Rivoire et Carret : Une Saga Industrielle Française

Chaque semaine, plongeons dans l'histoire d'un lieu oublié, insolite ou méconnu. En bord de Saône, entre la rue Joannès-Carret, la rue des Mûriers et le quai Paul-Sédaillan, se dresse la villa Créatis, site associant les activités commerciales et celles liées aux nouvelles technologies, à la communication, à la créativité… Qui parcourt la rue Joannès-Carret, justement, entre le 54 et le 56, ne peut que remarquer le nom qui occupe l’une des façades : Rivoire et Carret.

Les Débuts Lyonnais : 1860

En fait, l’aventure à la fois alimentaire, commerciale et familiale commence en 1860, toujours à Lyon mais sur le cours Lafayette où le Sieur Jean-Marie Carret et son cousin Claudius Rivoire fondent la première usine de fabrication de pâtes à base de semoule de blé dur. Avec une autre innovation complémentaire : les pâtes sont présentées sous un emballage indiquant leur marque et un poids garanti. Avec les pâtes de la Société Rivoire & Carret, l’industrie alimentaire vient de gagner un solide atout.

Reconstruction et Innovation à Vaise

Problème toutefois en 1908, quand un incendie détruit la fabrique. Le fils Carret, Joannès, prend les choses en main et se lance dans la construction d’une nouvelle et grande usine, justement à Vaise, en bord de Saône, en liaison avec l’architecte Augustin Pouzet, un autre membre de la famille. L’usine ouvre en 1910, le blé arrive par la Saône, gare d’eau de Vaise, à proximité de l’usine, avec pesage des semoules sur le pont-bascule situé dans la cour et le départ des produits finis s’effectue par voie ferrée, avec raccordement ferroviaire à la gare de Vaise.

C’est là qu’est mise au point, en 1922, la “carette”, première presse mécanique à macaroni. C'est la madeleine de Proust de nombreux Français, qui évoque pour eux les nouilles au beurre du dimanche soir.

Expansion à Marseille

Afin de se rapprocher des sources de matières premières, notamment du Maghreb, dès 1890-1892, les cousins Carret & Rivoire s’implantent entr'autres à Marseille avec une première usine dans la vallée de l’Huveaune, à St Marcel. En 1925, les frères Francisque et Joannès Carret achètent le terrain de La Pomme - La Valbarelle, et y font construire un ensemble de bâtiments industriels qu'ils équipent de tous les éléments, outils, fluides, etc. nécessaires à la fabrication de pâtes alimentaires. C'est en grande partie l’usine Rivoire & Carret que nous connaissons aujourd’hui.

En 1931, Francisque et Joannès rentrent dans le capital de la Société Industrielle de Pâtes Alimentaires (SIPA), administrée par Jean et Yves Carret, en apportant l'usine dont l'exploitation a déjà commencé. En 1934, la famille Carret participe à l’achat des "Jardins de La Pomme", où Gaston Castel construit la future cité Michelis qui logera une partie des ouvriers de la SIPA.

L’usine de St Marcel ferme ses portes en 1948 pour être transférée dans l’usine de La Pomme - La Valbarelle qui prend le nom de Rivoire & Carret. A partir de 1971, la société devient Rivoire et Carret - Lustucru.

Architecture Industrielle à Marseille

Le site de l’usine Rivoire et Carret est profondément inscrit dans la trame urbaine du secteur. Le terrain plat, de forme presque carrée et d’une surface de 47000 m² est limité au Nord par l’autoroute reliant Marseille à Aubagne. Au sud, c’est le boulevard de La Valbarelle, sur la nationale 8, qui le longe, et auquel il présente sa face noble. La façade principale est tournée vers le noyau villageois de La Valbarelle, à l’ouest, et devancée par une large esplanade, dégageant complètement la vue du bâtiment depuis l’espace de la rue. A l’est, l’ensemble est mitoyen d’un autre groupe industriel. Cette inscription dans le tissu urbain est complétée par sa mitoyenneté avec le boulevard du Dr Heckel qui relie les noyaux villageois de La Valbarelle et de La Pomme.

Enfin, la présence de la voie ferrée et de l’Huveaune, à proximité directe au nord du site terminent d’inscrire le site dans la morphologie du secteur. Le site est clos par un mur en maçonnerie avec "chaperon au ciment". A l’ouest, le portail d’entrée jouxte un petit bâtiment d’accueil, ouvrant à la fois sur la rue et sur l’usine.

Le complexe est constitué de plusieurs bâtiments organisés en fonction d’une trame de circulations ouvertes ou couvertes. Les différentes entités sont de valeurs architecturales inégales. Si l’ensemble du complexe est de facture modeste, les parties ouest et sud, tournées sur le quartier, présentent des éléments de modénature tels que moulures et corniches.

Le bâtiment sud, de facture néoclassique, d’une longueur de 100 m, est suivi d’un bâtiment industriel de 60 m. Le bâtiment principal s’élève sur trois niveaux pour sa partie ouest et sur deux niveaux sur sa partie est. La façade sud, est rythmée dans toute sa longueur par une succession de baies, en plein cintre au rez-de-chaussée et rectangulaires aux niveaux supérieurs. L’entrée se fait par un avant corps sur la face ouest.

La façade principale s’ordonne autour d’une cheminée flanquée de deux châteaux d’eau. Elément identitaire de l’usine, l’ensemble est surnommé "la Dame Blanche" ou " cathédrale blanche" par les habitants du quartier. Il se prolonge de chaque côté par un bâtiment d’un seul niveau reprenant le motif de la baie en plein cintre de manière plus espacée.

A l’arrière de ces "bâtiments façades", de vastes entrepôts aveugles éclairés en toiture occupent le site ; une vaste ceinture libre est réservée aux circulations sur toute la périphérie. Ces bâtiments d’environ 8 mètres de hauteur sont couverts de toitures à deux pentes en tuiles plates à l’exception d’une toiture terrasse en béton armé. Charpentes et planchers sont en fer et bois. Enfin, toutes les façades sont couvertes d’un enduit de béton imitant la pierre de taille.

Le groupe de bâtiments industriels livré en 1931 couvrait une superficie de 13521 m2. Dans les nombreuses dépendances de l’usine se trouvaient la chaufferie, les logements du directeur et du concierge, le poste électrique et la salle de pompe pour l’alimentation en eau ainsi que deux réservoirs en béton armé de 135 m3. Un système de canalisation en grès permettait l’évacuation des eaux vers l’Huveaune.

Après être restés inexploités pendant 9 ans, les bâtiments ne semblent pas avoir subi de dégradations trop importantes, il ne subsiste par contre aucun des équipements industriels qui occupaient l’intérieur.

Disparition et Renaissance de la Marque

En 1988, des agrandissements de l’usine de La Pomme - La Valbarelle sont encore réalisés puis en 2000 la marque Rivoire & Carret disparaît au profit de Lustucru. En mars 2003, l’usine cesse son activité.

Rivoire & Carret (groupe Lustucru Rivoire & Carret), disparu des supermarchés depuis les années 1990, renaît de ses cendres. Plutôt que d'élargir la gamme Lustucru, le groupe a décidé de relancer Rivoire & Carret. Pour le Petit Poucet du secteur, lancer un quatrième label sur un marché où les marques de distributeur représentent un quart des ventes est une gageure.

Stratégie de Relance par Lustucru

Lustucru souhaite revenir à 15 % de part de marché. Numéro 3 du secteur derrière Panzani (35,3 % de part de marché en valeur) et Barilla (20,6 %), Lustucru (10,9 %), spécialiste des pâtes aux œufs, poursuit sa stratégie de différenciation. «En tant que challenger, nous ne cherchons pas à faire de gros volumes avec des produits de masse, explique Bernard Skalli, PDG de Lustucru, qui a réalisé l'an passé un chiffre d'affaires de 92,2 millions d'euros (+ 15 %).

La PME revient de loin. Propriété de la famille Skalli depuis quarante ans, elle a failli ne pas survivre, en 2002, à la vente de ses activités riz et pâtes fraîches à Panzani, détenu à l'époque par le fonds PAI. Revenus aux commandes en 2007, les Skalli ont redressé le groupe, bénéficiaire depuis 2008. Ils ont remis en scelle leur marque vedette Lustucru, relancé l'innovation et réduit les ventes réalisées en promo. Ces dernières sont passées en un an de 45 % à 38 % des volumes.

Pour réussir, Lustucru et Rivoire & Carret misent sur la spécificité et la complémentarité de leur offre. Avec un packaging modernisé, Rivoire & Carret, connue par sept Français sur dix, se veut dans l'air du temps. «Nous proposons au rayon épicerie des pâtes cuisinées avec la qualité du frais et un prix accessible», souligne Jean-Michel Juillet, directeur marketing de Lustucru. Le groupe espère séduire des habitués du rayon frais avec une offre 50 % moins chère et une durée de conservation de douze mois, contre trois semaines pour le frais.

Rivoire & Carret devra compter avec la concurrence des leaders. L'an passé, elle avait déjà entamé la rentabilité du groupe, dont le résultat net a baissé de 35 %, à 1,3 million d'euros.

Les Ravioles Rivoire & Carret

Il y a quelques temps, j’ai eu l’occasion de tester les premières ravioles au rayon épicerie de la marque Rivoire & Carret. Vous vous souvenez peut-être de cette marque qui avait disparu de nos magasins pendant quelques années. Elle a été relancée par Lustucru. La gamme des ravioles comprend pour le moment 3 saveurs : 3 fromages, fromage frais & fines herbes, jambon cru & parmesan. D’autre part, elles ne sont pas dénaturées du fait de ne pas être fraîches donc c’est parfait ! Nous les avons adoré.

Parts de marché des principaux acteurs du secteur des pâtes
Marque Part de marché (en valeur)
Panzani 35,3 %
Barilla 20,6 %
Lustucru 10,9 %

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