Le Porc Claudel : Une Exploration Littéraire et Culturelle

Le cochon, souvent réduit à sa fonction utilitaire, recèle une richesse culturelle et historique insoupçonnée. Cet article explore différentes facettes de cet animal, de son image dans la littérature à son rôle dans la gastronomie et les traditions.

Le Cochon dans la Littérature et la Philosophie

De nombreux auteurs ont été fascinés par le cochon, lui attribuant des rôles variés, allant de la simple figure animale à un symbole complexe de la condition humaine.

Jean Weber se livre ici à une plaidoirie philosophique, poétique, inattendue et drôle du cochon, bouc-émissaire d'un monde de porcs où tout n'est que cochonnerie. Au péril de devoir rendre l'homme plus humain qu'humain dans un monde un peu plus rose que gris. Rêvons...

Paul Claudel, dans son apologie Le Porc, n'oublie pas de rappeler que le sang de porc « sert à fixer l'or ». Claudel, quand il arrive en Chine, après avoir renoncé à devenir moine, est subjugué par ce pays « vertigineux, inextricable où la vie n’a pas été atteinte par ce mal moderne : l’esprit qui se considère lui-même et s’enseigne ses propres rêveries. […]. Ici, au contraire, tout est naturel et normal. »

Le spectacle des porcs se promenant en liberté au milieu du tohu-bohu des chaises à porteurs le fascine et lui inspire ce texte plein de tendresse, qui nous montre en passant qu’il y avait bien en Claudel un porc qui sommeille (comme il l’avouera plus tard dans sa correspondance avec Jacques Rivière).

« Je peindrai ici l’image du Porc. C’est une bête solide et tout d’une pièce ; sans jointure et sans cou, ça fonce en avant comme un soc. Cahotant sur ses quatre jambons trapus, c’est une trompe en marche qui quête, et toute odeur qu’il sent, y appliquant son corps de pompe, il l’ingurgite. Que s’il a trouvé le trou qu’il faut, il s’y vautre avec énormité. Ce n’est pas le frétillement du canard qui entre dans l’eau, ce n’est point l’allégresse sociable du chien ; c’est une jouissance profonde, solitaire, consciente, intégrale. Il renifle, il sirote, il déguste, et l’on ne sait trop s’il boit ou s’il mange ; […] il grogne, il jouit jusque dans le recès de sa triperie, il cligne de l’œil. »

Dans un monde glacé où le dernier sang s'écoule lentement dans un gouffre avide de couleurs, où le goût du verbe authentique se perd inexorablement dans un lacis de mots dénaturés, voici que s'avance, en habits d'apparat, comme en sacrifice à notre ultime agape, peau rosée, groin truffier, sa chaleureuse et grasse majesté le cochon...

Au bois lacté, de Dylan Thomas traduction de Jacques B Brunins : « Des porcs grognent de joie dans un bain de fange, et sourient tout en reniflant dans leurs rêves. Ils rêvent d’un univers d’eaux grasses et de glandées, de fouilles dans des gisements de truffes, des trayons cornemuses de maman-truie, de renâclements et reniflements consentants de dames gores en rut. Vautrés dans un bain de boue et de soleil ami des porcs, leurs queues frisent, ils batifolent et bavent et ronflent dans un béat sopor d’après-purin. »

Le Cochon est une sorte de coach, de drain essentiel a la pensée politique de l’art. Et du Lard, je n’en manque plus, il entoure toute ma vie depuis plus de vingt ans, paraît-il j’avais un caractère digne de notre alter ego, je n’ai pourtant jamais rencontré de porc de mauvaise humeur, mais souvent goguenard, portant la gaieté toute sa vie jusqu'au moment terrible et fatidique que chacun connaîtra - l’ultimatum que l’homme lui inflige.

Le Porc dans la Gastronomie et les Traditions

La France ne serait pas la France sans sa charcuterie. Pour notre pape de la charcuterie Joël Mauvigney, meilleur ouvrier de France et président de la Confédération nationale des charcutiers traiteurs (CNCT) - dont la boutique située depuis 1963 à Mérignac, près de Bordeaux, se visite comme une vraie bijouterie, avec ses somptueux fromages de tête et autres pâtés en croûte maison -, « la charcuterie française est unique au monde, il n’y a pas l’équivalent ailleurs, c’est une composante de notre identité culturelle et gastronomique ».

Dans l’inventaire du patrimoine culinaire de la Corse, réalisé en 1996 par le CNAC cher à Jack Lang, les auteurs notaient : « La charcuterie corse représente pour la gastronomie corse une famille de produits à la fois renommés et difficiles à se procurer par le visiteur non averti. En effet, la charcuterie typique est la plupart du temps élaborée par des producteurs fermiers qui élèvent euxmêmes les porcs dont ils tirent leur matière première et qui commercialisent leur production en vente directe auprès de leur clientèle habituelle. »

Gourmand, paillard ! La viande de cochon est moelleuse et subtile, avec des saveurs douces, tendres et fondantes, qui changent selon qu’on la fasse cuire en potée ou en ragoût, qu’elle soit rôtie, grillée, poêlée ou encore sautée, qu’on la serve chaude ou froide. Miel et gingembre, épices et piment d’Espelette la relèvent merveilleusement.

Les Races de Porcs et leur Sauvegarde

Face à l'industrialisation de l'élevage, certaines races de porcs sont menacées de disparition. Des initiatives sont mises en place pour préserver ce patrimoine génétique et culturel.

Le porc de Bayeux (Calvados) est une des 25 races patrimoniales engagées dans la toute nouvelle Fédération des races de Normandie, lancée au cours de la matinée du 27 février 2023 au Salon international de l’agriculture. En France, il ne reste que 130 truies de race Porc de Bayeux. Elle fait partie des races à sauvegarder car ses effectifs ont décliné au fil du temps.

La difficulté est de pouvoir valoriser des carcasses entières. Plus globalement, redévelopper la race qui leur tient à cœur n’est pas simple non plus car « on a peu d’effectif ». Il y a donc peu de femelles et de verrats à proposer « à ceux qui veulent démarrer ». Ce sera une des missions de la Fédération des Races de Normandie en appui du syndicat.

Quelques éleveurs du Calvados, de l’Orne, de l’Ille-et-Vilaine et de la Manche représentent cette race pendant les neuf jours de l’événement, dans le hall 1. Le Manchois Ludovic Lemancel en est le vice-président. Il a à cœur de relancer cette race de grands cochons blancs à taches noires.

Ludovic Lemancel a repris, en 2021, l’ancienne verraterie de la coopérative Amélis (à l’époque) de Pont-Hébert. Avec son épouse Sana, il a créé l’EARL du Pommier Sûr, un élevage de porcs avec transformation sur place et vente. Ils livrent ainsi plusieurs restaurants normands et les préfectures de la Manche et du Calvados. « On vend des saucissons sur le stand de la Manche », ajoute Ludovic.

Leur truie Ofleur (née en août 2018 et ayant fait afficher 203 kg sur la balance) et ses six porcelets ont amusé le public massé autour du ring au cours de la matinée du 28 février 2023, à l’heure du concours qui permet de promouvoir la race. Ils ont aussi séduit le jury qui les a classés premiers de section avant de leur décerner aussi le prix d’ensemble. Sana et Ludovic Lemancel espèrent que cette première participation (et victoire) va permettre de valoriser leur élevage.

Effectifs de la race Porc de Bayeux en France
Année Nombre de truies
Actuellement Environ 130

L'Élevage Industriel vs. L'Élevage Traditionnel

La réhabilitation du cochon et de tous les métiers qui dépendent de lui passe tout de même par une mise au point : de quel cochon parle-t-on ? Les premières porcheries industrielles sont apparues au Danemark dans les années 1950, sur le modèle américain, avant d’être copiées partout dans le monde. Qu’on soit donc en Bretagne, en Hollande, ou dans l’Illinois, c’est le même processus.

Les races pures locales et anciennes de cochon (cul noir du Limousin, porc gascon, pie noir du Pays basque, porc de Bayeux, porc blanc de l’Ouest, porc nustrale de Corse…) ont été remplacées par des hybrides mis au point par les généticiens, comme le Large White (« larjouit » comme on dit dans les campagnes), un cochon taillé pour l’industrie.

Réhabiliter le porc bien de chez nous, c’est donc défendre la poignée d’éleveurs qui travaillent à l’ancienne, comme Pierre Oteiza qui, en 1989, a sauvé de l’extinction le vrai porc basque élevé en montagne et nourri aux châtaignes, dans les Aldudes, non loin de Biarritz (on compte aujourd’hui 70 éleveurs et 3 000 porcs). Son jambon est plus savoureux que celui de Parme !

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