L'avenir du tatouage : de l'esthétique à la surveillance médicale

Vous aimez les tatouages ? Recherché aujourd’hui pour son esthétique, le tatouage pourrait avoir demain un intérêt médical.

Des tatouages qui révèlent votre état de santé

En apparence, ce sont de banals tatouages, mais ceux-là pourraient vous sauver la vie. Comment ? En observant les changements de couleur du tatouage.

Une équipe de huit chercheurs allemands a mis au point une méthode encore au stade expérimental : des tatouages qui se colorent en fonction du taux de différents indicateurs de santé dans votre sang.

"C'est un concept tout à fait nouveau", assure Ali Yetisen, l'un des chercheurs de l'équipe, à franceinfo.

L'idée ? Permettre de mieux accompagner les individus malades qui ont besoin de vérifier très régulièrement le niveau de certaines substances dans leur corps.

C'est le cas des personnes diabétiques, par exemple, qui doivent contrôler parfois quotidiennement leur taux de glucose (sucre) dans le sang.

L'encre bio-sensible : une révolution dans le monde du tatouage

Les scientifiques ont mis au point une encre bio-sensible qui, au contact du liquide interstitiel, passe d’un vert sombre à un vert éclatant en cas d’une concentration de sodium en hausse, signe de déshydratation.

Le tatouage repose sur des biocapteurs colorimétriques qui détectent l'activité biologique et provoquent un changement de couleur corrélé à un taux de métabolite dans le sang, autrement dit un composant organique comme le glucose.

Il est par exemple possible de mesurer le taux de glucose avec une encre qui passe d’un bleu / vert à un marron très net lorsque la glycémie atteint des seuils élevés, ou encore de visualiser l’équilibre acido-basique de l’organisme (l’acide tire vers le violet, le basique tire vers le rose).

L'encre utilisée pour faire le tatouage est injectée jusque dans le derme de la peau, autour des veines, dans lesquelles coule le sang.

Dermal Abyss : l'encre du futur

L’idée, à terme, serait de pouvoir intégrer cette encre, baptisée Dermal Abyss, dans des tatouages permanents, dans des tatouages temporaires ou même des tatouages invisibles à l’oeil nu mais qu’une lumière spéciale pourrait révéler. Bien entendu, avec l’accord de celui ou celle qui se fait tatouer.

Ali Yetisen et Nang Jian ont développé Dermal Abyss, une encre embarquant des composés biosensibles changeant de couleur en fonction de la composition chimique du liquide interstitiel, qui remplit tous les espaces entre les cellules et les capillaires sanguins.

Grâce à elles, plus besoin d’appareil électronique qu’il ne faut pas oublier, qu’il faut charger et mettre à jour, ni de smartphone pour lire les données, tout est dans la peau. Grâce à ces encres, qui pourraient tout à fait être intégrées à la composition d’un tatouage classique, un diabétique pourrait gérer sa glycémie d’un coup d’œil et un sportif saurait quand il commence à se déshydrater par exemple.

D’après les chercheurs, on pourrait imaginer de nombreux autres usages pour ces encres, même si elles ont encore besoin d’être stabilisées pour ne pas s’affadir ou se diffuser au-delà du tatouage.

Ces encres peuvent également être rendues invisibles à l’oeil nu et ne se révéler que sous une lumière particulière.

Tests et défis à venir

Pour l'instant, l'expérience a été menée sur de la peau de porc et il faudra attendre que d'autres tests sur des animaux aient été réalisés avant de passer aux humains.

Encore en phase de test, ils ont pour l’instant conçu trois encres différentes qu’ils ont testées sur de la peau de porc, assez semblable à la peau humaine, comme le montre la vidéo ci-dessus. La première passe du bleu au marron lorsque le taux de sucre augmente dans le liquide interstitiel.

"Nous sommes aussi en contact avec des institutions aux Etats-Unis et en Allemagne pour développer le projet", ajoute Ali Yetisen.

Selon les chercheurs, il serait possible de se faire tatouer chez des professionnels du tatouage ou directement à l'hôpital. Les auteurs de l'étude prévoient également le développement d'une application pour analyser plus précisément, via notre smartphone, la colorimétrie du tatouage.

Tout cela reste théorique : en pratique, les membres du projet ont admis à Phys que des obstacles doivent encore être franchis avant d’effleurer l’idée de faire de cette encre un nouveau dispositif médical. Mais l’idée est, selon eux, potentiellement plus pertinente que des accessoires connectés faisant la même chose. En effet, avec une telle encre, il n’est pas nécessaire de porter une montre ou un bracelet high-tech pour suivre son état de santé - en tout cas, pour suivre les taux donnés en exemple.

Ces encres sont encore loin de la commercialisation ont ajouté les chercheurs, qui ont précisé avoir surtout voulu ouvrir un nouveau champ de réflexion sur la symbiose entre l’être humain et des technologies.

Questions éthiques

Mais, de l'aveu même d'Ali Yetisen, cet outil pose des problèmes éthiques. "Que deviendront les données stockées sur l'application ? Est-ce que les compagnies d'assurance pourront mettre la main dessus ?", s'interroge le scientifique.

Il existe en Europe des lois comme le récent RGPD. Mais il faudra "accentuer la garantie, pour les patients, que leurs données ne soient pas vendues.

Reste qu’il faudra également évoquer la question éthique que pose ces encres, puisqu’elles rendront des informations médicales visibles de tous.

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