La question de l'interdiction du porc dans les cantines scolaires en France est un sujet de controverse récurrent, impliquant des considérations juridiques, religieuses et sociales. En principe, les cantines scolaires sont librement administrées par les communes, mais cette liberté est encadrée par des principes tels que la laïcité, la neutralité du service public et l'intérêt supérieur de l'enfant.
Le Cadre Juridique Flou
La restauration scolaire constitue un «service public administratif facultatif», soumis «au principe de la libre administration territoriale». Ainsi, le fait même d'avoir une cantine n'est pas une obligation pour les établissements scolaires. Ce sont les collectivités locales qui décident d'en installer ou non, et qui les administrent librement. Si elles décident d'en ouvrir, l'État leur impose toutefois de proposer une alimentation «équilibrée» et «variée» - des termes suffisamment flous pour leur faire dire tout et son contraire.
C'est sur la base de cette liberté des collectivités que le Conseil d'État s'était appuyé, en 2002, pour accorder à la commune d'Orange le droit de supprimer les menus de substitution, estimant que cette mesure n'était pas contraire à la liberté religieuse. Mais d'autres arguments juridiques peuvent être soulevés en faveur des menus alternatifs, comme l'interdiction des discriminations, ou encore l'intérêt supérieur de l'enfant.
La difficulté, c’est qu’il n’y a pas vraiment de DROIT des parents à ce que leurs enfants ne mangent pas de porc à l’école. L’école peut prendre l’initiative de proposer des menus de substitution, et donner des consignes aux personnels de cantine ou d’animation de ne pas servir de porc à certains enfants ou de poser la question avant de servir les enfants lorsqu’il y a du porc au menu. Mais c’est une possibilité pour l’école (qui, ce faisant, ne méconnaît pas la laïcité) mais pas une obligation.
Une règle générale interdisant tout accommodement (comme par ex une règle générale interdisant les menus de substitution) serait probablement illégale (CE 11 décembre 2020). Face à une attitude manifestement discriminatoire de la part de la municipalité, il s’avère essentiel de saisir le délégué du Défenseur des droits, pour envisager un éventuel dépôt de plainte suivie d’une enquête qui pourra confirmer la discrimination subie.
Décisions de Justice et Laïcité
Le Conseil d’État juge qu’il n’est ni obligatoire ni interdit pour les collectivités territoriales de proposer aux élèves des repas différenciés leur permettant de ne pas consommer des aliments proscrits par leurs convictions religieuses. Le principe de laïcité, inscrit à l’article premier de la Constitution, interdit en effet à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers.
Il juge en revanche que ni les principes de laïcité et de neutralité du service public, ni le principe d'égalité des usagers devant le service public n'interdisent aux collectivités de proposer des menus de substitution.
La cour administrative d'appel de Lyon a donné tort, ce mardi 23 octobre, à la mairie de Chalon-sur-Saône, qui a mis fin aux menus de substitution lorsque des plats à base porc étaient servis dans les cantines scolaires. Cette décision, qui vient confirmer celle du tribunal administratif de Dijon en 2017, constitue un nouvel élément dans une vieille controverse. La ligue de défense judiciaire des musulmans ainsi que plusieurs particuliers ont attaqué cette décision devant le tribunal administratif de Dijon, qui l’a annulée. La cour administrative d’appel de Lyon a confirmé cette annulation.
Chalon-sur-Saône n'est en effet pas la première ville à avoir mis fin aux menus alternatifs lorsque le plat principal proposé est à base de porc. Et si la question finit souvent devant les juges, c'est que la loi, en la matière, est assez floue.
Le 29 septembre 2015, le conseil municipal de Chalon-sur-Saône a modifié le règlement intérieur des restaurants scolaires afin qu’il ne soit plus proposé qu’un seul type de repas à l’ensemble des enfants, au motif que « le principe de laïcité interdit la prise en considération de prescriptions d’ordre religieux dans le fonctionnement d’un service public ».
Le Cas de Béziers: Suppression des Menus Sans Porc
Suite à un changement de gestionnaire, les repas sans porc ne sont plus proposés dans les cantines de Béziers. La ville propose désormais un menu 100% végétarien ou classique. Des parents crient au scandale alors que les élèves ne mangeant pas de porc se retrouvent sans viande dans l'assiette.
Depuis la rentrée des classes ce lundi la ville a modifié ses menus. Les 4.186 élèves qui mangent à la cantine ont le choix entre un menu végétarien du lundi au vendredi ou alors un menu classique. Le menu sans porc proposé jusqu'à la fin de l'année 2020 a été supprimé par la ville de Béziers.
Une trentaine de parents d'élèves des écoles Edouard-Herriot et Louis-Pasteur sont vent debout contre cette décision. "Nous sommes sans doute beaucoup plus de parents", explique une maman musulmane. "Ce changement est tout récent. Nous allons sonder les autres écoles, faire signer des pétitions."
Ces repas sans porc existaient avant l’élection de Robert Ménard à la mairie de Béziers en 2014. Ils ont été maintenus au cours de son premier mandat avant de les retirer à l'occasion du changement de gestionnaire.
Ce changement lié à un nouveau prestataire aurait été réalisé sans aucune concertation préalable, expliquent les représentants locaux de la FCPE. "Nous avons découvert ces menus à la fin des vacances scolaires." "C'est scandaleux, déplore Christophe Pavageau, le président de la FCPE 34. Les enfants ont besoin de repas équilibrés. "
Elles l'ont été via des flyers et lettres d'information dans les cartables des enfants début décembre. Ceux-ci exposaient les changements à venir au 1er janvier 2021 et la nécessité de faire un choix entre menus classiques et menus végétariens. Et, en effet, les familles ont été relancées durant les vacances scolaires.
Ce n'est pas la première fois que les repas de la ville sont mis en cause, dénonce le représentant de SOS Racisme dans le Biterrois."La suppression de repas de substitution porte atteinte à la laïcité. Elle porte un coup de canif au vivre ensemble."
Robert Ménard ne peut ignorer que la restauration scolaire est une problématique centrale pour beaucoup de familles, que ce soit sur les plans culturel, nutritionnel, sanitaire ou médical. Dès lors, la suppression de repas de substitution incluant de la viande, du poisson ou des œufs, repas qui ont permis depuis plusieurs décennies à des générations d’enfants de confessions juive et musulmane de manger à l’école publique avec tous leurs camarades, porte atteinte à un important facteur d’intégration sociale et de convivialité.
Réponse de la Mairie de Béziers
La mairie de Béziers ne souhaite pas réagir et donner davantage d'ampleur à une polémique qui n'existe pas, mais précise cependant : "La Ville de Béziers ne prive aucun enfant de viande, qu'il soit de confession juive ou musulmane. Le sous-entendu est particulièrement odieux et inacceptable. Les familles ont été prévenues assez tôt."
D'ailleurs pour leur permettre de s'inscrire en menus classiques ou végétarien, aucun menu comportant du porc ne sera servi au cours des 15 premiers jours de cantine. Le menu végétarien exclue toute chair animale, sans distinction précise la ville de Béziers.
"Les œufs continuent en revanche d'être proposés contrairement à ce que suppose SOS Racisme. Par ailleurs, les repas végétariens sont parfaitement équilibrés d'un point de vue protidique (protéines). C'est une obligation, et le service de santé publique y veille auprès du prestataire avec une diététicienne/nutritionniste."
Les services municipaux ne reçoivent jamais de revendications de la part de familles de confession juive, au contraire de certaines familles de confession musulmane qui, en plus de bénéficier de repas sans porc, étaient de plus en plus nombreuses à demander de la viande certifiée "halal". Ces mêmes familles imposaient à leurs enfants de ne pas manger la viande présente dans leur assiette, ce qui augmentait mécaniquement le gaspillage alimentaire.
Par ailleurs, il est étonnant qu'une association comme SOS Racisme, prétendument attachée à la laïcité, ne se félicite pas de la mise en place de menus végétariens ne faisant aucune distinction entre les religions'' "Les revendications religieuses n'ont pas leur place à la cantine et la jurisprudence est constante à ce sujet." (cf. décision du Conseil d'Etat du 25 octobre 2002).
Le jour de la rentrée, sur les 4.186 élèves mangeant à la cantine (hors paniers repas), 3.576 ont opté pour les menus classiques, 444 pour les menus végétariens, et 46 pour les menus classiques + vegan (120 menus végétariens + vegan).
La Présence du Porc dans les Cantines: Une Tendance en Baisse?
Dans les restaurants scolaires de plusieurs communes françaises, le porc est peu présent au menu. Pourtant, cette viande a toujours été appréciée des Français.
Qu’il soit consommé sous la forme de filet mignon, de coppa, de lardons ou encore d’échine, le porc a toujours figuré en tête des viandes préférées des Français - devançant la volaille -, selon les multiples statistiques effectuées à ce sujet. Parmi ses atouts les plus fréquemment évoqués : il est facile à cuisiner, bon marché et généralement au goût des enfants.
Toutefois, comme le rapporte Le Point, dimanche 18 décembre, cette préférence ne s’observe pas dans les cantines scolaires. En effet, le porc semble même être en voie de disparition dans un certain nombre de ces établissements.
En premier lieu, nos confrères font allusion au règlement. Ainsi, les textes qui encadrent les repas scolaires sont multiples, tandis que leur contenu est dense. On peut citer le Plan national nutrition santé (PNNS), la loi climat et résilience de 2021, les recommandations du groupement d’étude des Marchés en restauration collective et de nutrition (GEM/RCN), ou encore la loi Egalim de 2018.
Autre explication évoquée : une recommandation du PNNS selon laquelle il vaudrait mieux privilégier la volaille, jugée « moins grasse que les autres viandes ». Par ailleurs, le GEM/RCN suggère de limiter à un repas sur cinq la consommation de charcuterie.
En conséquence, un mois peut se passer sans que du porc ne soit proposé aux élèves lillois (Nord), poursuit Le Point. Cette tendance s’observe aussi à Lyon (Rhône). Au cours du premier trimestre de l’année 2022-2023, les écoliers scolarisés dans la Cité des gones n’ont mangé de la viande porcine qu’à quatre reprises.
Tableau Récapitulatif des Positions et Actions
Ville/Institution | Position/Action |
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Chalon-sur-Saône | Suppression des menus de substitution au porc en 2015, invalidée par la justice. |
Béziers | Suppression des menus sans porc, remplacement par un menu végétarien ou classique. |
Lille et Lyon | Réduction de la présence du porc dans les cantines scolaires. |
Conseil d'État | Pas d'obligation ni d'interdiction de proposer des menus de substitution, laïcité non contraire à cette pratique. |
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