Les nutriments sont essentiels, mais nos aliments contiennent aussi des anti-nutriments. Ce sont des substances qui, au mieux, ne vous nourrissent pas, et au pire, vous sont toxiques. Les plantes cherchent avant tout à se reproduire pour perpétuer leur espèce et non à nous nourrir.
Depuis la découverte du feu, la transformation culinaire a permis aux humains de consommer de nouveaux aliments. Cependant, les humains ne sont pas toujours équipés des enzymes pour assimiler ces nouveaux aliments, même après transformation culinaire qui ne neutralise que partiellement les anti-nutriments. Les anti-nutriments présents dans les graines (de céréales, de légumes, fruits à coque), les feuilles, les racines, les fleurs des plantes, mais aussi les œufs, ont pour but d’éviter que les prédateurs ne les mangent, ou de les protéger contre le processus de digestion s’ils sont ingérés.
Pour faire face à ces anti-nutriments, les animaux ont développé différents systèmes pour les neutraliser. Ils sont capables de manger et de digérer certaines plantes. Chaque espèce est apte à se nourrir de certains types de plantes (herbivore), d’autres animaux (carnivore), voire des deux (omnivore). Chez l’homme, la neutralisation des anti-nutriments est très complexe. Cette neutralisation se réalise en imposant une charge de travail plus ou moins grande à l’organisme, pour pouvoir assimiler les nutriments présents dans l’aliment.
Certains aliments doivent être transformés avant d’être consommés pour réduire leur teneur en anti-nutriments. L’opération n’est pas simple car tous les anti-nutriments ne sont pas sensibles aux mêmes types de transformations culinaires. De plus, ces processus de transformation peuvent aussi altérer les bons nutriments des aliments. Dans l’alimentation, la dose et la durée font le poison.
Les Anti-Nutriments Communs
Les anti-nutriments les plus communs sont les lectines, l'oxalate, les phytates, les goitrogènes, les phytoestrogènes, et les tanins. Elles sont particulièrement résistantes à la dégradation enzymatique dans notre système digestif, et ne sont pas dégradées dans les environnements acides, comme l'estomac. Ils protègent les plantes, et sont connus chez l'homme pour leur rôle d'antioxydants.
Voici une liste de quelques anti-nutriments:
- l’acide urique: provient des purines présentes principalement dans la chair, les abats, les œufs et les produits laitiers
- le souffre: provient des acides aminés (méthionine et cystéine) présents principalement dans la chair, les œufs, le soja et quelques fruits à coques et graines
- l’acide phytique: on le trouve dans les céréales, pseudo-céréales, légumineuses, fruits à coque, graines et pomme de terre
- les lectines: dans les céréales, les pseudo-céréales, les légumineuses, les fruits à coque, les graines, les solanacées, les produits laitiers et les œufs
- les saponines: dans les légumineuses, pseudo-céréales, pomme de terre, et le vin.
- les oligosaccharides: dans les légumineuses
- l’avidine: dans le blanc d’œuf
- l’oxalate: (acide oxalique) provient de certains aliments (le son des céréales, fruits à coque, soja, épinard, rhubarbe, blette, chocolat, thé noir), mais est également un métabolite des levures et de la flore dysbiotique.
Une des méthode d’attaque de ces anti-nutriments est l’utilisation des minéraux de l’organisme du prédateur ce qui engendre sa déminéralisation. Une autre méthode d’attaque est le mimétisme moléculaire afin de perturber le bon fonctionnement endocrinien: les lectines ont une conformation spaciale qui ressemble à l’insuline, elles vont se fixer sur les récepteurs à l’insuline et vont y rester longuement en envoyant au corps le message de stocker les molécules de glucoses sous forme de graisses. Une autre technique (des lectines et saponines) est l’attaque de votre intestin en cassant les liaisons serrées des entérocytes, ce qui provoque au fil du temps un intestin poreux (syndrome de l’intestin perméable) qui laissera la place à de nombreuses maladies auto-immunes et inflammatoires. Les goitrogènes, quant à eux, affectent le bon fonctionnement de la thyroïde.
Les anti-nutriments apportent toutefois des effets positifs sur la santé, dans la mesure où leur préjudice est en partie neutralisé. Certains anti-nutriments sont présents dans les fruits et légumes en quantités infimes, si bien que l’effet préjudiciable sur la santé est peu important lorsque l’aliment est consommé de façon modérée. En revanche, certains médicaments concentrent ces anti-nutriments, et présentent un effet thérapeutique très puissant, et parfois des effets secondaires préjudiciables.
Voici ci-dessous les moyens de neutralisation pour ces anti-nutriments, lorsqu’ils sont neutralisables ou partiellement neutralisables. La neutralisation des anti-nutriment n’est pas efficace à 100%. Certains aliments contiennent une très grande quantité d’anti-nutriments: les légumes secs et le soja, suivit de près par les céréales à gluten et les pseudo-céréales.
L'Acide Phytique : Un Antinutriment à Double Tranchant
L’acide phytique, encore appelé phytate sous sa forme ionisée, est un composé organique naturellement présent dans les plantes, principalement dans leurs graines. Bien que son rôle soit crucial dans le développement des végétaux, il est aujourd’hui au cœur d’un débat scientifique. Considéré comme un antinutriment en raison de ses interactions avec les minéraux, il possède pourtant des propriétés bénéfiques pour la santé humaine. Par ailleurs, son impact sur la nutrition animale est également largement étudié, notamment pour optimiser l’absorption des minéraux chez les espèces élevées.
Formule Chimique et Propriétés de l'Acide Phytique
L’acide phytique, de formule chimique C6H18O24P6, est un hexakisphosphate d’inositol. Il s’agit d’un dérivé du myo-inositol, une molécule cyclique à six carbones, où chaque groupement hydroxyle est substitué par un phosphate. Ce composé est donc particulièrement riche en phosphore sous forme organique.
Sous des conditions de pH physiologique, comme dans le tube digestif, l’acide phytique se dissocie partiellement pour donner des ions phytates chargés négativement. L’acide phytique est la forme principale de stockage du phosphore dans les plantes. Il représente jusqu’à 90 % du phosphore total contenu dans les graines et d’autres tissus végétaux. Pendant la germination, le phosphore stocké dans l’acide phytique est libéré grâce à l’action d’enzymes appelées phytases.
L’acide phytique joue également un rôle défensif dans les plantes. En formant des complexes insolubles avec des minéraux, il réduit leur biodisponibilité pour les herbivores et omnivores qui consomment ces végétaux.
L’acide phytique possède plusieurs propriétés distinctives:
- Solubilité: Il est peu soluble dans l’eau pure, mais sa solubilité augmente en présence de sels basiques ou de pH légèrement acides.
- Stabilité thermique: L’acide phytique est relativement stable à la chaleur, ce qui signifie que des températures de cuisson courantes ne suffisent pas toujours à le dégrader.
- Capacité de chélation: Ses six groupements phosphates chargés négativement forment des complexes stables avec des ions métalliques multivalents.
Où Trouve-t-on l'Acide Phytique ?
L’acide phytique est abondant dans le règne végétal, en particulier dans les parties reproductrices des plantes, comme les graines et les fruits à coque. Les céréales représentent une source majeure d’acide phytique dans les régimes alimentaires, notamment dans les régions où elles constituent un aliment de base.
Voici un aperçu détaillé des principales sources :
- Céréales: Blé, riz, maïs, orge, avoine. Le phytate se trouve principalement dans les couches externes des grains, comme le son.
- Pseudo-céréales: Quinoa, sarrasin, amarante. Ces graines, bien que non apparentées aux céréales classiques, sont également riches en phytates.
- Légumineuses: Haricots, lentilles, pois chiches, fèves. Les phytates y sont concentrés dans les cotylédons.
- Graines oléagineuses: Soja, lin, chia, sésame, colza. Les teneurs varient en fonction des conditions de culture et des variétés.
- Fruits à coque: Amandes, noix, noisettes, noix du Brésil.
Rôle de l'Acide Phytique dans les Plantes
L’acide phytique joue un rôle fondamental dans le développement et la survie des plantes. Présent principalement dans les graines, il agit comme un composant clé dans les processus biologiques liés à la germination, à la croissance et à la protection contre les prédateurs et les agressions environnementales.
L’acide phytique constitue une réserve majeure de phosphore organique dans les plantes. Ce rôle est particulièrement important pour les graines, où il représente jusqu’à 90 % du phosphore total stocké.
En plus de son rôle dans le stockage du phosphore, l’acide phytique contribue à protéger les plantes contre les herbivores et les omnivores.
Impact Nutritionnel : Effets Négatifs
L’acide phytique est souvent qualifié d’antinutriment en raison de son impact sur la biodisponibilité des minéraux essentiels. Sa capacité à se lier aux nutriments dans le tube digestif peut limiter leur absorption et entraîner des carences nutritionnelles, en particulier chez les populations qui consomment de grandes quantités de céréales et légumineuses.
L’acide phytique, en raison de sa structure polyanionique, forme des complexes stables avec les ions métalliques dans l’intestin. Ces complexes, souvent insolubles, rendent les minéraux moins disponibles pour l’absorption.
- Zinc (Zn²⁺): La liaison du phytate au zinc est particulièrement forte, réduisant considérablement son assimilation par l’intestin. Ce phénomène est préoccupant, car le zinc est crucial pour le système immunitaire et les fonctions enzymatiques.
- Fer (Fe²⁺ et Fe³⁺): L’acide phytique chélate le fer, surtout sous sa forme ferrique (Fe³⁺), diminuant sa biodisponibilité.
Comment Réduire la Teneur en Acide Phytique dans les Aliments
Plusieurs techniques culinaires et industrielles permettent de réduire la teneur en acide phytique dans les aliments. Le trempage est une technique traditionnelle qui consiste à immerger les céréales, légumineuses ou graines dans l’eau pendant plusieurs heures avant leur cuisson.
Le contact prolongé avec l’eau active les phytases, des enzymes présentes dans les aliments, qui dégradent l’acide phytique en formes plus simples et plus digestes. Selon la durée du trempage et la température, cette méthode peut réduire jusqu’à 50 % de la teneur en acide phytique.
Voici d'autres methodes:
- Le processus de germination
- La fermentation
- Le toastage
- L'association avec certains aliments, tels que les végétaux riches en vitamine C (chou, persil, etc.), les alliums ou plantes alimentaires, telles que l’ail et l’oignon.
Analyse de l'Acide Phytique
L’analyse de l’acide phytique est essentielle pour mieux comprendre sa présence et son impact dans les aliments, les produits agricoles et les compléments nutritionnels. Les laboratoires utilisent des techniques variées pour quantifier avec précision ce composé dans différentes matrices, allant des céréales aux aliments pour animaux.
Dans l’industrie agroalimentaire, l’analyse de l’acide phytique permet de contrôler la teneur en phytates des aliments transformés. Dans ce secteur, les analyses garantissent que les produits sont formulés pour maximiser leurs bienfaits, tout en minimisant les risques d’interaction avec d’autres nutriments.
L’industrie de l’alimentation animale utilise les analyses de l’acide phytique pour formuler des aliments plus digestes et réduire leur impact environnemental.
Absorption du Fer et Acide Phytique
Le fer est un nutriment vital qui joue un rôle important dans de nombreuses fonctions corporelles, notamment le transport de l'oxygène dans le sang. Cependant, certains aliments et habitudes alimentaires peuvent limiter son absorption, conduisant à une carence potentielle même si votre consommation semble correcte. Un apport adéquat en fer est donc vital pour maintenir notre énergie et notre vitalité, et une carence peut conduire à l'anémie ferriprive, caractérisée par une fatigue chronique, une faiblesse et d'autres symptômes débilitants.
L'absorption du fer peut être significativement réduite par certains aliments, notamment ceux contenant des composés tels que les phytates et les polyphénols. Les phytates (acide phytique), présents en grande quantité dans les grains entiers, les légumineuses, les noix et les graines, peuvent lier le fer et autres minéraux, empêchant ainsi leur absorption par le corps.
Outre les phytates et les polyphénols, d'autres facteurs peuvent également interférer avec l'assimilation du fer. Par exemple, la présence excessive de calcium dans l'alimentation, souvent due à la consommation de produits laitiers ou de suppléments, peut inhiber l'absorption du fer.
Pour contrecarrer les effets des phytates (acide phytique) sur l'absorption du fer, il est possible d'adopter certaines méthodes culinaires et diététiques.
Optimiser l'absorption du fer est essentiel, surtout pour ceux qui ont une alimentation avec des restrictions ou qui sont sujets à des carences. Consommer du fer avec de la vitamine C augmente significativement l'absorption du fer non héminique.
En identifiant les aliments et les pratiques qui inhibent l'absorption du fer et en adoptant des techniques pour optimiser son assimilation, vous pouvez contribuer à prévenir la carence en fer et ses conséquences. Que ce soit à travers des choix alimentaires judicieux ou des ajustements dans votre consommation de thé ou autre, chaque petite modification peut jouer un rôle significatif dans votre assimilation du fer.
Recommandations
En définitive, l’acide phytique n’est pas un problème dès lors que l’on opte pour un régime alimentaire équilibré et varié, sinon pour les personnes carencées en fer ou en zinc, auquel cas, il existe différents moyens de neutraliser l’acide phytique. Il est, en outre, préférable de consommer des céréales complètes ou semi-complètes plutôt que raffinées, et des légumineuses en guise de protéines végétales plutôt qu’animales.
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