Tous les vendredis soirs, s’il y a bien un programme auquel les Guadeloupéens mais aussi les Martiniquais et les Guyanais ne ratent pour rien au monde, c’est bien Le Preste Late Show présenté par Jordan Rizzi, diffusé sur Guadeloupe 1ère. Le programme est un savant mélange des talk shows à l’américaine comme le Ellen De Generes, le Tonight Show, le Saturday Night Live ou encore le Jimmy Kimmel Live et les émissions de divertissement françaises du vendredi et du samedi soir, connait le succès depuis son lancement en 2016.
L’atout de cette émission est bien entendu son animateur, Jordan Rizzi. Il est talentueux, naturellement drôle, taquin avec ses invités, enjoué, proche de son public mais aussi avec ceux qu’il interroge. Assez souvent, il n’hésite à faire le show comme pousser la chansonnette, danser, quand il le faut, sur les rythmes d’un orchestre très local.
Pourtant, depuis quelques jours, il est visé par des accusations d’abus sexuels, de violences physiques et verbales et de revenge porn (entre autres) sur la page Instagram Balance ton porc Guadeloupe qui comme ses pages annexes Balance ton porc Martinique et Balance ton porc Guyane-Française, connues pour publier les noms et prénoms de ceux ( oui ce sont principalement des hommes) qui seraient de potentiels violeurs, agresseurs sexuels ou harceleurs avec des témoignages de victimes.
Ces pages sont très sérieuses puisqu’elles permettent la libération de la parole autour de vieux tabous encore bien présents dans nos îles comme le viol conjugal, les abus sexuels, le harcèlement sexuel dans le cadre du travail mais surtout les problèmes d’incestes. C’est vrai que la méthode est discutable, puisque les noms des présumés coupables sont balancés en pâture, du moins sur la toile. Oui, c’est une méthode radicale mais au moins les victimes s’expriment en tout anonymat.
Pour revenir à Jordan Rizzi, il bénéficie de la présomption d’innocence vu qu’il n’a pas été condamné, bien que l’on apprenne à travers toutes les accusations qu’au moins trois plaintes auraient été déposées contre lui. Là encore, nous écrivons au conditionnel. Loin d’être comique et chaleureux, les témoignages dépeignent un autre visage de l’homme publique.
Jordan Rizzi aurait vraisemblablement le même modus operandi. A savoir, une rencontre publique, généralement dans le cadre de ses émissions ou de ses spectacles, une approche directe suivie d’une invitation à boire un verre ou manger au restaurant, ce qui aux yeux de la loi ne constitue ni un crime ni un délit mais c’est le caractère insistant de ses avances qui dérangerait. Pire quand une femme le rejetterait, il deviendrait un tout autre personnage.
Toutes ces personnes parlent d’un homme qui utiliserait sa notoriété, son influence médiatique et son « puissant » réseau pour assoir son autorité sur elles. Quelques unes rapportent que le présentateur vedette serait même allé jusqu’à les menacer de les détruire professionnellement tandis que celles qui auraient partager un moment de vie avec lui, même le plus court, évoquent des violences psychologiques, physiques ainsi que des menaces avec des armes à feu.
En parlant d’intimité, certains messages parleraient de relations intimes non consenties avec la star du petit écran local et des connaissances à lui. Elles auraient été droguées ou sous son emprise psychologique, elles se seraient retrouvées dans des soirées échangistes. D’autres parlent de relations sexuelles filmées sans leur consentement et les fichiers vidéos explicites seraient utilisés par l’animateur radio pour faire chanter la potentielle victime. Le caractère sexuel des contenus est donc considéré comme une circonstance aggravante.
Il est important de rappeler que depuis 2016, le revenge porn est considéré comme un délit pouvant conduire à deux ans de prison et 60 000€ d’amende. Est puni des mêmes peines le fait, en l’absence d’accord de la personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d’un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenu, avec le consentement exprès ou présumé de la personne ou par elle-même, à l’aide de l’un des actes prévus à l’article 226-1.
Par ailleurs, ce qui ressort également, ce serait le harcèlement régulier qu’elles auraient vécu durant la relation et même après celle-ci. Un harcèlement en ligne mais aussi physique, le tout serait suivi de menaces soit de sa part ou de ses proches. Toujours selon ces accusations, Jordan Rizzi serait même un adepte de chantage affectif surtout quand ses » conquêtes » souhaitent le quitter. Il n’hésiterait pas à parler de mettre fin à ses jours ou à éliminer celle(s)qui voudrait mettre un terme à la relation. Sans oublier les insultes, les humiliations et les mépris qui seraient courants. Une véritable emprise psychologique qui s’opère sur la victime présumée.
Pour ce qui serait du profil des plaignantes, c’est quasi le même. Des femmes plus jeunes que lui, disons la vingtaine donc facilement sous emprise. Certaines seraient des fans, d’autres des conquêtes avec qui il aurait eu une aventure voire une relation sentimentale plus sérieuse. Il est vrai que l’on pourrait parler de complot à son encontre mais depuis que son nom a été révélé, les témoignages abondent et concordent tous. Les victimes seraient nombreuses et réparties entre la Guadeloupe et la Guyane-Française où il a débuté sa carrière d’animateur. Pour ces femmes, Jordan Rizzi serait tout simplement un pervers narcissique.
L’homme qui bénéficie de la présomption d’innocence se serait depuis muré dans le silence et se fait très discret. Il ne serait plus présent sur les réseaux sociaux, ses comptes ont été désactivés. Il aurait également pris ses distances avec le monde publique, officiellement pour des raisons de santé alors que son émission est encore diffusée le vendredi soir.
Un an après la vague #MeToo, Sandra Muller, la femme à l’origine du hashtag #BalanceTonPorc, fait un bilan amer du phénomène en France dans un essai éponyme, à paraître le 31 octobre 2018 (Flammarion). Si le mouvement s’est développé aux Etats-Unis, il est resté timide en France, regrette la journaliste. « La France n’a rien compris au mouvement #Metoo qui a été vu comme une menace à la liberté sexuelle », dénonce dans l'Obs Sandra Muller, journaliste à La Lettre de l’Audiovisuel et initiatrice du premier tweet #BalanceTonPorc, destiné à dénoncer les comportements des harceleurs.
« #Metoo et #Balancetonporc n’ont jamais été contre la drague, la séduction ou le sexe ! C’est un mouvement spontané né sur les réseaux sociaux pour dénoncer le fait que certains hommes usent de leur pouvoir pour abuser des femmes en situation de subordination », raconte-t-elle.
Sandra Muller regrette ce mardi le faible nombre de personnalités accusées publiquement d’agression sexuelle en France. Entre 20 et 30 affaires, selon elle, contre « plus de 240 aux Etats-Unis ». Elle explique cette différence par la culpabilisation des victimes, qui deviennent bourreaux.
« Mon affaire, qui sera jugée en 2019, est très symptomatique de ce qui arrive très souvent aux victimes qui osent ouvrir la bouche et dénoncer leur harceleur ou agresseur. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit." #Balancetonporc », avait-elle conclu. L’appel a déclenché en l’espace de quelques heures un phénomène mondial.
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