Le lucane cerf-volant (Lucanus cervus) est un coléoptère noir de grande taille de la famille des Lucanidae. Présent en forêt, ce scarabée volant aux puissantes mandibules de la sous-famille des Lucaninae est de moins en moins commun. Sa taille et son aspect en font un invertébré hors norme dans le monde des entomologistes français.
Le bois mort en forêt constitue une ressource essentielle pour toute une communauté d’insectes qui s’en nourrissent dont de nombreuses espèces de coléoptères ; ils forment ce qu’on appelle la communauté saproxylique qui contribue à la décomposition de ce bois mort (avec des champignons, des bactéries, ..) et représentent une part essentielle de la biodiversité forestière.
Pour communiquer plus efficacement auprès du grand public afin de sensibiliser à cet aspect méconnu du fonctionnement des forêts, on a choisi au niveau européen une espèce emblématique de la communauté saproxylique : le lucane cerf-volant ; en faisant la promotion de la conservation cette espèce, on protège indirectement tout l’écosystème associé au bois mort. Le lucane associe plusieurs traits propices à en faire un bon porte-étendard médiatique : grande taille, aspect extraordinaire avec les mandibules démesurées et longue histoire culturelle qui en fait une espèce connue au moins littérairement et picturalement.
Dimorphisme Sexuel et Identification
Le trait le plus frappant du lucane cerf-volant concerne évidemment la forte différence entre les deux sexes (dimorphisme sexuel) : les mâles arborent leurs mandibules développées en « bois de cerfs » alors que chez les femelles celles-ci ont la forme classique de pinces ; la taille moyenne des mâles dépasse nettement celle des femelles surnommées biches en langage populaire : 5 à 8cm de long pour les mâles versus 5cm maximum pour les femelles (mais il existe de très fortes variations de taille).
Pour le reste, on notera la tête sombre très dure et puissante qui porte une paire d’antennes coudées terminées en massue formées de 4 ou 5 articles aplatis en peigne (antennes pectinicornes) : ce trait caractérise la super-famille des Scarabéoïdés dans laquelle se place la famille des Lucanidés.
Attention à ne pas confondre les femelles, les biches donc, avec une autre espèce de lucanidé, bien plus commune, plus petite, surnommée la petite biche (Dorcus parallelipedus) chez laquelle il n’y a pas ce dimorphisme sexuel exagéré : le mâle un peu plus grand a des mandibules un peu plus longues denticulées.
Voilà un exemple frappant de fort dimorphisme sexuel caractérisé par une différence de taille entre le mâle et la femelle. L’autre élément marquant concerne les grosses mandibules du mâle, des sortes de grosses cornes destinées à affronter les autres mâles. Donc, revenons aux différences d’aspects ! Le mâle atteint une longueur comprise entre 35 mm et 85 mm pour les plus grands. La femelle plus discrète mesure de 20 mm à 50 mm. L’abdomen des 2 sexes est noir et le thorax est de couleur acajou.
Cet invertébré possède un solide exosquelette qui le protège comme une carapace contre les chocs liés au combat ou lors d’une chute d’un arbre. Les élytres rigides du lucane cerf-volant recouvrent une paire d’ailes transparentes. Dans cette famille précisément, le mâle s’appelle bien lucane cerf-volant.
Alimentation des Adultes
Comme chez la majorité des insectes à métamorphoses complètes, l’alimentation des adultes diffère radicalement de celle des larves ce qui évite la compétition alimentaire entre ces deux phases du cycle de vie.
Les lucanes adultes, mâles et femelles, se nourrissent exclusivement de liquides sucrés qu’ils « lèchent » avec une sorte de langue longue et plumeuse située entre les mandibules. En milieu forestier, ils cherchent activement les suintements de sève sur les vieux chênes ou châtaigniers, flux plus ou moins périodiques ou liés à des blessures ou des attaques de parasites.
Les femelles peuvent d’ailleurs élargir la blessure ou le point découlement pour le renforcer vu qu’elles ont conservé des mandibules fonctionnelles. La sève qui s’écoule fermente rapidement grâce à l’action de bactéries et levures ce qui dégage des odeurs attractives.
Hors des forêts, les lucanes recherchent aussi les fruits juteux bien mûrs et un peu fermentés ; dans le Kent anglais, on le surnomme d’ailleurs « cherry-eater » (mangeur de cerises).
A cause de ses grandes mandibules, le mâle ne peut prendre aucune nourriture, il absorbe des aliments liquides tels que la sève et autres exsudats à l'aide de ses autres pièces buccales transformées en organe lécheur.
Les insectes adultes, c’est-à-dire les coléoptères formés et capables de voler, se nourrissent de la sève d’arbres malades ou blessés.
Cycle de Vie et Alimentation des Larves
Les femelles, dès leur éclosion, effectuent un court vol exploratoire avant de se poser et de chercher tout en marchant un site de ponte adéquat : du bois en cours de décomposition qui servira de substrat pour nourrir les futures larves. Les accouplements ont lieu souvent sur les sites d’écoulements de sève mentionnés ci-dessus qui attirent les adultes de loin.
Une fois fécondée, la femelle s’enfonce dans le bois mort choisi pour y pondre souvent suivie par un mâle qui s’accouple de nouveau ; elle choisit des racines d’arbres dépérissant, des souches vermoulues, le terreau décomposé au cœur de vieux tronc vermoulus, des troncs morts sur pied, … La femelle peut descendre jusqu’à 75cm de profondeur dans la terre pour atteindre les racines pourrissantes, son site de ponte préféré. Là, elle dépose ses œufs presque ronds de 2mm de diamètre.
Les œufs éclosent et donnent naissance à des larves du type « ver blanc » comme celles des hannetons ou des cétoines bien connues dans les tas de compost : un gros corps boudiné blanchâtre, une tête dure et brune avec des puissantes mandibules capables de découper le bois et trois paires de pattes peu développées. Le développement larvaire est particulièrement long : en moyenne trois à six ans mais parfois jusqu’à huit ans ; ce long développement s’explique par le faible pouvoir nutritif du bois mort et encore plus s’il est sec.
La larve grandit au cours de trois mues (peut-être cinq dans certaines populations mais les données restent incertaines) espacées pour atteindre la taille d’un gros doigt avec une longueur de dix centimètres. Arrivées à la taille maximale au troisième stade (celui qui dure le plus longtemps), elles quittent le bois pour s’enfoncer dans le sol et se ménagent une grosse loge aux parois lisses dans laquelle elles tissent une sorte de cocon avec des débris de bois.
Les larves consomment le bois mort des espèces d’arbres feuillus suivants, chêne, châtaignier, peuplier, aulne, frêne, tilleul.
Le développement larvaire est relativement long. En effet, la larve du lucane cerf-volant peut rester sous cette forme pendant trois à six ans jusqu’à atteindre 6 cm à 10 cm de long. Exclusivement saproxylophage, la larve ne se nourrit que de bois mort en état de pourrissement.
Par contre, la larve est saproxylophage, elle se nourrit de bois mort et décompose les racines des vieilles souches de feuillus, avec une préférence pour les chênes.
Vu la taille de la bestiole, on se doute que la croissance de la larve basée sur une alimentation en bois doit durer un bon moment. Le ver passera 3 stades larvaires avant sa maturité.
Habitat et Répartition
Lucanus cervus fréquente les habitats forestiers, bosquets ou vergers.
Le lucane cerf-volant est présent partout en France et dans toute l’Europe, mais son abondance est variable.
Le Lucane Cerf-volant est présent partout en France et dans toute l’Europe, mais son abondance est variable. Le nombre d’observations fiables est toutefois trop faible pour dresser une carte précise de la répartition de cet insecte.
L’habitat du lucane cerf-volant se concentre essentiellement dans les forêts, les parcs et les grands espaces boisés, ainsi que dans les haies, les bosquets d’arbustes et les tas de bois de chauffage stockés près des maisons, notamment lorsque les bûches sont entassées depuis longtemps.
Menaces et Conservation
Aujourd’hui, le lucane cerf-volant se fait rare, notamment en raison d’un trop grand entretien des parcs et des espaces boisés, où plus aucune souche ni écorce de bois mort ne reste pourrir. Pourtant, l’action de cet insecte et de tant d’autres est cruciale pour le bien-être de nos forêts.
A l’inverse, une mauvaise gestion de l’activité forestière du bois contribue à son déclin quand le bois mort est enlevé.
Le Lucane voit ses populations régresser, notamment dans les pays du nord de l’Europe, en raison de la réduction de la surface des forêts âgées par l’intensification de la sylviculture, du nettoyage systématique des sous-bois et de l’enlèvement des arbres morts et des haies arborées.
Le lucane cerf-volant est inscrit à l'annexe II de la directive européenne "habitats faune flore" de 1992, dont la protection nécessite la mise en place par les États membres de Zones spéciales de Conservation, ainsi qu'à l'annexe III de la convention de Berne.
Aujourd’hui, le Lucane est protégé, il fait l’objet d’un suivi au niveau européen. L’espèce d’intérêt patrimonial est inscrite à l’Annexe II de la Directive Habitats-Faune-Flore et à l’Annexe III de la Convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe. C’est aussi une espèce déterminante ZNIEFF en Bourgogne évaluée comme « quasi menacée » par la Liste Rouge européenne de l’UICN.
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