Tests d'allergie alimentaire : avis et réalité

Dans nos pays développés, on attribue souvent des troubles de la santé à une intolérance alimentaire. Sur Internet ou en labo, des tests sans ordonnance, non remboursés, proposent de révéler les aliments non tolérés par l’organisme.

Le principe des tests d'intolérance alimentaire

Après avoir subi une extraction aqueuse, des constituants alimentaires sont fixés à la surface de cupules, qu’on remplit avec une petite quantité de sérum de la personne à tester. On observe ensuite s’il y a présence d’anticorps, les immunoglobulines G (IgG), dirigés contre ces constituants. On analyse également la quantité de ces anticorps, le cas échéant. Il existe aussi un test utilisant une biopuce permettant de doser simultanément de très nombreux aliments.

Le témoignage d'Anne-Laure

Cette promesse a convaincu Anne-Laure, 31 ans, qui souffre du syndrome du côlon irritable, diagnostiqué par un gastro-entérologue. « Il n’y a pas grand-chose à faire, on vous dit que c’est normal d’avoir mal », soupire-t-elle. Sur Internet, Anne-Laure opte pour le test couvrant 180 aliments. Elle paie 250 € et reçoit un kit à son domicile. Elle fait sa prise de sang à son labo habituel, puis envoie l’échantillon.

Aussitôt, sans avis médical, Anne-Laure s’astreint à un régime strict. D’abord, elle supprime les aliments problématiques, en association avec un régime de rotation : elle peut manger tout le reste, à condition d’attendre trois jours avant de remanger un aliment. Au début, c’est l’enthousiasme : « C’était hypercompliqué, mais je me sentais vraiment très bien. Je me suis dit que c’était cela ! » En fait, non, les douleurs reprennent. Anne-Laure se méfie de tout ce qu’elle avale : « Chaque fois, je pensais que j’avais ingurgité quelque chose par mégarde.

Avis des experts et sociétés d'allergologie

De nombreuses sociétés d’allergologie en Europe et aux États-Unis ont mis en garde contre l’utilisation de ces dosages pour établir un diagnostic d’allergie ou d’intolérance. Pour le groupe de travail de biologie de la Société française d’allergologie, aucun doute : « Dans l’état actuel des connaissances médicales, les dosages d’IgG anti-aliments ne devraient plus être pratiqués en routine pour établir un diagnostic d’intolérance alimentaire, ni mettre en place un régime d’éviction.

« La présence d’IgG dans le sang est un processus normal de l’organisme. L’intestin n’étant pas une paroi totalement hermétique, il laisse parfois passer des petits bouts d’aliments, qui se retrouvent dans le sang. Le système immunitaire va alors fabriquer des IgG contre ces aliments. Elles vont empêcher les allergies alimentaires de se développer. »

Créateur du blog Fodmapedia, destiné aux personnes souffrant du syndrome de l’intestin irritable, Emal Tribord reste, lui aussi, dubitatif. « Il faut faire attention, car les IgG ne sont pas des signes suffisants, ni de bons marqueurs. 100 % des personnes qui font ce test ont au moins une intolérance ! Et plus on enlève d’aliments, plus on appauvrit son microbiote.

Néanmoins, selon le Dr Habib Chabane, praticien allergologue et responsable du groupe de travail de la Société Française d’Allergologie :“Si le test met en évidence une activation d’IgG face à de nombreux aliments (plus de 20 environ) alors il est fort probable que vous ayez une perméabilité intestinale altérée. On retrouve typiquement ce genre de résultats chez les personnes touchées par une maladie inflammatoire chronique intestinale (maladie de Crohn, rectocolite).“

Le point de vue des laboratoires

Les labos défendent l’intérêt de leurs analyses et citent les recommandations des médecins. « Nous réalisons plusieurs centaines de ces tests chaque année, dont le tiers à l’initiative des patients. Les IgG dosées par ces tests sont des anticorps spécifiquement dirigés contre des aliments. Les complexes antigènes-anticorps ainsi formés vont se déplacer dans l’organisme et se déposer à distance, pouvant générer une inflammation et déclencher divers symptômes.

Il assure que les IgG détectées par les tests ImuPro sont à 99 % des IgG 1,2 et 3, celles qui peuvent entraîner des troubles. « Les IgG ne caractérisent pas spécifiquement une maladie. Après un interrogatoire et des investigations biologiques, quand les bilans habituels de l’allergologue sont négatifs, le dosage d’IgG ouvre une vraie fenêtre.

Témoignages positifs

Des personnes qui ont fait le bilan assurent se sentir bien mieux depuis qu’elles ont mis de côté les aliments à éviter. En 2017, la danseuse Fauve Hautot confiait aux magazines L’Express et Gala que ce test avait « changé [sa] vie ». Même constat pour Célia, 35 ans. En 2015, un médecin consulté pour des douleurs au ventre répétées lui recommande le bilan des intolérances alimentaires.

Célia se dit d’abord étonnée : « Le test révélait que j’étais intolérante à de nombreux aliments : gluten, lait, bière, certains fruits et légumes… » Son médecin lui conseille pourtant d’arrêter tout cela pendant six mois. Elle décide plutôt de modifier son alimentation : moins de pain, du thé plutôt que du café au lait le matin. « Je connais maintenant ce que je digère et ce que je ne digère pas. Placebo ? Hasard ?

« Les patients sont de plus en plus conscients que la prise de médicaments pour apaiser les symptômes n’améliorera pas leurs pathologies à long terme.

Les dangers des régimes stricts non encadrés

Les patients qui se lancent, sans être accompagnés, dans un régime strict s’exposent à des carences, des néophobies alimentaires et des troubles du comportement alimentaire.

Dans le cas de la maladie cœliaque, « si une personne décide d’éliminer le gluten de son alimentation parce que le test lui a dit qu’elle y était intolérante, on ne va plus pouvoir lui détecter la maladie avec les tests adéquats, s’inquiète Brigitte Jolivet, présidente de l’Association française des intolérants au gluten (Afdiag).

Comment savoir si vous avez une intolérance alimentaire ?

Si les tests d’intolérance sont inefficaces, alors comment savoir si on est concerné par une intolérance alimentaire ? Le seul moyen véritablement fiable consiste à mettre en place une stratégie d’éviction. lorsque les symptômes qui posaient problème s’améliorent (douleurs, acné, maladie auto-immune, etc.), alors on réintroduit les aliments un par un.

Dans la plupart des cas, les aliments problématiques sont les céréales à gluten, les produits laitiers animaux, les produits à base de soja, les solanacées (tomates, pommes de terre, aubergines, poivrons et piments) ou les légumineuses.

Autotests d'allergie : ce qu'il faut retenir

  • Le dosage des IgE totales n’a pas d’intérêt et les autotests d’allergie concernés ont été retirés du marché.
  • Dans l’évaluation de l’allergie, il n’y a pas non plus lieu de réaliser des tests diagnostiques n’ayant pas fait preuve de leur efficacité comme le dosage d’immunoglobuline G (IgG) ou celui des immunoglobulines E (IgE) totales.
  • Les tests d’allergie réalisés à distance après une commande en ligne sont fortement déconseillés.
  • De manière générale, les autotests d’allergie n’ont pas une fiabilité garantie. De plus, leur positivité ne signifie pas qu’il y a obligatoirement une allergie mais seulement une sensibilisation à un allergène, ce qui est bien différent.

Tableau récapitulatif des autotests d'intolérance au gluten

Nom du test Laboratoire Prix indicatif Temps d'attente des résultats Anticorps recherchés Fiabilité
Autotest gluten 2e génération AAZ 19,90 € 5 à 10 minutes IgA anti-transglutaminases et IgA totales Le plus fiable selon le Pr Cellier
Exacto Biosynex 11,90 € 10 minutes IgA et IgG antigliadines déamidées Efficacité élevée selon certaines études
Véroval Hartmann 17,70 € 10 minutes IgA anti-transglutaminases Risque plus élevé de faux négatifs
Gluten’Alarm Medisur 12 € 15 minutes IgA anti-transglutaminases Risque plus élevé de faux négatifs

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