L'Histoire et la Production du Biscuit de Sèvres

Aujourd’hui, Sèvres - Cité de la céramique, connue également sous le nom de Manufacture nationale de Sèvres et anciennement Manufacture de Vincennes, est probablement la manufacture de porcelaine européenne la plus connue tant elle a concouru à l’évolution de la porcelaine depuis 1740.

Les Origines de la Manufacture de Sèvres

Initialement créé pour concurrencer la porcelaine de Saxe, la Manufacture de Sèvres naît en 1740 sous les auspices de Louis XV et de sa favorite, Madame de Pompadour.

En 1740, Jean-Louis Henri Orry de Fulvy installe un atelier de porcelaine tendre dans une tour du château de Vincennes, achetant les secrets de fabrication de Chantilly à des ouvriers transfuges.

Louis XV et Madame de Pompadour soutiennent ce projet, avec pour pareil objectif de concurrencer les porcelaines de Meissen et de Chantilly.

En 1756, la manufacture est transférée à Sèvres dans un bâtiment plus important construit à l’initiative de Madame de Pompadour par l’architecte Lindet.

La Manufacture, contrôlée entièrement par la Couronne, jouit ainsi d’une grande renommée et, pour répondre à des commandes toujours grandissantes, est transférée à Sèvres en 1756 dans un bâtiment plus important construit à l’initiative de Madame de Pompadour par l’architecte Lindet.

En 1759, Louis XV devint l’actionnaire unique de la manufacture et la rattacha au domaine de la Couronne.

L'Évolution Technique et Artistique

La porcelaine de Sèvres opère une véritable rencontre entre l’art et la science.

La Manufacture est rapidement pionnière, tant du point de vue technique qu’artistique.

Avec l’arrivé de la pâte dure les modèles et les couleurs se diversifient.

La manufacture produit essentiellement pour l’État et fournit notamment le service de table de l’Elysée.

En 1800, Alexandre Brongniart est nommé à la tête de la manufacture. Pendant 47 ans, ce savant va considérablement développer Sèvres et lui donner une renommée internationale.

La Pâte Tendre et la Pâte Dure

D’un point de vue technique, la porcelaine de Vincennes et de Sèvres n’est réalisée qu’en pâte tendre à ses débuts.

Cette pâte dite “fritte” est artificielle, un mélange de sable siliceux ou de feldspathique et autres éléments calcaires.

Des moules permettent de former les pièces en pâte tendre qui se vitrifient après une difficile cuisson.

Un vernis plombifère recouvre ensuite la pièce.

La porcelaine fine, à pâte dure, est longtemps restée un secret gardé par les chinois. Ce matériaux, aussi précieux que l’or, s’obtient grâce à un argile blanc, le kaolin.

En 1763, Pierre-Antoine Hannong, travaillant à Sèvres, identifie la substance.

En 1767, un gisement de kaolin est découvert à Saint-Yrieix, près de Limoges.

Trois ans plus tard, les premières pièces en pâte dure arrivent à Sèvres.

Les Couleurs Emblématiques de Sèvres

Au niveau esthétique, la porcelaine de Sèvres recoure à de nombreuses couleurs. La première d’entre elles est le jaune, en 1749.

Le bleu est une des couleurs de prédilection de la manufacture. Cette couleur apaisante fait rêver et se décline sous plusieurs teintes.

Rapidement, la manufacture de Vincennes utilise du bleu lapis, appliqué au pinceau et nuageux.

Le bleu cobalt, dit bleu de Sèvres, est sans doute le bleu le plus connu de la manufacture.

Le bleu céleste, quant à lui, se veut plus clair et tire vers le bleu ciel. Il ne peut s’appliquer que sur des pièces en pâte tendre.

Sous l’Ancien Régime, seule la Manufacture Royale de Sèvres peut utiliser l’or. De fait, à partir de 1756, son mandat royal lui accorde le monopole de la dorure.

A sa sortie du four, l’or est noir. Il est alors poli avec un clou, et non à l’agate.

Le rose pompadour orne un bon nombre de vases et pièces de formes.

Les Cadeaux Diplomatiques en Porcelaine de Sèvres

L’idée d’offrir des porcelaines de Sèvres en guise de cadeaux diplomatiques naquit en France en 1757.

L’empereur Qianlong bénéficia de cette manne diplomatique à l’instigation du secrétaire d’État sinophile, Bertin.

En 1758, Louis XV innova en offrant, successivement à Frédéric V du Danemark et Marie-Thérèse d’Autriche, deux somptueux services de table en porcelaine provenant de la manufacture royale de Sèvres créée à Vincennes en 1740 et transférée à Sèvres, en 1756.

Le premier bénéficiaire des largesses de Louis XV, Frédéric V du Danemark (1723-1766), reçut ainsi en mai 1758 un service de table à fond vert - une couleur nouvellement mise en œuvre à Sèvres - décoré de fleurs et d’oiseaux, composé de deux cent trente-huit pièces, qui coûtait la somme importante de 34 542 livres.

À la fin de l’année 1758, un autre service, composé cette fois de plus de trois cents pièces, fut offert par Louis XV à l’impératrice Marie-Thérèse (1717-1780) pour sceller le renversement des alliances entre l’Autriche et la France, survenu l’année précédente, lors de la signature du traité de Versailles, le 1er mai 1757.

Le troisième service exécuté à Sèvres dans un but diplomatique fut offert par Louis XV à l’Électeur palatin, Charles-Théodore (1724-1799), et expédié à Mannheim en 1760 pour s’assurer de la neutralité de ce dernier dans le nouvel équilibre des alliances induit par le traité de Versailles.

Par la suite, Gustave III de Suède (1746-1792) fut à son tour particulièrement gâté par Louis XV puis par Louis XVI.

Louis XV et Louis XVI, par les très nombreux présents de pièces de porcelaine dont ils couvrirent les souverains occidentaux, firent beaucoup pour la renommée de la Manufacture royale.

Le Biscuit de Sèvres et l'Empereur Qianlong

L’empereur Qianlong (fig. D3) bénéficia également de cette manne diplomatique, sans doute à l’instigation du secrétaire d’État, Henri Léonard Bertin (1720-1792), qui était un sinophile convaincu et qui avait la tutelle sur la manufacture de porcelaine de Sèvres dans ses attributions ministérielles depuis décembre 1764.

Celui-ci commanda dès cette année-là plusieurs pièces à la manufacture royale « pour envoyer en Chine ».

Contrairement aux décorations Chinoiserie en vogue à la manufacture de Sèvres depuis sa création, cette statuette n’est pas une figure fantastique mais un véritable portrait - celui de l’empereur chinois Qianlong (1736-1795).

Elle était basée sur un portrait à l’aquarelle de Giuseppe Panzi, un père jésuite à la cour de Pékin, et a été prêtée à la manufacture par le secrétaire d’État Henri Bertin, un client important qui n’hésitait pas à influencer les choix artistiques de la firme en suggérant des décorations et en fournissant des modèles.

La figure de l’Empereur de Chine, probablement créée en l’an 1775, a été attribuée au sculpteur Josse-François-Joseph Le Riche, modeleur à Sèvres de 1757 à 1801 (bien qu’il n’y ait rien dans les archives pour confirmer cette attribution).

Le premier biscuit a été vendu en août de l’année suivante à la Duchesse de Mazarin pour soixante-douze livres, une somme relativement modeste en raison de la simplicité de la figure qui a été réalisée en utilisant seulement sept moules, alors que les figures de groupe les plus ambitieuses pouvaient nécessiter jusqu’à une centaine.

Malgré ses prestigieux principaux acheteurs - la reine Marie Antoinette, la tante de Louis XVI Madame Adélaïde, la Duchesse de Durfort et l’ambassadeur de Sardaigne - la figure de l’Empereur de Chine n’a pas été un grand succès, et seulement treize exemplaires ont été vendus.

Techniques de Production Actuelles

Aux portes de Paris, la Manufacture de Sèvres s’attache à transmettre un savoir-faire vieux de près de trois siècles !

Pousser les portes de la manufacture de Sèvres donne l’impression de voyager dans le temps car si les avancées technologiques ont pu faciliter sur certains points les méthodes de production, cela ne s’est jamais fait au détriment de la main.

Ainsi, les fours ont évolué, le tournage de certaines pièces se fait grâce à l’électricité… mais la quasi-totalité des taches restent manuelles car la porcelaine est une matière capricieuse que la machine peut difficilement dompter.

La fabrication d’une porcelaine passe par plusieurs étapes.

La manufacture possède six fours à bois mais un seul est toujours en état de fonctionnement.

Parmi les différents ateliers de Sèvre, l’un des plus impressionnants est celui dédié à la peinture.

Ici, les artisans travaillent à l’aveugle car les teintes changent à la cuisson. Ils doivent donc se servir d’une « palette » élaborée lors de leur apprentissage qui leur sert de repère.

On distingue les couleurs de grand feu et de petit feu, qui cuisent respectivement au-dessus et au-dessous de 1000 degrés.

La plupart des pièces nécessitent plusieurs essais de peinture avant de valider la version définitive. Certains motifs demandent jusqu’à 300 heures de travail !

La palette de Sèvres compte aujourd’hui plus de 1000 couleurs dont le fameux « bleu de sèvres » devenu l’identité de la manufacture !

La plupart des pièces produites à Sèvre, notamment celles liées à l’art de la table (tasses, assiettes…) passent ensuite à l’atelier de filage-dorure.

Tous les agents de Sèvre sont des techniciens d’Art.

Collaborations Artistiques et Héritage Culturel

Dès le XVIIIe siècle, la Manufacture de Sèvres a pris l’habitude de collaborer avec des artistes.

Aujourd’hui, Sèvres collabore avec les plus grands artistes contemporains pour réaliser des pièces remarquables, poussant toujours plus loin les limites techniques sans pour autant tourner le dos à sa riche histoire.

Ce musée à la vocation internationale et universelle n’est pas dédié uniquement à Sèvres. Il s’agit d’un musée d’inspiration qui a permis de faire se confronter des formes, des décors, couleurs et techniques du monde entier, de l’antiquité à nos jours.

Année Événement
1740 Création de la Manufacture de Vincennes
1756 Transfert à Sèvres
1757 Début des cadeaux diplomatiques en porcelaine de Sèvres
1759 Louis XV devient actionnaire unique
1767 Découverte du gisement de kaolin à Saint-Yrieix
1800 Alexandre Brongniart prend la direction de la manufacture

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