Explication de l'abattage rituel casher

Au milieu de la boucherie traditionnelle et de la charcuterie, les viandes halal et casher se sont fait une place. Longtemps réservées aux boucheries spécialisées, la viande halal et la viande casher ont connu une petite révolution. Ces dernières années, les industriels se sont attaqués à ce marché et l’ont popularisé. Aujourd’hui, il est possible de trouver ces viandes dans les rayons des grandes enseignes. Cependant, nous ne savons pas toujours faire la différence entre les deux.

Qu'est-ce que la viande casher ?

La viande kascher est celle qui est préparée conformément aux lois diététiques kascher, qui découlent de la Torah. Ces lois interdisent la consommation de porc et de crustacés et exigent que la viande soit abattue rituellement.

Distinction entre viande halal et viande casher

Beaucoup de personnes savent que ces viandes n’obtiennent cette certification qu’en répondant à des normes strictes. Elles ont également un lien avec les croyances religieuses. Toutefois, quelques détails subtils permettent de distinguer ces deux viandes.

Une différence de religion et d’aliments autorisés

La grande différence entre la viande halal et la viande casher est qu’elles n’appartiennent pas aux mêmes principes religieux. Toutes deux découlent du code alimentaire d’une religion, mais ces dernières diffèrent pour chaque viande. La viande halal est consommée par les musulmans, tandis que la viande casher est consommée par les juifs.

Toutefois, tous les animaux ne peuvent pas être mangés. Chez les deux religions, la viande de porc est considérée comme impure. D’autres viandes sont interdites à la consommation chez les juifs, à savoir le lapin, le cheval, le lièvre et le gibier. Il n’est également pas possible de consommer de la viande provenant d’un animal trouvé mort. De plus, cette viande doit répondre à des codes stricts, sinon elle sera considérée comme impure dans les deux religions.

Méthodes d'abattage

Pour obtenir une viande halal ou casher, l’animal sacrifié doit être abattu selon un rituel précis. Chez les juifs, le rite ne peut être effectué que par un shohet, un sacrificateur formé et reconnu par un rabbin. Ce dernier saisit l’animal et doit lui sectionner la trachée et l’œsophage sans les couper totalement. L’acte doit être réalisé avec un couteau dédié à cette tâche.

Chez les musulmans, l’animal encore vivant est d’abord tourné vers La Mecque. Tout comme chez les juifs, le sacrificateur doit être agréé par l’une des 3 grandes mosquées de France. Pendant le rituel, le sacrificateur prononce une bénédiction puis, une fois égorgé, laisse l’animal se vider de son sang.

Enfin, dans les deux cas, des inspecteurs vérifient que l’abattage a été fait en règle après le rite.

L'abattage rituel : une dimension de la liberté de religion

La pratique de l’abattage rituel constitue une dimension de la liberté de religion, un rite, même une prescription que doivent respecter certains croyants. L’enjeu consiste alors à déterminer comment elle peut se concilier avec d’autres règles. La première est celle de l’étourdissement préalable des animaux avant de les tuer. Ensuite, si la pratique est une manifestation de la liberté de religion, alors elle se trouve nécessairement confrontée aux principes de laïcité et de Séparation des Eglises et de l’Etat.

La règle de l’étourdissement préalable

La règle de l’étourdissement préalable commence à s’implanter en Europe dès la fin du XIXème - début du XXème siècle, et les raisons sont diverses. Ainsi, suite à une initiative populaire du 20 août 1893, la Suisse adopte un texte qui dispose qu’il est « expressément interdit de saigner les animaux de boucherie sans les avoir étourdis préalablement »[15]. Si l’idée est de prendre en compte la condition animale à travers l’étourdissement préalable, le vote se fait également dans un contexte d’antisémitisme marqué[16].

Par la suite, plusieurs textes en France imposeront la règle de l’étourdissement après immobilisation des animaux, afin d’assurer de meilleures conditions d’abattage. Le premier est le décret du 16 avril 1964[20], pour les animaux de boucherie et de charcuterie, avant leur saignée. Mais une exception est immédiatement prévue, notamment en cas d’égorgement rituel[21]. Par la suite, un décret de 1970[22] étend la règle pour les volailles et rongeurs domestiques, tout en maintenant la dérogation en cas d’égorgement rituel.

La liberté de religion

Dès lors, le cœur du problème est le suivant : l’abattage rituel constitue-t-il un élément de la liberté de religion, justifiant une exception à l’étourdissement préalable ? La première difficulté réside dans la détermination des contours de cette liberté. La Cour européenne des droits de l’Homme, notamment dans l’arrêt Kokkinakis de 1993[30], avait précisé qu’elle comporte plusieurs facettes : il s’agit tout d’abord d’un droit général, qui ne connaît pas de limites : celui d’avoir ou non une conviction religieuse, ou même d’en changer.

Plus précisément, la liberté religieuse relève d’abord du for intérieur, absolu, mais elle implique nécessairement une dimension collective, et donc, entre autres, le droit de manifester sa religion de façon collective ou plus personnelle. Dès lors, les deux Cours européennes adoptent la même position : la Cour européenne des droits de l’Homme, dans l’arrêt Cha’are Shalom Ve-Tsedek[31] s’était penchée sur la question d’une réglementation des abattages rituels en France.

Laïcité et Séparation des Eglises et de l’Etat

Le principe de laïcité garantit les libertés de conscience et de religion, et implique également la Séparation des Eglises et de l’Etat, telle qu’elle est définie par la loi du 9 décembre 1905[33].

Tout d’abord, l’abattage implique que seuls certains sacrificateurs soient habilités à cette pratique. Ainsi, le décret de 1980 précisait déjà que l’abattage ne peut être effectué qu’en abattoir, par des sacrificateurs habilités par les organismes religieux, et agréés par l’Etat ; si aucun organisme n’a été agréé, le préfet du département dans lequel est situé l’abattoir, peut accorder des autorisations individuelles. En vérité, le problème est ancien, et la question s’était déjà posée dans une affaire en 1914.

Dès lors, l’Etat peut encadrer les sacrificateurs : tel est bien d’ailleurs le sens de l’article R. 214‑75 du Code rural qui dispose que « l’abattage rituel ne peut être effectué que par des sacrificateurs habilités par les organismes religieux agréés, sur proposition du ministre de l’intérieur, par le ministre chargé de l’agriculture ».

En France, pour les juifs, l’organisme reconnu est l’Association consistoriale israélite de Paris, émanation du Consistoire et du Grand Rabbinat ; le Beth Din (tribunal) délivre le label KBPD (Kasher Beth Din de Paris)[40].

Or, il est bien question d’agréer, donc de reconnaître certains organismes religieux comme étant seuls compétents pour procéder à l’abattage rituel, et s’assurer que celui-ci se fait conformément aux prescriptions religieuses.

Le Conseil d’Etat a rappelé que celle-ci ne repose que sur des critères religieux : dès lors il ne s’agit pas d’un acte administratif, les organismes religieux n’étant pas chargés d’une mission de service public[44]. Par conséquent, le principe de Séparation se trouve sauvegardé.

L’abattage rituel et l'intérêt public local

Mais au-delà de l’habilitation des sacrificateurs, une autre difficulté se présente, puisque les abattages rituels ne peuvent se faire que dans des abattoirs agréés. Telle était notamment la question soulevée en 2011 dans l’affaire Communauté urbaine du Mans - Le Mans Métropole[45].

Selon le schéma classique retenu dans l’ensemble des décisions de juillet 2011, il jugea que la loi du 9 décembre 1905 ne faisait pas obstacle à ce qu’une collectivité territoriale construise, acquière un équipement ou autorise l’utilisation d’un équipement existant, afin de permettre l’exercice de pratiques à caractère rituel relevant du libre exercice des cultes.

Mais cette faculté ne peut être légalement mise en œuvre que si sont respectées trois conditions : il faut qu’existe un intérêt public local, tenant notamment à la nécessité que les cultes soient exercés dans des conditions conformes aux impératifs de l’ordre public, en particulier de la salubrité et de la santé publiques, et il faut que le droit d’utiliser l’équipement soit concédé dans des conditions, notamment tarifaires, qui respectent - troisième condition - les principes de neutralité à l’égard des cultes et d’égalité entre eux qui excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte.

Il est clair que le Conseil d’Etat n’a pas entendu juger que la participation d’une collectivité publique à l’aménagement d’un abattoir pour des pratiques rituelles était toujours légale : cela dépend de l’état de l’offre (à quelle distance trouve-t-on des abattoirs utilisables et avec quelles capacités ?) et de la demande (quel est le nombre d’abattages rituels dans le territoire concerné ?).

Dans cette décision, il fut décidé que le financement de l’équipement n’était pas une aide au culte dès lors qu’il répondait à un intérêt public local.

Assurément, l’abattage rituel est une composante du libre exercice des cultes, il est une des manifestations des croyances. Par ailleurs, il est clair aussi que l’ordre public peut être invoqué pour limiter cette extériorisation des croyances, comme le fait de procéder à des abattoirs en dehors de ceux prévus.

Les obligations des professionnels

Ainsi, les professionnels doivent mettre en place des modes opératoires normalisés permettant de s’assurer de la prise en compte par les opérateurs de l’obligation de protection des animaux abattus. De nouvelles obligations en matière de formation du personnel ont également été introduites par le règlement. Elles consistent d’une part en la désignation d’un Responsable de la protection animale (RPA) au sein de chaque établissement, et, d’autre part en l’obligation pour l’ensemble des opérateurs travaillant au contact des animaux vivants d’obtenir un certificat de compétence.

Contrôle et certification

Il est cependant nécessaire de se rappeler que la certification de la viande halal ou casher est une initiative des associations respective de chaque religion. À titre indicatif pour les consommateurs des produits Halal ou casher, des signes ont été établis pour chacune des deux catégories de nourriture. Pour la nourriture halal, souvent exposez les rayons boucheries on peut retrouver le mot « Halal » encerclé. Il peut être inscrit dans la langue arabe. Pour la nourriture casher, l’emballage peut contenir la lettre « U » encerclée (Circle U). Cela signifie que le produit a été inspecté par une agence de certification casher.

Polémiques autour de la viande halal et casher

La polémique sur la viande halal a été lancée par Marine Le Pen au mois de février. Elle est depuis régulièrement alimentée par des prises de position dans le reste de la classe politique, de Claude Guéant ou de Nicolas Sarkozy par exemple, qui souhaite désormais que le mode d’abattage des animaux soit indiqué sur toutes les viandes vendues en France.

Comment une viande devient-elle halal ou casher ?

C’est au moment de l’abattage qu’une viande devient halal, selon sa mise à mort. Pour l’abattage classique, une loi de 1974 impose que les bêtes soient étourdies avant d’être abattues, pour éviter stress et souffrance inutiles à l’animal. Mais il existe des dérogations pour l’abattage rituel, qu'il soit halal ou casher, au cours duquel l’étourdissement est proscrit. Pendant l’incision de la gorge, le sacrificateur doit prononcer au moment de l’égorgement, seul mode de mise à mort reconnu, une phrase rituelle.

Comment est "certifiée" cette viande ?

La saignée doit être réalisée par une personne, forcément musulmane, formée et habilitée par l’un des trois organismes agréés depuis les années 1990 par l’Etat : la Grande Mosquée de Paris, la Mosquée d’Evry et la Grande Mosquée de Lyon. Par ailleurs, la tête de l’animal abattue doit être tournée vers la Kabaa, la pierre sacrée de La Mecque, pendant qu’il se vide de son sang. Enfin, la viande halal ne doit avoir aucun contact avec des carcasses qui ne le seraient pas.

Dans la pratique, il est très difficile de savoir si ces rites sont respectés. Car l’Etat n’intervient à aucun moment dans le processus de certification de la viande halal, et n’exerce aucun contrôle sur l’abattage rituel.

Quelle part de viande halal en France ?

C’est la question polémique depuis les propos de Marine Le Pen le 18 février dernier, selon lesquels 100% de la viande vendue en Ile-de-France serait halal. Et force est de constater que la réponse est difficile à obtenir. La première raison, c’est que les bêtes sont souvent abattues sur les mêmes sites, ce qui rend plus compliqué le recensement. La deuxième raison, c’est que le sujet est hautement sensible.

Selon des chiffres de la Direction générale de l’alimentation, dépendante du ministère de l’Agriculture, 30% du gros milliard de bêtes abattues en France le sont selon des rites religieux. Mais rapporté au tonnage, la proportion tombe à 14%. Cette production reste pourtant supérieure à la demande.

Peut-on manger de la viande halal sans le savoir ?

En l’état actuel de la législation, la réponse est clairement oui. En 2010, l’association OABA (Oeuvre d’assistance aux bêtes d’abattoir), révélait qu’une grande part de la viande halal se retrouvait sur le marché classique, sans information aux consommateurs.

L’explication, c’est que les musulmans achètent prioritairement certains morceaux mais en délaissent d’autres, qui se retrouvent donc mélangés à la viande "normale".

Une viande halal est-elle de moins bonne qualité ?

"Ça ne change en rien la qualité de la viande", assurait à la fin du mois de février Dominique Langlois, président de l’Interbev. La réponse de la majorité des professionnels est quasi-unanime : non, une viande halal n’est pas de moindre qualité qu’une viande abattue selon les règles conventionnelles. Ce qui compte essentiellement, c’est la race et la manière dont a été élevé l’animal avant sa mise à mort.

Toutefois, certains assurent que le stress d’une bête avant sa mise à mort gâte la qualité de la viande, qui se gorge de sang. Ceux-là préconisent donc l’étourdissement pour une meilleure qualité.

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