Sorti en 2018 sur l’album Brol d’Angèle, cette chanson est un hymne féministe. Pour beaucoup, le morceau Balance ton quoi est devenu un hymne féministe, chanté aussi bien en manifestation qu’en soirée.
Un contexte engagé
Il fait référence au mouvement #BalanceTonPorc, lancé sur les réseaux sociaux pour dénoncer le sexisme et les violences faites aux femmes à la suite de l’affaire Weinstein. Angèle a su profiter de cette vague de soulèvements féminins pour imposer une chanson extrêmement habile et parlante. À la fois engagé, drôle et résolument féministe, la chanson « Balance ton quoi » d’Angèle fait le procès du sexisme ordinaire à l’heure de la génération MeToo.
Les paroles engagées
Très engagée dans la cause de l’égalité des sexes, Angèle met en lumière les injustices et les incompréhensions dont sont parfois victimes les femmes. Dans le premier couplet, elle dénonce le caractère presque animal et primitif de ce mode de pensé misogyne « Ils parlent tous comme des animaux, De toutes les chattes ça parle mal, 2018 j’sais pas c’qui t’faut, Mais je suis plus qu’un animal ». Elle pointe également du doigt le rap qui rabaisse les femmes pour appeler au changement « j’ai vu qu’le rap est à la mode, et qu’il marche mieux quand il est sale, Bah faudrait p’t’être casser les codes ».
Dans cette chanson, Angèle fait également référence à plusieurs stéréotypes, comme celui de la femme laide mais drôle, belle mais bête. Elle dénonce ceux qui supposent qu’une femme ne peut pas réussir grâce à son talent, et que son succès serait grâce à son frère ou à ses parents. Dans Balance ton quoi, Angèle déplore également le manque de franc parlé des médias sur les thématiques d’égalité « Ouais j’passerai pas à la radio, Parce que mes mots sont pas très beaux (…) Oais j’s’rais polie pour la télé ».
Une chanson qui résonne avec une expérience plutôt désagréable qu’a eue Angèle dans sa propre vie : « C’était dans le métro que je l’ai écrite et que j’ai écrit cette phrase. Je m’étais fait mal parler par un mec, et j’ai eu un petit sentiment de haine et d’envie de justice. »
Un clip à messages cachés
Pour le clip, pour lequel elle a fait appel à Charlotte Abramow et Ophélie Secq, Angèle a décidé de glisser plusieurs messages. Dans les premières images, la chanteuse est déguisée en juge, dans un tribunal, face à des accusés qui défilent. Des personnes très différentes pour illustrer le sexisme infiltré parmi tous les âges et dans toutes les couches sociaux-économiques de la société. Le magistrat à la droite d’Angèle est endormi, symbole d’une justice trop lente dans les affaires de sexisme et harcèlement sexuel. Le greffier à sa gauche, qui est supposé prendre note des procès, écrit une liste sans fin de « Bla-Bla-Bla », un message pour pointer du doigt le manque de reconnaissance et d’importance accordé à ces affaires.
Dans cette vidéo, tout y passe ! Angèle dénonce aussi bien les dictâtes de l’épilation féminine, le harcèlement dans les transports ou au travail, la non-liberté vestimentaire dont sont victimes certaines femmes, les inégalités salariales et les violences obstétriques.
La décision du juge Angèle tombe alors : un séjour à l’anti-sexisme academy. Sur la devanture de l’établissement on peut y lire « Welcome Everyone ». Tout le monde est donc bienvenue, et pour la chanteuse le changement devrait donc venir de l’éducation. Deux jeunes femmes attendent les futurs pensionnaires au portail afin de parfaire leur éducation avec communication et de l’empathie.
Dans l’enceinte du château de Seine-et-Marne, Angèle délivre des leçons d’égalité et de respect homme-femme, et rappel à Pierre Niney que : non c’est non, et ce sera toujours non tant qu’une femme n’a pas dit oui. L’acteur se glisse dans le personnage sexiste, rabaissant une femme dès qu’elle souhaite prendre la parole, dénonçant ainsi les travers dont elles sont victimes au quotidien.
Dans une séquence, plusieurs types de sous-vêtements sont exposés au tableau, en titre on peut lire « Ceci n’est pas un consentement » et en dessous de chacun d’entre eux est inscrit le mot « respect ». Une séquence dénonciatrice, en référence à une jeune femme jugée consentante en Irlande parce qu’elle portait un string.
Angèle et ses collaboratrices ont pensé à tout, dans les moindres détails. Les vêtements de l’anti-sexisme academy, portés dans le clip, ont été créés par la marque féministe « Meuf Paris ». Une collection qui a ensuite été déclinée pour la vente et dont les bénéfices ont été reversés à deux associations féministes.
Un succès et une remise en question
Véritable succès commercial, « Balance ton quoi » va atteindre la première place des charts en France, en Suisse romande et en Wallonie, et devient par la même occasion l’hymne féministe de la nouvelle génération pour qui l’éducation est la meilleure manière de lutter contre le sexisme. Angèle ne s’attendait certainement pas à ce que son album "Brol", qui signifie "le désordre", obtienne un tel succès.
La chanteuse belge est revenue sur les paroles de son tube sorti en 2019. Un mot en particulier avait créé la polémique… avant d’être détournée par des supporters de football. Dans une interview pour le magazine Vogue France dont elle fait la couverture en février, la chanteuse est revenue sur une expression qu’elle suggère dans le refrain et qui avait marqué les esprits : « Laisse-moi te chanter d’aller te faire en… hmm » Cette référence à l’insulte homophobe « Va te faire enculer » a pu en choquer certains, le lui fait remarquer le journaliste. « C’était mon but, d’intégrer un cliché homophobe ! », a rétorqué Angèle, « car je m’adressais à un misogyne - qui dans ma définition, est forcément homophobe ».
Face à ces réactions, Angèle admet qu’aujourd’hui, elle « n’écrirait plus ça ». « À l’époque, c’était insouciant, je n’avais pas la notoriété pour me poser ces questions », justifie-t-elle dans l’interview. Désormais, la chanteuse se montre plus prudente dans ses paroles comme dans ses interviews, ce qui ne l’empêche pas de continuer son combat contre la misogynie et l’homophobie.
L'impact durable de la chanson
Il y a des chansons qui deviennent parfois le symbole d’une époque. C’est le cas de Balance ton quoi, d’Angèle. La jeune Belge ignore, quand elle imagine son texte, qu’il va devenir bien plus aux yeux de toute la société."J'ai écrit cette chanson dans le tram, j'avais subi une remarque pas très agréable d'un mec. [C'était] quelques mois après 'Balance ton porc', après les débuts de cette révolution féministe. J'ai des images de moi dans mon petit appartement à Bruxelles, en train d'écrire cette chanson. Quelques mois plus tard encore, je voyais des gens manifester en chantant cette chanson", se souvient la chanteuse.
"J'ai encore aujourd'hui des mamans et des papas qui me remercient. Et qui sont contents de la faire écouter à leurs enfants et de pouvoir l'expliquer avec leurs mots. Et de pouvoir un peu raconter ce que ça veut dire et ce que cette chanson raconte, et pourquoi il faut faire attention à ce sujet".
Quelques années plus tard, le titre a une place à part dans le cœur de la chanteuse."Je suis fière de faire partie des gens qui peuvent porter le message. Parce que je suis connue et qu'on m'écoute.
Angèle a toujours accompagné ses singles de clips à l’univers visuel fort. Elle exprime entièrement son projet artistique avec les images et maîtrise son sujet. Alors qu’elle jouait déjà de son image dans le clip de son titre "Tout oublier" avec son frère Roméo Elvis, elle utilise à nouveau l’humour et le second degré dans le clip de "Balance ton quoi" alors que le sujet abordé n’est, lui, pas léger. Elle met en scène le sexisme aujourd’hui, montrant qu’il n’a pas d’âge, de religion ou de milieu social. Pour cela, elle joue entre autres tous les rôles dans un tribunal fictif, une fois victime, une fois coupable et exprime tous les visages de ce fléau.
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