Interactions entre antibiotiques et compléments alimentaires : ce qu'il faut savoir

Certains traitements ne sont pas compatibles et ne doivent pas être associés. Tous ne font pas bon ménage et vous n’êtes pas à l’abri de subir des effets secondaires. Et si vous ajoutez à cela les compléments alimentaires, il faut être plus vigilant. En effet, si ces derniers sont disponibles sans ordonnance, ils peuvent interagir avec certains et s’avérer dangereux.

Interactions dangereuses identifiées

Une nouvelle étude parue le 20 février 2024 dans la revue scientifique Nature biomedical engineering a identifié les interactions possibles entre plusieurs médicaments et compléments alimentaires. Au total, l’étude a révélé que 58 combinaisons peuvent s’avérer dangereuses, en plus de celles que nous connaissons déjà. 58 interactions ont été identifiées au total par les chercheurs.

Méthodologie de l'étude

Pour mener à bien l’étude, les chercheurs ont examiné 23 médicaments sur ordonnance en vente libre couramment utilisés ainsi que 28 médicaments moins courants. Les recherches ont été menées sur des porcs : les scientifiques ont exposé chacun des médicaments à des cellules provenant de l’intestin d’un porc. Le but : simuler la façon dont le médicament serait métabolisé dans le corps humain. Près de 2 millions d’interactions ont été enregistrées, dont 58 jusqu’alors inconnues.

Médicaments et compléments alimentaires à surveiller

Si vous prenez l’un de ses médicaments :

  • Ibuprofène (analgésique)
  • Warfarine (prévient les caillots sanguins, pour les patients atteints de maladies cardiaques)
  • Verelan, nom du médicament Verapamil(pour l'hypertension artérielle)
  • Quinine (médicament contre le paludisme)
  • Ergomar ou Cafergot (Ergotamine D-tartrate, utilisé pour les migraines)
  • Ranitidine (pour réduire l'acide gastrique)
  • Carbamazépine (patients épileptiques)
  • Atorvastatine (abaisse le cholestérol)
  • Lévétiracétam (médicament antiépileptique)
  • Tacrolimus (immunosuppresseur)
  • Doxycycline (antibiotique)

vous devriez éviter de prendre ces derniers :

  • Suppléments de curcuma
  • Curatil, Tegretol ou Carbamazépine (traitement de l'épilepsie)
  • Nadolol (médicament contre l'hypertension)
  • Lasix ou Furosémide (traiter l'hypertension artérielle)
  • Migranal, DHE ou Di-hydroergotamine (pour les migraines)
  • Digoxine (un médicament contre l'insuffisance cardiaque).

Risques et conséquences des interactions

Si vous prenez un médicament comme la warfarine (anticoagulant) avec certains antibiotiques, si vous associez un traitement contre la tension artérielle avec des suppléments de curcuma, vous pouvez créer des interactions. Vous risquez de rendre vos médicaments inefficaces ou d’entraîner une surdose involontaire et néfaste. Le danger ? Une crise cardiaque, un AVC ou une hémorragie majeure.

Le problème est lié à la manière dont les médicaments sont traités par l’organisme. On parle de médicament sur-métabolisé lorsqu’un patient reçoit une dose plus élevée que celle dont il a besoin et de médicament sous-métabolisé lorsqu’il en manque.

Les chercheurs suggèrent d’attendre plusieurs heures (4 à 6 heures) entre la prise de médicaments cités ci-dessus pour réduire les risques d’interactions.

Conseils et précautions à prendre

Moralité : avant de vouloir prendre des compléments, vérifiez toujours le risque d’interaction avec votre médecin traitant, surtout si vous avez des antécédents et si vous suivez déjà un traitement. Les compléments alimentaires contiennent des substances pouvant parfois interagir entre elles ou avec des médicaments. Les substances contenues dans les compléments alimentaires peuvent interagir entre elles. Les substances contenues dans les compléments peuvent interagir avec les médicaments, y compris ceux disponibles sans ordonnance. Parfois, les effets des compléments alimentaires s’additionnent à ceux des médicaments.

Lorsque l’on prend des compléments alimentaires autres qu’un mélange multivitaminique classique, il est essentiel de le mentionner à son médecin traitant et à son pharmacien. Il est particulièrement important d’informer son médecin lorsque l’on va subir une opération chirurgicale. Dans ce cas, il est préférable d’interrompre toute prise de complément alimentaire au moins trois semaines avant la date prévue pour l’intervention. En effet, de nombreuses substances peuvent perturber la coagulation sanguine.

Les personnes qui souffrent de maladie chronique ou qui prennent un traitement de longue durée devraient toujours demander conseil à leur médecin ou leur pharmacien avant d’utiliser ce type de produit.

Exemples d'interactions spécifiques

  • Les agrumes (citron, pamplemousse, orange) augmentent le risque de brûlures ou reflux gastriques chez les personnes sous anti-inflammatoires. Méfiez-vous du pamplemousse, il augmente aussi les effets indésirables de certains médicaments (statines contre le cholestérol, immunosuppresseurs, antiépileptiques, antidépresseurs…).
  • Présente dans le chou, le brocoli, les asperges, les épinards… la vitamine K limite l’action des médicaments destinés à fluidifier le sang. Elle peut rendre le traitement inefficace, voire provoquer une thrombose.
  • Le calcium diminue l’action des antibiotiques.
  • La réglisse provoque une augmentation de la pression artérielle qui peut être dangereuse en cas d’hypertension.
  • Le thé diminue l’assimilation du fer par l’organisme.
  • La caféine peut diminuer l’action de certains médicaments (tranquillisants, hypnotiques) ou augmenter les effets indésirables (médicaments contre l’asthme…). Limitez alors votre consommation de café, thé (dont la théine a le même effet que la caféine), sodas caféinés et boissons énergisantes pour éviter des troubles du sommeil ou des palpitations.
  • Les interactions entre alcool et médicaments (hypnotiques, anxiolytiques, antidépresseurs, aspirine, antidiabétiques, antibiotiques, paracétamol) sont si fréquentes qu’il est préférable de ne pas consommer d’alcool pendant un traitement.

Antibiotiques et aliments : ce qu'il faut savoir

Les antibiotiques ne font pas toujours bon ménage avec les repas ou certains aliments. La France est l’un des plus gros consommateurs d’antibiotiques en Europe. En 2023, 27 millions de personnes en ont reçu au moins une prescription. Ils sont « à prendre avec un grand verre d’eau », dit la notice. Mais à quel moment exactement ? Il est utile de poursuivre la lecture de cette notice car, selon l’anti­biotique prescrit, la réponse ne sera pas la même.

Pour les plus courants comme l’amoxicilline ou les macrolides (ceux finissant en - « mycine »), les prendre avant, pendant ou après un repas n’a généralement pas d’incidence. Pour d’autres (rifampicine, pénicilline…), c’est le fait de manger qui pose un problème : avoir l’estomac plein diminue l’absorption du médicament par la présence d’aliments. Autre mécanisme connu : l’augmentation de l’acidité gastrique au cours de la digestion. Celle-ci peut inactiver certains antibiotiques, comme l’érythromycine. Dans ces deux cas, la marche à suivre est la même : le traitement doit être pris à distance des repas.

Parfois, au contraire, le repas peut être mis à profit pour augmenter l’efficacité du traitement. Ainsi, pour le céfuroxime, manger ralentit la vidange gastrique, ce qui augmente sa biodisponibilité jusqu’à 78 %. Il faut donc le prendre au cours d’un repas ou immédiatement après.

Compléments alimentaires : attention aux interactions

Ce n’est pas parce qu’ils sont "naturels" que certains compléments alimentaires sont sûrs, surtout lorsqu’on prend des médicaments ! Car les substances qu’ils contiennent peuvent interagir avec celles des médicaments ou modifier leur concentration dans le sang, et donc leur effet. Ces interactions constituent un vrai risque, vu la popularité des compléments alimentaires (malgré un manque de preuves scientifiques prouvant une quelconque efficacité pour la grande majorité d’entre eux).

Ce qui augmente aussi le risque d’interactions avec des médicaments, notamment certains antibiotiques (cyclines), diurétiques (thiazide) et des médicaments pour des troubles cardiovasculaires (antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II). Selon la revue American Family Physician, le complément alimentaire à base de plantes avec le risque le plus élevé est le Millepertuis perforé (ou herbe de la Saint-Jean, connue pour son effet antidépresseur), qui diminue l’efficacité d’un nombre de médicaments. D’autres compléments alimentaires avec un risque élevé d’interactions avec des médicaments sont la glucosamine (qui peut augmenter l’effet des anticoagulants) et l’Hydrastis canadensis (ou Hydraste du Canada).

À cause de ces risques d’interactions, le dictionnaire pharmaceutique Vidal souligne l’importance d’informer son médecin de la prise des compléments afin d’éviter toute interaction avec des médicaments. C’est aussi le cas pour les femmes enceintes ou qui allaitent, et pour les personnes avec des traitements de longue durée.

Aliments et médicaments : les interactions fréquentes

Saviez-vous que certains aliments ou certaines boissons peuvent faire très mauvais ménage avec le ou les traitements que l’on prend ? Dans la plupart des cas, il est recommandé de laisser passer deux à quatre heures entre la prise de médicament et la consommation de l’aliment ou du jus en question. Dans certains cas, des médicaments sont incompatibles à cause d’une interaction. Un aliment peut interagir avec un médicament en altérant par exemple la capacité naturelle du foie à dégrader les médicaments.

« Soit il l’augmente, et la concentration du médicament dans le sang sera plus faible qu’attendue, d’où un risque qu’il ne soit pas efficace ou pas assez., explique le Pr Francesco Salvo, responsable de l’unité de pharmacovigilance au CHU de Bordeaux. Soit, à l’inverse, il la diminue, et le médicament sera alors plus concentré que prévu dans le sang, ce qui accroît sa toxicité et son risque d’effets indésirables. »Aliments et médicaments peuvent aussi avoir une action antagoniste, l’effet des uns s’opposant à celui des autres.

L'importance de lire la notice

Qu’il soit très important ou faible, le risque d’interaction du médicament avec certains aliments doit obligatoirement être indiqué sur la notice. D’où l’importance de la lire attentivement ou, en cas de doute, de prendre conseil auprès de son médecin ou pharmacien.

Le pamplemousse : un fruit à éviter

Parce que le pamplemousse augmente la toxicité et les effets indésirables de nombreux médicaments, qu’il soit frais entier, sous forme de jus, ou présent dans les préparations (confitures, desserts…).« Il faut le proscrire absolument lorsque l’on est sous immunosuppresseur, en raison principalement d’un risque d’atteinte rénale grave », précise le Pr Salvo. « De même qu’avec la simvastatine et l’atorvastatine, prescrites contre le cholestérol, car leur association peut provoquer des atteintes musculaires sévères pouvant se compliquer d’une insuffisance rénale ».

Sa consommation est également déconseillée si l’on prend un traitement anti-arythmique ou contre les troubles de l’érection (Spedra, Levitra) ou encore certains antidépresseurs. Cependant, cette liste n’étant pas exhaustive, mieux vaut lire la notice du médicament que l’on prend.

Autres agrumes et anti-inflammatoires

Mieux vaut les éviter lorsque l’on prend des anti-inflammatoires non stéroïdiens ou AINS (ibuprofène, kétoprofène, diclofénac…). « Les AINS augmentent en effet l’acidité gastrique en même temps qu’ils réduisent la production de mucus qui protège la paroi de l’estomac », explique notre expert.

Vitamine K et anticoagulants

Prudence avec les plus riches en vitamines K :

  • Herbes aromatiques
  • Famille des choux y compris de Bruxelles
  • Wakamé
  • Epinards
  • Cresson
  • Huiles de soja et de colza…

Ils peuvent en effet diminuer l’efficacité des anticoagulants de la famille des antivitamine K (Coudamine, Préviscan…), indiqués en prévention ou en traitement des thromboses et embolies, et qui agissent en réduisant l’activité de cette vitamine très impliquée dans la coagulation.« Il ne s’agit pas de supprimer ces aliments, mais de les consommer ponctuellement, à raison d’une à deux fois par mois, en petite quantité et sans les associer au cours du même repas », rappelle le médecin.

Le moment de la prise : avant, pendant ou après le repas

« Un repas peut altérer l'absorption, donc l'efficacité, de certains médicaments qui ont déjà une faible biodisponibilité, comme certains anticancéreux ou le tacrolimus, qui doivent être pris 1 heure avant ou 2 heures après un repas », explique le Pr Salvo. « Parfois, le repas joue un rôle 'barrière' et protège des brûlures gastriques, comme celles possiblement induites par les anti-inflammatoires. Enfin, certains médicaments sont mieux absorbés s’ils sont pris avant les repas, comme le fer ; voire avant le petit déjeuner, comme la lévothyroxine ».

Réglisse et hypertension

Oui, la réglisse est déconseillée quand on prend des médicaments contre l'hypertension. La réglisse contient un composé, la glycyrrhizine, qui augmente la tension artérielle et peut donc, si l’on est sous traitement antihypertenseur, réduire son efficacité. Pr Francesco Salvo, responsable de l’unité de pharmacovigilance au CHU de Bordeaux.

Et il n’y a pas que les confiseries qui contiennent de la réglisse : elle est aussi présente, comme le rappelle le site internet de l’Assurance-maladie, dans :

  • Des produits de boulangerie, des glaces et des sorbets, des produits salés... du fait de ses propriétés adoucissantes
  • À base de cacao comme exhausteur de goût
  • Dans certains apéritifs (pastis avec ou sans alcool, ouzo, raki) ou dans des bières, comme agent moussant, colorant
  • Pour atténuer l’amertume

Médicaments contre l'ostéoporose et calcium

Pour prévenir l’ostéoporose, des suppléments peuvent renforcer nos os. Mais attention avec les biphosphonates, prescrits après la ménopause pour limiter le risque de fracture ! « Combinés avec le calcium, ils forment par réaction chimique des précipités lourds qui ne sont plus absorbables par l’organisme et sont directement éliminés via les intestins, ce qui diminue fortement l’efficacité du médicament », dit Alina Moyon, docteure en pharmacie.

Rassurez-vous, les produits laitiers et les médicaments contre l’ostéoporose ne sont pas incompatibles, il faut simplement prendre les biphosphonates le matin à jeun, au moins 30 minutes avant les repas et à distance d’au moins deux heures des autres médicaments ou compléments alimentaires, avec un verre d’eau peu minéralisée (par exemple celle du robinet).

Antibiotiques et produits laitiers

Le calcium contenu dans les produits laitiers peut nuire à la capacité de l’organisme d’absorber complètement l’antibiotique tétracycline. En effet, le lait réduit l’action de certains antibiotiques (tétracycline, ciprofloxacine). On le soupçonne, en plus, de limiter l’efficacité de l’aspirine en favorisant son élimination. En général, la tétracycline fonctionne mieux si elle est prise 1 heure avant ou 2 heures après le repas.

Thé et fer

Le thé, surtout noir car riche en tanins, peut gêner l’absorption du fer. Ainsi, par principe de précaution, on conseille aux personnes supplémentées en fer de privilégier un thé vert ou blanc, et de le boire à 2 ou 3 heures de distance de leur traitement. Pr Francesco Salvo

Alcool et médicaments

Quant à l’alcool, il peut interagir avec de très nombreux médicaments : somnifères, antidépresseurs, antihistaminiques, antalgiques opiacés, anti-inflammatoires non stéroïdiens, paracétamol, hypoglycémiants… pour n’en citer que quelques-uns.

Caféine et médicaments

La consommation de caféine est à éviter si vous prenez certains antibiotiques de la famille des fluoroquinolones (énoxacine, ciprofloxacine, norfloxacine). « Cette famille freine le métabolisme de la caféine, augmentant sa concentration et ses effets dans l’organisme », explique la Dre Marie Miremont-Salamé, pharmacologue au Centre régional de pharmacovigilance de Bordeaux. Selon votre sensibilité à la caféine, vous risquez de ressentir des palpitations, tremblements, sueurs… On prescrit le plus souvent ces types d’antibiotiques pour soigner une cystite.

Il faut également faire attention lorsqu’on prend du paracétamol. Qu’elle provienne du café, du thé (théine) ou des boissons au coca, la caféine augmente l’absorption de ce médicaments et le surdosage peut provoquer une hépatite. Enfin, elle s’accorde également très mal avec les médicaments contre l’asthme qui contiennent de la théophylline.

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