Les 3V dans l'Alimentation : Définition et Importance

Dans le domaine de l’alimentation saine et durable, les initiatives et solutions pratiques prennent une place centrale pour orienter les comportements des individus vers un mode de vie plus respectueux de leur santé et de l’environnement. Anthony Fardet, chercheur dans un institut public de recherche agronomique et environnemental, se consacre depuis 25 ans à l’étude de l’alimentation sous un angle holistique, mettant l’accent sur le potentiel santé des produits céréaliers et la lutte contre l’ultra-transformation alimentaire.

À travers son parcours, il est passé d’une recherche expérimentale sur les aliments céréaliers à une approche plus philosophique et scientifique, développant des concepts tels que la règle des 3V (Vrai, Végétal, Varié) et le score Siga, qui évalue le degré de transformation des aliments.

L'Approche Holistique de l'Alimentation

L’approche holistique de l’alimentation, telle qu’expliquée par notre invité du jour, met en avant une vision globale et intégrée de l’alimentation, contrastant fortement avec l’approche réductionniste traditionnelle. En effet, l’approche holistique, inspirée du terme grec « Holos » signifiant « entier » ou « total », considère l’alimentation et la nutrition sous un angle multidimensionnel, intégrant non seulement les aspects nutritionnels mais aussi environnementaux, sociaux et économiques de l’alimentation.

L’approche holistique s’oppose à l’approche réductionniste, qui se concentre exclusivement sur les nutriments individuels, sans tenir compte de leur contexte au sein de la matrice alimentaire ou des effets synergiques entre eux. Il est crucial de considérer les aliments dans leur intégralité, car la santé ne peut être réduite à la somme des effets de nutriments isolés. Il est important d’adopter une approche holistique de l’alimentation, qui respecte la complexité des systèmes alimentaires et reconnaît l’importance de la qualité de la matrice alimentaire pour la santé.

Le Réductionnisme : Un Outil à Double Tranchant

Pour faire simple, la pensée réductionniste considère que la complexité de la réalité ne peut être étudiée telle quelle. Elle propose de la décortiquer en ses parties constitutives, afin de les étudier séparément les glucides, lipides, protéines… pour les aliments. Cette démarche a été scientifiquement validée.

Rappelons que la découverte des vitamines, et leur prise sous forme de compléments, a permis notamment d’enrayer les déficiences ; celle des vaccins et antibiotiques a permis de sauver de nombreuses vies. Mais l’approche réductionniste devient problématique dans deux cas :

  • quand elle exclut toute autre forme d’approche, la considérant comme philosophique et non scientifique (alors que le réductionnisme est basé lui aussi sur une philosophie, notamment celle de René Descartes, le cartésianisme) ;
  • quand elle cherche à généraliser à partir des parties isolées, en considérant que le tout est égal à la somme des parties selon l’équation élémentaire 2 = 1+1, excluant la synergie.

Ainsi, réduire les agrumes à leur teneur vitamine C, c’est généraliser à partir du spécifique et laisser penser que les autres aliments ne sont pas sources de vitamine C. Or, la façon dont on conçoit les aliments a des conséquences concrètes en termes de production alimentaire.

Si l’aliment n’est que la somme de ses composants, pourquoi se priver de le fractionner en ses parties constitutives, pour ensuite les combiner différemment, afin de fabriquer de nouvelles « matrices alimentaires » (comme dans les barres chocolatées, les confiseries, les sodas, certains desserts lactés ou steaks végétaux) ? Ou de le raffiner, puis l’enrichir en ses micronutriments perdus ?

Cette approche réductionniste est très rentable. Elle permet de développer sans cesse de nouveaux produits, tels que des compléments alimentaires à base de micronutriments, et des régimes vantant la consommation d’une partie du tout. Mais elle présente plusieurs inconvénients majeurs, en particulier en matière de santé.

Le Fléau des Aliments Ultra-Transformés

Elle a par exemple donné naissance aux fameux aliments ultra-transformés. Or on sait aujourd’hui que la consommation régulière ou excessive de ces derniers est associée à des risques significativement accrus de plusieurs maladies chroniques (diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, cancers totaux et du sein, syndrome de l’intestin irritable et symptômes dépressifs), de dérégulations métaboliques (surpoids, adiposité, obésité, hypertension, syndrome métabolique, dyslipidémie) et d’augmentation de mortalité.

La vision réductionniste extrême - excluant toute autre forme d’approche - et exclusive des aliments semble donc bien liée au développement des maladies métaboliques chroniques. Cette approche réductionniste pose un autre problème : elle crée un fossé entre les « sachants » (les spécialistes réductionnistes de la nutrition) et les « non-sachants » (le « grand public », qui recherche désespérément des solutions miracles sur la base erronée de super nutriments ou super aliments).

Au final, cette situation génère toujours plus de confusion alimentaire, avec le risque de mener à l’orthorexie, la maladie du réductionnisme extrême. En outre, l’impact environnemental de cette approche est très néfaste car ces aliments ultra-transformés sont fabriqués à partir d’une multitude d’ingrédients isolés de quelques aliments bruts sur la planète et produits de façon intensive (blé, riz, maïs, soja, pois, lait, œufs…), menant à de la pollution, une perte de biodiversité, de la déforestation…

Partant de l’hypothèse d’une influence de la vision réductionniste des aliments sur la santé, on peut supposer qu’au contraire le retour à une approche plus globale de l’aliment, complémentaire, permettrait d’enrayer l’augmentation des maladies chroniques.

Le Tout est Supérieur à la Somme des Parties

La confusion liée au réductionnisme peut être dissipée assez simplement en revenant à une approche plus globale (plus « holistique ») de l’alimentation. En bref, l’holisme considère que le tout est supérieur à la somme des parties (autrement dit, 2 > 1+1), car il existe entre lesdites parties une interaction ou une synergie. Cette interaction (donc le lien entre « 1 » et « 1 ») participe de l’effet santé des aliments.

Pour mieux comprendre les approches holistique et réductionniste, prenons l’exemple d’un collier de perles. L’approche réductionniste consiste à retirer les perles du collier pour les étudier séparément (elles et leurs effets supposés). Toutefois dans cette approche, on néglige le rôle du fil (le lien donc) qui est essentiel au collier ; on a aussi tendance à conclure que le collier de perles est la même chose que la somme des perles. Or le collier structuré est bien plus que la somme des perles et du fil pris isolément.

Pour revenir à l’alimentation, la matrice ou la structure d’un aliment résulte des interactions entre ses nutriments. Lors de la digestion, elle influe notamment sur la satiété, la vitesse d’absorption et le métabolisme des nutriments, la sécrétion des hormones, la vitesse de transit digestif… Autant de facteurs très importants pour notre équilibre métabolique. Par exemple un jus de fruit transite plus vite que le fruit entier correspondant, et il est moins rassasiant.

Les aliments ultra-transformés, dont les effets néfastes sur la santé sont régulièrement pointés du doigt, sont en réalité majoritairement des reconstitutions d’ingrédients et/ou d’additifs (les perles issues de plusieurs colliers différents mais sans les fils qui les lient entre elles). Il s’agit de purs produits de la pensée réductionniste.

Il ne faut pas pour autant abandonner cette approche au profit d’une approche exclusivement holistique. Il est important de souligner que l’approche holistique n’est pas suffisante à elle seule. Les deux approches doivent coexister harmonieusement. Dans certains cas, il est essentiel de décortiquer les constituants et de les isoler, pour comprendre certains mécanismes en utilisant un modèle réductionniste.

C’est par exemple le cas lorsqu’il s’agit de lutter contre des déficiences nutritionnelles graves résultant d’une carence en une vitamine donnée par exemple : la cause est unique et identifiable. Néanmoins, lorsqu’il s’agit de maladies chroniques multifactorielles ou multi-causales, rechercher une seule cause dans un aliment ou un nutriment ne fonctionne plus. Une approche plus holistique qui prend en compte la multi-dimensionnalité de ces maladies devient essentielle.

Le Concept des 3V : Vrai, Végétal, Varié

Le concept des 3V, introduit par Anthony Fardet, représente une approche révolutionnaire vers une alimentation à la fois saine, durable, et respectueuse de notre environnement. En appliquant le concept des 3V, l’auteur propose une approche holistique qui va au-delà des simples recommandations nutritionnelles basées sur les nutriments isolés et appelle à une prise de conscience de l’impact de nos choix alimentaires non seulement sur notre santé, mais aussi sur l’environnement et la société.

  • Vrai: Il renvoie à la consommation d’aliments peu ou pas transformés. Cette dimension met l’accent sur l’importance de la matrice alimentaire, soulignant que la manière dont un aliment est préparé et consommé peut affecter son impact sur notre santé.
  • Végétal: Encourage une plus grande consommation de produits issus de plantes. Cette dimension s’appuie sur les preuves scientifiques montrant que les régimes riches en fruits, légumes, céréales complètes et légumineuses sont associés à un risque plus faible de développer de nombreuses maladies chroniques.
  • Varié: Il s’agit de l’importance de la diversité alimentaire. Consommer une large variété d’aliments assure un apport plus complet en nutriments essentiels, favorisant une meilleure santé générale.

« L’approche holistique de l’alimentation, basée sur la règle des 3V, nous invite à redécouvrir les bienfaits d’une alimentation centrée sur le vrai, le végétal et le varié.

Impact de l'Ultra-Transformation Alimentaire

L’impact de l’ultra-transformation alimentaire sur notre santé et notre environnement est une préoccupation croissante. Anthony critique vigoureusement la tendance actuelle à privilégier la commodité et le coût bas des aliments au détriment de la qualité nutritionnelle et de l’impact environnemental. Cette perspective invite à une réflexion plus large sur nos choix alimentaires, non seulement pour notre propre santé mais aussi pour le bien-être de notre planète.

Ses recherches mettent en évidence l’importance de réduire la consommation d’aliments ultra-transformés, en soulignant les risques pour la santé et l’impact environnemental négatif associé à ces produits. « L’alimentation ultra-transformée menace non seulement notre santé mais également la santé globale, affectant directement les petits producteurs et contribuant aux inégalités sociales.

Ces choix alimentaires favorisent la destruction des traditions culinaires, augmentent la souffrance animale due à l’élevage intensif et participent à la dégradation des systèmes alimentaires. Les grandes monocultures nécessaires à la production de ces aliments sont hautement polluantes, réduisent la biodiversité alimentaire et contribuent à la déforestation, exacerbant ainsi les changements climatiques et la pollution plastique. Il est essentiel de prendre conscience de l’impact environnemental de nos choix alimentaires.

L’agriculture intensive, nécessaire pour produire les ingrédients de base des produits ultra-transformés, est une source importante de déforestation, de perte de biodiversité, et contribue au changement climatique. Dans cette optique, il est également important de reconnaître le rôle de l’éducation et de la sensibilisation.

Éducation et Sensibilisation

Dans une société en constante évolution, l’éducation et la sensibilisation autour des choix alimentaires émergent comme des piliers cruciaux pour catalyser un changement significatif vers des habitudes plus saines et respectueuses de l’environnement. Les comportements alimentaires à privilégier incluent une réduction significative de la consommation d’aliments ultra-transformés et une augmentation de l’ingestion d’aliments complets et végétaux.

Pour y parvenir, il est essentiel d’initier les enfants dès le plus jeune âge à l’importance d’une alimentation équilibrée, en soulignant l’impact de leurs choix alimentaires sur leur santé et sur l’environnement. Il est aussi nécessaire de sensibiliser les consommateurs aux impacts de leurs choix alimentaires. Il insiste d’ailleurs sur le fait que chaque décision d’achat a des répercussions qui vont bien au-delà de notre santé individuelle, touchant à la biodiversité, à la pollution, et même à la justice sociale.

Pour ancrer ces changements, notre invité suggère des stratégies pratiques telles que la préparation de repas à base d’ingrédients frais, l’exploration de nouvelles recettes végétales, et l’éducation au goût dès l’enfance. En résumé, l’éducation et la sensibilisation sont des clés essentielles pour promouvoir un changement positif dans nos choix alimentaires.

Initiatives et Solutions Pratiques

Pour contribuer à un système alimentaire plus sain, il est essentiel de reconnaître le rôle crucial de l’éducation et de la sensibilisation dès le plus jeune âge. Impliquer les enfants dans la préparation des repas, leur enseigner la provenance des aliments et l’importance de la saisonnalité sont des étapes fondamentales.

« On a identifiés plusieurs comportements qu’on va étudier dans les 3 années à venir dans notre laboratoire vivant pour essayer de trouver des leviers à actionner. Chacun peut contribuer à un système alimentaire plus sain par des actions quotidiennes simples, comme privilégier les produits locaux et de saison, réduire la consommation de viande, et opter pour des aliments peu ou pas transformés.

Manger Vrai : Un Retour aux Sources

Pendant plusieurs milliers d'années, nos ancêtres ont préparé leurs repas à partir d'ingrédients bruts (fruits, légumes, noix, tubercules, viandes, poissons, lait...) ou peu transformés : (farines de céréales ou tubercules, salaisons, graisses animales ou végétales, laits fermentés...).

Mais au cours des 100 dernières années, nous avons peu à peu laissé l'industrie agro-alimentaire et celle de la restauration rapide préparer les repas à notre place, et parfois même les pré-digérer, en inondant les rayons des supermarchés d'aliments ultra-transformés. Ces aliments contribuent à 60% des apports énergétiques aux USA, près de 50% au Royaume-Uni, 46% en Allemagne et environ 30% en France. Conséquence : "Alors que manger sainement devrait être un acte simple et naturel, nous ne savons plus comment y parvenir", fait remarquer le Dr Anthony Fardet dans son livre Pourquoi tout compliquer ?

Qu’est-ce que Manger Vrai ?

C’est avant tout manger peu de faux aliments, ou très peu, c’est-à-dire d’aliments ultra-transformés (voir plus loin). "Il s'agit d'une approche simple de l'alimentation, basée sur la règle des 3 V : vrai, végétal, varié.

Mais qu’est-ce qui différencie le manger vrai du régime méditerranéen, du régime DASH ou du régime végétarien, tous bons pour la santé ?

  1. La vraie nourriture a résisté aux traditions. Comme le dit Pollan, "Ne mangez rien que votre arrière-grand-mère n'identifierait pas comme de la nourriture." Manger vrai consiste donc à consommer essentiellement des aliments bruts, peu transformés ou transformés qu’on assemble ou cuisine soi-même. C’est à la portée de tous, que l’on cuisine ou pas (même si c’est plus facile quand on cuisine).
  2. Fini de compter les calories, de regarder la teneur en graisses ou en sucre ! Ce qui compte c’est le degré de transformation d’un aliment. Et pour le connaître c’est assez simple : il suffit de regarder la liste des ingrédients. Plus de 5 ingrédients dont sucre, sel, graisses, additifs, caséine, lactose, gluten, isolats de protéines ? Oust ! Des additifs ou un emballage très coloré, au marketing outrancier ? Passez votre chemin, vous êtes probablement en présence d’un aliment ultra-transformé.

On peut manger un peu d’aliments ultra-transformés : moins de 15% des calories, lors des occasions festives par exemple, sans risque de surpoids ou obésité. Au-delà, le risque d’obésité augmente et avec lui, celui des maladies chroniques qui y sont associées (diabète, maladies cardiovasculaires…). Ainsi un adulte de 70 kg ne devrait pas consommer plus de 330 kcal sous forme d’aliments ultra-transformés.

Manger vrai c’est manger de préférence bio, local et de saison. L’agriculture biologique est durable car elle n’a pas recours à des produits phytosanitaires chimiques, elle préserve l’intégrité des sols et la diversité naturelle des paysages agricoles. Manger local et de saison permet d’éviter des transports coûteux sur le plan environnemental.

Certes, comme le souligne Anthony Fardet dans son livre, « tout le monde ne pourra probablement pas consommer 100 % local. En revanche tout le monde peut acheter majoritairement des produits de saison.

Chaque région de la planète possède ses propres traditions culinaires, souvent issues de l’alimentation de ses peuples premiers. Fruits et légumes, légumes secs. De préférence de saison, cultivés localement, et bio pour certains. Tous les fruits et légumes n'ont pas besoin d'être achetés bio. Noix. Oeufs. Viandes. Poissons et fruits de mer. Corps gras. Boissons.

Tableau Récapitulatif des Recommandations Alimentaires

Principe Recommandation Bénéfices
Vrai Privilégier les aliments peu ou pas transformés Préservation de la matrice alimentaire, meilleure qualité nutritionnelle
Végétal Augmenter la consommation de produits végétaux (fruits, légumes, céréales complètes, légumineuses) Réduction du risque de maladies chroniques, apport de nutriments essentiels
Varié Consommer une grande diversité d'aliments Apport complet en nutriments, meilleure santé générale

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