Écuelle de Porc : Histoire et Recettes d'un Plat Médiéval

En dix siècles d’histoire, le Moyen-Âge a révolutionné la gastronomie. L'homme médiéval est dépendant de la nature. Une mauvaise saison le met en danger de famine. Les produits frais, fruits, légumes et même viandes, ne sont disponibles que saisonnièrement.

L'alimentation au Moyen-Âge

Commençons par définir d’abord ce que l’on ne mange pas : des pommes de terre, des tomates, du maïs, de la dinde (un animal venu d’Amérique) et des fruits exotiques bien sur. Mais aussi (hélas) du chocolat et du café. Cette liste n’est pas exhaustive.

Il faut considérer, globalement, que l’on pouvait trouver toutes sortes d’aliments, en cherchant bien, mais que traditionnellement on trouvait toujours les mêmes plats sur les tables. Le riz, par exemple, était connu mais pas populaire, tout comme peuvent l’être les topinambours aujourd’hui (très appréciés par nos ancêtres). Autre point important : on ne mange évidemment pas pareil que l’on soit noble ou simple paysan. Les plus riches avaient accès à un grand nombre d’aliments venus de contrées lointaines.

L'approvisionnement ne vient pas de la chasse mais de l'élevage. Le boeuf fournit la plus grande partie de la viande; le Ménagier de Paris conseille d'en consommer la longe, la surlonge, la poitrine et le jarret, qui donnent les meilleurs bouillons. Tous les milieux sociaux mangent de la viande, mais les morceaux diffèrent selon l'aisance. Au choix des morceaux se surimposent les variations saisonnières: la viande fraîche de porc est disponible en novembre ou en décembre alors que l'agneau n'apparaît qu'en mars, pour disparaître en juin.

A cause de la gabelle, le sel est très cher, on lui préfère volontiers les herbes aromatiques. On consomme principalement du porc, sous toutes ses formes : pâtés, jambons, saucisses, etc. Vous connaissez le dicton : « tout est bon dans le cochon ».

Les gros gibiers (sanglier, cerf) cuits à la broche, sont réservés aux grosses bourses, de même que les gros oiseaux qui pouvaient être servis emplumés. Les tables les plus modestes se contentent de lapins, de lièvres, de pigeons, perdrix et de petits oiseaux, souvent bouillis pour attendrir leur chair ou cuits en sauces. Les autres viandes que nous consommons aujourd’hui régulièrement (vache, poulet, mouton) n’avaient pas beaucoup de succès, on préférait maintenir ces animaux en vie pour profiter de leur lait, de leurs oeufs et de leur laine.

Parmi les légumes, beaucoup de changement ! Au Moyen-Âge, on est friands de racines, de choux, de légumes verts, d’oignons et de féculents. Côté fruits, la grande gagnante reste la pomme suivie de prêt par la prune, le raisin et la poire. Les fruits rouges du type fraises et framboises n’étaient pas cultivés mais cueillies sauvages. C’est la base de l’alimentation.

Le pain est présent sur toutes les tables, matin, midi et soir, il servait même de tranchoir : une grande tranche de pain faisant office d’assiette. Le sucre n’a pas le succès qu’on lui connaît aujourd’hui. Les palais sont friands d’épicés, d’aigre doux, et de miel, préféré au sucre car beaucoup plus accessible.

Les recettes traditionnelles françaises que nous connaissons aujourd’hui proviennent souvent du Moyen-Âge : les civets ou les daubes de nos grands mères mais aussi les rôtis et bien sur, l’incontournable soupe. Côté sucre citons notamment le pain perdu, les gaufres, les pâtes de fruits et les compotes.

Certains livres de recette de l’époque nous sont parvenus, on les appelles les « viandiers », mais ils ne parlent pas que de viande. La nappe se retrouve sur toutes la plupart des tables, elle n’a pas la fonction « décorative » que l’on lui connaît : on s'essuie dessus, mains et bouche lors du repas. La table classique ne croule pas sous les plats, mais ces derniers sont copieux. Et bien sur, du vin ! Ou de la bière, voire du cidre, ces deux dernières boissons étant servies aux grands come aux petits. L'eau est réservée à la vaisselle et à la lessive.

Les assiettes ne sont pas très répandues on mange plus volontiers dans des écuelles assez creuses avec une cuillère. Tout simplement parce que les plats sont assez liquides. De plus, l’assiette plate fonctionne avec la fourchette et la fourchette n’arrive pas avant l’époque moderne. Par contre, tout le monde a son couteau, un couteau à tout faire : bricoler, manger entre autres. On mange volontiers avec les doigts, on pousse avec le pain, on boit le jus directement à l'écuelle. Les verres ne sont en verre que pour les plus riches. Le peuple, lui, boit dans des gobelets en céramique ou en étain.

L'Évolution du Cassoulet : Un Exemple d'Écuelle de Porc

Essayer de retracer l'histoire de la naissance du cassoulet n'est pas une mince affaire lorsque l'on connaît les discours enflammés que cela provoque. Elle remonte à la période médiévale. On parle alors de ragoût, plat de viande en sauce qui mijote longuement auprès du feu.

Un grand ouvrage de cuisine marque le XIVème siècle : "le Viandier" écrit par Taille-vant, de son vrai nom Guillaume Tirel, cuisinier de plusieurs rois durant 60 ans. Les historiens de la cuisine pensent que Taillevant aurait pu s'inspirer d'un ouvrage arabe rédigé par Mohamed de Bagdad en 1226, qui révèle une cuisine extrêmement raffinée. Cet ouvrage fait appel à un déploiement d'épices, d'herbes, de légumineuses, et de viande de mouton.

Certains historiens pensent que l'origine du cassoulet est arabe. Ce serait eux qui, au VIIème siècle, auraient introduit dans le sud de la France, la culture d'une fève blanche et qui enseignèrent aux habitants du pays à apprêter cette légumineuse. Le ragoût de mouton à la fève blanche figure parmi les recettes du Traité de cuisine de Bagdad. Mais aucune archive ne mentionne cette tradition, qui fut relatée pour la première fois au début du XVIème siècle.

La légende raconte que, durant un siège de Castelnaudary par les anglais, les habitants, menacés de famine, mirent en commun tout ce qu'ils avaient pour nourrir les soldats de la ville. Lard, porcs, fèves, saucisses, viandes furent mis à mijoter dans une grande jatte. Cet épisode fait peut-être allusion à la mise à sac de la ville par le Prince Noir en 1355, qui ne fut pas un siège mais un incendie.

Le plat qui donna naissance au cassoulet est donc un ragoût. Le « Viandier » de Taillevant mentionne en effet, le « Hericot » qui vient du verbe « héricoter » en vieux français, qui signifie découper, hacher en petits morceaux. Le « héricot » était un ragoût de mouton, mis à mijoter avec des fèves, des navets et des herbes aromatiques comme le persil, l'hysope et la sauge. Ce plat, « plat du pauvre », était un repas complet, qui permettait d'accommoder les restes. Il évolua au fil du temps en fonction de ce que l'on y mettait.

Ce ragoût fut mis à cuire à la fin du XIVème siècle dans un plat à la forme particulière, la cassole, qui fut créée par les potiers d'Issel, petit village à 8 km au nord de Castelnaudary. En 1377, sous les auspices de Guillaume de Plane, seigneur d'Issel, Jean Gabalda, un italien, établit dans ce lieu un atelier de poterie. Les objets fabriqués alors étaient plutôt des pièces ménagères, des réchauds, des passoires, des marmites, des oules (pots à cuire destinés à bouillir devant le feu). La cassole, sorte de jatte à bords évasés, était donc connue dans le Lauragais depuis le XIVème siècle.

Le cassoulet, tel que nous le connaissons aujourd'hui, apparaît au début du XVIème siècle, car ce ne sont plus des fèves que l'on mettra à cuire, mais des haricots lingot. Le haricot lingot est une variété particulière, le Phaseolus arborigineus, qui a vu le jour dans une zone s'étendant du Mexique au Pérou et à la Colombie. Il s'agit d'une liane grimpante très vigoureuse donnant de petites graines noires.

Ramené par Christophe Colomb, ce haricot fut importé en France en 1530. En 1528, Pietro Valerio, chanoine italien reçut du pape Clément VII quelques haricots envoyés d'Amérique au titre de curiosité botanique. Le chanoine cultiva ces spécimens et découvrit leur utilité alimentaire et ses vertus aphrodisiaques ! Plus localement, Catherine de Médicis, devenue comtesse du Lauragais en 1553, joua vraisemblablement un rôle pour imposer la culture de cette nouvelle plante dans le Lauragais.

La graine blanche, peu à peu semée et cultivée, gagne l'ensemble du Sud-Ouest. qui recherchent authenticité, personnalité et qualité. Les lingots sont des haricots longs et blancs dont la culture allie tradition et modernité. Dans le terroir autour de Castelnaudary, à l'Ouest de la région Languedoc-Roussillon, les haricots sont produits suivant un cahier des charges très rigoureux. Il s'agit d'une production locale tracée, depuis le choix de la parcelle à ensemencer jusqu'à la production, le conditionnement et la commercialisation.

Les traditions culinaires évoluent considérablement jusqu'au XVIIème siècle, considéré comme le grand siècle de la cuisine française. En 1836, s'installe à Castelnaudary, la première fabrique industrielle de cassoulet.

Il semble donc sans conteste, que le cassoulet a été créé dans le Lauragais, même si nous l'avons vu, son origine est issue d'un ragoût rustique, qui au demeurant pouvait se faire n'importe où et qui trouva au fil des siècles des variantes comme celui de Carcassonne ou de Toulouse. Mais, Castelnaudary a su s'approprier la cassole, le haricot lingot et perfectionner au mieux la recette qui fut rendue officielle en 1909. La tradition chaurienne donna à ce plat sa saveur inégalée : la cuisson au four du boulanger, chauffé avec du bois de la Montagne Noire.

En 1929 Prosper Montagné célèbre chef cuisinier à Paris d'origine Carcassonnaise, reconnaît la suprématie du Cassoulet de Castelnaudary dans son ouvrage intitulé « Le Festin Occitan » : « Le cassoulet est le Dieu de la cuisine occitane.

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