Compléments Alimentaires et Cancer : Que disent les Études Scientifiques ?

Un rhume, un coup de fatigue ? Le recours aux compléments en vitamine C est un geste courant que beaucoup de Français font régulièrement, à des doses parfois importantes. Or, ce geste n’est pas anodin. Aujourd'hui nous pouvons en trouver partout. Plein de promesses et de vertus, il ne faut surtout pas les considérer à la légère. Si au mieux ils ne vous font rien ils peuvent, au pire, faire de gros dégâts.

Vitamine C et Cancer du Sein : Une Relation Complexe

Parmi les femmes n’ayant jamais pris de compléments en vitamine C, celles dont l’apport alimentaire en vitamine C était important avaient un risque réduit de 13 % de développer un cancer du sein par rapport à celles dont l’apport alimentaire en vitamine C était le plus faible. Cette association n’a pas été retrouvée chez les consommatrices de compléments en vitamine C. Chez les femmes ayant un apport alimentaire en vitamine C élevé, la prise régulière de compléments en vitamine C était associée à un risque accru de 32 % de développer un cancer du sein. Plusieurs autres études ont suggéré les mêmes résultats, tandis que d’autres n’ont trouvé aucun lien. En attendant que les chercheurs apportent des réponses plus claires, nous recommandons de privilégier les aliments riches en vitamine C (poivrons, choux, tomates, agrumes, fruits rouges…), qui contiennent de nombreux autres éléments bénéfiques pour la santé, plutôt que de prendre un complément en vitamine C.

Antioxydants et Cancer : L'Étude SU.VI.MAX

L’étude SU.VI.MAX s’est déroulée entre 1994 et 2002 et a porté sur plus de 12 000 Français de 35 à 60 ans. Cette étude d’intervention randomisée, en double aveugle contre placebo, avait montré une réduction significative de l’incidence du cancer et de la mortalité totale chez les hommes supplémentés à dose nutritionnelle (vitamines C et E, béta-carotène, zinc, sélénium) vs le groupe placebo. Les effets positifs de la supplémentation en antioxydants ne perdurent pas après son arrêt. Cinq ans après la fin de l’intervention, les effets de la supplémentation en antioxydants ont disparu : la réduction du risque de cancer et de la mortalité n’est plus évidente. Les auteurs restent réservés car les études d’intervention qui portent sur la supplémentation en antioxydants montrent également une augmentation du risque de certains cancers, y compris SU.VI.MAX chez les femmes. Même pris à dose nutritionnelle, les compléments alimentaires pourraient avoir des effets négatifs chez les sujets à risque ou en début de phase de cancérisation.

La Vitamine C : Histoire et Controverses

Pour revenir à la vitamine C, son histoire est probablement particulière parce qu’elle fut beaucoup étudiée et mise en avant par le seul homme à avoir eu deux prix Nobel : Linus Pauling. Il y a environ 40 millions d’années, nos ancêtres vivaient près de l’équateur dans une abondance de fruits riches en vitamine C qu’ils consommaient à longueur de journée. Le gène activant l’enzyme (la L-gulono-gamma-lactone oxydase) qui transforme le glucose en acide ascorbique (le nom chimique de la vitamine C) s’est donc mis en sommeil. Depuis cette époque, nous sommes donc dépendants des apports alimentaires en vitamine C. Le gène non fonctionnel de cette enzyme existe d’ailleurs toujours chez l’Homme et a été localisé : il se situe sur le chromosome 8, à l’emplacement p21. Très peu de mammifères partagent avec nous cette caractéristique. C’est le cas de primates supérieurs (macaque, singe vert d’Afrique), du cochon d’Inde et de certaines chauves-souris. Depuis cette découverte, la question des besoins réels et optimums en vitamine C pour l’homme fait débat. En effet, les apports journaliers recommandés par les autorités de santé (entre 90 et 110 mg par jour) ne sont établis que dans le but de prévenir la carence sévère et facilement observable en vitamine C. Elle conduit au scorbut, une maladie caractérisée des saignements gingivaux, de la fatigue, un déchaussement des dents puis la mort. En aucun cas, ces apports n’ont été formulés pour « placer l’organisme dans des conditions de fonctionnement optimal ».

Linus Pauling et la Vitamine C

La suite de l’histoire tient pour beaucoup à Linus Pauling, un scientifique qui marquera l’histoire à jamais puisque c’est le seul homme au monde à avoir été récompensé de deux prix Nobel : un prix Nobel de chimie en 1954 pour sa contribution à la découverte de la structure des protéines et un prix Nobel de la paix en 1962 pour sa lutte de plus de 10 ans contre les essais nucléaires dans l’atmosphère. Sa notoriété ne vient pas de ses connaissances incroyables en physique quantique ou en chimie, bien qu’elles lui valurent d’être qualifié de génie par Albert Einstein, mais plutôt de ses travaux remarquables sur les vitamines et en particulier sur la vitamine C. En 1970 il publie un livre qui secouera le monde médical pendant plus de 20 ans : La vitamine C et le rhume, et dans lequel il soutient qu’une supplémentation en vitamine C peut réduire le risque de rhume et diminuer la durée des symptômes. À ce jour, plusieurs centaines d’études scientifiques ont été menées en 50 ans sur les effets de la vitamine C et certains éléments sont particulièrement clairs : les sportifs ont des besoins plus importants en vitamine C que les sédentaires, et en particulier les sportifs d’endurance. Chez eux, un apport de 500 à 1000mg par jour permet de maintenir un système immunitaire performant et de diminuer la fréquence et les symptômes du rhume.

L'Institut Linus Pauling

À l’âge de 72 ans, Linus Pauling avait l’état de santé d’un jeune homme et il mettait sur pieds l’Institut pour la médecine orthomoléculaire en Californie, une organisation de recherche focalisée sur l’utilisation de vitamines et de micronutriments pour prévenir ou soigner des maladies. Aujourd’hui, l’établissement a été déplacé à l’université de l’Oregon où il occupe le bâtiment le plus important et porte le nom d’Institut Linus Pauling. Financé majoritairement par le ministère de la santé américain, il dispose d’une parfaite indépendance et peut librement poursuivre ses recherches sur les micronutriments et en particulier sur la vitamine C. Il est désormais dirigé par le Pr Balz Frei, un érudit au curriculum vitae long comme le bras (professeur de nutrition à l’université de Harvard, professeur de toxicologie moléculaire, professeur de biochimie et de médecine et récompensé par de multiples prix scientifiques).

Méga Doses de Vitamine C : Mythe ou Réalité ?

Qu’en est-il alors des méga doses de vitamine C (entre 2 et 15g par jour) si populaires dans les milieux alternatifs, mais aussi promues par Linus Pauling à un moment de sa vie ? Plusieurs études ont été menées sur la question et toutes les méta-analyses menées (analyse d’un ensemble d’études portant sur un même sujet) arrivent à la même conclusion : les méga doses de vitamine C ne sont pas plus efficaces pour prévenir le rhume et ne semblent pas avoir de bénéfice particulier, mais ont des effets secondaires : accélération du transit et augmentation du risque de calculs rénaux chez les personnes prédisposées. La réponse provient des chercheurs en pharmacologie du Texas. Dès les années 70, ils ont montré que lorsque l’homme a perdu la capacité à fabriquer la vitamine C, il a perdu de manière conjointe l’activité d’une autre enzyme, l’urate oxydase. Cette enzyme permet d’éliminer l’acide urique en le métabolisant en 5-hydroxyisourate.

Vitamine C et Traitement du Cancer

Les partisans des mégadoses de vitamine C soutiennent aussi que celle-ci serait terriblement efficace dans le traitement du cancer, à condition qu’elle soit administrée par injection. Une synthèse des 33 dernières années d’expérimentation de la vitamine C contre le cancer a conclu que les études sont encore très contradictoires : tantôt efficace, notamment par l’intermédiaire d’une modulation de l’inflammation, tantôt inefficace, nul ne sait à qui la vitamine C en injection doit être recommandée, ni de quelle manière. Toutefois, les injections de vitamine C semblent très efficaces pour diminuer les effets secondaires de la chimiothérapie, à des doses situées entre 50 et 150g par jour. Enfin, deux études menées auprès de larges échantillons de la population suédoise, aussi bien féminine que masculine, ont montré que les personnes qui prennent plus de 1000 mg par jour de vitamine C pourraient présenter un risque accru de cataracte. Chez les sportifs d’endurance, une étude récente a montré que des doses élevées de vitamines C (1000 mg) et E (235 mg) pouvaient diminuer les capacités d’adaptation à l’effort. Une analyse récente d’une dizaine d’études ayant testé l’effet d’une supplémentation d’antioxydants à forte dose sur des sportifs a conclu que ces derniers étaient inutiles ou contreproductifs pour la performance. Ces résultats ne sont en fait pas surprenants : l’adaptation à un stress physique (ou psychologique) nécessite d’abord que le stress soit bien ressenti par l’organisme afin qu’il s’adapte et se renforce.

Recommandations et Précautions

Compte tenu de tous ces éléments, je déconseille aux personnes en bonne santé de prendre plus de 500 mg par jour pour les sédentaires et 1000 mg par jour pour les sportifs d’endurance ou de force et je déconseille de combiner la vitamine C à d’autres antioxydants isolés concentrés (fortes doses). À doses modestes, cela ne pose pas de problème. La vitamine C est fréquemment vendue sous forme de compléments alimentaires « naturels » telle que la « vitamine C acérola », mais de nombreuses études scientifiques ont démontré qu’il n’y avait aucune différence entre la vitamine C naturelle et la vitamine C synthétique fabriquée en laboratoire. Ces deux molécules sont en effet strictement identiques et ont donc exactement les mêmes effets dans l’organisme. Seule réelle différence : le prix, dérisoire avec la vitamine C synthétique et exorbitante avec la « vitamine C naturelle ».

Autres Compléments Alimentaires et Prévention du Cancer

Il a été suggéré que plusieurs nutriments et autres compléments alimentaires offrent une protection spécifique contre certains cancers, mais il n’existe pas suffisamment de preuves pour les recommander dans la prévention du cancer. Il s’agit du sélénium, du lycopène et de la vitamine D. Des essais ont été réalisés sur ces compléments alimentaires et d’autres nutriments lors d’études d’intervention; ils n’ont établi aucun effet bénéfique et ont parfois relevé des effets indésirables, en particulier à des doses élevées. Il n’est par conséquent pas recommandé de prendre des compléments alimentaires pour prévenir le cancer. Si on a déjà diagnostiqué un cancer chez vous, ne prenez pas de compléments sans l’avis préalable de votre médecin, car il a été prouvé que certains perturbent les traitements contre le cancer. La compréhension du rôle des facteurs nutritionnels chez les patients atteints de cancer, que ce soit pendant ou après les traitements, présente plusieurs spécificités par rapport à l’identification de facteurs en prévention primaire. Ne pas faire perdre du poids aux patients présentant une surcharge pondérale du fait du risque associé de perte de masse musculaire et de dénutrition.

Interactions Médicamenteuses et Alimentaires

Le pamplemousse contient des substances appelées « furanocoumarines » situées dans la partie blanche sous l’écorce qui peuvent provoquer des interactions toxiques avec certains médicaments. De même, il est recommandé d’éviter la consommation de thé vert le jour du traitement ainsi que les deux jours qui le précèdent et qui le suivent. En effet, le thé vert peut augmenter la toxicité des traitements de chimiothérapie et réduire l’efficacité de la chimiothérapie ou de la radiothérapie (Réseau NACRe, 2019). Il n’existe actuellement pas de preuve montrant l’effet bénéfique du thé vert pendant le traitement du cancer.

Compléments Alimentaires et Qualité de Vie pendant le Traitement du Cancer

Que recherchons-nous ? De la santé en gélule ? de l’énergie ? un meilleur sommeil ? On essaye de soulager les effets secondaires des traitements ? d’augmenter ses chances de guérison ? perdre du poids ? Dans le cadre du traitement du cancer, les compléments alimentaires peuvent améliorer la qualité de vie à court ou moyen terme mais ATTENTION aussi l’aggraver à long terme. Prenons l’exemple concret d’une femme atteinte d’un cancer du sein. Pendant son traitement de chimiothérapie, la prise d’un complexe multivitaminé va accentuer son sentiment de fatigue. Ou vous avez l’option Pharmacie où vous trouverez un professionnel qui délivre des produits dont la filière est sécurisée.

Conclusion : Conseils Importants

Nous l’avons vu la prise de compléments alimentaires ne doit pas être faite à la légère. Néanmoins il est possible d’en prendre pour améliorer sa qualité de vie, soulager des effets secondaires… MAIS Il faut impérativement demander conseil à un professionnel de santé qui va écouter votre demande, adapter la réponse à vos obligations médicales et adapter la dose. Les premiers compléments alimentaires santé à consommer sont les fruits et les légumes.

Tableau Récapitulatif des Recommandations

Groupe Dose de Vitamine C Recommandée Précautions
Sédentaires Jusqu'à 500 mg par jour Éviter les fortes doses et la combinaison avec d'autres antioxydants concentrés
Sportifs d'endurance ou de force Jusqu'à 1000 mg par jour Éviter les fortes doses et la combinaison avec d'autres antioxydants concentrés
Patients atteints de cancer Consulter un médecin avant de prendre des compléments Certains compléments peuvent interférer avec les traitements contre le cancer

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