Alimentation Anti-Inflammatoire et Maladie de Crohn : Conseils et Recommandations

La maladie de Crohn fait partie des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) et cible le tube digestif. Elle se traduit par des symptômes digestifs comme les maux de ventre ou des diarrhées, appelées « poussées », imprévisibles et se présentant à une fréquence et à un niveau de sévérité variables en fonction du patient. Pour ces malades, trouver une alimentation adaptée à la maladie de Crohn qui évite de déclencher de nouvelles poussées est capital.

En pratique, la question est de savoir ce que l’on peut manger lorsque l’on a une maladie de Crohn ou une rectocolite hémorragique. La réponse pourrait être « mangez ce que vous voulez ». Mais en réalité, cette réponse doit être nuancée en fonction de l’activité de la maladie.

Comprendre les Problèmes Inflammatoires

La maladie de Crohn déclenche une inflammation de l’intestin, en particulier dans la partie inférieure du grêle, l’Iléon. Cette zone intestinale a pour mission d’absorber l’eau et les nutriments essentiels tels que les vitamines B12, les électrolytes (sodium, potassium) et les sels biliaires. Les conséquences de cette inflammation sont multiples :

  • Une accumulation de fluides entraîne des diarrhées, une perte de nutriments et une déshydratation.
  • Des lésions qui perturbent l’absorption des nutriments.
  • Une prolifération bactérienne qui déséquilibre la flore intestinale.

Principes Alimentaires à Suivre

En plus du traitement médicamenteux prescrit, les personnes atteintes de la maladie de Crohn doivent adapter leur alimentation pour :

  • Réduire l’inflammation.
  • Diminuer le volume des selles.
  • Améliorer l’absorption des nutriments.
  • Rééquilibrer la flore intestinale.

Il est essentiel de conserver le plaisir de manger autant que possible et la convivialité des repas. Toutefois, afin de faciliter votre digestion, améliorer votre confort digestif et atténuer certains symptômes (douleurs, gaz, fréquence et nombre de selles …), il est nécessaire d’adapter vos recettes quotidiennes grâce à des astuces culinaires et des conseils diététiques. Cela permet de conserver une certaine variété alimentaire et d’éviter d’écarter des aliments trop rapidement.

Le but est de suivre un régime alimentaire suffisamment varié en vue d’assurer un apport nutritif adéquat et de ne pas perdre du poids par restrictions inutiles. Il y a déjà suffisamment de causes de dénutrition : la diminution de l’appétit par suite de l’état inflammatoire, les besoins accrus par la maladie, par le jeune âge et enfin par la malabsorption des aliments ingérés.

Combattre les Idées Reçues

Le patient qui a une maladie inflammatoire chronique de l’intestin, que ce soit la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique, va avoir tendance à regarder sur Internet pour trouver des réponses. Pourtant, il faut savoir que tout et n’importe quoi circule sur Internet, dont beaucoup d’idées reçues.

Il faut savoir qu’il n’y a aucun aliment qui provoque une poussée inflammatoire. Beaucoup de régimes sont proposés sans aucune preuve scientifique de leur intérêt dans cette indication.

Les restrictions alimentaires, qui sont très souvent proposées sont à risque ainsi de provoquer des déséquilibres alimentaires et des mauvaises habitudes alimentaires. Enfin, il n’existe aucun régime anti-inflammatoire prouvé scientifiquement à ce jour.

Recommandations Officielles et Évolutions

En ce qui concerne l’alimentation des malades de MICI, il existe depuis mai 2008 des recommandations officielles. La Haute Autorité de Santé (HAS) a publié deux Guides ALD 24 « Maladie de Crohn » et « Rectocolite hémorragique évolutive » concernant l’alimentation. En voici un extrait qui reprend les points essentiels :

« {…} L’alimentation n’influe pas sur le cours de la maladie. Il n’est donc pas nécessaire d’imposer un régime particulier : l’alimentation doit rester diversifiée et équilibrée. Lors des poussées marquées, un régime d’épargne intestinale (apports restreints en fruits et légumes) peut être prescrit transitoirement. Un régime sans résidu strict n’est pas justifié. Après la poussée, le retour à l’alimentation normale doit être assuré à court terme… ».

En 2016, l’HAS ajoute à ces recommandations, la possibilité de s’inscrire dans un parcours de soin tel que l’Education Thérapeutique du Patient (ETP). En 2018, l’ESPEN (Société Européenne de Nutrition Clinique et Métabolique) ajoute de nouvelles recommandations :

  • Accompagner l’obésité, dont la prévalence est devenue supérieure à celle de la dénutrition chez les patients atteints de MICI
  • Dépister systématiquement la dénutrition avec prise en charge nutritionnelle
  • Rechercher systématiquement les carences en fer et en vitamine D avec supplémentation si nécessaire
  • Aucun régime alimentaire particulier sauf en cas de sténose
  • Nutrition thérapeutique basée sur les compléments nutritionnels oraux (CNO) et la nutrition entérale (NE)

Conseils Diététiques en Cas de Poussée

En période de poussée (période active de la maladie caractérisée par des symptômes digestifs variables comme des diarrhées, des douleurs abdominales, des maux de ventre...), l'objectif des mesures diététiques est de limiter l'irritation du tube digestif et de maintenir un apport optimal en nutriments. En phase active de la maladie de Crohn, adopter une alimentation pauvre en fibres alimentaires et en lactose (appelée "sans résidus") est vivement recommandé. Cette diète permet d'améliorer la qualité de vie.

Comment ? En diminuant les symptômes, en limitant l’irritation du système digestif, en facilitant le travail de digestion et en gardant ou en restaurant un bon état nutritionnel. Inclure, si possible, des apports suffisants en protéines, en vitamines, en sels minéraux et oligoéléments pour éviter les carences.

Diarrhée Abondante, Forme Étendue, Sténose

En cas de diarrhée abondante et d’inconfort digestif, il faudra pour un temps éviter certains types d’aliments : les aliments trop gras, les repas trop copieux, les fibres, donc les fruits et les légumes, les produits laitiers. En effet, dans cette situation, ils vont majorer les symptômes. La diarrhée est en effet la seule situation où il nous faudra suivre un régime sans résidu. C’est à dire avec moins de fibres alimentaires.

En cas de sténose, c’est à dire de rétrécissement de l’intestin, il faudra éviter de manger des fibres trop dures comme des poireaux par exemple, et d’avaler des pépins. En effet, cela est à risque d’une occlusion, c’est à dire d’un arrêt des matières et des gaz au niveau intestinal.

Poussée Sévère et Complications

Cette situation particulière est la seule où l’on envisage une prise en charge nutritionnelle qui a pour objectif de maintenir l’état nutritionnel avec un apport suffisant de calories, suffisant de vitamines et d’oligo éléments, et de combattre une dénutrition si elle est objectivée. Pour combattre cette dénutrition, on peut utiliser des médicaments que l’on va absorber par la bouche, voire faire ce que l’on appelle une nutrition entérale, avec une sonde qui va passer par le nez pour aller jusque dans l’intestin, voire une nutrition parentérale, c’est à dire apporter des calories par les veines.

Ce type de prise en charge se font dans des centres spécialisés, avec un suivi très particulier. Elles peuvent parfois être poursuivies à domicile avec un bon entourage médical et infirmier spécialisé, comme toujours dans ce type de situation.

Conseils Diététiques Sous Corticothérapie

Il n’est pas nécessaire, en cas de corticothérapie, d’avoir un régime strict, car les corticothérapies, le plus souvent, ne sont pas trop prolongées. Néanmoins, il ne faut pas abuser de repas trop copieux, trop riches en sucre, ne pas rajouter de sel à table. Il faut également favoriser et augmenter les apports en protéines.

Aliments à Privilégier et à Éviter

Certains aliments peuvent venir aggraver les symptômes (et non pas la maladie). Il est conseillé d'éviter les aliments difficiles à digérer et/ou qui peuvent aggraver l'irritation de l'intestin :

  • Sucres simples (bonbons, gâteaux, biscuits, pâtisseries, boissons sucrées ou édulcorées...)
  • Matières grasses (beurre, sauces, viandes grasses, charcuteries, aliments frits et panés, chips, fast-food...)
  • Gluten (blé, épeautre, avoine, seigle, orge...). Attention toutefois, il est conseillé de réaliser des tests d'éviction avant de supprimer totalement le gluten de son alimentation.

Afin d'éviter les gaz et les ballonnements, il est conseillé d'éviter les produits suivants : oignon, ail, choux, pruneaux, légumineuses, crudités, boissons gazeuses... chacun.e doit faire selon sa propre tolérance.

Pour mettre le système digestif au repos en période de crise aiguë, optez pour une alimentation sans résidu, riche en nutriments nécessitant peu d’efforts digestifs et en suppléments.

Tableau Récapitulatif des Aliments

Groupes d’aliments À privilégier À éviter
Produits laitiers Lait écrémé, Yaourt allégé en matière grasse, Fromages avec moins de 20 % de matière grasse, Sorbet Lait entier, Yaourt avec des morceaux de fruits, au citron ou avec des céréales, Crème glacée
Viandes et substituts Viande bien cuite, Morceaux tendres, Volailles sans la peau, Poissons nature, Œufs préparés sans matières grasses, Tofu Produits panés et frits, Charcuteries, Saucisses, Viandes grasses et difficiles à mâcher, Œufs au plat, panés, frits
Produits céréaliers Pain blanc, Féculents à base de farine blanche Pain aux céréales, Pain complet, Céréales, les produits céréaliers contenant des noix ou des graines, Féculents à base de farine complète, Riz brun
Légumes Légumes bien cuits, Légumes sans pépins et sans graines, Pomme de terre sans la peau, Jus de légumes Choux (brocoli, chou-fleur, choux de Bruxelles), Oignons, ail, piments, Haricots et fèves, champignons, Courges, épinards, Crudités, Maïs
Fruits Jus de fruits sans pulpe (sauf pruneaux), Banane mûre, Melon, Pomme sans peau, Compotes sans morceaux (sauf pruneaux) Jus de pruneaux, Jus avec pulpe, Fruits en conserve, Fruits secs, Tous les fruits crus sauf pomme pelée, banane mûre et melon
Boissons Eau, café déca, tisanes Caféine : café, thé, sodas, boissons énergisantes, alcool, Boissons sucrées ou édulcorées : sirops, cocktails, etc.
Autres Sucres, alcool (sorbitol, mannitol, xylitol), Bonbons et chewing-gum sans sucre, Produits gras

Maladie de Crohn : le rôle de l’hydratation

En cas de maladie de Crohn, il est primordial de s'hydrater abondamment. En effet, les MICI peuvent, quand la diarrhée est importante, causer une déshydratation.

Compléments Alimentaires

La prise de certains compléments alimentaires est parfois nécessaire pour compenser des déficits nutritionnels. Les personnes souffrant de maladie de Crohn peuvent être carencées en vitamines (notamment en vitamine B12), en oligoéléments, ou être dénutris. En effet, les crises de la maladie (diarrhées, saignements...) entraînent des pertes en nutriments essentiels. Aussi, d'autres troubles liés à l'affection (malabsorption, résections intestinales, perte d'appétit...) aggravent ce phénomène.

Leur régime alimentaire doit donc être complété avec :

  • Antioxydants
  • Oméga-3
  • Vitamines
  • Minéraux

De plus, l’usage de probiotiques contenant des bifidobactéries, des lactobacilles et des streptocoques semble prometteur pour prévenir la récurrence de la maladie de Crohn.

Adapter son alimentation au quotidien

En cas de crise de la maladie de Crohn, il peut être nécessaire d'adopter de nouveaux réflexes en matière d'alimentation. Il est recommandé de prendre des repas légers bien répartis dans la journée, de privilégier de petites quantités et de manger plus régulièrement. Objectif : faciliter la digestion et ne pas trop stimuler les mouvements intestinaux. Trois petits repas et deux à trois collations représentent une bonne base.

  • Manger son plus gros repas le midi et non le soir ;
  • À table, prendre le temps de bien mâcher les aliments ;
  • Faire bien cuire les fruits et légumes avant de les consommer ;
  • Favoriser par exemple les cuissons sans matières grasses au four, à l'eau, à la vapeur... ;
  • Pour donner plus de goût à vos recettes, utiliser des herbes aromatiques et du lait de coco, par exemple ;
  • Privilégier les aliments pauvres en fibres : les fruits pelés et sans pépins (pomme, banane, raisins...) et les légumes pauvres en fibres (carotte, betterave, concombre...), les céréales pauvres en fibres (riz, par exemple), œuf, poisson blanc ou volaille cuit sans graisse.

En derniers conseils : Pour faciliter la digestion et ne pas trop stimuler les mouvements intestinaux en phase aiguë, répartissez 2 à 3 collations sur la journée et privilégiez le plus gros repas le midi plutôt que le soir. Lorsque les symptômes s’améliorent, introduisez progressivement des aliments interdits. Une alimentation riche en fibres, si tolérée, prolonge les périodes de rémission et prévient les poussées aiguës.

Il est important de parvenir à trouver un juste équilibre et à ne pas s'imposer trop de restrictions inutiles.

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