L'élevage Porcin en Bretagne: Caractéristiques et Évolution

La Bretagne est la première région de production porcine en France avec environ 5300 exploitations. En Bretagne, la filière viande génère près de 55 000 emplois à tous les échelons.

L’art pictural et même religieux en attestent : le cochon est, depuis des siècles, présent dans la vie quotidienne des bretons. Il est le symbole de la société rurale, il constituait autrefois l’essentiel de l’alimentation carnée des familles. Économique, omnivore, résistant… il permettait toutes sortes de préparations et de conservations.

L'Agriculture Bretonne et l'Élevage Porcin

L’agriculture bretonne est caractérisée depuis le milieu du XIXe siècle par la polyculture-élevage : les agriculteurs, souvent en fermage, cultivent des céréales (orge, blé, avoine) sur quelques hectares de terre et possèdent des animaux comme des vaches, parfois un cheval, des poules et quelques porcs.

Ces derniers sont élevés dans des bâtiments qu’on appelle des soues et sont nourris uniquement avec le surplus de la récolte annuelle de céréales, une fois soustraites les quantités nécessaires pour la famille, les chevaux et les vaches (animaux indispensables pour la traction et la production de lait).

La situation évolue à partir des années 1950, avec la diffusion des premiers aliments complets, composés de farines végétales auxquelles sont ajoutés des additifs comme des farines animales (riches en protéines) et des vitamines (nécessaires à la bonne croissance des porcs). Ces aliments sont vendus par des négociants qui démarchent activement les fermes.

Les cheptels porcins peuvent alors augmenter et certains agriculteurs construisent pour les loger de nouvelles « porcheries d’engraissement », spécifiquement aménagées pour faciliter le travail : c’est la naissance de l’élevage hors-sol.

Intensification et Soutien Public

L’intensification de l’élevage de porcs dans les campagnes bretonnes de l’après-guerre précède donc les incitations des pouvoirs publics, qui dans les années 1950 mettent davantage l’accent sur les productions céréalières et bovines. C’est seulement dans les années 1960 que les pouvoirs publics prêtent une attention toute particulière à l’augmentation de la production porcine.

L’INRA, créé en 1946, y consacre de plus en plus de recherches, conjointement avec l’ITP, créé en 1961. Ce dernier voit ses moyens croître en 1968 (à la suite de la loi sur l’élevage de 1966) et publie à partir de 1969 les Journées de la Recherche Porcine, qui synthétisent l’ensemble des résultats zootechniques obtenus en France.

Parallèlement, les Chambres d’Agriculture bretonnes soutiennent le recrutement de conseillers agricoles, qui interviennent auprès des agriculteurs lors de réunions d’informations pour transmettre une gestion dite « rationnelle » d’élevages de plus en plus « modernes », pour reprendre les termes alors employés.

De nouveaux acteurs ne tardent pas toutefois à jouer un rôle plus déterminant encore pour les agriculteurs : les techniciens employés par les coopératives. Ces dernières se multiplient en effet dans les années 1960, avec l’apparition du Groupement Coopératif des Producteurs de Porcelets de Lamballe (GCPPL), de la Coop de Broons, ou encore de la Coopérative des Éleveurs de la Région de Lamballe (Cooperl), actuel n°1 français du secteur porcin.

Conséquences Environnementales

Les conséquences environnementales de l’élevage porcin hors-sol ne tardent pas à se manifester en Bretagne, au premier rang desquelles l’apparition du lisier. Les porcs étaient autrefois élevés sur une litière de paille, régulièrement changée, qui entraînait la production de fumier (des excréments mélangés à la litière de paille).

Cette litière disparaît dans les nouvelles porcheries, marquées par plusieurs innovations dont la plus importante est peut-être le sol en caillebotis. Les interstices qui caractérisent ce sol permettent l’évacuation des excréments dans un couloir situé sous le bâtiment, qui conduit à une fosse où s’accumule du lisier, à la consistance plus liquide que le fumier.

Dès le début des années 1970, les études portant sur l’impact du lisier sur les sols bretons se multiplient, principalement portées par l’INRA, associé au laboratoire de sciences du sol de l’École Nationale Supérieure d’Agriculture (ENSA) de Rennes. Elles constatent que le lisier est à l’origine de nuisances - notamment olfactives - et de pollutions pour lesquelles il est nécessaire de trouver des solutions.

L’INRA continue certes de préconiser l’épandage du lisier comme engrais, mais il met de plus en plus les agriculteurs en garde contre le risque d’une pollution accrue des eaux, tout particulièrement durant les mois d’hiver pluvieux, et recommande de prendre en compte les caractéristiques du sol pour en favoriser la fonction épuratrice.

Paradoxe Social et Économique

L’élevage porcin moderne, qui ne repose pas sur la production céréalière de l’exploitation, mais sur l’achat d’aliments composés, induit enfin un paradoxe social et économique. D’un côté, il permet à des agriculteurs dont l’exploitation n’était auparavant pas jugée viable de rester à la campagne sans prendre part aux migrations rurales propres à la France d’après-guerre.

De l’autre, il ouvre l’élevage porcin à des personnes qui n’ont pas hérité d’une exploitation : après avoir construit une porcherie, il suffit désormais d’acheter des porcelets, de les engraisser avec de l’aliment composé pour les vendre et en tirer des revenus. Cette facilité déconcertante à devenir un exploitant suscite une levée de boucliers des syndicats agricoles.

Dans les Côtes d’Armor par exemple, la Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FDSEA), le Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef) et les Paysans Travailleurs s’opposent fermement et unanimement à ce qu’ils nomment « élevage industriel ».

Production et Emploi dans la Filière Viande en Bretagne

En Bretagne, la filière viande génère près de 55 000 emplois à tous les échelons. La Bretagne fournit en effet plus du tiers des animaux finis du pays. également 40 % de la production d’aliments pour animaux de ferme. Avec 27 000 salariés, la production de viandes ou de produits à base de viande (abattage-transformation) représente un segment important, dont un tiers pour le segment de l'élevage.

La part des femmes (40 %) y est plus élevée que dans les autres segments (30 %). Six porcs sur dix élevés en Bretagne consomment des aliments complets industriels. Selon les chiffres publiés par Agreste, 60 % des porcs bretons sont nourris avec des aliments composés fabriqués en usine.

Chiffres Clés de l'Élevage Porcin en Bretagne (2022)

  • Nombre d'exploitations porcines: Environ 4 000
  • Nombre de porcs élevés: 6,8 millions (plus de la moitié du cheptel français)
  • Emplois directs mobilisés: 10 000
  • Production: 2 milliards d'euros
  • Part de la viande de porc française produite: Près de 60 %
  • Part des aliments pour porcs produits: 70 %
  • Fabrication de charcuterie: Un tiers de la production nationale
  • Nombre de porcs abattus: Plus de 13 millions
  • Emplois générés par l'abattage: 7 000
  • Moyenne de porcs par élevage: 1 800 (contre 1 000 en France métropolitaine)

Dynamiques Actuelles de l'Élevage Porcin

La production de la filière bio porcine a triplé en 10 ans mais représente moins de 0,5 % de la production porcine bretonne. Les organisations de producteurs, principalement des coopératives, assurent l’essentiel de la mise en marché des porcs. La Bretagne compte quatre des cinq plus grosses organisations de producteurs porcins françaises.

Un exploitant sur dix a plus de 60 ans, plus de 400 exploitations sont concernées. Un quart de ces éleveurs considère l’avenir de son exploitation comme incertain. Elle représente le quart des effluents d’origine animale au niveau régional (derrière les exploitations bovines).

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