La sculpture en ronde-bosse fut cultivée à Sèvres sous forme de biscuit, l’une des plus délicates créations du XVIIIe siècle. Lieu de création, la Cité de la céramique de Sèvres comprend également un extraordinaire musée. Constamment enrichi, il abrite, de nos jours, outre de nombreux biscuits, tous les modèles originaux en terre cuite du XVIIIe siècle.
L’intérêt de cet ensemble, unique, se trouve par ailleurs accru par la présence, à la manufacture, de la plupart des modèles en plâtre. La restauration des terres cuites, avec l’aide de la Fondation BNP Paribas, a donné l’idée d’explorer cette production à travers une exposition d’une ampleur inédite.
Origines et Développement du Biscuit
Le biscuit naquit d’une volonté de rivaliser avec les figurines de Saxe, créées à partir du kaolin, matière minérale indispensable pour fabriquer la véritable porcelaine. Privés, jusqu’en 1768, de gisements reconnus de ce type d’argile, les arcanistes français avaient mis au point, dès le XVIIe siècle, une matière similaire artificielle, appelée pâte tendre.
Pour concurrencer pleinement la porcelaine de Saxe, il restait à mettre au point une riche gamme de couleurs et la possibilité de fixer l’or. Cet effort fut conduit avec succès à Vincennes, manufacture expérimentale fondée en 1740. Les années 1746-1754 furent particulièrement fécondes.
En abandonnant autour de 1752 la couverte, porteuse d’effets d’empâtement, Vincennes introduisit une révolution du goût. Cuites au naturel sans polychromie, les œuvres en ronde-bosse y gagnèrent un statut de sculpture miniature à part entière et méritèrent bien, avec leurs merveilleux effets satinés dus au polissage, le nom de « biscuit ».
Fabrication du Biscuit : Un Processus Complexe
La fabrication était néanmoins complexe et exigeait de multiples transpositions à partir d’une première terre crue, découpée en morceaux pour obtenir les moules des diverses parties. Par une succession d’opérations n’interdisant pas les retouches d’habiles repareurs, la sculpture pouvait ainsi être moulée, recomposée et cuite en biscuit.
L'Essor du Biscuit à la Manufacture de Sèvres
Sous l’instigation de Madame de Pompadour et de Louis XV, la Manufacture de Sèvres crée des porcelaines tendres ou dures qui connaissent un succès immédiat au 18e siècle. Au début du 18e siècle, la manufacture de porcelaine était installée à Vincennes. Malgré un succès grandissant, elle connaît des difficultés financières. Pour cette raison mais aussi à cause de l’exigüité de ses locaux, la marquise de Pompadour décide son déménagement à Sèvres, à proximité de son château de Bellevue. Grâce à elle, la manufacture de Sèvres va atteindre une renommée jamais démentie.
La production de petite sculpture en biscuit, c’est-à-dire sans couverte, avait assuré à la manufacture le prestige d’un nouveau matériau céramique, à la surface blanche finement polie évoquant le marbre. Son développement à partir du milieu du siècle fut tel qu’en 1757 la Manufacture de Sèvres nomma un directeur de la sculpture, poste tenu jusqu’en 1766 par Étienne-Maurice Falconet (1716-1791), alors remplacé par le peintre Jean-Jacques Bachelier (1724-1806) jusqu’en 1773, puis par le sculpteur Louis-Simon Boizot (1743-1809) qui l’occupa jusqu’à sa mort.
Le biscuit est une porcelaine qui subit deux cuissons. Contrairement à la porcelaine, le biscuit n’est pas recouvert de glaçure afin de ressembler davantage au marbre et de se démarquer des petites sculptures en porcelaine de Meissenou de Chine peintes et recouvertes de vernis qui étaient à la mode à cette époque. La blancheur et l’aspect mat du biscuit expriment l’élégance et le bon goût à la française.
Thèmes et Inspirations des Sculptures en Biscuit
Les thèmes favoris des sculpteurs du 18e siècle comme Falconet, Houdon, Pajou ou Boizot sont l’enfance, la maternité, les scènes galantes ou pastorales chères à Jean-Jacques Rousseau, la mythologie et des personnalités fictives ou réelles (Don Quichotte, Vauban, Diderot, Clotilde de France, petite fille de Louis XV, la reine Marie-Antoinette…). Au moment de la Révolution, les sujets de prédilection deviennent les allégories, les représentations politiques ou philosophiques mettant en scène la Liberté, la Raison, etc.
Pour créer ces statuettes, les sculpteurs de la manufacture de Sèvres s’inspirent parfois des oeuvres de Boucher, peintre indissociable de la Manufacture qui a également inspiré des tapisseries de la Manufacture des Gobelins. Les sculptures en biscuit seront parfois revisitées par les artistes des siècles à venir.
L'Empereur de la Chine : Un Exemple Éloquent
Contrairement aux décors de chinoiserie en faveur à la Manufacture de Sèvres depuis sa création, cette statuette n’est pas une figure de fantaisie mais un véritable portrait, celui de l’empereur de Chine Qianlong (1736-1795). Il s’inspire d’une aquarelle du père Panzi, jésuite attaché à la cour de Pékin, prêtée à la manufacture par le secrétaire d’État Henri Bertin. Cet important client n’hésitait pas à influer sur les choix artistiques de l’entreprise, suggérant des décors et apportant des modèles.
Érudit passionné par la Chine, il fit publier en 1776 les Mémoires concernant l’histoire, les sciences, les arts […] des Chinois dont le frontispice reprenait la transcription en gravure du portrait de Qianlong. Ce portrait aquarellé servit également de modèle pour des tableaux sur porcelaine ; en 1776, l’année même de la sortie du biscuit, une première plaque, peinte par le peintre Charles-Éloi Asselin, était vendue à Louis XVI au prix considérable de 480 livres, suivie de deux autres.
Vraisemblablement élaborée au cours de l’année 1775, la figure de L’Empereur de la Chine a été attribuée au sculpteur Josse-François-Joseph Le Riche, modeleur à Sèvres de 1757 à 1801, sans qu’aucun document d’archive ne vienne confirmer cette hypothèse. Le premier exemplaire en biscuit fut vendu en août l’année suivante à la duchesse de Mazarin.
L’œuvre était proposée au prix de 72 livres, somme relativement modeste mais qui s’explique par la simplicité de la figure qui requérait sept moules pour sa fabrication, alors que les groupes les plus ambitieux en nécessitaient jusqu’à cent. Au sein de cette production exportée puis imitée dans toute l’Europe, L’Empereur de la Chine, malgré le prestige de ses principaux acheteurs - la reine Marie-Antoinette, Madame Adélaïde, tante de Louis XVI, la duchesse de Durfort ou l’ambassadeur de Sardaigne… -, connut un succès limité puisque seuls treize exemplaires en furent vendus.
L’austérité de ce portrait d’un souverain étranger, empreint d’une ironique sagesse, avait sans doute dérouté les clients, habitués à des créations plus aimables. Mais elle n’avait pas détourné la manufacture de la création de ces effigies de princes de royaumes lointains, puisque en 1787 Boizot modelait la statuette d’une figure en pied d’un jeune Prince de Cochinchine « afin de piquer la curiosité par du nouveau ».
Identification et Valeur des Figurines en Biscuit
L'identification d'une figurine commence par la recherche de marques de fabrique ou de signatures. Ces marques, souvent minuscules, peuvent être moulées dans le biscuit lui-même ou apposées par la suite. Un catalogue raisonné des fabricants de porcelaine et de biscuit est un outil essentiel. Des bases de données en ligne et des ouvrages spécialisés peuvent aider à l'identification. L'absence de marque ne signifie pas automatiquement une absence de valeur; l'étude de la technique de fabrication, du style et des détails peut fournir des indices importants.
Le style de la figurine est un autre indicateur crucial pour son identification. L'analyse de la posture, des vêtements, des accessoires et des détails décoratifs permet de situer la figurine dans un courant artistique et une période précise. La comparaison avec des œuvres connues et documentées est essentielle. L'étude des techniques de modelage, du type de biscuit utilisé (mat, brillant, etc.) et de la qualité de la finition contribuent également à l'identification.
L'analyse des matériaux utilisés dans la fabrication de la figurine peut fournir des indications sur son origine et sa date. L'examen microscopique peut révéler la composition du biscuit et les techniques de cuisson. L'identification des pigments utilisés dans la peinture (s'il y a lieu) peut également être utile. Une analyse scientifique poussée, bien que coûteuse, peut se révéler indispensable pour des figurines particulièrement rares ou énigmatiques.
Facteurs Influant sur la Valeur
La valeur d'une figurine en biscuit ancien est déterminée par plusieurs facteurs interdépendants. La rareté de la pièce, son état de conservation, sa provenance, son authenticité, son intérêt artistique et historique, ainsi que la demande du marché influencent son prix. Une figurine rare et en parfait état aura une valeur beaucoup plus élevée qu'une figurine courante et endommagée.
L'évaluation de la valeur peut s'appuyer sur plusieurs méthodes : la comparaison avec des ventes aux enchères récentes de figurines similaires, la consultation d'experts, l'estimation par des antiquaires spécialisés, ou encore une expertise scientifique approfondie. Il est important de consulter plusieurs sources afin d'obtenir une estimation fiable et objective. La prudence est de rigueur : le marché des antiquités est volatile, et la valeur d'une pièce peut varier considérablement selon les circonstances.
Restauration et Conservation des Figurines en Biscuit
La restauration d'une figurine en biscuit ancien doit être menée avec la plus grande prudence et respect. Le principe fondamental est de préserver l'intégrité de la pièce et de ne pas masquer son histoire. Toute intervention doit être réversible et documentée. L'utilisation de produits et techniques appropriés est essentielle pour éviter d'endommager davantage la figurine.
Les techniques de restauration varient selon l'état de la figurine. Le collage de fragments cassés, le nettoyage délicat des surfaces, le comblement des fissures avec des matériaux compatibles, et la consolidation du biscuit sont des interventions courantes. Les techniques de retouche de la peinture doivent être discrètes et respectueuses de l'esthétique originale. L'utilisation de colles spécifiques, de résines et de pigments adaptés au biscuit est indispensable. Une restauration maladroite peut déprécier considérablement la valeur d'une figurine.
La prévention est essentielle pour préserver l'état des figurines. Un stockage approprié, à l'abri de la lumière, de l'humidité et des variations de température, est crucial. Le maniement délicat des figurines est également important. Un nettoyage régulier, effectué avec précaution, peut contribuer à maintenir leur état de conservation.
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