Viande de cheval : Vers une interdiction de la consommation en France ?

Année après année, la consommation de viande chevaline se fait de plus en plus marginale en France. En 2022, seulement 6,9 % des foyers français en ont acheté. Pourtant, dans certaines régions de France, il existe une véritable tradition hippophagique.

Une proposition de loi pour interdire la production et la commercialisation

Récemment, le député Nicolas Dupont-Aignan a présenté une proposition de loi pour en interdire la production et la commercialisation. Le 4 juillet 2023, l’ancien candidat à l’élection présidentielle et actuel député « Debout la France » Nicolas Dupont-Aignan a présenté une proposition de loi « visant à modifier le statut juridique du cheval, à en interdire l’abattage, le commerce et la consommation de viande sur l’ensemble du territoire français ».

Une proposition de loi soutenue par des artistes veut interdire la production et la commercialisation de viande de cheval en France. Le député, fondateur du parti Debout La France, a déposé une proposition de loi au début du mois de juillet pour faire reconnaître le cheval comme animal de compagnie, et non plus comme animal de rente (c'est-à-dire un animal élevé pour la production de viande ou d'autres produits comme la laine ou les œufs).

Nicolas Dupont Aignan mobilise des artistes dans une tribune pour faire interdire la viande de cheval, rapporte Le Parisien. Il souhaite ainsi interdire les abattoirs d’exécuter « des opérations d’abattage et de commercialisation de la viande de cheval pour quelque motif et quelque cause que ce soit », ainsi que toute exportation ou importation de cette viande.

Il faut « adapter le statut du cheval à la réalité d’aujourd’hui », explique-t-il, citant en exemple les chevaux de la Garde républicaine « qui ne sont plus envoyés à l’abattoir en fin de carrière mais peuvent être rachetés par les cavaliers ou confiés, à titre gracieux (depuis 1992), à une association de protection animale ».

Une telle proposition passe mal côté éleveurs, alors que depuis des années, la consommation de viande de cheval baisse en France. « Nicolas Dupont-Aignan ne mesure pas l’impact que pourrait avoir sa proposition », alerte Emmanuel Perrin, président de l’Association nationale du cheval de trait comtois (Anctc), race originaire de la région Franche-Comté et la plus répandu en France.

Sur un plan parlementaire, la proposition de loi de Nicolas Dupont Aignan a peu de chance d’aboutir. On devrait donc continuer à trouver, de temps en temps, de la viande de cheval sur les marchés en France.

La baisse de la consommation de viande chevaline

En 2022, les Français en ont consommé 5 797 tonnes contre 12 343 en 2016. Et le nombre de boucheries spécialisées se réduit comme peau de chagrin. En 2018, il n’en restait que 307 en France, contre 1 035 en 2005, selon la Fédération de la Boucherie Hippophagique de France.

Ces dernières années, le nombre de chevaux tués dans les abattoirs en France a fortement diminué. 3 882 animaux en 2022, soit 1 090 tonnes, contre 20 550 en 2013 (5 763 tonnes), indique Agreste, l’organisme de statistiques du ministère de l’Agriculture. En 2022, le cheval ne représentait que 0,1% de la consommation totale de viande en tonnes équivalent carcasse, très loin derrière le porc (37,6%), le poulet (26,5%) ou le bœuf (26,1%), selon les données d'Agreste, en charge du suivi statistique au ministère de l’Agriculture, qui note une chute de 10% en dix ans.

Selon FranceAgriMer, 3882 équidés ont été abattus en 2022, contre encore plus de 18.000 animaux en 2012. En 2022, près de 4 000 chevaux (dont 842 chevaux importés vivants) ont été abattus en France. Cela représente 1 100 tonnes sur les 5 800 tonnes consommées.

La viande chevaline n'est plus une option. D'après la dernière note de conjoncture de FranceAgriMer à ce sujet, moins de 7% des foyers tricolores en ont acheté en 2022, sur la base des données de Kantar Worlpanel. Alors que cette proportion est déjà faible, en 2022 les achats de viande de cheval avaient reculé de 15% par rapport à l'année précédente. Ceux-ci n'ont pas du tout été soutenus par la production qui est elle aussi en baisse significative, de l'ordre de 26% entre 2021 et 2022.

La disparition de la viande chevaline n'est en fait pas une surprise. En réalité, le phénomène se remarque depuis une cinquantaine d'années, note l'Institut français du cheval et de l'équitation. D'après l'Observatoire économique et social du cheval, en l'espace de dix ans, entre 1998 et 2018, cette consommation s'est littéralement effondrée de 75%. Rien que l'année suivante, entre 2018 et 2019, elle avait remis le couvert en baissant de 15%.

Un effet générationnel

En 2019, les personnes de plus de 50 ans représentaient 80% des achats, d'après l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE). La consommation de viande chevaline s'amoindrit à mesure que ses adeptes prennent de l'âge. Car il y a un effet générationnel.

Le prix de la viande de cheval

Il faut dire qu’en pleine période d’inflation, la viande de cheval est la plus chère du marché : 19,55 €/kg prix moyen d’achat en boucherie contre 16,93 € pour le bœuf, selon le rapport 2022 de l’Institut français du cheval et de l’équitation (Ifce).

Même si le prix de la viande de cheval a gonflé de 5,6% en un an, l'inflation n'est pas du tout une explication.

Importations de viande chevaline

En effet : « En 2022, la France a importé 7 090 tonnes de viande chevaline, afin de combler son manque de production, dont 40 % sont issues d’Amérique du Sud. Le consommateur français aime plutôt la viande rouge issue de chevaux d’âge (d’où les importations), tandis que la France produit des poulains de chevaux de traits, correspondant à de la viande blanche rosée, qui sont exportés notamment vers l’Italie », explique Caroline Drapeau, ingénieure chargée d’études statistique à l’observatoire économique et social du cheval (Ifce).

D’après les chiffres de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE), 7 770 tonnes ont été importées en 2021. L’Uruguay est le premier fournisseur, suivi par la Roumanie.

Conditions d'élevage et d'abattage

Or, en Amérique du Sud, les conditions d’élevage et d’abattage des chevaux ne sont pas toujours exemplaires… comme l’ont révélé depuis plusieurs années les associations de protection animale suisse Tierschutzbund Zürich (TSB) et allemande Animal Welfare Foundation (AWF). « Les conditions de détention et d’abattage des équins dans les pays d’Amérique du Sud sont loin des standards européens en matière de protection animale, même lorsque les abattoirs dont proviennent les carcasses sont agréés par l’Union européenne », souligne l’ONG Welfarm, qui a relayé en France ces enquêtes.

Welfarm dénonce « des conditions déplorables » et signale de nombreux cas de maltraitance, notamment dans l’abattoir Clay en Uruguay. « Manque d’eau et de nourriture, boiteries, blessures, plaies ouvertes non soignées, animaux émaciés, frappés, parfois très violemment… Autant de faits cachés lors des audits des inspecteurs européens, dont les visites sont toujours annoncées à l’avance dans les abattoirs », commente Ian Fafet, membre de l’ONG.

Dans ces conditions, Welfarm demande « idéalement au niveau européen, au minimum au niveau français » d’interdire les importations de viande chevaline en provenance d’États qui ne respectent pas des normes élevées de protection animale en abattoir. « La coopérative de commerçants de grande distribution Système U (Super U, Hyper U…) nous a récemment indiqué stopper toutes importations de viande de cheval hors Europe. C’est une première avancée », se réjouit Ian Fafet.

En 2021, une dizaine d’ONG a réclamé à la Commission européenne de radier l’Argentine, l’Australie, l’Uruguay et le Canada de la liste des pays autorisés à exporter de la viande chevaline vers l’Union européenne pour cause de maltraitance. Dans ces pays, les chevaux destinés à la boucherie « vivent un enfer », a estimé l’association Welfarm, qui a mis en ligne des vidéos montrant des chevaux affamés et meurtris.

La production locale plutôt que l’interdiction pure et simple

Pour autant, Welfarm indique ne pas être « favorable à une interdiction totale de la consommation et vente de viande de cheval en France. » « Notre rôle est de tout faire pour que les animaux de ferme soient bien traités. Pas de faire interdire la consommation de viande », souligne l’organisation.

Pour lutter contre les importations, Emmanuel Perrin de l’Anctc veut parier sur la production française : « Nos élevages sont extensifs, avec de petits effectifs d’animaux dans les pâturages à l’hectare. Les chevaux paissent de bonnes prairies, la qualité des fourrages est supérieure. Il faut valoriser notre production. En mettant en place de véritables circuits courts notamment », suggère-t-il.

Le statut juridique du cheval

Afin de garantir sa bientraitance, un changement de statut juridique du cheval est réclamé par les défenseurs de la cause animale. En droit rural, il est un « animal de rente », mais, depuis les années 1970, et la féminisation de l’équitation, le cheval a basculé dans le champ de l’animal de loisir, sinon « de compagnie ».

En mars dernier, la Commission européenne avait déjà enregistré une initiative citoyenne intitulée « Mettre fin à l’ère de l’abattage des chevaux », qui s’attaque également à l’élevage et au transport de longue durée des équidés. En Europe, une initiative citoyenne européenne (ICE) « End The Horse Slaughter Age » a été lancée le 21 septembre 2023 pour interdire l’abattage des chevaux dans l’Union européenne.

La viande de cheval : un héritage culturel

Dans certaines régions, il existe une véritable tradition hippophagique. Beaucoup dans les Hauts-de-France, qui représentent plus de 30 % de la consommation nationale d’après Interbev Équins, l’interprofession des producteurs de viande chevaline.

Des régions très marquées par la culture ouvrière, à l’instar du Nord-Pas-de-Calais, s’essaient à la consommation de viande chevaline. Encore aujourd’hui, il demeure dans la région davantage de boucheries chevalines qu’ailleurs. L'effet se remarque d'autant plus que ce type de consommation est un marqueur culturel que l'on attribue surtout au Nord et à la Picardie et dans une moindre mesure à l'Ile-de-France, à une partie de la Normandie et de la Bourgogne.

« Quand j’étais petit, à Paris, où j’habitais alors, on trouvait des boucheries chevalines un peu partout. Des artisans spécialisés qui travaillaient principalement de la viande de chevaux de trait. Des carcasses d’animaux devenus trop vieux pour tracter ou qui avaient été élevés spécifiquement pour la viande », se remémore Gérard Pergaud, 78 ans, ancien éleveur naisseur de chevaux de race Mérens et de Traits ardennais dans la Creuse, aujourd’hui à la retraite.

Les scandales alimentaires et la viande de cheval

En 2013, plusieurs médias ont mis en lumière un des plus gros scandales alimentaires depuis la vache folle : le Horsegate, l’affaire Spanghero ou encore Findus, consistant à remplacer la viande de bœuf par la viande de cheval dans les plats préparés. Cette tromperie du consommateur a entrainé une baisse de 65% en dix ans de la consommation de viande de cheval passant de 17 000 tonnes de viande consommées en 2013, à 5 800 tonnes aujourd’hui.

Tableau récapitulatif de la consommation de viande chevaline en France

Année Consommation (tonnes) Nombre d'abattages % des foyers consommateurs
2016 12 343 - -
2013 - 20 550 -
2022 5 797 3 882 6.9%

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