Tout visiteur du Musée d’Orsay soudainement pris de l’envie d’un bain de foule, n’a qu’à se plonger dans la contemplation du Bal du Moulin de la Galette. Avec ce tableau, nous sommes emportés dans la joie et la danse de cette scène caractéristique de la fin du 19e siècle à Montmartre.
Contexte et Description
Le moulin de la Galette qui donne son titre à ces deux toiles se situait sur la butte Montmartre (annexée à Paris en 1860), à côté du moulin qui existe encore aujourd’hui et auquel il doit son nom. De nombreux moulins à vent rythmaient la vie sur la Butte depuis le Moyen Age. Sorte de grand hangar, le moulin de la Galette était une de ces nombreuses guinguettes, qui prennent leur essor à mesure que se développent l'industrie du spectacle et l'ère des loisirs, et où l’on pouvait danser le dimanche, à partir de 15 heures et ce jusqu’à la nuit, en mangeant des galettes.
Cette œuvre réalisée par Auguste Renoir en 1876 offre en outre une expérience apaisante, celle d’un dimanche après-midi à la guinguette : une scène typique de la fin du XIXe siècle à Montmartre. Si le restaurant du moulin de la Galette existe toujours, il a sans aucun doute bien changé d’aspect depuis que Renoir a utilisé son talent pour le représenter dans un format respectable d’environ 1,31m par 1,75m.
L'Œuvre et son Impact
L’œuvre de Renoir est la plus grande et la plus ambitieuse de sa période impressionniste. Au-delà d’immortaliser certains de ses amis présents sur la scène, le peintre visait clairement à retranscrire l’atmosphère joyeuse et bon enfant de cet établissement populaire, emblématique de la vie de Montmartre de son époque et participant du début de l’ère des loisirs.
L’œuvre s’articule solidement autour d’une diagonale séparant l’arrière-plan du premier plan et les danseurs des buveurs, ce qui est une prouesse en soi au vu du nombre important de personnages représentés. La lumière disparate, comme dansante et matérialisée par des tâches jaunes, bleues et roses, semble ainsi traverser le feuillage des arbres et contribue à égayer la scène au même titre que les sourires bien visibles sur les visages.
Au lieu d’utiliser le flou pour distinguer la profondeur du tableau, Renoir s’est attaché à réduire progressivement la taille des personnages comme des bâtiments, lesquels pouvant former un troisième plan. Précisons enfin que le tableau semble coupé, grâce aux personnages dont il manque une partie du corps à gauche comme à droite.
En effet, Renoir se dégage de l’art académique de l’époque. Tout d’abord, il ne peint pas en atelier. Il abandonne les règles classiques pour saisir une scène en mouvement. Les couleurs sont adoucis et fondus avec leur entourage. L'éclairage tamisé par les arbres, détermine sur la peau rose pâle au violacé. La toile de Renoir adopte délibérément un point de vue positif. Tout y contribue à exprimer la joie et la gaieté qui ont valu à l’artiste le titre de « peintre du bonheur ».
Technique et Préparation
À la façon qu'ont les impressionnistes de sortir des ateliers, Auguste Renoir plante son chevalet au milieu de la fête et nous emmène avec lui : "Renoir a dû étaler sa réalisation sur six mois. Il avait loué juste à côté, rue Cortot, un atelier dans un grand jardin à l'abandon. Et donc il faisait la navette quand il avait des copains qui pouvaient porter le tableau jusqu'au Moulin de la Galette. Car c'était un grand tableau. Il fait à peu près 1m30 de haut sur 1m70 de large. Et donc, il le portait au moulin de la Galette."
Mais Valérie Mettais nous explique, que cette volonté de saisir l'instant ne se fait pas sans un profond travail d'étude et préparatoire : "il continuait à faire poser des modèles à la fois dans son atelier ou alors dans son jardin. Et ce qu'on sait aussi aujourd'hui, c'est qu'il a fait deux grandes compositions, de grandes esquisses d'ensemble. Donc ce qui détonne un peu avec l'impressionnisme où tout est spontané, on travaille devant la nature, etc. Là, ce n'est pas complètement le cas. Il a fait beaucoup d'études préparatoires."
Ce qui se dégage de ce tableau, c'est une énergie folle qui nous fait vivre le moment avec les protagonistes. Auguste Renoir parvient à retranscrire les mouvements de la danse : "Il nous emporte dans son mouvement. Il y a une telle énergie contenue dans ce mètre carré de toile peinte. Comme il y a beaucoup de choses à voir, je ne saurais pas vraiment vous dire exactement ce qui crée cette impression. On dirait un kaléidoscope. Peut-être qu'il n'y a pas de hiérarchie, de netteté entre les différents plans. Les visages des couples qui dansent derrière sont aussi nets que ceux du premier plan. Ce tableau est une scène de genre. "entièrement sur place". Un travail ambitieux de Renoir qui a impliqué de longues études préparatoires et de longues séances de pauses. transporter la toile depuis son atelier tout proche. chefs-d'oeuvre des débuts de l'impressionnisme.
Renoir : Parcours et Influences
Né en 1841 à Limoges, Auguste Renoir vécut jusqu’à l’âge respectable de 78 ans, avant de décéder (en 1919 donc) à Cagnes-sur-Mer. Il est le sixième enfant d’une fratrie de sept et issu d’une famille ouvrière, avec un père tailleur et une mère couturière. A l’âge de 13 ans, sa famille arrive à Paris et Auguste Renoir entame une formation de décorateur à l’atelier de porcelaine Lévy Frères & Compagnie.
Sa carrière de peintre est marquée par des débuts mitigés, avec des œuvres acceptées au Salon mais pas toujours encensées par la critique - notons tout de même que son tableau Lise à l’ombrelle exposé en 1868 est positivement salué par un jeune critique nommé Emile Zola. Sa carrière prend un tournant décisif lors d’un séjour avec Monet à la Grenouillère, sur l’île de Croissy-sur-Seine, où il peint en plein air, apprend les jeux de lumière et à bannir le noir pour représenter les ombres.
Pourtant, vers 1880, les toiles de Renoir ne se vendent plus et l’artiste décide de quitter le monde (et les expositions) impressionniste pour exposer de nouveau au Salon officiel. Il parvient à se faire connaître et reçoit un nombre croissant de commandes, notamment pour des portraits. Il affirme son nouveau style basé sur les effets de lignes, reconnaissable dans des œuvres célèbres comme le Déjeuner des canotiers peint entre 1880 et 1881.
Le style de l’artiste variera dans les décennies suivantes, au gré de ses voyages et inspirations. Il acquiert en 1896 une maison à Essoyes, devenue l’atelier Renoir. Toute la famille s’y retrouve régulièrement jusqu’au décès du peintre en 1919. Des soucis de santé auront marqué les vingt dernières années de sa vie, en partie dus à une mauvaise chute en bicyclette en 1897 mais également à la maladie. Avant son décès, il aura pu visiter une dernière fois le musée du Louvre et y contempler certaines de ses œuvres des périodes difficiles.
Le Musée d'Orsay et l'Héritage Impressionniste
Le transfert est logique, le Musée d’Orsay présentant la plus importante collection impressionniste et postimpressionniste au monde, avec près de 1 100 toiles, au côté des quelque 3 600 autres œuvres présentes. Cette richesse s’explique notamment par le fait que le XIXe siècle a vu la production de sculptures exploser à la demande de la bourgeoisie souhaitant décorer ses demeures et des politiques désireux d’ancrer les croyances.
Dans des espaces propices et aménagés à cet effet, le Musée d’Orsay permet de ressortir au grand jour de nombreuses œuvres conservées depuis longtemps dans les réserves du Louvre, du Musée du Luxembourg ou de l’Etat. Une visite au musée d’Orsay peut donc être motivée par bien des envies, grâce à la diversité des œuvres exposées. Le Bal du Moulin de la Galette constitue néanmoins une pièce maîtresse et à elle seule, une raison de vous y rendre.
Réception et Postérité
Pour l’anecdote, lorsque l’œuvre est présentée en 1877 à la troisième exposition impressionniste, le critique d’art Georges Rivière, lui-même représenté sur la scène du Bal du Moulin de la Galette, salue la réalisation de son ami en tant que « page d’histoire, un monument précieux de la vie parisienne, d’une exactitude rigoureuse ». En prise avec son époque, la toile du "Bal du Moulin de la Galette" se rapproche de la quintessence de l'impressionnisme.
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