La diarrhée chronique est un symptôme fréquent, dont la cause peut être complexe à identifier. Le terme de diarrhée provient du grec diarrhoia (διάρροια) qui signifie « écoulement » ou « flux de ventre ». Il s’agit d’un nom singulier ; on parle d’une diarrhée faite de plusieurs selles. On parle de diarrhée chronique lorsqu’elle dure depuis au moins quatre semaines. Les causes sont variées, allant d’une simple origine fonctionnelle à une pathologie sous-jacente plus sérieuse nécessitant une prise en charge spécifique.
La diarrhée est définie par une émission de selles trop fréquentes et/ou trop abondantes. Une diarrhée est classiquement définie par un poids de selles supérieure à la norme : plus de 300 g/j. Cette définition est, en pratique, difficile à utiliser. La diarrhée aiguë est, dans la plupart des cas, d’origine infectieuse. Il convient dans un premier temps d’évaluer son retentissement, d’éliminer des éléments de gravité (âges extrêmes, immunodépression, signes de déshydratation, sang dans les selles, diarrhée persistante sous traitement symptomatique) et de définir le contexte (retour de voyage, suspicion de toxi-infection alimentaire collective).
Diagnostics Différentiels de la Diarrhée
Il convient tout d’abord de s’entendre clairement sur les symptômes dont souffre le patient. Une modification du transit à type de diarrhée répond à une définition particulière évoquée précédemment. Certaines modifications du transit ne sont pas à proprement parler de la diarrhée, leurs causes sont différentes. Les diagnostics différentiels suivants sont à évoquer (liste non exhaustive) :
- Selles molles : une modification de la consistance des selles n’est pas toujours associée à de la diarrhée. Une selle molle par jour ne correspond pas une diarrhée. En effet, la consistance des selles peut être affectée par plusieurs facteurs, notamment l’alimentation. L’échelle de Bristol permet de l’évaluer. Lorsqu’un patient consulte pour une modification de la consistance de ses selles, il est nécessaire d’évaluer plus en détail les symptômes associés avant de se montrer rassurant ;
- Fausse diarrhée du constipé : la constitution d’un fécalome ou d’un amas de selles dures dans le côlon d’un patient peut aboutir à des émissions de pertes liquides quotidiennes en aval de l’obstacle, semblables à des selles. Le profil typique est celui du patient âgé, grabataire institutionnalisé ou sous traitements ralentissant le transit (morphiniques) aboutissant à la constitution de ces selles dures. L’interrogatoire et le toucher rectal permettent le diagnostic ;
- Syndrome rectal : le rectum est physiologiquement vide de toute selle en dehors de la phase de défécation. Le syndrome rectal est le reflet clinique de la sensation de rectum plein, ressentie par le patient en présence d’une lésion intrarectale (tumeur) ou d’une inflammation de la muqueuse rectale (rectite). Il se caractérise par des rectorragies, des faux besoins, des épreintes et des ténesmes.
L’apparition d’une diarrhée chronique doit faire rechercher à l’interrogatoire et à l’examen clinique des signes d’alarme suggérant une diarrhée lésionnelle, nécessitant la réalisation rapide d’une coloscopie totale afin d’éliminer un cancer colorectal.
Types de Diarrhée Chronique
L’interrogatoire est une étape essentielle dans la démarche diagnostique étiologique face à une diarrhée chronique. L’objectif est de rechercher les signes de gravité ou d’alarme, d’éliminer les causes évidentes et d’avancer vers le diagnostic. L’interrogatoire peut permettre de s’orienter vers un mécanisme physiopathologique de diarrhée chronique et vers les causes qui en découlent. On distingue différents types de diarrhée : motrice, par malabsorption, osmotique, sécrétoire, entéropathie exsudative. Cette description des différents mécanismes de diarrhée est schématique, et plusieurs mécanismes peuvent coexister chez un même patient. De même, il n’est pas exceptionnel qu’aucun élément d’orientation évident ne soit identifié et qu’aucune cause ne soit suspectée.
- Diarrhée motrice : Une diarrhée motrice se caractérise par des selles post-prandiales et impérieuses. Une caractéristique fréquente de ce type de diarrhée est la présence de débris alimentaires intacts dans les selles. Elle cède au jeûne ou à la prise de ralentisseurs du transit. Le test au rouge carmin, lorsqu’il est réalisé, met souvent en évidence un transit de moins de huit heures. Les causes principales de diarrhée motrice sont l’hyperthyroïdie et le syndrome de l’intestin irritable (SII).
- Diarrhée par malabsorption : La diarrhée par malabsorption se caractérise par des selles volumineuses, graisseuses, dites « en bouse de vache », persistantes malgré plusieurs tirages de chasse. Elles sont souvent associées à une altération de l’état général et à des carences vitaminiques. Chez l’enfant, un retard de croissance peut y être associé. Au-delà de l’interrogatoire, le diagnostic syndromique peut se poser sur l’existence d’une stéatorrhée avec plus de 7 grammes de graisse par gramme de selle.
- Diarrhée osmotique : La diarrhée osmotique est la conséquence de la présence dans la lumière du tube digestif de substances osmotiquement actives. Il s’agit d’une diarrhée hydrique, brève, cédant lors de l’arrêt de l’apport de la substance causale. La maladie des laxatifs, la consommation exagérée de sucreries ou l’intolérance au lactose en sont des causes fréquentes.
- Diarrhée sécrétoire : La diarrhée sécrétoire est le résultat de l’augmentation anormale des sécrétions digestives. Elle se manifeste par une diarrhée hydrique, abondante, résistante au jeûne. Elle aboutit classiquement à une fuite de bicarbonates dans les selles et à une hypokaliémie systémique. Les causes les plus fréquentes sont les colites microscopiques, les parasitoses digestives ou, plus rarement, les tumeurs endocrines.
- Entéropathie exsudative : L’entéropathie exsudative est rare, et même exceptionnelle dans sa forme primitive qu’est la maladie de Waldmann. Elle se caractérise cliniquement par des œdèmes, une dénutrition, voire un tableau d’anasarque. Biologiquement, on note fréquemment une hypoalbuminémie, une hypogammaglobulinémie ainsi qu’une lymphopénie. Elle se diagnostique par une élévation de la clairance de l’alpha- 1 -antitrypsine ainsi que des explorations endoscopiques.
Maladie de Waldmann : Une Entéropathie Exsudative Rare
La maladie de Waldmann est une forme rare d'entéropathie exsudative caractérisée par une perte excessive de protéines dans le tube digestif. Cette condition peut entraîner des œdèmes, une dénutrition et, dans les cas graves, un anasarque. La maladie de Waldmann, également connue sous le nom de lymphangiectasie intestinale primitive (LIP), est souvent diagnostiquée chez les jeunes enfants, mais peut également être détectée chez les adultes présentant peu de symptômes.
Diagnostic de la Maladie de Waldmann
Le diagnostic de la LIP est confirmé par endoscopie révélant des vaisseaux chylifères dilatés, et par histologie de la biopsie intestinale correspondante. L'endoscopie par vidéocapsule peut être utile pour visualiser la lymphangiectasie intestinale (localisation, étendue) lorsque les données de l'endoscopie ne sont pas concluantes. L'entéropathie exsudative est confirmée par une clairance élevée de l'alpha-1-antitrypsin dans les selles en 24 heures.
Recommandations Alimentaires et Traitement
Un régime pauvre en graisses associé à une supplémentation en triglycérides à chaîne moyenne constitue la pierre angulaire de la prise en charge médicale de la LIP. L'absence de graisse dans le régime alimentaire empêche l'engorgement des vaisseaux lymphatiques intestinaux par le chyle, évitant ainsi leur rupture et la perte de lymphe qui s'ensuit. Les triglycérides à chaîne moyenne sont absorbés directement dans la circulation veineuse portale et empêchent la surcharge des vaisseaux chylifères. Le besoin de contrôler le régime alimentaire semble permanent car les signes cliniques et biochimiques réapparaissent après l'arrêt du régime faible en graisses.
Traitement | Description |
---|---|
Régime pauvre en graisses | Diminue l'engorgement des vaisseaux lymphatiques. |
Supplémentation en triglycérides à chaîne moyenne | Absorbés directement, évitant la surcharge des vaisseaux chylifères. |
Octréotide | S'est avérée efficace chez certains patients. |
Résection chirurgicale | Utile dans les rares cas de lymphangiectasie segmentaire et localisée. |
Autres Options de Traitement
- La perfusion d'albumine est un traitement symptomatique proposé aux patients présentant un épanchement séreux important ou un œdème des membres inférieurs provoquant une gêne.
- Une supplémentation répétée en vitamines liposolubles est nécessaire, en particulier en vitamine D.
Pronostic
Le pronostic est variable. La LIP peut être asymptomatique ou légèrement symptomatique dans les formes modérées de la maladie ou chez les patients qui suivent un régime pauvre en graisses. L'évolution de la LIP peut être défavorable et même mettre en jeu le pronostic vital en cas de survenue spontanée d'effusion(s) séreuse(s) volumineuse(s) (pleurale, péricardique), après l'arrêt du régime pauvre en graisses, ou en cas de complication maligne.
Examens Complémentaires et Prise en Charge
La pesée et l’examen abdominopelvien sont les premiers gestes cliniques à effectuer. Il est également indispensable de contrôler les téguments et la cavité buccale, la loge thyroïdienne et les aires ganglionnaires périphériques. La coproculture n’est pas recommandée dans le bilan de première intention en cas de diarrhée chronique car une infection bactérienne est plutôt responsable d’une diarrhée aiguë. Le fécalogramme n’est pas systématique et correspond à une analyse de seconde intention. Il est techniquement difficile à réaliser, avec un recueil de toutes les selles de trois jours consécutifs avec surcharge en beurre d’au moins 60 g/j.
L’endoscopie œsogastroduodénale et l’iléocoloscopie sont systématiques en cas de diarrhée chronique sans cause évidente. Le prise en charge thérapeutique dépend de la cause. Un traitement symptomatique sans enquête étiologique ne relève pas d’une bonne pratique médicale.
Traitements Médicaux de la Diarrhée
Les trois principaux traitements médicaux de la diarrhée sont :
- Les ralentisseurs du transit comme le lopéramide, agoniste opioïde. Ils sont contre-indiqués en cas de suspicion de diarrhée bactérienne. C’est le traitement de référence de la diarrhée motrice ;
- Les antisécrétoires comme le racécadotril. Ils n’ont pas d’effet sur la motricité intestinale ;
- La diosmectite, argile adsorbant l’eau retenue à la surface muqueuse.
TAG: