En France, les fourrages, et majoritairement le foin, constituent en moyenne 68% de la ration des chèvres. La part des fourrages peut atteindre 75% dans les élevages qui pâturent.
Le foin peut être associé à de l’ensilage de maïs, de l’enrubannage, de l’herbe distribuée en vert dans d’autres systèmes.
Pour un système alimentaire donné, chaque fiche décrit les caractéristiques des exploitations qui le mettent en œuvre, précise la nature des fourrages et concentrés utilisés, présente le niveau d'autonomie alimentaire du système et quelques indicateurs, économiques et environnementales.
CalculRation : Un outil d'aide à l'analyse de la ration
CalculRation est un outil d’aide à l’analyse de sa ration en chèvre laitière, chèvre gestante et chevrette : il évalue son équilibre alimentaire et son coût économique.
Il a été conçu pour et par les éleveurs et éleveuses du groupe caprin du CIVAM du Haut Bocage en 2019. Cet outil peut être utilisé dans le cadre de journée d’échange pour interroger l’équilibre de sa ration et partager ses pratiques afin de viser l’autonomie alimentaire.
Attention, cet outil n’est pas un rationneur ! Cependant il est utile pour faciliter le pilotage en cours de saison (sur une ration déjà existante) : remplacer un correcteur par des céréales, faire varier les proportions de chaque aliment, diminuer la part des concentrés, changer la nature des aliments, ….
Impact de la hausse des prix des intrants
Les élevages caprins sont parmi les plus impactés par la hausse des prix des intrants, et plus particulièrement par celle des grains et des oléagineux.
En effet, les aliments achetés représentent à eux-seul la moitié de l’IPAMPA, indice des prix des intrants pour la production de lait de chèvre.
En janvier 2022, avant même la guerre en Ukraine et ses conséquences sur la flambée des prix, l’IPAMPA aliments achetés affichait déjà une hausse de +14,3% d’une année sur l’autre (et +13,9% pour l’IPAMPA global).
En moyenne 570g de concentrés sont utilisés pour produire un litre de lait en 2020 (INOSYS Réseaux d’élevage). Ainsi une hausse du prix des aliments aura un impact fort sur les coûts de production.
Mais il existe également une grande variabilité au sein de chaque système avec par exemple pour les élevages livreurs de plaine en système « herbe stockée » un niveau de 580g/L en moyenne pour les élevages les plus économes en concentrés (quart inférieur) contre 730g/L pour les élevages en consommant le plus (quart supérieur).
Maîtriser le coût alimentaire
Maîtriser le coup alimentaire du troupeau caprin commence par optimiser le nombre d’animaux à nourrir.
Avec la hausse du coût des aliments, le niveau de production minimum pour couvrir les charges alimentaires augmente.
Une fois tous les ajustements possibles mis en œuvre, il convient de le réévaluer pour chaque catégorie d’animaux.
Par exemple, pour des chèvres consommant 1.5Kg de concentrés/j, une hausse de coût des concentrés de 50€/T augmente le seuil de rentabilité d’environ 0.1L de lait par chèvre par jour en système livreur .
Selon les systèmes alimentaires, la quantité de concentrés distribuée par chèvre varie de 300g à 2kg par jour. Pour un troupeau de 200 chèvres avec 30% de renouvellement, reculer la date de la réforme de 2 mois peut donc entrainer une surconsommation jusqu’à 7 T de concentrés.
Le nombre de chevrette élevée doit être raisonné plus finement en fonction des besoins du troupeau. Bien souvent, les éleveurs ont tendance à garder plus de chevrettes pour conserver une marge de sécurité.
La situation actuelle peut être l’occasion de faire un bilan des années précédentes pour réévaluer le besoin de renouvellement.
Une première cause de surconsommation de concentrés est liée aux imprécisions sur la distribution.
Quels que soient les outils, il est donc important de vérifier que la quantité distribuée est bien la quantité prévue pour chaque animal, mais aussi à l’échelle de chaque lot.
Les bilans alimentaires sont souvent très excédentaires en élevage caprin notamment en protéines : 87% des 3800 rations observées en 2017 par le réseau FCEL ont un taux de couverture PDI de l’animal cible à plus de 110%.
D’autre part, les rations ne sont généralement pas suffisamment réajustées au cours de la campagne : la ration établie au pic de lactation est bien souvent maintenue jusqu’à la reproduction voir au-delà.
Faire des lots par niveau de production pour ajuster les rations peut être pertinent. Avant toute chose il faut en évaluer l’intérêt et les conséquences pratiques.
Si les niveaux de production sont hétérogènes et que les apports de concentrés sont importants, des économies conséquentes sont possibles.
Opportunités d'achat d'aliments
Il n’y a malheureusement pas d’aliment bon marché disponible partout et adapté à toutes les situations. Il convient cependant de réévaluer et saisir toutes les opportunités d’achat d’aliment dans chaque région.
Cela peut passer par l’achat d’aliments plus simples comme des céréales, des coproduits comme des drèches ou des pulpes, ou des fourrages de qualité qui peuvent dans certaines situations remplacer une partie des concentrés à moindre coup.
Améliorer l'autonomie de l'exploitation
En fonction de la situation de chacun, il convient d’étudier tous les leviers pouvant améliorer l’autonomie de l’exploitation et d’évaluer leurs incidences économiques (matériel supplémentaire par exemple…), mais aussi sur l’organisation du travail et le savoir-faire à mobiliser.
Améliorer la qualité des fourrages est la principale voie pour améliorer l’autonomie et réaliser des économies en concentrés.
A court terme, cela peut passer par l’optimisation du stade et la technique de récolte.
Opter pour un nouveau mode de récolte permettant de valoriser de l’herbe à un meilleur stade peut être étudié (pâturage, affouragement en vert, enrubannage, séchage en grange…).
A moyen terme, une réflexion peut être conduite sur la nature des prairies : adapter les espèces en fonction du contexte pédoclimatique et du mode de récolte, augmenter la part de légumineuses en pure, en association ou en mélange etc.
Enfin, utiliser plus de fourrage dans la ration en en augmentant la qualité implique un besoin de stock supérieur à anticiper : selon le système alimentaire, le besoin de fourrage peut varier de moins de 550kg de matière sèche par chèvre par an à plus de 1200kg.
Utilisation des céréales et des protéagineux
Si des céréales sont produites sur l’exploitation, il est pertinent de les consommer pour réduire ou se substituer totalement aux concentrés énergétiques. Il n’y a pas de limite particulière à utiliser des céréales entières dès lors que les règles générales du rationnement sont respectées.
Il faut bien sûr adapter les capacités de stockage et éventuellement les modalités de distribution.
Enfin se pose la question de remplacer les concentrés protéiques achetés. Si la voie la plus efficace est de travailler sur la qualité des fourrages, produire des concentrés protéiques est également possible.
Il faut toujours s’interroger sur la cohérence globale à l’échelle de l’exploitation en prenant en compte le rendement (en protéines à l’hectare), les rotations, et la valorisation par les animaux.
Les protéagineux (pois, féveroles, lupin) peuvent être utilisés dans les rations de chèvres. Ils sont cependant mieux valorisés après un traitement comme le toastage à condition que celui-ci soit efficace.
En effet, même si la valeur en protéine brute d’un pois cru est bien supérieure à celle d’un blé, sa valeur en protéine digestible dans l’intestin (PDI) est similaire. Le toastage permet potentiellement de doubler la valeur PDI du pois.
Les oléagineux peuvent également être utilisés mais uniquement après traitement, essentiellement en tourteaux.
Dans tous les cas, il faudra contrôler les indicateurs de rations en étant vigilant sur l’amidon pour les céréales, le pois et la féverole (pas plus de 25% d’amidon dans la ration) ou sur les matières grasses pour les tourteaux (surtout si fermier, pas plus de 4% de MG dans la ration).
Lorsqu’un aliment du commerce est remplacé par des matières premières, il faut également être vigilant à maintenir une bonne couverture des besoins en minéraux.
Le projet occitan Cap & Go
Le projet occitan Cap & Go redonne des pistes pour améliorer l’autonomie alimentaire des exploitations caprines.
En ne distribuant qu’un seul fourrage équilibré en énergie et en azote, on peut diminuer la part de concentré.
Pour des chèvres en pleine lactation, un fourrage équilibré idéal affiche 0,85 à 0,95 UFL/kg MS (matière sèche) et 100 à 110 PDI/kg MS (protéines digestibles dans l’intestin).
Même si très peu de fourrages atteignent ces valeurs recommandées, on peut s’en approcher en mélangeant les graminées, qui apportent surtout de l’énergie, et les légumineuses, davantage de l’azote.
Dans les prairies multiespèces, on raisonne le choix des semences en fonction de leur évolution dans le temps. On cherchera aussi à récolter au stade optimum, c’est-à-dire au début de l’épiaison des graminées.
Pour les méteils fourragers, il faut raisonner la dose de chaque espèce (avoine, vesce, pois…) afin de laisser les légumineuses s’implanter.
Il faut également veiller à ce que la légumineuse ou la graminée ne domine pas au cours du développement du méteil.
On va ainsi rechercher des espèces adaptées au type de sol (humidité hivernale), une proportion d’espèces « tuteurs » suffisante pour supporter le pois et la vesce et une teneur minimale en matière azotée totale (MAT) avec deux espèces de légumineuses représentant 45 à 50 % du poids de semences.
Pour les méteils fourragers, le stade optimum de récolte est le stade du gonflement de la céréale et du début de floraison de la légumineuse.
Benoît Cournède, éleveur à Salvagnac Cajarc (Aveyron) en AOP Rocamadour s’y retrouve avec les méteils à double vocation. Sur ces terres où la luzerne pousse bien, l’éleveur est plutôt à chercher des fourrages riches en énergie. « Si la météo bascule sur un temps sec, on peut faucher les méteils soit en affouragement en vert soit en foin séché au sol.
Adapter les pratiques face au réchauffement climatique
Le contexte climatique de réchauffement et d’aléas climatiques plus fréquents perturbe la pérennité et la productivité des prairies.
Pour s’y adapter, on peut chercher à faire le maximum de stocks fourragers en dehors des périodes à fort risque de sécheresse : méteils fourragers, prairies à base d’espèces précoces.
On peut aussi semer des prairies avec des espèces capables de pousser en conditions très chaudes et sèches : fétuque élevée et dactyle pour les graminées, luzerne, lotier et sainfoin pour les légumineuses, ainsi que d’autres espèces comme la chicorée et le plantain fourrager (pour la pâture).
Cela permet de sécuriser le fourrage récolté en deuxième ou troisième coupe, et de prolonger la pâture en fin de printemps et en été.
En complément, il peut être intéressant de semer des fourrages annuels résistants à la sécheresse, notamment pour pouvoir continuer d’offrir une ressource à pâturer en été et début d’automne quand les prairies ne suffisent plus, par exemple si la surface est limitée.
Parmi les espèces annuelles proposées sur le marché, les plus résistantes à la sécheresse et capables de pousser en conditions très chaudes sont les sorghos fourragers, le millet perlé, le moha fourrager et le teff grass.
Dans l’Hérault, Sylvie Bisognin cultive du sorgho pour le pâturage de ses 60 chèvres. Cette dérobée estivale, implantée au mois de mai après une prairie ou un méteil, est pâturée au fil pour une meilleure valorisation : bien géré les bonnes années, le pâturage est possible deux fois.
Importance du pâturage
Le pâturage reste la récolte la moins coûteuse. Du temps de travail est économisé sur la récolte et sur l’épandage des effluents.
L’objectif du pâturage est d’aller chercher de l’herbe au stade feuillu, pour maximiser la qualité de l’herbe.
Pour Aude Sénégas du GAEC de la Carlarié à Albine (Tarn), « un bon fourrage pour la pâture, c’est un fourrage que les chèvres ont envie de manger, qui les fasse faire du lait et qui résiste à la chaleur. Pour ça, la luzerne, c’est fantastique ! Un bon planning de rotation permet d’anticiper les parcelles à garder pour la pâture et celles à laisser à la fauche.
En cours de saison, c’est important de l’ajuster en fonction des hauteurs d’herbe afin d’avoir des quantités suffisantes.
La fibre dans la ration
Garantir l’apport de fibres dans la ration permet de faire ruminer les animaux. La fibre peut être chimique ou physique/mécanique. La fibrosité physique s’apprécie visuellement et au toucher, par la longueur des fibres et un fourrage qui pique, qui gratte.
Un foin de prairie multiespèce, un foin de méteil immature, un foin de luzerne sont des exemples de fourrage fibreux.
Pour avoir un fourrage fibreux, on peut jouer sur le stade de récolte (pas trop tôt) et sur le choix des espèces.
Dans une prairie de mélange, les espèces sont choisies en fonction de leur appétence (trèfle violet, sainfoin, luzerne, lotier) et de leur teneur en fibres (ray-grass, fétuque élevée, brome).
Il y a aussi la possibilité de se tourner vers un méteil fourrager : avoine, vesce, pois fourrager. La culture du méteil dans un assolement a l’avantage de pouvoir se pâturer, se récolter en vert, en immature ou en grains et paille.
Matthieu Bergougnoux du GAEC du domaine de Mordesson, à Rignac dans le Lot, explique comment il a fait évoluer son système fourrager qui était composé essentiellement de prairies naturelles. « Il fallait produire plus de protéines et, surtout, des fibres de qualité. Nous avons introduit de la luzerne pour la protéine et de l’avoine fauchée pour la fibre. Progressivement, nous avons commencé à faire des méteils avoine-vesce que nous récoltons tôt, juste avant épiaison, puis des mélanges prairiaux multiespèces contenant des graminées et légumineuses. En bio sur les terres, nous ne semons plus aucune prairie sans légumineuses, cela représente un budget semences, mais nous nous y retrouvons.
Richesse en azote
Disposer de ressources riches en azote sur son exploitation permet de diminuer les dépendances technique et économique aux achats extérieurs, que ce soient des aliments ou des engrais. Avec une matière azotée totale dépassant 14 %, un aliment, fourrage ou concentrés sont considérés comme riche en azote.
Cependant, ce n’est pas le seul critère, car il faut aussi considérer le taux de protéines digestibles dans l’intestin.
Un méteil grain est un mélange de céréales et de protéagineux cultivés ensemble et récoltés en graines.
C’est ce qu’ont mis en place Marion Quenton et Lucas Honnoré, éleveurs à Cadalen dans le Tarn : « Notre objectif était de remplacer une partie des concentrés achetés par une production maison comparable, afin de diminuer le coût de la ration. Nous avons mis en place un méteil grain à base d’orge, petit épeautre, avoine, pois fourrager et vesce. On a obtenu des valeurs de MAT de 11 à 20 %, selon les années. Cela nous a permis de modifier les rations en bâtiment et de passer de 950 g par chèvre et par jour de “complet chèvre laitière” à 750 g-600 g selon les années et les valeurs du méteil récolté. »
Côté fourrage, on trouve de l’azote dans la plante verte (au stade feuillu), quand son ratio feuilles-tiges est au plus haut. La valeur azotée diminue lorsque la plante approche de l’épiaison ou de la floraison, par dilution.
Introduire des légumineuses, riches en protéines, permet de compenser cette baisse de la valeur azotée dans le temps.
TAG: