Autour d’un barbecue, d’une table végétarienne, dans les médias ou en politique, le sujet de la consommation de viande rouge reste sensible. Les données scientifiques, elles, s’accumulent année après année, et leurs conclusions sont de plus en plus claires.
Les recommandations de l'OMS
L’Organisation mondiale de la Santé rappelle que la surconsommation de viande rouge est néfaste pour la santé et augmente les risques de développer des cancers et maladies cardiovasculaires. C’est ce que rappelle l’Organisation mondiale de la Santé, dans un nouveau rapport publié le 10 juillet. Le document, qui analyse l’ensemble des données scientifiques disponibles sur le sujet, vient confirmer et renforcer son avis sur la question, qu’elle avait déjà formulé en 2015.
L’OMS confirme ainsi qu’au-delà de 300 à 500 grammes par semaine, la consommation de viande rouge - qui englobe le bœuf, le veau, le porc, l’agneau, le mouton, le cheval et la chèvre - peut augmenter les risques de cancers colorectaux et de l’intestin, et de maladies cardiovasculaires. Les viandes transformées et ultra-transformées, comme le salami, le jambon, les nuggets, etc., se révèlent encore plus dangereuses, puisque les liens avec une augmentation du risque de cancer sont établis à partir d’une consommation supérieure à 80 g par semaine. L’OMS classe ainsi les viandes transformées comme des agents cancérogènes de groupe 1, signifiant que les preuves établissant un lien entre leur consommation et une augmentation du risque de cancer sont solides et font consensus.
"Ces résultats apparaissent logiques car les acides gras saturés, le fer et les nitrites, contenus dans ces viandes rouges et transformées, sont des facteurs connus de risque de cancers, notamment du côlon, et le sel des produits transformés peuvent augmenter les maladies cardiovasculaires et l’hypertension, précise Antoine Flahault, épidémiologiste, directeur de l’Institut de santé globale et professeur à la faculté de médecine de Genève. Il existe donc des explications plausibles permettant de dire que la surconsommation de viande rouge peut être à l’origine de problèmes de santé, mais il ne faut pas oublier que des facteurs distincts peuvent entrer en jeu, comme le fait que les personnes qui mangent trop de viandes rouges peuvent avoir d’autres comportements néfastes pour leur santé - trop manger, boire trop d’alcool, consommer trop de sucre, fumer, etc. -, même si les études sur le sujet ajustent leurs résultats en prenant en compte ces paramètres."
L’OMS ajoute que les modes de production de viande rouge et transformée peuvent s’accompagner d’autres problématiques pour la santé, dont la résistance antimicrobienne due à l’utilisation excessive d’antibiotiques chez les animaux, ou encore l’augmentation de maladies qui se transmettent de l’animal à l’homme. Elle pointe en particulier du doigt les élevages intensifs pratiqués à l’échelle industrielle, les "parcs d’engraissement", dont la pratique se répand dans les pays en voie de développement et les nouvelles grandes puissances, comme la Chine ou le Brésil.
Apports nutritionnels et nécessité de modération
L’instance internationale indique encore que la viande rouge est une importante source de fer, de vitamine B et de tous les acides aminés : des nutriments essentiels à la croissance, au développement et à la santé de l’être humain. Elle ajoute qu’ils peuvent aussi se trouver dans les haricots et les légumineuses, riches en fer et en vitamine B, même s’ils se présentent sous une forme moins facilement assimilable par notre système digestif. D’ailleurs, l’OMS ne suggère évidemment pas aux populations souffrant de malnutrition d’éviter la consommation de la viande rouge. En revanche, les pays à fort revenus, principalement les pays occidentaux - dont la France -, qui dépassent les recommandations gagneraient à réduire leur consommation. Idéalement, leurs habitants devraient éviter la viande transformée et favoriser la viande élevée dans de meilleures conditions, ou encore les légumes, voire la viande blanche et le poisson.
"Il s’agit d’un sujet sensible et il convient d’être modéré. Il peut être bon de manger de la viande rouge, et si le risque d’augmentation de cancer lié à la surconsommation existe, ce n’est pas comparable aux risques du tabac ou de l’alcool, précise Antoine Flahault. Le rapport a donc raison de souligner l’apport nutritionnel de la viande rouge, tout en insistant sur la nécessité de modérer sa consommation. D’autant qu’à 300 à 500 g de viande rouge par semaine, on reste encore loin de l’abstinence !".
Impact environnemental
L’OMS rappelle enfin que la production de viande rouge a un impact sur nos écosystèmes, d’une part parce que l’élevage en lui-même génère des gaz à effet de serre (GES) qui participent au réchauffement climatique, mais aussi parce qu’il provoque la déforestation des territoires via la création de champs où les ruminants peuvent brouter ou de champs de céréales et de soja destinés à nourrir les bêtes d’élevage intensif. Or les arbres permettent non seulement de capter du CO2 et de produire de l’oxygène, mais ils protègent également la biodiversité. "L’élevage de bétail représente environ 80 % de l’ensemble des émissions de GES du secteur de l’agriculture, qui elle-même est à l’origine d’environ 30 % des GES dans le monde, précise Antoine Flahault. Diminuer la consommation de viande rouge en Occident permettrait à chacun de contribuer personnellement, et de façon assez substantielle, à la réduction de GES et de son empreinte environnementale".
Depuis des années, de nombreux experts estiment que la production et la consommation mondiale de viande rouge ne sont plus tenables à long terme. Et s’ils estiment que les décisions personnelles de modération ou de changement de régime ont leur importance, ils rappellent que les Etats doivent également agir, par exemple en modifiant leurs politiques qui encadrent leurs systèmes alimentaires afin de donner la priorité à la santé des personnes et à l’environnement.
Les bienfaits de la viande rouge
La viande rouge apporte tous les acides aminés indispensables à l'organisme : elle est une bonne source de protéines, de fer, de zinc et de vitamine B12 (uniquement présente dans les produits d'origine animale). La viande rouge est utile. Le zinc est un nutriment essentiel présent en quantité notable dans la viande rouge. Il joue un rôle crucial dans le développement musculaire, le bon fonctionnement cérébral et la construction d'un système immunitaire robuste. En outre, la viande rouge est une source riche en vitamines B, notamment la vitamine B12, essentielle pour un système nerveux sain, et la vitamine B6, importante pour le système immunitaire. La niacine et la riboflavine, également présentes, favorisent une bonne digestion et contribuent à la santé de la peau et des yeux. Certaines viandes rouges maigres contiennent de l'acide oléique, bénéfique pour le cholestérol.
Sans surprise la viande de boeuf est très riche en fer héminique, ce dernier est présent exclusivement dans les aliments d’origine animale car il est associé à des protéines comme l’hémoglobine. Dans le corps humain, le fer s'avère nécessaire au transport et à l'utilisation de l’oxygène par les globules rouges, ainsi qu’au fonctionnement de certaines enzymes.
La viande de boeuf représente une source intéressante de protéines d'origine animale. Dans le corps humain, elles jouent plusieurs rôles indispensables. En effet, elles ont une fonction structurale et "participent au renouvellement des tissus musculaires, des phanères (cheveux, ongles, poils), de la matrice osseuse, de la peau, etc", souligne l'Anses. Et d'ajouter que le protéines sont également impliquées dans de nombreux processus physiologiques, par exemple sous la forme d'enzymes digestives, d'hémoglobine, d'hormones, de récepteurs ou d'immunoglobulines (anticorps). Par exemple, une portion de 100 grammes de viande couvre 30% des apports quotidiens nécessaires en protéines.
Autre atout de la viande rouge, elle apporte de la vitamine B12 à l'organisme. Aussi appelée cobalamine, la vitamine B12 est impliquée dans le métabolisme du propionate et de la vitamine B9. Une carence en vitamine B12 est plus souvent remarquée chez les personnes qui suivent un régime alimentaire végétalien car elle est amenée par les œufs mais mal absorbée, la viande, les produits laitiers, les abats, etc. Dans la majorité des cas, une carence en vitamine B12 se traduit par une anémie et s’accompagne de "symptômes liés à une altération du transport de l’oxygène, tels que la fatigue ou la dyspnée".
Cette viande apporte aussi des minéraux antioxydants comme le cuivre et le magnésium. C'est également une excellente source de zinc, cet oligoélément essentiel est impliqué dans de nombreuses fonctions cellulaires.
Les risques liés à une consommation excessive
Mais une consommation excessive de viande n'est pas bonne pour la santé. Elle accroît notamment le risque de cancers, de dépression et de maladies cardiovasculaires. La viande rouge est la viande issue des mammifères comme le bœuf, le veau, le porc, l’agneau, le mouton, le cheval et la chèvre. Si elle nous apporte du fer, des vitamines et des protéines, elle contient également des gras saturés qui s’accumulent dans nos artères et provoquent des problèmes de santé.
La consommation de viande a des bénéfices pour la santé, rappelle l’Organisation mondiale de la santé. "Ceci dit, nombre de recommandations nationales de santé conseillent aux individus de limiter leur consommation de viande transformée et de viande rouge, qui est liée à des risques accrus de décès par maladie cardiaque, par diabète et d'autres maladies", note cette dernière (Source 1). Ce sont les acides gras saturés qui augmentent le taux de mauvais cholestérol dans le sang et diminuent le taux de bon cholestérol (HDL) - le système cardiovasculaire en paye ensuite les conséquences.
Selon plusieurs études, la consommation de viande rouge augmenterait de 24 % le risque de cancer du côlon, et de 20 à 60 % ceux de l’œsophage, du foie, du pancréas ou du poumon. Entre cancers et maladies cardiovasculaires, le risque global pour les grands consommateurs de viande rouge d’être victimes de l’une de ces maladies est majoré de 31 % pour les hommes et de 36 % pour les femmes. Les charcuteries sont aussi concernées : une ration quotidienne comprise entre 50 et 80 g accroît le risque de décès de 9 %, de 21 % pour une portion comprise entre 80 et 160 g (Source 2). Aujourd’hui, la majorité des scientifiques s’accorde à dire que des milliers de décès prématurés pourraient être évités si les gens mangeaient moins de viande rouge et de charcuterie.
Dans une étude parue dans la revue Nature Microbiology le 23 décembre 2021 (Source 6), des chercheurs rapportent que le composé triméthylamine-N-oxyde (TMAO), produit par certaines bactéries intestinales, augmenterait le risque de problèmes cardiovasculaires (crise cardiaque, accident vasculaire cérébral…).
Résultat : "Les aliments pro-inflammatoires causent ou aggravent un état d'inflammation dans tout le corps, y compris le cerveau", expliquent-ils. Les femmes y seraient deux fois plus sensibles que les hommes. 18% des femmes ont présenté plus de risques de souffrir d’une dépression, tandis que celles qui ont privilégié des aliments anti-inflammatoires ont diminué leur risque de 20%.
Combien de portions de viande rouge par semaine ?
Les autorités sanitaires recommandent de ne pas dépasser trois portions de viande rouge par semaine. Le Programme National Nutrition Santé recommande de limiter sa consommation de viande et de privilégier la volaille. 500 grammes de viande (hors volaille) par semaine correspond à 3 ou 4 steaks. "Privilégiez la volaille comme le poulet sans la peau, les escalopes de volaille… Elle est moins grasse que les autres viandes. Si vous consommez d’autres viandes, favorisez également les morceaux les moins gras : escalope de veau, filet maigre de porc, bavette, steak haché à 5% de matières grasses…", souligne le site Manger Bouger. Une astuce facile, la portion recommandée correspond à la quantité de viande cuite de la taille de la paume de la main.
Alternatives à la viande rouge
Mais la viande rouge n'est pas la seule catégorie d'aliments source de protéines. Poissons et oeufs apportent des acides aminés essentiels, et d'autres aliments contiennent des protéines végétales. Il est bien sûr possible de trouver des protéines dans d’autres aliments.
- Les légumes secs ou légumineuses : associées aux céréales, les légumineuses sont une source de protéines aussi intéressante que la viande. Par exemple, une demi-tasse de haricots secs et quatre tasses de riz complet ont une teneur en protéines équivalente à… 500 g de steak !
- Les poissons : ils contiennent autant de protéines que la viande et renferment de "bonnes graisses", en particulier les oméga-3 ;
- Les œufs : remarquable source de protéines, on leur reproche leur teneur en cholestérol. Chez les personnes en bonne santé, le cholestérol alimentaire n’est que très peu corrélé au taux de cholestérol sanguin. La consommation de quelques œufs par semaine ne peut donc pas engendrer d’excès de cholestérol sanguin ;
- Les produits laitiers : le parmesan renferme 40 g de protéines pour 100 g, l’emmental 30 g/100 g.
Conclusion
En conclusion, la consommation de viande rouge présente des avantages nutritionnels significatifs, mais elle doit être modérée pour éviter des risques sanitaires accrus. Aussi, réduire la consommation de viande rouge à l'échelle mondiale permettra de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre.
Références
- Alexander DD, Weed DL, Miller PE, Mohamed MA. Red Meat and Colorectal Cancer: A Quantitative Update on the State of the Epidemiologic Science. J Am Coll Nutr. 2015;34(6):521-43. doi: 10.1080/07315724.2014.992553. Epub 2015 May 5.
- Johnston BC, Zeraatkar D, Han MA, Vernooij RWM, Valli C, El Dib R, Marshall C, Stover PJ, Fairweather-Taitt S, Wójcik G, Bhatia F, de Souza R, Brotons C, Meerpohl JJ, Patel CJ, Djulbegovic B, Alonso-Coello P, Bala MM, Guyatt GH. Unprocessed Red Meat and Processed Meat Consumption: Dietary Guideline Recommendations From the Nutritional Recommendations (NutriRECS) Consortium. Ann Intern Med. 2019 Nov 19;171(10):756-764. doi: 10.7326/M19-1621. Epub 2019 Oct 1.
- "FAQ sur la cancérogénicité de la consommation de viande rouge et de viande transformée", Centre international de recherche sur le Cancer - Organisation mondiale de la santé.
- "Meat consomption and mortality, results from the European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition"", BMC Medicine, 7 mars 2013.
- "Association between inflammatory potential of diet and risk of depression in middle-aged women: the Australian Longitudinal Study on Women’s Health", Cambridge University Press, 8 août 2016.
- "Discovery and Features of an Alkylating Signature in Colorectal Cancer", Cancer Discovery, octobre 2021.
- "Meat consumption and risk of incident dementia: cohort study of 493,888 UK Biobank participants", The American Journal og clinical nutrition, 22 mars 2021.
- Buffa, J.A., Romano, K.A., Copeland, M.F. et al. The microbial gbu gene cluster links cardiovascular disease risk associated with red meat consumption to microbiota L-carnitine catabolism. Nat Microbiol 7, 73-86 (2022).
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