L'Arbre Fromager au Cambodge : Information et Importance

Dans un environnement anthropisé, sous la prégnance d’un climat tropical humide et encore davantage d’un climat équatorial, si un lieu est abandonné ou peu entretenu, la végétation reprendra rapidement ses droits. Ce fut le cas pour Angkor au Cambodge.

Les temples d'Angkor ayant été abandonnés pendant plusieurs siècles, on constate avec intérêt et stupéfaction que la nature a repris ses droits avec des arbres géants aux énormes racines ondulantes comme des serpents et descellant les pierres des temples.

Le Fromager : Un Arbre Tropical Remarquable

Saviez-vous que plusieurs arbres tropicaux portent le nom de fromager ? C'est notamment le cas du kapokier ou Ceiba pentandra. Il est aussi appelé kapokier ou arbre à kapok car il produit une fibre végétale imputrescible appelée le kapok.

Ses feuilles palmées sont composées de 5 à 9 folioles. Ses fleurs de couleur blanc jaunâtre présentent des étamines en touffe. Fait étonnant, les fleurs apparaissent avant les feuilles (en janvier-février aux Antilles). La pollinisation est assurée par les chauves-souris. Elles sont suivies de fruits verts et allongés qui ressemblent à des concombres.

Le nom scientifique de ce type d'arbres est le " Ceiba pentandra " de la famille des Bombacacées. Mais il est plus couramment appelé le " Fromager " car dans l'ancienne Indochine, son bois servait à fabriquer des boites de fromages. Ces arbres peuvent atteindre des hauteurs de 40 à 60 mètres.

Utilisations du Kapok

Cette capsule pendante et ligneuse s'ouvre à maturité et laisse apparaître le kapok (un duvet soyeux qui entoure des graines brunes). Dans les pays tropicaux, cet arbre est cultivé pour le kapok qui constitue une fibre végétale très légère, imperméable et imputrescible. Elle est utilisée comme matériau de remplissage pour rembourrer les matelas, les oreillers et les coussins.

Le Ta Prohm : Un Temple Enlacé par la Nature

Qui a visité les temples d’Angkor, notamment le temple du Ta Prohm, a certainement conservé le souvenir du spectacle peu commun de murailles ou de tours qui semblent ne tenir que grâce à un entrelacs de racines blanches, de diamètre respectable, qui semblent être le pendant végétal de l’un des trois bries d’Émile Zola, dans Le Ventre de Paris.

Incroyable , cet arbre géant , le fromager , recouvre les pierres du temple de Ta Prohm au Cambodge . La végétation a réellement pris le dessus en ce lieu . Arbre et temple ne peuvent désormais plus vivre l'un sans l'autre.

Au fil des siècles, les racines des fromagers et des figuiers ont pris possession des lieux, étranglant les portes et les galeries en ruine, s’insinuant dans tous les interstices, imitant les formes du temple. Les arbres ont parfois détruit, parfois soutenu les murs.

Ici les fromagers sont rois. Ils sont partout, impressionnants par leur hauteur et leur ampleur. Les racines de ces arbres immenses envahissent petit à petit la pierre.

Les arbres détruisent progressivement les murs qui deviennent des amas de pierres ! Parfois ces arbres consolident les murs ! Les racines de ces arbres sont vraiment caractéristiques, l'extrémité de celles-ci font penser à des doigts d'aliens.

Le "Spong" : un autre arbre important à Angkor

Les végétaux qui ont envahi les temples khmers, laissés à l’abandon pendant plusieurs siècles, et qui ont donné tant de mal aux restaurateurs de l’École Française d’Extrême-Orient, sont nombreux, mais celui qui produit l’effet le plus sensationnel est connu en khmer sous le nom de « spong » (ស្ពង់).

Le « spong » porte le nom binomial de Tetrameles nudiflora (syn. T. grahamania, T. horsefieldii). C’est la seule espèce du genre Tetrameles. Il est présent en Asie orientale : Inde, Népal, Bhoutan, Myanmar, Thaïlande, Cambodge, Laos, Vietnam, Malaisie, Indonésie et, en Chine, dans la province du Yunnan.

Il s’agit d’un grand arbre, qui atteint facilement une hauteur de 10 à 30 mètres. Il se caractérise par des contreforts qui peuvent mesurer jusqu’à 4 mètre de haut, voire plus. Son long tronc est nu, les branches se forment à proximité de sa cime. Il s’agit d’une espèce dioïque. Il dispose d’un système racinaire superficiel mais étendu.

La page que le site Useful Tropical Plants consacre à cette espèce, compilant diverses sources, explique que le bois de T. nudiflora est de qualité inférieure et qu’il sert à édifier des constructions provisoires, et à confectionner des caisses de bois légères. Dans son tronc, on taille également des canoés.

Pauline Dy Phon, dans son Dictionnaire des plantes utilisées au Cambodge (pp. 601-602) ajoute que ce bois, spongieux, très léger, est utilisé pour fabriquer des allumettes et des flotteurs pour radeaux de bois.

Pauline Dy Phon explique enfin que, « en pharmacopée khmère, les infusions de jeunes plants pourvus de quelques feuilles sont ordonnées en cas de convulsions.

Angkor et le Romantisme

En Europe, le mouvement culturel du romantisme et son attachement à un certain type de paysages, qui présentent des vestiges dans un environnement abandonné, ont laissé des traces. Le romantisme, courant littéraire et culturel européen qui est apparu en Allemagne à la fin du xviiie siècle et en France au début du xixe siècle, est un mouvement qui a concerné tous les arts.

Il s’opposait à la tradition classique et au rationalisme des Lumières et visait à une libération de l’imagination et de la langue. Le romantisme privilégiait notamment l’expression du moi et les thèmes de l’amour et de la nature.

Le Tourisme à Angkor et l'Attrait des Ruines

L’histoire du tourisme à Angkor ne débuta vraiment qu’à la fin du xixe siècle, lors de l’installation des premiers colons français en Indochine. D’Europe, peu d’individus se risquaient à prendre la route ou la mer afin de découvrir ces temples élevés pourtant au rang de mythes dans les salons des grandes capitales.

Il fallait alors satisfaire les visiteurs nourris par ces récits fantastiques et romancés d’écrivains ou d’explorateurs décrivant une cité noyée par la végétation. Mais concession ne veut pas dire pour autant inaction de la part de l’EFEO.

Ne serait-ce que pour permettre la visite du site en toute sécurité sans risque de chutes de pierres ou de branches, il n’était pas envisageable de conserver l’ensemble du couvert végétal sur le Ta Prohm. Il fut décidé de ne garder que les plus beaux spécimens d’arbres tout en régulant la végétation sans cesse en expansion à cause du climat tropical propice au développement des plantes.

Il est certain que sans intervention, l’ensemble du temple aurait un jour fini par s’écrouler. Les conséquences auraient été alors irréversibles tant sur le plan architectural que sur les plans touristique et paysager.

Devenue l’une des principales accroches marketing d’Angkor, cette association ruine/végétal attire indéniablement des millions de visiteurs occidentaux et plus récemment les touristes d’origine asiatique.

Cette vision dégradée mais pittoresque des temples renvoie donc à l’image de la ville au bois dormant et à celle des basiliques fantômes, longtemps décrites dans les récits d’exploration et autres romans.

Les grands arbres et la végétation tropicale, d’une manière générale, sont aussi importants que le temple lui-même, et il y a fort à parier que sans leur manteau végétal, les temples du Ta Prohm, de Preah Khan et, dans une moindre mesure, du Ta Som (figure 4) n’auraient pas le succès qu’ils ont aujourd’hui.

En visitant le temple du Ta Prohm, ils n’ont pas ce sentiment d’amertume qu’ont les Khmers en observant les pierres disloquées. D’autre part, et contrairement aux idées reçues, le bouddhisme en Chine, en Corée et au Japon est minoritaire comparativement à d’autres religions.

En outre, dans ces trois pays, les fidèles pratiquent le bouddhisme mahāyāna alors que le bouddhisme khmer est issu de la branche theravāda à l’image des Thaïlandais ou des Birmans, qui, pour ce qui concerne les quelques visiteurs rencontrés sur le site, ne comprenaient pas l’état de délabrement du temple.

Bien qu’ayant par certains aspects des points communs, ces deux courants religieux sont bien différents, le Theravāda ayant été fortement influencé par l’hindouisme. Ainsi un Japonais sera moins choqué qu’un Khmer en observant une statue décapitée de Bouddha ou de Vishnu, alors qu’il n’en aurait pas été de même à Kyoto pour une divinité abîmée dans un temple shinto.

Outre l’aspect religieux, la Chine, le Japon et la Corée sont trois pays industrialisés et la plupart des touristes en provenance de ces régions vivent dans de grandes villes ou les monuments ont été intégralement restaurés, voire totalement reconstruits.

Or, pour ces populations essentiellement urbaines, choisir l’Asie du Sud-est, c’est chercher aussi le dépaysement à seulement quelques heures d’avion. Se rendre sur un temple disloqué par la végétation répond donc à cette demande d’exotisme, de nouveauté et le souvenir d’une visite au Ta Prohm sera pour beaucoup bien plus mémorable que celle du temple d’Angkor Wat qui est totalement restauré.

Aujourd’hui dans un monde de plus en plus globalisé, certaines idées et images tendent à se répandre plus rapidement qu’autrefois et dans toutes les contrées du monde. En Chine, c’est vraisemblablement le film Tomb Raider qui, dans un premier temps, a aidé à faire connaître les temples en ruine d’Angkor.

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