L'expression "Balance ton porc" a été créée par Sandra Muller le 13 octobre 2017, trouvant sa source dans l'affaire Weinstein, avec l'objectif de combattre le harcèlement sexuel.
Origine et Propagation du Mouvement
Cet automne-là, Sandra Muller, journaliste, poste le tweet : « #balancetonporc !! toi aussi raconte en donnant le nom et les détails d’un harcèlement sexuel que tu as connu dans ton boulot. Je vous attends. » Elle fait ainsi écho aux dénonciations qui ont éclaté autour de Harvey Weinstein, producteur de cinéma, appelé « le porc » à Cannes.
De nombreuses personnes s’approprient Balance ton porc et le hashtag associé pour dénoncer des agressions sexuelles subies. Le mot-dièse #balancetonporc devient viral en France : il est repris 200 000 fois en quelques jours et 930 000 fois en un an.
Le 15 octobre 2017, France 3 consacre une part importante de son 19.20 à l’affaire Harvey Weinstein et à ses retombées. La rédaction de France 3 propose ainsi deux sujets enchaînés, l’un sur l’affaire Weinstein sur le harcèlement sexuel, l’autre sur les répercussions de cette affaire en France. Elle l’a accompagné du message suivant : « Toi aussi raconte en donnant le nom et les détails un harcèlement sexuel que tu as connu dans ton boulot. Je vous attends. »
Elle-même victime d’une agression sexuelle, Sandra Muller, interrogée dans le reportage de France 3, justifie son action : « À un moment donné, il ne faut pas se laisser faire. De fait, le hashtag #balancetonporc a été repris 200 000 fois en quelques jours et plus de 715 000 fois en deux mois.
Par-delà la libération de la parole féminine sur les harcèlements et les agression sexuelles, le mouvement #MeToo, né de l’affaire Weinstein, a plus largement permis de poser la question de la place des femmes et du rapport hommes-femmes.
Le premier homme à avoir été désigné par le #Balancetonporc, Éric Brion, revient sur les mouvements de libération de la parole des femmes. S'il soutient #MeToo, qui a démarré aux États-Unis avec les accusations de viol contre le producteur américain Harvey Weinstein, il est beaucoup plus critique vis-à-vis de #Balancetonporc. Lancé le 13 octobre 2017 par la journaliste française Sandra Muller, il s'agit, selon lui, d'un « mensonge ».
Enjeux et Réflexions Masculines
Au-delà du simple constat, d'autres commentateurs en viennent à s'interroger sur la réaction à adopter face à ce déferlement d'exemples de harcèlement et d'agressions. «Du coup, que faire?», interroge un twittos, se demandant s'il faut «nous changer nous-mêmes?»
Contacté par Le Figaro, ce trentenaire qui travaille dans l'informatique - «un secteur très misogyne» - explique réfléchir de longue date à son attitude vis-à-vis des femmes. «Des comportements m'ont donné honte de moi», confie-t-il, évoquant une soirée lors de laquelle il a «imposé une proximité physique qui n'était pas désirée» à une personne qu'il connaissait. L'alcool a sans doute aidé, mais «ce n'est pas une excuse».
«Ce hashtag a légèrement changé ma perception», admet-il toutefois au sujet de #balancetonporc. «La variété des situations, l'énormité des attitudes dénoncées vont à l'encontre de ce que je préférerais penser: il n'y en a pas tant que ça.» De quoi le pousser à remettre en cause ses «réactions a minima» lorsque, en soirée, lui et d'autres amis ont pu observer un invité beaucoup trop insistant vis-à-vis d'une invitée.
Une question cruciale revient dans plusieurs messages: comment ne pas rester spectateur, sans pour autant voler la parole aux femmes? Un homme sollicité a d'ailleurs refusé de nous répondre, afin de ne pas prendre leur place dans les médias sur ce sujet.
«On peut soutenir mais jamais mener le combat à la place», relève un internaute. «Le hashtag confirme ce que je sais déjà sur le caractère lubrique», explique ce même internaute au Figaro. «Ce qui m'étonne, c'est plus la dimension de domination, d'humiliation. On voit souvent que le “porc” use de son statut, menace, rabaisse, use de force. Ça, je ne pensais pas que c'était si répandu.»
Il envisage d'ailleurs de se rapprocher d'associations féministes impliquant des hommes. «Je pense qu'il faut davantage écouter et être moins sûr de soi, sur que faire et comment le faire. Il est facile de dire yakafokon quand on n'est pas victime.» Et de résumer: «Combattre à côté de, c'est prêter une oreille pour entendre, une épaule pour aider à traverser, de la voix pour dénoncer en choeur.
Le fait que les hommes puissent s'emparer du sujet apparaît de plus en plus comme l'un des enjeux de la lutte contre le harcèlement sexuel. «Les hommes peuvent se conforter dans l'idée que ça n'existe pas, car ils ne sont pas victimes de manière massive. C'est donc important de se soucier de ce qu'ils peuvent faire. C'est très sain, car cela leur évite de réagir d'une mauvaise manière.»
Aspects Juridiques et Controverses
Initialement, Sandra Muller initie une action via son avocat pour empêcher l’enregistrement d’une telle marque, car son but est de protéger l’esprit du mouvement. Elle souhaite en effet conserver cette expression. Son objectif est également de protéger l’esprit du mouvement. De plus, avec son association We Work Safe, elle combat les violences sexuelles, en défendant les femmes victimes. Il n’y a par conséquent aucune visée commerciale sous cette expression.
En outre, We Work Safe, l’association créée par Sandra Muller, annonçait avoir déposé une marque. Or, la marque « #balancetonporc » a bien été déposée, le 23 mars 2018, au nom de… Sandra Muller, et non de l’association. Elle considère que les administrateurs ne respectent pas l’esprit de Balance ton porc, car ils demandent que les agresseurs présumés ne soient pas nommés. Elle leur fait donc part de son désaccord.
Les noms de domaine balancetonporc.fr et balancetonporc.com posent aussi problème à Sandra Muller. Elle regrette en effet que ces sites diffusent des témoignages anonymes. Toutefois, avec un dépôt de marque postérieur au premier usage de ces noms de domaine, il est peu probable qu’elle ait un moyen d’action à l’encontre de ces sites.
La question de la protection des hashtags par le droit des marques se heurte à la nature même de ces expressions, qui sont faites pour être utilisées massivement sur Internet pour faire référence au même sujet. Rappelons que le dépôt d’une marque permet d’obtenir un monopole d’exploitation sur un nom ou sur une expression, et que son utilisation au quotidien dans le langage courant peut entraîner sa dégénérescence. Une telle marque est donc très difficile à défendre, ce qui retire une grande partie de son intérêt.
En l’espèce, le 13 octobre 2017, la journaliste française Sandra M. « Tu as de gros seins. Tu es mon type de femme. Suite à cette publication et à sa médiatisation, Monsieur B. a assigné Madame M. Le 25 septembre 2019, le Tribunal de grande instance de Paris a retenu le caractère diffamatoire des propos tenus par Madame M., mais a écarté l’exception de vérité, en l’absence de jugement pénal définitif condamnation Monsieur B. En conséquence, Madame M. et la société d’édition ont été solidairement condamnées au paiement d’une somme de 15.000,00 € de dommages-intérêts au bénéfice de Monsieur B.
Le 31 mars 2021, la Cour d’appel a retenu le caractère diffamatoire des propos de Madame M., et le bénéfice de la bonne foi. Par ailleurs, la Cour conclut que le prononcé d’une condamnation à l’encontre de Madame M. En conséquence, la Cour d’appel a infirmé la décision rendue par le tribunal en toutes ses dispositions et a débouté Monsieur B.
En France, la diffamation est une allégation ou l'imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur et à la considération d'une personne. L’exception de vérité consiste, pour la personne accusée de diffamation, de prouver la véracité des faits allégués.
Concernant le caractère diffamatoire des propos, la Cour d’appel retient que Madame M. a allégué un fait de harcèlement sexuel (au sens commun) qui, même s’il n’est pas pénalement répréhensible à la date du tweet, reste contraire aux règles morales admises de la société.
Aussi, la Cour retient que les propos de Madame M. s’inscrivent dans un débat d’intérêt général, à savoir celui de la libéralisation de la parole des femmes victimes d’agressions ou de harcèlement sexuel. Ce mouvement avait, d’ailleurs, débuté quelques jours plus tôt avec l’affaire W., entraînant la publication de nombreux articles et dénonciations médiatisées dans le monde.
Ainsi, la Cour d’appel a fait preuve d’une certaine flexibilité dans son appréciation, permettant d’attester l’existence d’une base factuelle suffisante pour fonder les propos de Madame M., a posteriori. Par exemple, des déclarations de Monsieur B. Par cette décision, la Cour d’appel semble prendre en considération les circonstances in concreto dans lesquelles des propos ont pu être tenus, pour fixer son degré d’exigence relatif à la base de faits sérieux étayant les propos jugés diffamatoires.
La Cour de cassation s'est prononcée, le 11 mai 2022, sur deux affaires emblématiques du mouvement #Metoo et #Balancetonporc dans lesquelles deux femmes accusaient respectivement l'ancien patron de la chaîne Equidia et un ancien ministre de harcèlement et d'agression sexuelle. La première chambre civile a jugé que les propos étaient diffamatoires mais qu'ils s'inscrivaient « dans un débat général consécutif à la libération de la parole des femmes ». Elle a accordé aux deux femmes le bénéfice de la bonne foi et a rejeté les pourvois formés.
Elle publie dans un second tweet le message suivant de l'ancien PDG d'Equidia : « Tu as des gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit #balancetonporc ». C'est le lancement du hashtag #balancetonporc qui rencontrera un immense succès sur les réseaux sociaux. En première instance, elle est condamnée pour diffamation. Mais la cour d'appel de Paris juge, en 2021, que si les propos tenus par la journaliste constituent effectivement une diffamation, elle devait pouvoir bénéficier de l'excuse de bonne foi.
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