territoires contigus et des points de vente se trouvant à différents endroits dans le pays peuvent se retrouver dans un même conso-style.
Prenons le conso-style « quartiers bourgeois », par exemple. Nous sommes ici sur des points de vente se trouvant dans des quartiers résidentiels de type haussmannien, proches des centres économiques et de pouvoir. Dans les magasins de ce conso-style, les produits biologiques et écologiques sont surconsommés par rapport à la moyenne nationale. Le conso-style « tradition agricole », quant à lui, regroupe des points de vente se trouvant dans des espaces beaucoup plus ruraux, peu denses, composés de petits villages isolés et très éloignés des voies majeures de communication et des centres économiques.
Ces deux exemples nous donnent à voir de manière assez nette les très fortes différences de consommation qui cohabitent au sein d’un type de commerce pourtant assez homogène, la grande distribution. Le lieu de vie s’avère être un facteur fondamental dans nos choix de consommation. Les douze conso-styles territoriaux constituent ainsi une nouvelle grille de lecture pour synthétiser la France de la consommation alimentaire tout en restituant sa diversité. C’est, par conséquent, un bon outil au service de l’activité économique des acteurs de la grande consommation pour s’adapter au plus près aux spécificités de leur territoire.
Amplitude de consommation et facteurs explicatifs
Pour avancer dans le raisonnement, il nous faut définir la notion d’« amplitude » de consommation. Comme nous l’avons déjà évoqué, les conso-styles permettent de démoyenniser la consommation nationale. Prenons le cas du champagne. La consommation nationale de champagne, c’est-à-dire le poids que représentent les ventes de champagnes dans le total des ventes des grandes surfaces, constitue notre base 100. En réalisant ce même exercice au sein de chacun des magasins de grandes surfaces des douze conso-styles, nous pouvons établir que le champagne est très largement sur-consommé dans les magasins « hyper urbains cosmopolitains » (conso-style présentant le plus haut niveau de revenu) avec un indice de 147 (comprendre, une consommation de 47% supérieure à la moyenne nationale).
À l’inverse, c’est dans les magasins du conso-style « familles à la campagne » que le champagne est le plus sous-consommé avec un indice de 69 (comprendre, une consommation de 31% inférieure à la moyenne nationale). Ainsi, par nature, la consommation de champagne, du fait de la valeur faciale élevée de ce type de produits, a une amplitude d’achat très forte entre les conso-styles. Ce qu’il est important de noter, c’est que l’amplitude de consommation peut évoluer dans le temps. Ainsi, l’hétérogénéité de la consommation de champagne se renforce avec le temps.
On peut y voir ici l’impact de la forte inflation qui oblige une partie des Français, les plus contraints financièrement, à faire des choix et à se passer de certains produits. Circana a pu démontrer que les produits les plus arbitrés par les Français face à la forte hausse des prix étaient ceux qui n’étaient pas au cœur de l’assiette et à forte valeur d’achat, de nature à faire grimper très vite le montant du panier de courses. Le champagne cumule typiquement ces deux attributs puisqu’il s’agit d’une boisson avec un prix d’achat moyen de 24 euros.
Il y a toujours eu de l’amplitude et des écarts de consommation, même en grandes surfaces, temples de la convergence. Les travaux présentés ici contribuent, avec la clé de lecture synthétique que constituent les conso-styles, à illustrer et mesurer ces disparités de consommation et surtout leur évolution dans le temps. Et la conclusion sur ce dernier point est très claire : les écarts de consommation s’accentuent, la consommation en grandes surfaces s’écarte toujours plus de la moyenne. En effet, 80 familles de produits sur les 250 étudiées voient, en l’espace de quatre ans, leur amplitude de consommation s’accroître, soit le double du nombre de celles où il se réduit.
S’il est intéressant d’objectiver et de quantifier le mouvement de démoyennisation de la consommation, il est important d’en rechercher les causes. Parmi les facteurs étudiés, les deux facteurs les plus explicatifs des écarts de consommation au total des produits de grande consommation étaient le niveau de diplôme et le degré d’urbanité. Ces deux facteurs expliquent une large majorité des écarts.
- Fruits secs: La surconsommation des fruits secs dans le conso-style « quartiers bourgeois » se renforce quand ils sont toujours largement sous-consommés dans le conso-style « héritage ouvrier ».
- Produits bio: Le diplôme explique 50% des écarts de consommation de bio en grandes surfaces, suivi par l’urbanité et seulement ensuite le revenu.
- Eaux plates en bouteille: C’est le critère d’urbanité qui explique majoritairement cet écart très fort de consommation.
- Infusions: Dans ce cas, c’est le revenu qui joue sur cet écart.
Quantifier avec les conso-styles la diversité des comportements de consommation des Français et son accentuation dans le temps illustre le mouvement d’individualisation des comportements de consommation. La consommation de « communion », celle où la majorité des Français se retrouve autour d’un même type de produits, devient de plus en plus rare. Les consommations sont multiples et le sont toujours plus.
Impacts et enjeux pour la grande distribution
Cet état de fait représente un enjeu encore plus fort pour la grande distribution que pour tout autre commerce alimentaire. En effet, le modèle s’est construit sur la nécessité de vendre au plus grand nombre des produits relativement identiques. Si elle devient la norme, la diversification des comportements de consommation dessert néanmoins la croissance des marchés. En effet, nous avons pu mesurer que sur les quatre dernières années, les 25 familles de produits dont l’amplitude de consommation s’était la plus accentuée ont vu leurs volumes de vente décroître de -3,4%, quand ceux des 25 catégories dont la consommation s’était la plus resserrée autour de la moyenne ont progressé de +5,1%.
Pour autant, dans une optique de stimulation de la croissance des marchés en grande distribution, les marques de l’alimentaire peuvent agir sur ce mouvement de démoyennisation de la consommation. Des leviers existent pour le limiter, voire le contrer. Reprenons l’exemple des produits biologiques. Le marché s’est développé vite, probablement trop vite en grande distribution, sans prendre le temps d’expliquer concrètement aux consommateurs le bénéfice de ce label et pourquoi payer plus cher constitue un bon « investissement ».
Crises et nouvelles habitudes alimentaires
L’année 2020 a signé le début d’une période complexe, où s’entremêlent différentes crises qui touchent les systèmes alimentaires à toutes les échelles. Les circuits courts et de proximité ont été très sollicités pendant la crise sanitaire. Toutefois, le retour à la vie « normale » a marqué pour beaucoup l’arrêt de ces pratiques nouvellement acquises, jugées parfois trop contraignantes ou incompatibles avec le rythme retrouvé. L’inflation joue un rôle indéniable : les produits bio sont souvent perçus comme très coûteux, même s’ils ont factuellement été moins touchés par la hausse des prix : +4 % entre 2021 et 2022 (+6,8 % en moyenne).
Le flexitarisme et la consommation de viande
Une autre des grandes tendances émergentes avant la crise Covid était la végétalisation de l’alimentation et la réduction de la consommation de viande, avec la montée du flexitarisme. En 2023, plus d’un Français sur deux déclare avoir réduit sa consommation de viande au cours des trois dernières années, majoritairement par contrainte, en raison de restrictions budgétaires, et, dans une moindre mesure, pour des raisons de santé, de bien-être animal et de protection de l’environnement. Paradoxalement, la consommation de viande des Français augmente depuis la crise Covid : +0,7 % en 2021 et +0,8 % en 2022, à nuancer selon les types de viande.
Cette déconnexion entre les données de consommation globale et la perception des Français s’expliquerait par le développement d’une consommation de viande moins directe, via notamment l’achat de produits transformés et la restauration hors domicile. Pour autant, les mesures prises à l’échelle nationale pour réduire la consommation de viande dans la restauration collective ont considérablement augmenté le taux d’enfants qui se voient proposer un repas végétarien une fois par semaine.
Impact du pouvoir d'achat et de la précarité alimentaire
Le durcissement de la contrainte budgétaire impacte l’évolution des pratiques alimentaires. Un Français sur quatre déclare ainsi se restreindre sur le poste « alimentation », en priorité sur la viande (pour 76 % de ceux qui se restreignent), les produits « plaisir » (69 %) et le poisson (60 %). Ils usent de stratégies diverses face à la hausse des prix alimentaires : des stratégies qualitatives, des stratégies quantitatives, et des stratégies de transfert.
Le contexte multi-crises a entraîné une augmentation de la précarité alimentaire. En France, environ 9 millions de personnes sont considérées en situation d’insécurité alimentaire. En Île-de-France, le diagnostic de la précarité alimentaire relève également une augmentation de la précarité alimentaire et une prévalence marquée pour la région. Ainsi, 14,5 % des ménages franciliens (11 % des ménages français) sont considérés en insécurité alimentaire par l’étude INCA 3.
Tendances de consommation alimentaire à l'échelle mondiale
La consommation alimentaire mondiale augmente rapidement. La consommation de nourriture est nécessaire à la survie. En 2018, les trois premiers pays consommateurs de calories étaient l'Irlande, les États-Unis et la Belgique, qui consommaient tous plus de 3500 calories par jour, ce qui est plus que nécessaire. Comparativement, des pays comme la République centrafricaine, le Zimbabwe et Madagascar consommaient tous moins de 2000 calories par jour. Cela montre clairement que les taux de consommation alimentaire sont plus élevés dans les pays développés que dans les pays en développement.
Il y a suffisamment de nourriture produite dans le monde pour que chacun puisse mener une vie saine et confortable. Cependant, les taux de consommation varient en raison de l'inégalité de l'accès à la nourriture. Les taux de consommation les plus élevés se trouvent généralement dans les pays les plus développés. Les taux de production alimentaire varient dans le monde et peuvent être influencés par plusieurs facteurs, tels que le climat, les parasites et les maladies, les conflits, le manque d'eau, l'accès aux technologies agricoles, les importations et exportations.
Facteurs affectant la croissance de la consommation alimentaire mondiale
La consommation alimentaire a augmenté dans le monde entier, notamment à cause du développement économique, de l'augmentation de la population et de l'amélioration des transports. Une augmentation de la population entraînera par conséquent une augmentation de la demande en nourriture. Le monde est de plus en plus connecté en raison de la mondialisation. Les aliments sont désormais transportés et échangés dans le monde entier, ce qui permet un meilleur accès à la nourriture.
Impacts de la consommation alimentaire mondiale
L'augmentation de la consommation alimentaire mondiale, due au développement économique, à l'accroissement de la population et à l'amélioration des transports, a eu de nombreux impacts. Il existe un déséquilibre mondial de la consommation alimentaire, certains pays souffrant d'une plus grande insécurité alimentaire, tandis que d'autres bénéficient d'une plus grande sécurité alimentaire. La production alimentaire a des effets négatifs sur l'environnement. La santé peut être considérablement affectée par la consommation alimentaire mondiale.
Tendances émergentes et futurs possibles
Plusieurs tendances s'affirment de plus en plus : l'agriculture biologique et la recherche de qualité des aliments. De plus en plus de consommateurs se préoccupent d'avoir une alimentation saine et prennent au sérieux l'impact environnemental et social de la nourriture qu'ils achètent. Récemment, c’est une nouvelle tendance qui a révolutionné les habitudes de consommation alimentaire dans le monde, les courses en ligne. En 2025, est estimé que 10,2% des achats de produits alimentaires seront fait en ligne, contre 2,5% en 2017.
Durant la période 1980-2012 la population mondiale a été exposée à de grands changements alimentaires. Côté comportement, on peut citer la tendance croissante à la prise des repas à l’extérieur, l’augmentation de la taille des portions et la multiplication du nombre d’occasions où l’on peut consommer des aliments durant la journée (grignotage). Ces changements ont été plus ou moins marqués de par le monde, mais mes travaux ont montré que le grignotage représente le changement le plus important.
En réponse à un désir croissant de durabilité, de transparence et de soutien aux communautés locales, les consommateurs se tournent de plus en plus vers des produits cultivés ou fabriqués localement. La consommation durable est un indicateur clé des changements dans les modes de consommation. Une autre tendance croissante parmi les nouveaux modes de consommation est la consommation nomade, qui met l’accent sur la commodité, la portabilité et la rapidité. Grâce à une plus grande compréhension de l’être humain, l’ère de la consommation de masse fait de plus en plus place à la consommation personnalisée. Dans un monde de plus en plus conscient des liens entre l’alimentation et la santé, des aliments comme ceux fermentés, favorables à une bonne santé intestinale, gagnent en popularité.
Tendances pour 2050
En rassemblant tous ces signaux faibles, nous pouvons imaginer une consommation à deux vitesses. Une plus fonctionnelle, qui se focalise sur le besoin de rapidité et de praticité, une autre qui renforcera le plaisir et les aspects gustatifs.
- Un monde où l’apport en nutriments sera optimisé: Les avancées dans la génomique et les biocapteurs pourraient permettre une alimentation entièrement personnalisée.
- Le plaisir ne disparaîtra pas pour autant: Le plaisir gustatif est et sera toujours un aspect incontournable de l’alimentation.
- L’écologie et la santé : toujours des aspects incontournables: Dans ce monde prospectif, praticité et rapidité riment avec santé et environnement.
L'alimentation en 2025
En 2025, l’alimentation se réinvente autour du bien-être, du plaisir et de la responsabilité. Les consommateurs privilégient de plus en plus les produits locaux et traditionnels, tout en recherchant des expériences gustatives uniques. La santé et la transparence sont au cœur de leurs choix, avec une demande croissante pour des aliments plus sains et moins transformés. Dans un contexte de crises, l’alimentation devient une source essentielle de réconfort. Le plaisir de manger a gagné en importance, passant de 70 % en 2022 à 75 % en 2023, particulièrement chez les populations fragiles.
Dans une société en quête de connexions, l’alimentation joue un rôle essentiel en recréant du lien et en favorisant la convivialité. Le e-commerce représente 15 % de la croissance mondiale des produits de grande consommation, avec une hausse de +11 % en France. Boostée par le télétravail, la commande en ligne s’impose durablement. La transparence alimentaire est une priorité : 6 Français sur 10 recherchent des informations en ligne avant d’acheter, influencés par le Nutri-Score et les QR codes.
Face à la raréfaction des ressources, l’Internet des Objets (IoT), les drones et l’agriculture verticale optimisent la production en analysant en temps réel les conditions climatiques et les besoins des cultures.
Année | Pourcentage des achats alimentaires en ligne |
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2017 | 2.5% |
2025 (estimation) | 10.2% |
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