Rafael Padilla, alias le clown Chocolat : Biographie d'un artiste noir à la Belle Époque

Rafael Padilla, connu sous le nom de scène "Chocolat", est un artiste noir qui a connu le succès dans le Paris de la Belle Époque avant de sombrer dans l'oubli. Né esclave à la fin des années 1860 à Cuba, le Clown chocolat, de son vrai nom Rafael Padilla, passera de la misère au succès dans le Paris de la Belle Epoque. Personnage marquant de son époque, il inspirera même une expression française : « être chocolat », signifiant être berné. Retombé dans l’anonymat, il meurt oublié en 1917… avant d’être redécouvert 1 siècle plus tard et reconnu comme l’une des premières vedettes noires du spectacle français.

À partir des années 2010, son parcours est redécouvert grâce aux travaux de l'historien Gérard Noiriel (Chocolat clown nègre : l'histoire oubliée du premier artiste noir de la scène française, 2012). Gérard Noiriel a cherché à reconstruire la vie d'un « homme sans nom », un artiste de cirque parmi d'autres. C'est l’histoire d’un jeune esclave, né à La Havane vers 1868, qui fuit son destin jusqu’à Bilbao et, après bien des aventures, finit par débarquer à Paris en 1886.

Un parcours atypique

À l'âge de 10 ans, Rafael Padilla est vendu à un marchand portugais. Jeune esclave cubain vendu à un marchand portugais, valet de ferme, groom puis mineur à Bilbao, Rafael arrive à Paris en 1886 et s’impose rapidement comme artiste de cirque. Alors qu’il a une dizaine d’années, Rafael Padilla est acheté par un aristocrate espagnol et envoyé dans une ferme à Bilbao en Espagne. Quelques années plus tard, il s’enfuit de la maison de son maître. Après avoir vagabondé et enchaîné les petits boulots, il devient mineur.

C’est dans un bar avec ses camarades de mine qu’il rencontre l’un des clowns les plus influents de son temps : l’anglais Tony Grice. Fasciné par sa carrure et sa force physique, il l’engage comme domestique puis comme assistant pour sa tournée française, où il finit par devenir cascadeur. C’est ainsi qu’il arrive en 1886 au Nouveau Cirque, l’une des grandes salles de spectacle du Paris de la fin du 19ème siècle, où il est le partenaire de Grice sous le nom de ""Chocolat"", surnom directement issu des stéréotypes de l’époque sur les personnes noires.

Ascension et succès à Paris

Repéré par le régisseur de la salle qui lui propose de prendre son indépendance, il rompt avec Tony Grice en 1888. Arrive alors le spectacle auquel il doit son succès : ""La Noce de Chocolat"", un spectacle de mime nautique où la piste se transforme en véritable bassin en deuxième partie. Pendant 5 ans, il est la star du théâtre où il triomphe en tant que chanteur, clown et danseur, en solo ou avec d’autres partenaires. C’est également à cette époque qu’il rencontre celle qui deviendra son épouse, Marie Hecquet, une secrétaire originaire de Picardie.

En 1895, il fait la connaissance de George Foottit, un clown anglais avec lequel il imagine des sketchs burlesques dans lequel Foottit, le clown blanc, frappe son souffre-douleur noir, Chocolat, dans un spectacle marqué par les préjugés du temps, entre théories racistes et idéologie coloniale. Les deux artistes se produisent devant le tout-Paris distingué et populaire, dans les salons de l’aristocratie parisienne et même à l’Opéra. Célèbre, le personnage de Chocolat inspire les artistes, comme Toulouse-Lautrec, tourne pour les frères Lumière et prête son visage à des publicités.

Déclin et fin de vie

En 1910, le duo se sépare. Désormais seul, Chocolat subit la désaffection du public. Il tombe malade, s’éloigne de la scène et tombe dans la dépression et l’alcoolisme après la mort de sa fille âgée de 19 ans. Rafael meurt en 1917, dans la misère. Il meurt le 4 novembre 1917 alors qu'il est en tournée à Bordeaux, et est enterré dans le carré des indigents du cimetière de Bordeaux.

En retraçant l’itinéraire exceptionnel d’un artiste qui fut aussi danseur, chanteur et comédien, Gérard Noiriel s’interroge sur les raisons de son triomphe et de son déclin, sur les stéréotypes d’une époque qui vit de manière concomitante la naissance des actualités et de la publicité. Il décrit les combats d’un homme qui sut défendre sa dignité en jouant sur les préjugés de son temps et réhabilite ainsi celui qui a été jusqu’à aujourd’hui « chocolat » dans notre histoire nationale.

Pendant quelques années au cœur du Paris de la Belle Epoque, il aura été à la fois l’image vivante des stéréotypes racistes de son temps, et un artiste original, pionnier de la visibilité des personnes noires dans la culture occidentale. C’est à ce personnage contradictoire et profondément humain que l’historien Gérard Noiriel a consacré un livre en 2012, puis une pièce de théâtre avec la compagnie Daja, et auquel Omar Sy a prêté ses traits dans le film de Rochdy Zem, Chocolat, en 2016.

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