Kaamelott : Entre Réécriture de l'Histoire et Humour Décalé

Kaamelott, série écrite et réalisée par Alexandre Astier, a marqué son public par son humour et ses répliques-cultes. Mais faut-il prendre au sérieux la façon dont elle réécrit l'histoire, celle de la légende arthurienne, mais aussi celle de ce moment crucial qu'est le Ve siècle de notre ère, entre Antiquité tardive...

Une Série Riche et Complexe

Cette série est riche et complexe malgré le choix du format, environ 3 minutes par épisode. Justement, le peu de temps accordé à chaque sujet permet à l'auteur d'aller droit au but ! Que l'on soit d'accord ou non à l'interprétation qu'Alexandre Astier donne à la légende arthurienne, on ne peut émettre de doute sur sa connaissance sans faille du monde médiéval et du royaume de Bretagne en particulier.

Pourtant, ce n'est pas un traité sur l'histoire, plusieurs époques sont mélangées sans états d'âme, du Bas Moyen Âge où la grandeur de Rome s'étendait de l'Occident à l'Orient, au Haut Moyen Âge, prémices de la Renaissance donc pas moins d'une dizaine de siècles. Mais qu'importe, même si Alexandre Astier crée un Moyen Âge atemporel, il joue avec les connaissances, même minimes, des spectateurs : le roi Arthur, la Quête du Graal, Lancelot, Les chevaliers de la Table Ronde, la Dame du Lac, les Romains.

Chacun d'entre nous a vu ou lu quelque chose sur l'un de ces sujets : des BD (Astérix - Uderzo-Goscinny, ... ), des romans de Fantasy (Le seigneur des anneaux - J.R.R.Tolkien, ... ) ou leur traduction cinématographique (Merlin l'enchanteur - W. Disney ... ) qui apportent leur lot de créatures fantastiques (trolls, nains, elfes, dragons ... ).

Les Personnages Révélateurs

Au sujet de la série Alexandre Astier confie :"Ce n'est pas une histoire, mais un environnement, avec des règles. En lisant ce livre, j'ai retrouvé avec plaisir les principaux personnages dont les attitudes et le comportement sont des révélateurs bien plus profonds de l'identité humaine que certaines situations comiques laisseraient entrevoir.

Ils sont étudiés à la loupe et ont une réelle évolution tout au long de l'aventure. C'est ainsi que, si on ne s'en est pas rendu compte seul, Guenièvre n'est pas aussi "gourdasse" que veut bien le dire sa mère Séli.

Avec Mevanwi elle représente l'ambivalence de la même femme, naïve, pure, mais aussi sombre et calculatrice, bien loin du portrait décrit dans les écrits médiévaux. Perceval, paraissant idiot par son manque de compréhension du vocabulaire d'usage et ses bourdes diplomatiques a pourtant des éclairs de lucidité impressionnants.

Comme les ménestrels, amuseurs des rois médiévaux, il accède à une relation privilégiée avec Arthur. Si tous les acteurs sont magistraux dans leurs toges ou armures bizarres, il faut reconnaître le talent du créateur Alexandre Astier, musicologue de formation, à qui on doit tous les arrangements musicaux.

L'épisode de "La quinte juste" est des plus savoureux. Sous un habit d'humour, il dénonce le processus lent et complexe, parfois dangereux (excommunication) qui a permis l'évolution de la musique.

Les jeux tiennent aussi une place importante, les combats organisés par le tavernier avec des animaux aussi différents qu'un oiseau hargneux ou un ver trouvé dans son fromage ! Que dire du "Cul de chouette" ou du "Sloubi", jeux aux règles incompréhensibles que Perceval insiste pour apprendre à son entourage.

Pour preuve les relances de ce dernier :" Doublette, jeu carré, jeu de piste, jeu gagnant, jeu boulin, jeu jeu, jue jeu, joujou, jou glié, jou ganou, gagnat, catact, tacat, cacatat, cagatcata et ratacac mic.

Un Moyen Âge Atemporel

Historiquement, il semblerait qu'un roi Arthur ait existé, justement à ce moment charnière de la chute de l'empire romain et de l'entrée dans le Moyen Age (donc vers le Ve siècle). C'est d'ailleurs cette version historique qui semble être prise pour base par Alexandre Astier.

Oui mais alors, pourquoi des anachronismes telles que des armures dignes des chevaliers du XVe siècle, pourquoi des casques à cornes pour les vikings alors que cet attribut visuel n'apparaît qu'au XIXe siècle chez les romantiques ?

Parce qu'Alexandre Astier créé ainsi un Moyen Age atemporel et mythique, utilisant pour cela des codes visuels connus de tous. Et c'est un peu la force de la série : rassembler un très large public. Des connaisseurs médiévistes aux complets novices ayant à peine entendu parler du roi Arthur et de ses chevaliers de la Table Ronde, tout le monde s'y retrouve.

Certains rient plus que d'autres, certains repèrent des indices littéraires, d'autres de notre pop culture (Star Wars par exemple) Alexandre Astier rassemble.

La Vie Quotidienne des Chevaliers

La série aurait pu suivre le chemin tracé par les autres productions cinématographiques sur le sujet et l'époque, un Moyen Age certes mythique mais surtout teinté de fantasy. Non et c'est là aussi la force du réalisateur, les saynètes nous parlent du quotidien des chevaliers et de leur entourage.

Elles nous parlent de problèmes de gestion de stocks de nourriture, de paris illégaux, d'armure oubliée, de capture d'anguilles, de pâte d'amande, de chefs barbares incompréhensibles elles s'attachent à la chair et au corps, au physique, au terrestre.

Et si des créatures merveilleuses semblent faire partie de l'univers de Kaamelott, jamais elles ne sont montrées et elles ne semblent d'ailleurs pas si merveilleuses que ça.

Kaamelott : un livre d'histoire démontre que, en plus d'être extrêmement drôle, touchante, maligne et addictive, le secret de cette série tient aussi à son intelligence et à son habileté à jouer avec les codes et les connaissances des spectateurs.

L'Humour et la Guerre

Comment représenter des guerres incessantes ainsi qu’un constant climat de violence dans un programme comique court dédié à un large public ? C’est le dilemme brillamment relevé par la série télévisée Kaamelott (M6­, 2005-2010), dans la lignée des grands succès comiques du cinéma français.

Par le choix d’une logique et d’une esthétique du rire, Alexandre Astier, créateur de cette série française d’inspiration médiévale, développe un thème martial permanent, bien que sans cesse mis à distance.

À travers l’histoire du roi Arthur et de ses chevaliers de la Table ronde, la série se fait parodie, dans une perspective burlesque qui remet en question à la fois l’importance martiale et la place accordées aux armées. Le pouvoir militaire arthurien est ici développé au prisme d’une prépondérance humoristique.

Ainsi, si la guerre se situe au cœur de la série, c’est sans jamais apparaître à l’écran : par un certain nombre de détournements, principalement thématiques et linguistiques, le rire et la caricature se substituent au contexte de violence guerrière.

Alexandre Astier rejette toute archaïsation non nécessaire du lexique, afin d’ancrer les personnages médiévaux dans une perspective familière pour le spectateur contemporain. Les éléments issus d’un lexique « vieilli » sont limités à un effet de couleur locale ou d’humour, et n’apparaissent que rarement dans la série.

Adaptant cette décision linguistique à la représentation des personnages, Alexandre Astier fait le choix de mettre en scène les héros légendaires - Arthur, Lancelot, Perceval et les autres - dans un cadre quotidien, développant le décalage burlesque entre ces figures mythiques de la littérature et leurs activités parfois triviales.

Enfin, la série propose un décalage entre sa thématique majeure - la guerre, le combat, le conflit - et la façon humoristique dont elle est abordée.

Par une succession de mises à distance et de détournements burlesques, la série désarme le contexte de violence médiévale. Astier choisit de rire de tout, et de rire en particulier de la guerre.

En effet, la guerre est toujours au centre des propos dans Kaamelott, directement ou indirectement, comme le souligne le contexte à la fois historique et rêvé des « Âges sombres », marqué tout au long de la série par les aventures chevaleresques, la violence, la tentative de domination romaine et les invasions barbares.

Ainsi, à l’écran, aucune véritable prise de guerre ni capture d’otages : le seul enlèvement de la série n’est qu’un simulacre orchestré par la mère de la reine, afin de dérober un peu d’argent à son époux et à son gendre.

Le créateur de la série privilégie un compromis du détournement et de la mise à distance : les héros de Kaamelott ne souffrent jamais de blessures graves, ou encore moins de mutilations. Les blessures présentes à l’écran ne sont que superficielles et se limitent à quelques coupures et écorchures apparemment sans conséquences pour un regard jeune.

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