Aujourd’hui, les additifs alimentaires sont largement utilisés dans la production industrielle. Les entreprises y ont recours pour maintenir ou améliorer la qualité des aliments, leur fraîcheur, leur goût, leur texture ou encore leur apparence. Produits à partir d’ingrédients naturels ou chimiques, les additifs, ingérés quotidiennement par des milliards de consommateurs, peuvent être la cause de nombreuses maladies. Alors comment savoir lesquelles de ces substances sont dangereuses ?
Le Rôle de l'EFSA dans l'Évaluation des Additifs
Au sein de l’Union Européenne, il existe un système de protection indépendant, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Elle a été mandatée depuis 2009 par la Commission européenne et les pays membres pour organiser un contrôle de ces substances. Une fois identifiées comme étant sans danger, elles sont introduites dans la liste approuvée par la Commission. Aux yeux des consommateurs, l’autorisation de la Commission se traduit par une désignation commençant par la lettre E, suivie de trois chiffres.
Cette autorisation leur permet de savoir que malgré la présence d’additifs dans le produit, « il ne causera pas de dommages sur le long terme », affirme Camilla Smeraldi, chef d’équipe des chercheurs à l’EFSA. Ne pas porter atteinte à la santé des consommateurs sur le long terme est le premier critère pour les scientifiques. « Cela nécessite beaucoup de données qui doivent être fournies par l’entreprise qui souhaite utiliser l’additif en question », explique Camilla Smeraldi. « Le but est de savoir à partir de quels matériaux sont faits ces additifs, le processus chimique ou biologique utilisé, ainsi que la présence de possibles impuretés contenues dans l’additif une fois celui-ci préparé ».
Lorsque ces données sont rassemblées, les chercheurs essaient de comprendre comment la substance réagit une fois ingérée. Est-elle digérée, décomposée ou encore absorbée ? Si l’additif examiné n’a pas encore soulevé d’incertitudes, d’autres tests de toxicité sont conduits. « Lorsque la substance ne voyage pas dans le corps, nous observons les effets localement. Dans le cas contraire, lorsqu’elle a un potentiel d’absorption dans le sang, nous devons faire d’autres tests pour nous assurer que rien n’arrive après une exposition longue et prolongée », commente Camilla Smeraldi.
Méthodes d'Évaluation et Scénarios du Pire
Pour conduire ces examens, les chercheurs imaginent le scénario du pire. « Envisager les pires cas possibles nous permet de déceler les additifs qui n’ont d’effets que s'ils sont ingérés à très forte dose », éclaircit la scientifique. On peut imaginer par exemple un consommateur qui n’aurait pas d’alimentation variée, et qui ingérerait tous les jours le même additif. Un autre scénario serait celui d’une personne âgée ou encore d’un très jeune enfant, plus vulnérables à ces substances.
En principe, l’EFSA adopte une méthode prudente. Ce n’est que si tous les résultats des tests sont négatifs qu’elle donne le feu vert à la Commission pour lancer l’utilisation commerciale de la substance. Avant 2009, certains additifs alimentaires étaient déjà utilisés.
Pourtant, « au moment de la création de la liste de l’Union européenne, toutes ces substances y ont été intégrées d’office, sans avoir fait l’objet au préalable des tests menés par l’EFSA », révèle Camilla Smeraldi. « Nous étions supposés finir la réévaluation à la fin de l’année 2020, mais nous sommes en retard. À ce jour, nous n’avons atteint que 80 % du programme », souligne la scientifique. Ce programme de réévaluation est en effet bien plus conséquent que prévu. Dans certains cas, la quantité de données est tellement imposante qu’il est difficile pour les scientifiques d’y voir clair.
À l’époque, « les données ne présentaient aucun enjeu pour le consommateur, mais entre-temps, les standards de sécurité ont évolué », explique-t-elle. Dans d’autres cas, c’est le contraire : il n’y a pas assez de données. Il est alors nécessaire pour les entreprises souhaitant les utiliser, de refaire tous les examens pour les compléter. Il est souvent arrivé que ces dernières « ne fournissent pas les résultats attendus. En conséquence, l’additif a tout simplement été retiré de la liste d'additifs autorisés », commente la chercheuse.
Exemples d'Additifs Retirés du Marché
Cela a été le cas pour le stearyl tartrate (E 483), un additif parfois utilisé dans les produits laitiers fermentés aromatisés, certains desserts, le pain et les produits de boulangerie fine. En 2020, il a été retiré de la liste de l’Union européenne en raison du manque de données sur les effets à long terme.
En 2007, le colorant alimentaire RED 2G (E 128), utilisé dans certaines saucisses, viandes à burger et confiseries, a été interdit sur le territoire européen lorsque de nouvelles preuves scientifiques ont démontré sa toxicité. Il était métabolisé en aniline, un produit potentiellement cancérigène. Les agents anti-agglomérants E556 (calcium aluminium silicate), E 558 (bentonite) et E 559 (aluminium silicate) ont aussi été retirés du marché en raison de leur teneur en aluminium, toxique à long terme. Ils étaient utilisés pour empêcher la formation de grumeaux dans les produits en poudre (sels, épices, et mélanges d’assaisonnements), dans le vin et les jus de fruits, les fromages fondus et même dans certaines préparations médicales en vente libre.
Plus récemment, en 2021, le dioxyde de titane, utilisé largement dans les cosmétiques et dans l’alimentation sous le nom de E 171 s’est révélé extrêmement dangereux pour la santé. Il peut engendrer une inflammation pulmonaire qui, dans certains cas, peut favoriser le développement de cancers. Certains secteurs comme ceux de la chimie, du bâtiment, de l’automobile, de la formulation des encres, peintures et vernis, de la pharmacie ou de l’alimentaire étaient les plus touchés.
Tendances Actuelles et Additifs d'Origine Naturelle
Poussées par les politiques actuelles des États membres, les scientifiques de l’EFSA remarquent une tendance à l’inclusion de nouveaux additifs d'origine naturelle. « Des pigments sont extraits de fruits exotiques ou d’algues, certains nouveaux additifs viennent du riz, ou encore du café », illustre Camilla Smeraldi. La tendance est d’autant plus encouragée par l’apparition de petites entreprises spécialisées dans la production d’additifs d'origine naturelle. Près de 400 substances sont aujourd’hui sur le marché.
Cependant, « il est difficile de faire disparaître celles qui sont synthétisées à partir de rien », affirme Camilla Smeraldi. De plus, définir si un additif est 100 % sans danger est une tâche compliquée. « Ce n’est jamais noir ou blanc, il y a toujours des incertitudes, des absences de données. La science aussi évolue, de nouvelles données sont identifiées. Rien n’est immuable ».
Nonobstant, l’EFSA tente de rester aussi transparente que possible. L’organisation a pris l’initiative de créer la campagne safe2eat, une manière d’informer les consommateurs sur ce qu’ils ingèrent quotidiennement.
Additifs Alimentaires : Définition et Réglementation
Les additifs alimentaires sont des produits ajoutés aux denrées alimentaires commerciales (notamment aliments industriels) destinés à l’alimentation humaine et/ou animale. Pour les animaux, on parle en Europe d’« additifs zootechniques », qui comprennent notamment le groupe fonctionnel des « améliorateurs de digestibilité ». Il peut s’agir de produits d’origine naturelle, ou de produits chimiques de synthèse. Plus de 300 additifs alimentaires sont autorisés dans l’Union européenne.
Les additifs alimentaires définis à l’origine par la directive 89/107/CEE de l’Union Européenne, du 18 septembre 1989 établissant les catégories dans son annexe I et par la directive 95/2/CE concernant les additifs alimentaires autres que les colorants et les édulcorants, a inspiré le Codex Alimentarius. Tous font l’objet d’une évaluation de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA). Pourtant, des publications scientifiques jettent régulièrement le doute sur certains d’entre eux. Tous les additifs autorisés ne sont donc pas forcément à mettre dans le même panier. Mais comment faire le tri ?
Étiquetage et Codes des Additifs
La Commission du Codex Alimentarius élabore aussi des normes et des lignes directrices applicables à l’étiquetage alimentaire. Ces normes sont mises en œuvre dans la plupart des pays et les producteurs d’aliments sont obligés d’indiquer quels additifs sont présents dans leurs produits. Dans l’Union européenne par exemple il existe une législation régissant l’étiquetage des additifs alimentaires conformément à un ensemble prédéfini de codes commençant par la lettre E.
Exemples d'Additifs Courants
- E100: La curcumine est un additif de type colorant naturel de couleur jaune présent en grande quantité dans le Curcuma Bio. Il n’existe pas de réaction allergique connue à ce colorant chez l’homme. À la limite maximale d’usage et pour les enfants forts consommateurs, il y a possibilité d’un dépassement de la dose journalière admissible (DJA).
- E160b: Issu de la cire du fruit rouge du rocou, un petit arbre d’Amérique tropicale. Riche en bêta-carotène, en vitamine E, contient beaucoup de sélénium, magnésium et calcium.
- E163: Les anthocyanes sont des colorants d’origine naturelle de couleur rouge ou bleue.
- E330: Acide citrique. Dans les produits de qualité, il est le plus souvent d’origine naturelle et végétale, extrait de la moisissure Aspergillus niger. Mais dans la plupart des boissons industrielles c’est un produit chimique de synthèse.
- E407 (alginates et carraghenanes) : Ces additifs désignent des extraits d’algues marines utilisés pour leurs propriétés gélifiantes.
- E960 ou glycosides de stéviol.
Additifs à Surveiller
- Aspartame: Un des édulcorants les plus utilisés au monde. On l’utilise notamment pour sucrer des aliments et des boissons. On le trouve dans plus de 6000 produits, des sodas « light » au chewing-gum en passant par des produits laitiers et des médicaments. Selon le Réseau Environnement Santé (RES), près de 200 millions de personnes consommeraient régulièrement de l’aspartame.
- L’acésulfame K ou l’acésulfame de potassium est un édulcorant artificiel environ 200 fois plus sucré que le sucre. Il est soupçonné d’être cancérigène pour l’homme.
- Le glutamate monosodique est un exhausteur de goût de synthèse que l’on retrouve dans de nombreux produits alimentaires. Il est un additif neurotoxique, c’est-à-dire qu’il peut détruire les neurones du cerveau.
- Le nitrite de sodium est un conservateur chimique qui est également utilisé pour colorer et aromatiser les viandes et les charcuteries.
- Le “bleu brillant FCF” est un colorant synthétique. Après avoir été interdit dans de nombreux pays européens, il a finalement été autorisé dans toute l’Union Européenne.
- Le dioxyde de titane est un colorant blanc. Il est le résultat de la combinaison de deux atomes d’oxygènes avec du titane.
- Le gallate de propyle est un antioxydant de synthèse. Il peut être responsable de troubles sanguins, causer des irritations de l’estomac et des muqueuses buccales, et engendrer des réactions allergiques.
- L’érythrosine est un colorant rouge de synthèse. Des études menées dans les années 1980 ont démontré que l’érythrosine provoquait la formation de tumeurs de la thyroïde chez le rat. Cela n’a pas été suffisant pour conduire à son interdiction.
- Le jaune orangé S est un colorant jaune de synthèse. Il est suspecté d’être cancérigène. Le problème avec lui, c’est que notre organisme a du mal à l’identifier (vu qu’il est 100% artificiel), et qu’il fait monter notre glycémie en flèche. D’où les risques de diabète accrus qu’il représente !
- D’autres additifs comme le dioxyde de silicium (aussi connus sous l’appellation E551 ou silice amorphe) font l’objet d’une très haute surveillance. Le dioxyde de silicium et les silicates sont employés comme antiagglomérants, notamment dans des aliments en poudre mais aussi dans certaines confiseries (bonbons, dragées, chewing-gums) pour éviter que celles-ci ne s’agrègent. Le dioxyde de silicium fait partie des additifs pouvant contenir des nanoparticules.
Fonctions des Additifs Alimentaires
Voici, le classement des additifs selon leur Exxx :
| Rôle | Description |
|---|---|
| Acidifiant | Permet d’acidifier le produit. Le pH du produit est alors plus bas |
| Correcteur d’acidité | Permet de réguler l’acidité d’un produit, soit en augmentant ton pH ou en le diminuant |
| Antiagglomérant | Permet d’éviter l’agglomération du produit |
| Antimoussant | Permet d’éviter l’effet mousse dans un produit |
| Antioxydant | Permet d’éviter l’oxydation du produit. Cela permet d’augmenter la durée de vie d’un produit et freine les changements de couleurs |
| Agent de charge | Permet d’augmenter le volume du produit |
| Colorant | Permet d’améliorer la couleur du produit |
| Émulsifiant | Permet de mélanger deux substances non miscibles. Comme par exemple, l’eau et l’huile |
| Sels émulsifiants | Seulement utilisés dans les fromages. Permet une dispersion des protéines, afin d’avoir une répartition homogène des matières grasses et autres composants dans le fromage |
| Affermissant | Améliore la fermeté d’un produit |
| Exhausteur de goût | Permet d’accentuer le gout d’un produit |
| Agent de traitement de la farine | Améliore la qualité boulangère de la farine |
| Agent moussant | Permet de disperser un gaz plus facilement dans une solution liquide ou solide |
| Gélifiant | Permet d’améliorer la consistance d’un produit en le gélifiant |
| Agent d’enrobage | Permet d’ajouter en surface d’un produit une couche protectrice, ou un aspect brillant |
| Humectant | Permet de maintenir le produit humide, et facilite aussi la dispersion des poudres dans un liquide |
| Amidon modifié | Permet d’agir sur la texture d’un produit C’est le seul additif qui ne s’écrit pas comme les autres avec un E… |
| Conservateur | Permet de mieux conserver le produit, limite de développement microbio et augmente sa durée de vie |
| Gaz propulseur | Gaz injecté dans le contenant du produit, lui permettant une meilleure conservation. |
Additifs Spécifiques et Leurs Risques
- Le E250: Le dosage autorisé des additifs Nitrités a récemment été revu à la baisse, car le lien entre l’exposition de ces molécules et le risque de cancer a été prouvé et validé.
- Le E171 (dioxyde de titane) a été réévalué par l’EFSA et n’est plus considéré comme un additif alimentaire sûr, provoquant des problèmes de génotoxicité.
- Les colorants azoïques (E110, E104, E122, E129, E102, E124) pour lesquels l’étiquetage des denrées alimentaires doit comporter la mention suivante : « nom ou numéro E du ou des colorants : peut avoir des effets indésirables sur l’activité et l’attention chez les enfants ».
- Le glutamate de sodium = E621, est un exhausteur de goût, utilisé dans de nombreux plats préparés et en restauration. Il est accusé de provoquer de nombreux symptômes comme nausées, vomissements, crampes d’estomac, réactions allergiques, maux de tête, courbatures, vertiges, ou encore fatigue extrême. Stimulant notre appétit, il favoriserait la prise de poids et augmenterait les risques de diabètes.
- Le E270 = Acide lactique, utilisé comme conservateur.
- Le E330 = Acide citrique, utilisé comme antioxydant.
(Ne pas oublier que de nombreux additifs sont utilisés pour augmenter la sécurité du consommateur et donc que tu ne tombes pas malade !
L'UFC-Que Choisir et l'Évaluation des Additifs
Face aux inquiétudes qui apparaissent à propos de la consommation régulière d’aliments industriels ultra-transformés, l’UFC-Que Choisir met aujourd’hui à la disposition des consommateurs une base de données qui donne pour les 300 additifs autorisés dans les produits alimentaires, une appréciation indépendante de leur dangerosité basée sur une bibliographie intégrant les études scientifiques les plus récentes.
Alors qu’au niveau européen, l’évaluation officielle des additifs s’enlise faute de moyens humains, financiers et analytiques, l’UFC-Que Choisir a passé en revue les études publiées par les instances scientifiques reconnues : l’Agence Européenne de Sécurité des Aliments (AESA), l’Organisation Mondiale de la Santé, ainsi que le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC). Sur cette base, l’Association a défini une grille d’appréciation des additifs alimentaires autorisés : des plus acceptables à ceux qu’il faudrait éviter.
Résultats de l'Analyse de l'UFC-Que Choisir
- Un quart des additifs à risque: Sur les plus de 300 additifs autorisés, nos travaux montrent que 87 d’entre eux sont à éviter ou peu recommandables, soit plus du quart. Parmi ceux-ci on peut citer les nitrates et nitrites (E249, E250, E251, E252), ces conservateurs très présents dans les charcuteries, qui sont associés à un risque accru de cancer du côlon. Les caramels élaborés au moyen d’ammoniaque ou de sulfite d’ammonium (E150c, E150d), utilisés par l’industrie agro-alimentaire dans une grande variété d’aliments, peuvent contenir des substances immunotoxiques à forte dose et suspectées d’être cancérigènes. Quant aux colorants azoïques (E102, E104, E110, E122, E124, E129), souvent présents dans les confiseries, ils pourraient contribuer à l’hyperactivité chez l’enfant.
- Une présence massive, y compris dans les produits de grandes marques: L’exposition quotidienne pendant des années à ces molécules accroît encore les risques. Or ils sont massivement utilisés dans les produits alimentaires industriels, y compris ceux de grandes marques. Par exemple, sur les 7 colorants trouvés dans les bonbons Jelly Belly, pas moins de 4 sont à éviter. Les nouilles « Yum-Yum saveur poulet grillé », comptent 14 additifs dans leur formule, dont 2 sont à éviter et 5 sont peu recommandables. Quant aux 14 additifs dénombrés dans les chewing-gums « Airwaves chloro-menthol », un est à éviter et 3 sont peu recommandables.
- Procédure européenne : trop de laxisme. L’évaluation des additifs par les instances communautaires consiste généralement en une simple relecture d’études fournies par les fabricants d’additifs eux-mêmes. Cette procédure laxiste laisse planer un doute sur la transparence et l’exhaustivité des recherches menées par des industriels, qui ont tout intérêt à ne présenter que des travaux permettant à leurs molécules d’être acceptées.
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