Le film transparent et lisse, connu sous le nom de film étirable, est né d'une erreur de chimie dans les années 1930. Initialement utilisé par l'armée, il est aujourd'hui omniprésent dans nos cuisines et les commerces alimentaires.
Bien que pratique pour conserver les aliments, le film étirable présente des inconvénients : il contribue à la pollution plastique, est difficile à recycler et est fabriqué à partir de produits chimiques potentiellement dangereux, surtout lorsqu'ils se décomposent dans l'environnement.
L'histoire du film étirable
Dans les années 1950, le film étirable est devenu populaire grâce à son efficacité pour le stockage des aliments. Ralph Wiley a découvert le chlorure de polyvinylidène (PVDC), un produit chimique si résistant à l'eau. Les molécules de PVDC se lient si étroitement qu’elles sont presque impénétrables par les molécules d’oxygène et d’eau. Du fait de ses propriétés, le PVDC a trouvé sa place dans l’armée puis dans les cuisines américaines sous le nom de Saran Wrap.
Dans les années 1960, la société australienne GLAD a créé sa propre version du film plastique (moins collante) à partir de polyéthylène. Le film de la marque Saran Wrap est désormais lui aussi fabriqué à partir de polyéthylène, suite aux préoccupations des consommateurs concernant les effets sur la santé de l'utilisation d'un plastique contenant du chlorure pour emballer leurs aliments.
Aujourd’hui, les consommateurs du monde entier ont à leur disposition des marques film alimentaire en PVDC, PVC et polyéthylène.
Les risques pour la santé
Les films plastiques, fins et peu résistants, sont difficiles à recycler ; sans équipement spécialisé, ils obstruent les machines. Et même lorsque ce type de plastique est recyclé, il demeure plus coûteux que ses équivalents non recyclés. De plus, selon l'Organisation mondiale de la santé, le PVC et le PVDC peuvent libérer une substance chimique hautement toxique, la dioxine, lorsqu’ils finissent dans des décharges ou des incinérateurs.
Le PVC et le PVDC se distinguent par des compositions de chlorure légèrement différentes. Le Saran Wrap contient environ 13 % de chlorure de vinyle, et les deux matériaux contiennent généralement des additifs toxiques, déclare Bendell. L’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux réglemente ces deux produits, de sorte que moins d’une fraction d’un pour cent de PVC et de PVDC puisse migrer dans les aliments. À ce niveau d’exposition, le risque d’intoxication par le film étirable est extrêmement faible.
Comme l’explique Ramani Narayan, ingénieur chimiste à l’université d’État du Michigan, ces plastiques sont souvent mélangés à des plastifiants pour les rendre plus souples, plus flexibles et plus transparents, en particulier dans le cas des emballages alimentaires. Parmi ces plastifiants, on retrouve un groupe de molécules appelées phtalates, contenant des substances cancérigènes, bien que les films plastiques en PVC n’en contiennent plus. Il contient en revanche un plastifiant appelé DEHA, ou adipate de diéthylhexyle, dont les effets sur la santé humaine restent incertains.
Stretch-Tite fabrique des films étirables contenant du PVC. Dans un courriel, l’entreprise soutient que son produit ne contient pas de substances chimiques cancérigènes telles que le BPA et les phtalates, et affirme que les inquiétudes concernant la sécurité des emballages plastiques ne reposent pas sur des bases scientifiques solides.
Selon Halden, « contrairement aux agents pathogènes infectieux, les effets de l’exposition à des produits chimiques toxiques peuvent mettre des décennies à se manifester ». Il serait donc difficile d’établir un lien direct entre une augmentation des taux de cancer, par exemple, et les produits chimiques contenus dans les films étirables.
Les risques méconnus du film alimentaire en PVC
S’il est aussi répandu dans nos tiroirs, c’est parce qu’il remplit parfaitement son rôle : le film alimentaire en PVC est souple, adhérent, et surtout hermétique. Une qualité de conservation indéniable, qui masque pourtant un revers beaucoup moins rassurant. Comme le souligne l’hygiéniste Christophe Mercier-Thellier, ce plastique libère, au contact des aliments, des phtalates, ces substances ajoutées pour assouplir le matériau, rapporte 750g. Le problème, c’est que ces phtalates ne restent pas sagement à leur place : ils migrent, surtout lorsqu’ils rencontrent de la chaleur ou des aliments gras, et s’introduisent dans notre alimentation. Soupçonnés d’agir comme des perturbateurs endocriniens, ils peuvent influencer le fonctionnement hormonal du corps humain. Autrement dit, un simple geste de conservation peut, à terme, soulever une question.
Ce que les étiquettes ne disent pas toujours
Impossible à l’œil nu de différencier un film alimentaire sans risque d’un autre plus douteux, et c’est bien là le problème. Christophe Mercier-Thellier déplore l’absence de signalétique claire sur les emballages, laissant les consommateurs sans repère face à des produits parfois rappelés pour la présence de substances toxiques. La seule solution reste donc de scruter les indications imprimées sur l’emballage, en espérant y trouver des informations utiles. Certains films mentionnent, discrètement, qu’ils ne doivent pas être utilisés avec des aliments gras ou conservés dans l’huile.
Une précision loin d’être anodine, puisque c’est justement ce type de contact qui favorise le transfert de composés chimiques vers la nourriture. Autrement dit, un emballage mal choisi peut suffire à contaminer un plat, sans qu’on s’en rende compte.
Microplastiques et pollution
Dans les milieux marins, le film étirable contribue à aggraver la crise de la pollution plastique. De plus, contrairement aux autres plastiques, le PVC et le PVDC captent un grand nombre de bactéries et de métaux ; ces microplastiques contaminent ensuite les poissons qui les prennent pour de la nourriture.
Alternatives au film étirable
Le papier ciré était fréquemment utilisé dans les décennies qui ont précédé l’apparition du film étirable dans les rayons des supermarchés. Aujourd’hui, une forme réutilisable de papier ciré offre une alternative aux plastiques jetables.
Bee's Wrap est fabriqué à partir d’une fine bande de coton enduite de cire d’abeille, d’huile de jojoba et de résine d’arbre. La chaleur des mains détache les liens, ce qui rend le produit plus souple et plus adhérent.
Copropriétaire d’une start-up appelée Etee, Steve Reble dit s’être inspiré des emballages utilisés pour la confection des momies égyptiennes lorsqu’il a créé son propre emballage alimentaire réutilisable en enduisant une fine bande de coton d’une barrière cireuse.
Bien qu’il s’agisse d’entreprises relativement récentes, Bee’s Wrap ayant été fondée en 2012 et Etee en 2017, elles ont réussi à cibler une catégorie de consommateurs à la recherche d’alternatives aux plastiques à usage unique.
Selon Reble, les emballages alimentaires Etee ont permis d’éliminer plus de 9 millions de mètres carrés d’emballages plastiques entre 2017 et 2019. Katie Flagg, représentante de Bee’s Wrap, indique que l’entreprise a connu une croissance de 87 % en 2018.
« Nous sommes de plus en plus conscients de la manière dont nous gérons nos ressources », explique Flagg.
Les bons gestes à adopter en cuisine
Pour limiter les risques, il vaut mieux repenser certains réflexes du quotidien. En cuisine, le film alimentaire ne devrait jamais entrer en contact direct avec des préparations grasses. Une pâte brisée qu’on laisse reposer au frais ? Un simple papier cuisson fait parfaitement l’affaire et ne présente aucun danger. Même chose pour les crèmes : recouvrir une crème pâtissière ou une crème anglaise d’un film "au contact" peut sembler pratique, mais favorise la migration de substances indésirables. Un voile de beurre fondu suffit à protéger la surface sans compromettre la sécurité.
Au moment de réchauffer un plat, il est préférable d'opter pour un film spécifiquement conçu pour le micro-ondes : la mention doit figurer clairement sur l’emballage. Et si le doute persiste, rien ne vaut une cloche, un bol ou une assiette posée à l’envers.
Précautions d'usage
France Info le souligne, sur la plupart des films plastiques alimentaires, il y a un avertissement : « ce film convient à tous les aliments, excepté les graisses et les huiles animales, les produits conservés en milieu gras, les fruits à coque, en pâte ou en crème et les sauces à caractère gras comme les mayonnaises, crèmes pour salades et autres mélanges, notamment à base de noix de coco. » En effet, au contact d’aliment gras, le plastique utilisé est susceptible de libérer des substances chimiques de la famille des phtalates, classés comme « substances toxiques pour la reproduction ».
Ensuite, comme le recommande la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF), il vaut mieux ne pas recouvrir des produits ou un contenant qui seraient encore chauds, car la chaleur facilite les migrations des molécules néfastes vers l’aliment recouvert.
“On peut transvaser la nourriture dans un contenant en verre ou en inox”, recommande Tania Pacheff. Une autre option existe : le tissu imbibé de cire d’abeille, aussi appelé le beewrap, “substitut au film alimentaire réutilisable et non toxique”, rappelle-t-elle, et qui a l’avantage de pouvoir être fait maison.
Privilégiez les films alimentaires sans phtalates. Si vous n’en trouvez pas - ou si vous souhaitez être prudent -, évitez le contact direct du film avec les aliments. Il ne faut pas l’utiliser non plus pour vos cuissons au four ou à l’eau bouillante.
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